PARAGRAPHES
DESCRIPTIF DE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE…………………………….. Page 6
DESCRPTIF DES TABLEAUX DE SOUTINE DE PAYSAGES…………………………….14
ORIGINE ET PARCOURS DE VIE DES DEUX ARTISTES………………………………..16
-SOUTINE………………………………………………………………………………………..16
-WILLEM DE KOONING………………………………………………………………… ….20
-SOUTINE-DE KOONING , Rapprochements et Eloignement…………………................…30
RAPPROCHEMENT DANS LA PERCEPTION DES TABLEAUX DE PAYSAGE…....... .40
LES DIVERGENCES QUI FINISSENT PAR ETRE DES RAPPROCHEMENTS……...…43
PERCEPTION DES DEUX ARTISTES…………………………………………… ……… 46
LE MONDE DE SOUTINE ,DE DE KOONING A TRAVERS LA PEINTURE……….....…50
PEINTURES FRUIT DU DOUTE, DE L’ANXIETE, DE LA DEPRESSION,…………...….56
DES ALLER ET RETOUR,DU PARADOXE
LE CHAOS DANS LES PEINTURES DE PAYSAGES, LE HASARD………………… …..63
LES MOUVEMENTS DANS LES TABLEAUX DE SOUTINE …………………… ……….68
ET LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
SOUTINE-DE KOONING, LES MAITRES DU PASSE……........................................… …71
DECOUVERTES DE SOUTINE-DE KOONING ET LEURS INFLUENCES………..… …78
SOUTINE-LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE-AUTOPORTRAITS…………….... …..85
AUTOFLAGELATIONS………………………………………………………………… ……90
MANIPULATION VIGOUREUSE DE LA PEINTURE SOUTINE ET DE KOONING………………………………………………………………………………..… …92
LES ACCIDENTS, LES TRANSFORMATIONS QUI ONT FAIT LA REPUTATION DES DEUX ARTISTES…………………………………………………………………………………… …93
LE DESSIN, LES SUJETS,LA PEINTUR , LES CONTOURS, LES MOTIFS………… ..94
SOUTINE-LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, PAYSAGES
NATURES MORTES, PORTRAITS……………………………………………………… 100
LES PAYSAGES DE SOUTINE, LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE………… ….. 101
LES PAYSAGES DE CERET,CAGNES ET LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE……………………………………………………………………………, …….109
LA SERIE CONTRE LES CYCLES………………………………………………………… 115
LE PAYSAGE, LE MOTIF, VISIONS INTERIEURES DESTABLEAUX,
PERSPECTIVES …………………………………………………………………………..….124
SOUTINE-LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ,LE MILIEU AQUEUX……… … 128
QUE DECRIVENT LES PAYSAGES DE SOUTINE…………………………………………
LEG WOMAN IN TH LANDSCAPE……………………………………………………… .131
FRAGMENTATION DES CORPS……………………………………………………… … 135
MASSES INEXTRICABLES, CONTOURS,ESPACE………………………………………138
LA LUMIERE DES PAYSAGES………………………………………………………… … .140
PLACE DU REGARDEUR ET DES CHOSERS DANS L’ESPACE DU TABLEAU… … .141
MANIERE DE PEINDRE ET COULEURS……………………………………… …………142
LA MATIERE , LES TACHES,LES METAMORPHOSES, LA VIE………………… … .162
LES PEINTURES GESTUELLES……………………………………………………… ….166
LES FORMES,LES FONDS, …………………………………………………………………..169
LA VISION DE PROFONDEUR, VERTICALITE HORIZONTALITE DES TABLEAUX173
LES APPLICATIONS DANS LES TABLEAUX…………………………………………… ..179
LES MONSTRES DANS LE PAYSAGE DE SOUTINE ET LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE……………………………………………………………………………… …177
LA VIE ET LA MORT…………………………………………………………………… … .182
TRANSFIGURATION, TRANSMUTATION…………………………………………… …..188
LA PEUR DU VIDE, MYSTICISME SPIRITUALITE……………… ……………… …..188
LE VERTIGE……………………………………………………………………………… … .193
LE GROTESQUE,L’ESTHETIQUE DU LAID CHEZ LES DEUX PEINTRES……… ….194
ENTRE ABSTRACTION ET FIGURATION………………………………………… … … ..198
SLIPING GILMPER ( Vision fugitive)………………………………………………… …. 202
ABSENCE VOLONTAIRE DE STYLE CHEZ DE KOONING ET SOUTINE……… ...205
DOUTE ABANDON,DESTRUCTION ,DECOMPOSITION……………………… … ….208
IMPORTANCE DES ACCESSOIRES CHEZ SOUTINE ET DE KOONING………… ……214
LA CHAIR……………………………………………………………………………………… …216
LE SANG……………………………………………………………………………………… ... 218
NATURES MORTES…………………………………………………………………………… ..220
ANIMAUX MORTS……………………………………………………………………… … … ..224
VOLAILLE………………………………………………………………………………………… 226
BŒUFS ECORCHES………………………………………………………………………… .. 228
LES POISSONS………………………………………………………………………………… …231
« WOMAN »…………………………………………………………………………………………..235
FIGURES PORTRAITS………………………………………………………………………… ….244
LES PERSONNAGES………………………………………………………………………… …256
LES FEMMES…………………………………………………………………………………… .. 258
EMILIE KILGORE……………………………………………………………………………… ..264
STATUES………………………………………………………………………………………………270
QUELQUES COMPARATIFS SOUTINE ,DE KOONING, LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE………………………………………………………………………… …270 _280_
CONCLUSION… ………………………………………………………………………………..285
Vous avez peut-être eu la chance de voir une des deux expositions qui ont eu un grand très grand succès. Celle de PARIS qui s’est terminé le 10 JANVIER 2022 qui a suivi celle des ETATS UNIS de la FONDATION BARNES et qui fait le rapprochement entre deux peintres MAJEURS de l’expressionisme dit abstrait CHAIM SOUTINE et WILLEM DE KOONING. Ces deux expositions sont accompagnées de plusieurs catalogues d’exposition non moins intéressants signées de grands spécialistes des deux peintres en premiers lieux les commissaires Claire BERNARDI, Simonetta FRAQUELLI mais aussi la plus grande spécialiste actuellement au monde de WILLEM DE KOONING Judith ZILCZER et des universitaires, conservateurs et spécialistes comme Pierre WAT, Sylvie PATRY, LILLI DAVENAS . Il y a eu aussi de nombreux articles de spécialistes des deux peintres dans des revues d’art qui ont fait des comptes rendus de ces expositions et qui se sont félicités de son intérêt et son importance . Expositions qui feront dates pour ces deux peintres qui font parties de l’histoire de l’art du XXème siècle pour leurs « avant-garde ».
Cette étude est le 3eme volet d’un triptyque qui précise et affine l’étude que j’avais réalisée précédemment et que vous trouverez sur mon BLOG dans la rubrique « archive », « résumé étude du 1er septembre 2021 » et « étude complète » à la date du 5 septembre 2021
BLOG : etudespeinturesinedites.blogspot.com
Cette nouvelle et dernière étude ne m’a fait que me conforter dans l’idée que ce tableau devrait être de Willem DE KOONING
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Ce comparatif entre le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »et les tableaux de SOUTINE vient donc en conclusion donc des autres études de ce blog sur le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
.
J’ai donc réalisé un comparatif entre Chaim SOUTINE ET Willem DE KOONING à travers des tableaux de SOUTINE notamment ses tableaux de CERET, ses natures mortes ( Bœufs écorchés, cadavres d’animaux), portraits et le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en considérant comme je l’ai dit au préambule dans mon étude détaillée que ce tableau serait de WILLEM DE KOONING.
Comme je l’ai déjà indiqué dans mes autres études situées dans mon BLOG depuis septembre 2021 , ce tableau est inédit et n’a pas pu encore être expertisé car je n’ai trouvé jusqu’à présent aucun expert qui est habilité à attribuer des tableaux de WILLEM DE KOONING depuis que la fille de WILLEM DE KOONING , LISA, est décédé en 2012 et que la fondation WILLEM DE KOONING refuse les expertises et les attributions de tous les tableaux qu’on lui présente. Alors je lance un appel, peut être que vous même ou dans votre entourage , connaissez vous des experts ou spécialistes qui seraient capables de donner un avis sur ce tableau je vous en serais très reconnaissant. Bien entendu certaines sociétés me propose de faire une étude de ce tableau par des procédés chimiques par l’étude des pigments ou d’expertiser ce tableau moyennant des sommes d’argent astronomiques qui ne sont pas dans mes moyens, je suis un retraité qui n’a pas de grands moyens financiers .
Je précise que ce tableau est à vendre que tous les experts que je connais de nom et que j’ai consulté pour un avis soit ne veulent pas se prononcer, soit m’ont donné un avis positif mais informel aucun m’a donné un avis négatif.
L’étude de ce tableau m’a demandé plusieurs années de recherche et d’études et au plus je m’avançais dans ces études au plus j’étais persuadé que ce tableau est bien de WILLEM DE KOONING. Vous trouverez sans doute des imperfections dans la construction de cette étude, des oublis, des redondances ..Je n’ai pas de dons particulier pour l’écriture, la recherche, l’histoire de l’art je ne suis pas issu du monde de l’art , je ne connais donc pas ce milieu très particulier, je suis retraité de l’industrie. Mes moyens de recherche sont dérisoires.. La qualité que je pense avoir dans l’étude de cette œuvre , c’est la ténacité( J’ai commencé cette étude il y a maintenant 8ans) et je pense que cette étude est déterminante pour son attribution à WILLEM DE KOONING . Que ça soit dans l’historique dans le style dans les matières utilisées dans les dessins si particuliers de DE KOONING, tout concorde a ce que cette œuvre soit de DE KOONING sans qu’il n’y ait rien de rédhibitoire ou d’incompatible de ce tableau dans l’œuvre de DE KOONING 5
Bien sûr dire que l’on possède un tableau de WILLEM DE KOONING , inédit cela peut paraitre suspect aux yeux des galeries , des musées vu la côte de ce peintre et je pense que tout le monde de l’art a encore en tête les affaires de faux tableaux des grands peintres expressionnistes dont WILLEM DE KOONING qui ont défrayé la chronique avec des affaires comme celle de la galerie KNOEDLER,de New york .Pour défendre ce tableau vous verrez qu’il n’est pas possible qu’un copieur, ou un faussaire aurait pu faire ce tableau tellement il colle à la peau de WILLEM DE KOONING et à son être intérieur le plus profond comme j’ai essayé de le prouver et qu’il n’est pas possible de le reproduire. Ce tableau c’est l’esprit même de WILLEM DE KOONING et l’expression de sa vie complexe de ses plaies qui suppurent , de ses contradictions, ses angoisses, ses joies toute la vie de DE KOONING est dans ce tableau et en cela sa vie est comparable à SOUTINE, d’où l’intérêt de cette exposition et l’intérêt pour moi de comparer ce tableau aux tableaux de SOUTINE qui est le meilleur soutient pour réaliser une expertise de ce tableau.
Comme vous pourrez le voir et le lire dans ce comparatif ,cette mise en parallèle de ces deux artistes est d’autant percutante , que ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est probablement un des tableaux qui aurait le plus de similitudes avec des tableaux de SOUTINE. La démonstration en sera faite dans les chapitres suivants.
Pour réaliser cette étude comparative je me suis bien entendu référé à l’exposition de l’ORANGERIE « La peinture incarnée » que j’ai visité , aux catalogues d’exposition de l’orangerie et de la fondation BARNES à travers les articles ainsi que tous les livres, écrivains , biographes dont la liste se trouve en fin d’étude
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DESCRIPTIF DE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
Tout d’abord on peut remarquer que dans de nombreux tableaux de DE KOONING tout au long de sa carrière , peuvent être extrait des fragments de corps humain que ce soit des jambes , des bras, des visages , des chaussures à hauts talons et donc difficile de se représenter le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » si d’une part on ne connait pas les fragments des corps des « WOMAN », l’endroit où le peintre habitait , c’est-à-dire dans un environnement de l’océan Atlantique et des Marais de LONG ISLAND et d’autre part sa vie avant 1970 et depuis qu’il venait de rencontrer sa nouvelle muse Emilie KILGORE
Voici un rapide descriptif du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » qui sera détaillé tout au long de cette étude.
Ce tableau semble avoir été créé en 1971 à la même période que des tableaux de DE KOONING comme « RED MAN WITH MOUSTACHE » « FLOWERS MARY’S TABLE » Cette année 1971 et jusqu’à 1973 sont des années où il a peint peu de tableaux , son énergie étant plutôt tournée vers la sculpture.
Contrairement aux tableaux qu’il a fait ou qu’il fera de « non environnement », sans thème, sans focalisation spécifique, sans schéma ( sans extérieur ni intérieur) bref sans thème universel, sans unité, les tableaux de cette période ont pour origine une image figurative , ce sont des personnages haut en couleur pour « RED MAN WITH MOUSTACHE » , « LA GUARDIA IN A PAPER HAT , 1972 « MAN ACCABONAC » 1971 , ou une table entourée de fleurs pour « FLOWERS MARY’s TABLE » 1971 et ensuite complétés sans préparations préalables, il imagine ses tableaux par la peinture seule sans contours , sans dessins, mais avec des jeux de couleurs et de formes plus ou moins explicites
« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Ce tableau avec une forme centrale de haut en bas en hauteur et qui fait le tiers du tableau en surface , peut être qualifiée de biomorphique , forme qui a une signification déterminée(jambe de WOMAN1 étude1) mais qui a été transformée en être vivant humain (autoportrait de DE KOONING)
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Cette forme est partie d’un calque de la jambe droite de WOMAN1 ( étape1) qui s’étale de haut en bas du tableau. WOMAN 1 (étape ) 1 dont il ne reste plus que des photos prises par deux photographes, RUDY BURKKARDT et WALTER AUERBACH . Ce calque a été retourné sur la toile pour ne laisser que des traces du charbon de bois qui a servi de contour dans le tableau. Cette forme de la jambe droite de WOMAN 1 (étape1) a été placée au centre du tableau et a été recouverte de peinture rouge -orange- jaune -rose pour former une forme biomorphique, écorchée, ensanglantée, animale dotée d’ yeux d’un bec et d’un corps sans membres de poisson .Des taches de couleurs noires sont venues s’appliquer sur les bord gauches pénétrant à l’intérieur de la forme biomorphique. L’équilibre étant rompu, le peintre a élargi le coté droit laissant apparaitre le charbon de bois qui limitait ce coté de la forme. Il y a donc eu redimensionnement de la forme déportée vers la droite tout en gardant les mêmes proportions et le même équilibre
Il a déplacé, poussé et arrangé les choses conformément à la manière dont il se sentait à leur sujet. Tout en semblant chaotique rien n’est laissé au hasard.
En bas du tableau des formes de peinture jaune orangées s’enroulent autour des pieds de la forme biomorphiques, d’autres glissent et remplissent de vert les bords droits incurvées de la forme biomorphique. Le reste du tableau semble doté de coups de pinceau qui donnent des mouvements à gauche qui se concentrent en direction de la forme biomorphique et à droite un mouvement de flux et de reflux.
La totalité de la surface en dehors de la forme biomorphique est recouverte par ces mouvements de coups de pinceaux serpentins, ondulés, qui se chevauchent, se superposent. Cette surface, paysage de marais et mer est fait de rides, de boursoufflures, de cisaillement de pliures, de flou qui donnent de la vie au tableau mais dans un aspect sombre, ténébreux de panique . Nous y trouvons disséminées dans cette surface des têtes fantomatiques d’homme, de « WOMAN », d’animaux ressemblants à des monstres. L’épaisseur des peintures varient fortement d’un côté ou d’un autre, cela va de la toile brute du tableau dont il ne reste que quelques points noirs dont la peinture a été grattée, jusqu’aux surépaisseurs rugueuses.
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Si au premier regard ce tableau semble quelque peu abstrait, en y regardant de plus près avec ce que nous connaissons des peintures de DE KOONING , de son environnement géographique en 1971, de ses anxiétés, de ses addictions , de ses terreurs et de la venue d’une nouvelle muse dans sa vie, nous verrons que ce tableau est d’un richesse picturale incroyable et qu’il grouille de vie mais aussi de terreur et de mort et l’on peut tout à fait le comparer aux tableaux à la fois des paysages de CERET et CAGNES, des animaux morts et écorchés et des portraits de SOUTINE.
Dans ce tableau, le monde visible, réaliste des marais, de la mer côtoie le monde imaginaire des cauchemars de Willem De KOONING.
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE le peintre décrypte le monde magique de l’inconscient mais ne se contente pas de cela car il sait que « l’inconscient est une réponse au vécu conscient aussi il ne veut pas aliéner son monde intérieur dans l’image mais vise à tenir ouvert le tableau comme lieu de rencontre de la réalité extérieure avec le monde intérieur de son moi » (jorn MERKETT).
Avec « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », d’un côté il remet en question des conceptions plastiques traditionnelles à la façon des surréalistes comme par exemple le poète DESNOS et ses poèmes sur les rêves mis en tableau par certaines peintres surréalistes comme ERNST, DE CHIRICO et de l’autre il cherche à conserver cette compréhension traditionnelle de la peinture sans recourir à des moyens d’expression inconnus, incontrôlés et donc chaotiques et contingent, comme l’écriture automatique des surréalistes mais de recourir comme dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » à des formes déjà connue dans sa réserve ( forme biomorphique prise du calque de la jambe de WOMAN 1) et développé dans le processus de découverte de la forme qui se libère d’elle ( jambe transformée en forme biomorphique).
Ce tableau qui symbolise des cauchemars qu’il a subi, reflète des émotions, des terreurs, des agressions, des addictions ressenties dans sa vie de tous les jours . Ces cauchemars peuvent se rapprocher de certains paysages de SOUTINE ou la présence d’un personnage errant dans le paysage est suivi par une ombre noire qui ressemble plus à un démon qu’à sa propre ombre.
De même on pourrait retranscrire dans ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme biomorphique rouge attaquée par des monstres démoniaques qui ne sont rien d’autres dans ses rêves que ses démons intérieurs que sont sa dépendance à l’alcool, ses doutes, ses peurs dans la vie et dont il n’arrive pas à se défaire .
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Chez DE KOONING le tournant a été la rétrospective MOMA de 1950 et l’exposition de 1952 chez BARNES qui ont coïncidé avec le tournant créatif crucial pour DE KOONING de travailler simultanément l’abstraction et la figuration expressive. Il avait cherché et trouvé grâce à SOUTINE des solutions aux problèmes de la peinture moderne de son époque.
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique au centre du tableau est abstraite, elle ne correspond pas au réel tandis que l’arrière-plan est sur un fond figuratif de marais et mer qui sont l’environnement de DE KOONING à LONG ISLAND qu’il apprécie particulièrement
Ce tableau en partie figuratif et en partie abstrait veut exprimer la terreur du peintre qu’il subit dans ses cauchemars mais un évènement heureux fait que ce tableau reste inachevé, il fera un dessin au dos du tableau qui justifie cet arrêt subit, nous verrons la raison dans la suite de l’étude
Pour DE KOONING ce qui est important en définitive dans un tableau pour capter l’attention du regardeur, c’est d’abord comme a bien décrit et montré MATISSE dans ses tableaux , de passer d’une étude poussée cérébrale à une synthèse simplifiée au maximum pour laisser juste ressortir l’esprit du peintre et il ne faut jamais que l’intelligence se voit . Ce qui doit se voir c’est l’intuition, la flamme et dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , cette flamme rouge ( à la manière de SOUTINE) c’est cette forme biomorphique qui retient d’abord l’attention et tout le reste en découle par intuition
Ce tableau daterait de 1971 il avait alors près de 70 ans . A cet âge il était encore en train d’inventer de nouvelles façons de mélanger la peinture , nouvelles façons de l’amener à sa volonté, nouvelles façons d’accommoder les poussées de la psyché » ( STEVENS,SWAN). Il est donc tout à fait dans cette lignée avec des mélanges de peinture qu’il expérimente ( peinture huile+ huile de carthame+ eau+ essence de térébenthine+ acrylique etc) pour donner des mouvements aux surfaces aqueuses, des effets de rides sur les surfaces monstrueuses ,des prédateurs sortant de l’eau, des effets de flou imprévus, un visage fantomatique à la GIACOMETTI , un autre de « WOMAN » des années 50, une chaussure haut talon obtenue par grattage, une certaine fluidité de la peinture etc .C’est le « punctum iconique » d’une survivance figurative, d’un conditionnement archaïque à l’intérieur d’une peinture qui avale le tout au point de nous faire tomber dans l’abstraction (JUAN PORRERO)
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Ce tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE annonce les tableaux du milieu des années 70, forts de touches courtes, lumineuses aux couleurs chatoyantes qui gagneront en textures et en épaisseur ( ce qui n’est pas encore tout à fait le cas dans ce tableau avec encore beaucoup de fluidité) , il n’y a plus de dessins, plus de contours distincts, plus de lignes précises, c’est uniquement les couleurs qui font les tableaux. Il y a dans ces années seventies, une forte ressemblance de famille entre eux , bien que la palette était différente de peinture en peinture comme était différent le « fitting in » et les coups de pinceaux lâches ou comprimés, elles contenaient toutes des idées empruntées à d’autres tableaux, ( STEVENS,SWAN)
Dans le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » les emprunts sont nombreux ,emprunt à la jambe droite de « WOMAN1 » ( étape 1) au visage terrifiant de « WOMAN AND BYCYCLE » à la tête bec en pointe de « Judment day » à l’animal qui encercle le personnage de « RED MAN WITH MOUSTACHE » aux chaussures à hauts talons de « TWO WOMEN IN THE COUNTRY » aux monstres aquatiques de « EAST HAMPTON XXII » aux tableaux ridés de TWO FIGURES IN A LANDSCAPE » de 1967 à l’image terrifiante de « UNTITLED 1970 » aux teintes roses de « PINK ANGELS »au dos du tableau ainsi qu’au dos du tableau également le visage de MARYLIN MONROE de 1954 , et les nombreux dessins untitled de 1964 à 1970, la couleur marron du foie de veau de « MONTAUK HIGHWAY », la sculpture N°10 de 1969 , les craquelures de « WAVES » , les marais de « MARSHE LANDSCAPE » et beaucoup d’autre choses encore qui sont évoqués dans l’étude
Les perspectives, les espaces, les profondeurs, tout cela a disparu pour ne laisser places qu’à des couleurs entrelacées et qui se superposent
Mais le tableau a toujours des relents de peintures de Fin des années 50 et des années 60 par de vastes étendues de couleurs qui grâce à une dynamique des contrastes ( couleurs chaudes au premier plan et froides en arrière-plan), évoquent le proche et le lointain.
La tension visuelle provoquée par la couleur est accentuée par l’arrivée du rouge, orange, jaune au premier plan qui définit la forme biomorphique. Les peintures chaudes du premier plan sont si proches qu’on a l’impression que cette forme cherche à sortir du tableau mais elle est empêché par les formes des peintures du fond aux teintes froides de noir, marron, gris,vert foncé et aussi en bas avec des couleurs plus chaudes de rouge-orangée qui semblent vouloir retenir la forme biomorphique et l’empêcher de s’évader en s’interférant dans le premier plan et qui efface tout effet de profondeur .
Par rapport aux tableaux des années 50 comme ceux des « WOMAN » la peinture de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE devient plus fluide et sa gestuelle plus souple. On commence à voir des reflets de l’eau suggérées depuis que le peintre s’est installé au bord de la mer dans LONG ISLAND. Les peintures comme celles du tableau étudié sont beaucoup plus diluées en utilisant de l’huile de Carthame, de l’essence de térébenthine, et de l’eau. Les couches successives se mélangent, s’effacent mutuellement, les teintes s’interpénètrent et partagent leurs luminosités au premier plan ( peintures chaudes) et leur aspect sombre dans le fond du tableau ( peintures froides). Dans cet aspect ténébreux du fond, le peintre a gratté la peinture pour laisser passer des puits de lumière et faire paraître malgré tout plus clair ce fond
Dans leur champ respectif de peintures chaudes et froides, les peintures ne se détachent pas vraiment les unes des autres ce qui donne pour effet quand on s’éloigne du tableau de ne plus voir que deux nuances de couleurs, le rouge et le noir.
Au plus on se rapproche au plus les nuances se découvrent au plus tous les fragments apparaissent et donnent vie au tableau dans des mouvements en tous sens et une vie foisonnante.
Avec du recul on peut avoir l’impression qu’une flamme rouge traverse de bas en haut le tableau dans toute sa longueur et consume le tableau à l’exemple des toiles brulées de MIRO
C’est là qu’on s’aperçoit que l’artiste atteint un haut degré de virtuosité technique.
Ce n’était pas la première fois avec WOMAN que DE KOONING utilisait des fragments de corps avec des jambes ou des bras qui sont interchangeables pour les placer dans ses toiles . On en trouve avant la période WOMAN1 et après WOMAN1 beaucoup plus nombreux
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Le cas de « EXCAVATION » de 1950 est intéressant à ce sujet. Il représente une période de transition entre l’expressionnisme abstrait et la série des « WOMAN » figuratives qui vont venir juste après
WILLIAM F BIRDSALL dans une étude sur DE KOONING fait les remarques suivantes sur le tableau « EXCAVATION » un des chefs d’œuvre de DE KOONING réalisé en 1950 ,Il signale que Eric R KENDAL au terme d’une étude de la science du cerveau et de l’expressionnisme abstrait a vu dans « EXCAVATION » la présence des femmes figuratives qui se profilaient à l’horizon . C’est essentiellement plat avec peu de perspectives mais connaissant DE KOONING et sa fascination pour les formes féminines , notre imagination n’a pas besoin de errer loin sur cette toile pour rencontrer des formes arrondies qui selon son humeur ou sa disposition rappelle un homme ou une femme ou un couple avec une autre personne
Selon WILLIAM F BIRDSALL en bas au centre du tableau il y a une porte et DEKOONING est passé à travers la porte vers l’avenir emportant avec lui son doute et son anxiété et est retourné à la peinture figurative dont les figures seront les « WOMAN » dans une imagerie stimulante jamais crée auparavant par aucun artiste
D’autre part en y regardant de près il y a déjà des fragments prémonitoires qui annoncent ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de 1971, présents dans EXCAVATION de 1950 . D’abord au centre du tableau une forme rouge avec 2 yeux et un bec font penser à cette forme biomorphique de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » une autre vue de profil et une autre réplique dans un losange à droite de la porte évoquée par WILLEM F BIRDSALL avec au-dessus un toit de maison

On peut faire l’analogie avec « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » En effet de la même manière que DE KOONING s’échappe du tableau d’expressionnisme abstrait EXCAVATION par une porte dans le tableau pour aller vers des tableaux figuratifs avec les « WOMAN » qui viendront par la suite ,dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le peintre s’échappe du tableau en ne le finissant pas pour aller vers le dos du tableau ou il dessine et écrit un hymne à l’amour pour sa nouvelle muse qui annonce des tableaux pleins de joie et de lumière ( FLOWER’S MARY’S TABLE ). Il a commencé son tableau avec un certain état d’esprit en corrélation avec ses cauchemars dans lesquels il se bat avec des monstres ( STEVENS-SWAN) que sont ses démons intérieur mais il vient de rencontrer sa nouvelle muse EMILIE KILGORE qui change son état d’esprit et il ne se sent plus du tout dans le tableau et le quitte avant de le terminer ( grattage et essuyage de peinture laissé en l’état dans le haut du tableau à droite). Comme dans « EXCAVATION » qui fait le tampon entre abstraction et figuration, « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » c’est un tampon entre les peintures des années 60 des « WOMAN » ,qui suivent celles des années 50 , aux teintes couleurs de bord de mer brumeux de l’atlantique aux teintes plus luxuriantes de rouge incandescent , d’orange , jaune , vert chaudes qui vont aboutir progressivement aux peintures d’après 1975 toujours plus lumineuses, plus abstraites faites de coups de peintures dans des mouvements brefs et vifs ou la mer , les marais en mouvements sont toujours présents à l’exemple de « THE North ATLANTIC LIGHT » de 1977 ou « WHOSE NAME WAS WRITE IN WATER de 1975 » ou bien encore « MARSH LANDSCAPE »
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DESCRIPTIF DES TABLEAUX DE SOUTINE DE PAYSAGES
Jamais SOUTINE inclura comme CHAGALL des imageries juives identifiables mais parfois des imageries chrétiennes ( ENFANT DE CHOEUR). Cela est peut être du à son intérêt pour COURBET ( Enterrement d’ORNANS)
Au sortir de la guerre de 14-18 , sa peinture se détermine plutôt par rapport aux impressionnistes et leurs prédécesseurs qu’aux avants garde apparus au milieu de la décennie précédente mais ce leg impressionniste ou les peintures claires jouent les premiers rôles seront remplacées par des peintures expressives de rouges vermillon, de verts morbides qu’il fera sienne jusqu’à la fin de sa vie . Alliant dans ses paysages le visuel et le ressenti, ils trouvent très vite leur originalité à travers la déformation des maison anthropomorphes «PAYSAGE AVEC MAISON BLANCHE » , des tremblements de terre, des précipices au bord des villages , des chemins qui montent sans issues « LA ROUTE MONTANTE » de1921 , des villages qui font bloc comme saucissonné tel « LES COLLINES DE CERET » de 1921 ou qui s’élève dans le ciel « LE VILLAGE » de 1923.
Dans ses paysages, il peint sur le motif mais reste avant tout intéressé par la reconstruction du motif pour réécrire en acte sa reconstitution et par l’expérience de la peinture en train de se faire par la perception vécue des phénomènes
Les paysages de SOUTINE engendrent un sentiment d’étrangeté du au bouleversement de la nature que le peintre nous donne à voir en renonçant à un point de vue unique. Les paysages de SOUTINE ne semblent pas habitables car ils sont en train de bouger et de brûler sous nos yeux. Les grandeurs des corps physiques, des paysages perçus par le regardeur ne sont pas seulement l’indice ou le signe de leur éloignement spatial par rapport à notre corps mais une manière d’exprimer notre vision de la profondeur. Dans le cas des « MAISONS DANS LE PAYSAGE, » leurs grandeurs sont perçues comme la perception de celles-ci par le peintre.. Dans « PAYSAGE AVEC LA RUE MONTANTE », les maisons semblent se trouver sur une colline mais elles ont des dimensions qu’elles pourraient avoir si elles étaient au premier plan. Ce trait poussé est poussé à l’extrême dans « LA ROUTE DE CAGNES » en 1923 qui atteint une dimension onirique à cause de cette disproportion .
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On retrouve la même chose dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », la forme biomorphique disproportionnée prend toute la place dans le paysage marécageux et maritime en dehors de toute profondeur et perspective.
Les tableaux de SOUTINE sont toujours intensément texturés. Une matière épaisse aux touches mouvementées d’une consistance inégale les recouvre. Il n’est pas d’exemple sans puissante épaisseur de peinture ou alternance d’opacité et de glacis . Il pouvait emplir une forme, infléchir son contenu , lui donner chaleur et vie qu’avec la peinture elle-même avec cette manière qu’il torturait en mélangeant finement les pâtes qu’il déversait à plein tube.
De même dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » les consistances des matières sont inégales cela va de puissante épaisseur en bas à gauche avec le portrait inspirant de la terreur d’une « WOMAN » et dans les parties ridées à des couches très fluides au niveau de la forme biomorphique et au niveau de la tête de cette forme pour marquer sa fragilité et du fond pour représenter la fluidité de l’eau en mouvement le reste alterne avec des peintures mouvementées à consistances épaisses et inégales comme les tableaux de SOUTINE afin de représenter la force, la brutalité des formes monstrueuses à la quête de dévorer cette frêle forme biomorphique
Pour donner encore plus de fluidité, le peintre rajoute dans ses peintures à l’huile, de l’eau, de l’essence de térébenthine, de l’huile de Carthame, de la peinture acrylique
Contrairement à DE KOONING ,l’œuvre complète de SOUTINE comporte peu de dessins , de gouaches et d’aquarelles et encore moins de peintures sur papier. Il importe beaucoup pour SOUTINE de matérialiser son sujet avec le maximum d’intensité, comme si l’acte de peindre était lié à une manifestation générique associant l’apparition frontale de la forme et le maniement d’une matière picturale comparable à de la chair ou de la glèbe. (xavier GIRARD)
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ORIGINE ET PARCOURS DE VIE DES DEUX ARTISTES
SOUTINE ET DE KOONING
Une analyse attentive de leurs œuvres respectives révéle de nombreuses correspondances dans leur démarche créative . Bien qu’ils ne se soient jamais rencontrés, les deux peintres ont , dans leur jeunesse partagé un même désir de quitter leur pays natal pour mener une carrière artistique dans un nouvel environnement
1-A SOUTINE
Si on devait définir SOUTINE en quelques mots, je pense qu’on pourrait dire que c’est le peintre de l’humanité souffrante
Soutine est né à SMILOVITCHI, en 1893 bourgade dans l’actuelle BIORUSSIE à quelques kilomètres de MINSK. Il passe une enfance dans la pauvreté et dans un pays soumis au régime politique défavorable à sa communauté juive . Sa famille n’est pas non plus une source de satisfaction et d’éducation pour le jeune SOUTINE, Il quitte sa ville et ses parents pour vivre à MINSK en 1907 et VILMIUS en 1910 puis immigre à PARIS, capitale de l’art mondiale à cette époque . Ses compatriotes KIKOINE et KREMERGUE le suivent à PARIS. Il déménage plusieurs fois dont un séjour à la RUCHE, résidence d’artistes dont plusieurs feront partie de l’école de PARIS. Il va se prendre d’amitié notamment comme compagnon de beuverie pour MODIGLIANI . Ils vivront dans la pauvreté. SOUTINE vit à PARIS, il détruira beaucoup de toiles qui ont été notées défavorablement par les critiques d’art. Sa situation va lentement s’améliorer avec son marchand ZBOROWSKI jusqu’à ce qu’un riche collectionneur BARNES de Philadelphie lors de sa venue à PARIS en 1923 ,achète une centaine d’œuvres de SOUTINE pour sa fondation . Celui-ci fait basculer le destin de SOUTINE qui du jour au lendemain devient un héros et n’a plus de souci d’argent . S’il s’habille désormais en DANDY avec une grande collection de chapeaux, il circule en voiture avec chauffeur mais il gardera la même vie de miséreux dont il n’arrive pas à se détacher restant toujours timide et inquiet. Ses rapports avec les femmes resteront toujours difficiles. Après la mort de ZBOROWSKI en 1932 , il sera logé par un couple de mécènes ,les époux CASTAING A partir de la 2eme guerre Mondiale il devra se cacher pour survivre étant juif et recherché par la gestapo et la police Française, Il mourra dans sa cavale par manque de soin en 1942
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Son état de santé s’est trouvé très tôt dans sa vie défaillante. Il subissait des douleurs extrêmes en raison d’un ulcère à l’estomac jamais soigné qui a fini par l’emporter en 1942 . Il est venu s’ajouter là-dessus des addictions à l’alcool qui n’a pas arrangé sa santé. Dans ses sorties de beuveries il était souvent accompagné de MODIGLIANI , compagnon d’infortune quand il a connu MODIGLIANI à son arrivée à PARIS à partir des années 1911
En ce qui concerne sa notoriété de son vivant , il lui a fallu attendre le docteur BARNES pour que sa peinture soit reconnue en 1923 mais il n’était pas populaire et pendant la 2eme guerre mondiale persécuté et caché en tant que juif et en proie à des douleurs atroces provoquées par un ulcère à l’estomac . C’est un artiste qui a vécu globalement dans la souffrance et la persécution
Pour le commun des mortels dans sa peinture il y avait quelque chose de grotesque, de grossier dans ses figures tordues. C’est justement ce qui a plu à DE KOONING qui savourait la maladresse juste apparente de SOUTINE et cette grossièreté des peintures flamandes qu’il appréciait et qui est essentiels dans les tableaux « WOMAN « de DE KOONING ». Soutine a donné à DE KOONING la force de faire de l’art qui déçoit le gout et qui se tenait à l’écart de la mode du temps.
Sa fascination pour le grotesque, il le retrouve chez SOUTINE. Pour DE KOONING le grotesque commence de la MESOPOTAMIE jusqu’à nos jours dans la tradition occidentale mais il aime se projeter dans la renaissance pour la vulgarité et la dimension charnue qu’on retrouve en particulier dans ses « WOMAN « des années 50 et la chair est aussi un aspect important des tableaux de SOUTINE que DE KOONING a trouvé particulièrement intéressant
L’intérêt pour SOUTINE aux Etats UNIS est qu’il est arrivé en même temps que le mouvement de l’expressionisme abstrait Américain et la tendance à juger SOUTINE à la lumière de la peinture américaine et malgré tout SOUTINE ET DE KOONING se disaient ne pas être adepte de l’expressionnisme abstrait
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Ceux qui l’ont connu ont remarqué son caractère antipathique et son coté suicidaire. Il tentait inconsciemment de provoquer l’irritation et le rejet et y répondait par la haine et s’enfermait dans le désespoir. En tout cas il a tout fait pour ne pas être aimé et en souffrir » comme une bête » , c’est tout lui
Il a même fini par être désavoué par ses généreux Mécènes les époux CASTAING mais cela était peut être la conséquence de la réalité quotidienne qui entrave SOUTINE, souffrance physique en proie à des douleurs atroces provoquée par un ulcère à l’estomac , persécution, caché en tant que fugitif, errance d’un lieu à l’autre et cependant une libération se dessine dans son œuvre. C’est un artiste qui a vécu globalement dans la souffrance et la persécution, on le voit dans son art, c’est quelque chose qui a beaucoup compté dans sa perception.
Soutine il est vrai s’est peu préoccupé d’écrire sur lui et sur son art qui aurait permis aux historiens de s’en faire une idée juste et non caricaturale comme c’est souvent le cas par manque de connaissance du personnage. Son silence a donné libre court à tous les malentendus.
DE SOUTINE il en ressort en priorité son œuvre de crucifié et de profanateur, des portraits et bœufs écorchés, des chairs en décomposition, des couleurs qui disent les tumultes de la vie et les acharnements de la mort .
SOUTINE qui avait tant d’admiration pour REMBRANDT était célébré pour ses bœufs écorchés comme REMBRANDT
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A la fin de sa vie, tout dans la réalité entrave sa vie dans des souffrances physiques. La persécution de son état juif pendant la guerre, l’errance d’un lieu à l’autre pour échapper aux allemands et cependant ses peintures deviennent plus douces notamment il peint des mères tenant leurs enfants dans des prairies vertes en fleurs dans des paysages ensoleillés et bucoliques ou enfants jouant dans les champs et non des paysages apocalyptiques comme précédemment. Il sent peut être que sa fin et proche et il est presque soulagé
2- Willem DE KOONING
Quand on regarde la vie de SOUTINE et la vie de DE KOONING on y trouve beaucoup de similitude comme dans sa peinture or au début DE KOONING était plutôt penché sur PICASSO, le basculement se fera surtout à partir des années 50 et surtout à partir des années 70 avec SOUTINE , le traitement décomplexé de la matière de la peinture avait permis à DE KOONING de débrider son travail. Le regard sur la peinture de SOUTINE, son individualité autant que sa vision picturale qui avaient gagné l’admiration sans fins de BILL ( WILLEM DE KOONING) lui a permis de résoudre certaines tendances qu’il voulait donner à sa peinture
Il est né en HOLLANDE en 1904, près de 10 ans après SOUTINE, à ROTTERDAM. Il passe une enfance difficile comme SOUTINE avec une mère très autoritaire, violente qui parfois même le battait. Il a subi le divorce de ces parents quand il avait 2 ans, tiraillé entre son père qui d’abord en a la garde puis repris par sa mère qui tenait un bar dans le quartier du port de ROTTERDAM. Il est resté sans contact pendant très longtemps avec sa mère. Il se sont vus seulement 2 fois depuis qu’il était aux ETAT UNIS, il blâmait souvent sa mère, il ne lui avait jamais pardonné ce qu’il avait subi dans son enfance. Ses conflits avec sa mère ont marqué ses relations avec les femmes de sa vie en une aversion intense pour les engagements
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Après une formation et un enchainement de divers travaux comme peintre et décorateur en Hollande et en Belgique, il décide de quitter la Hollande en embarquant clandestinement dans un bateau en partance pour NEW YORK avec un ami Leo COHAN en 1926, il a alors 24 ans . Dans son souhait de partir aux Etats -UNIS, il n’avait pas en vue de devenir un artiste peintre malgré son admiration pour les peintres anciens comme RUBENS, REMBRANDT et modernes comme PICASSO, VANGOGH , d’ailleurs à cette époque les peintres ne venaient pas à NEW YORK pour faire carrière dans la peinture , c’était PARIS qui avait le vent en poupe. Après quelques temps à NEW PORT puis à BOSTON il rejoint NEW YORK où il vit de petits boulots. C’est en fréquentant le quartier des artistes et les cafés de GRENWICH VILLAGE qu’il rencontre des artistes comme JOHN GRAHAM, Start DAVIS, David SMITH et surtout Arschil GORKY qu’il décide de se consacrer entièrement à la peinture. Il rencontre un marchand influent SIDNEY JANIS qui se chargera de vendre ses peintures. C’est pendant cette période qu’il découvre les peintures de SOUTINE qui le fascinent. On le classe dans le groupe des expressionnistes abstraits de l’école de NEW YORK classement qui ne lui convient pas vraiment. En 1956 à la mort de POLLOCK on cherche même à le positionner comme leader des expressionnistes abstraits. En cela tout les deux se ressemblent, ils ne veulent pas être enfermés dans un groupe, une école, il veulent garder leur indépendance.
SOUTINE lui ne veut pas se trouver dans la case de l’école de PARIS de même Willem de KOOONING ne se retrouve pas dans les expressionnistes abstraits. Il passe de l’abstrait au figuratif et vice et versa et parfois les deux dans la même peinture .
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Malgré tout, l’un et l’autre ont accepté vis-à-vis de l’extérieur d’être catalogué comme expressionniste par dépit. De KOONING avait dit : « On fait partie d’un groupe ou d’un mouvement parce que on ne peut pas faire autrement.
Ce n’est qu’au début des années 50 que l’œuvre de SOUTINE a été révélée au monde de l’art et que WILLEM DE KONNING a découvert toute sa portée. Cette deuxième découverte s’est produite en 2 temps.
- Rétrospective SOUTINE au MOMA de New York en 1950
- Visite à la fondation BARNES à MERION de la collection SOUTINE en 1952 qui fut la révélation pour DE KOONING dont il disait «
Après ces deux visites ,De KOONING était à la fois exalté et troublé par l’intensité des tableaux de SOUTINE. Il ressentait une filiation entre SOUTINE et lui. Il retrouvait dans les paysages de CERET et CAGNES, la mobilité, la nervosité de ses propres coups de pinceau, l’arbitraire du geste qui donne à la touche picturale toute son autonomie. A ses yeux, les œuvres de SOUTINE sont le miroir de ses aspirations et des obsessions qui caractérisent alors ses recherches plastiques( Jérome BUISSON). Ils ont en commun le traitement de leurs tableaux sur le motif pour SOUTINE , figuratif et imaginaire pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » « qu’ils ne peuvent s’empêcher de porter dans le traitement qu’ils lui resservent , à son point de dissolution « « jérome BUISSON »
L’impact de la visite à MERION a été immédiate et durable sur les tableaux de « WOMAN » qu’il avait en chantier ,en ceci que la distinction conventionnelle entre premier plan et fond disparait des surfaces activées d’une peinture dominée par la surface très distinctive d’une figure féminine massive .
De même pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » fait 20 ans plus tard , la Forme biomorphique qui domine le tableau fait corps avec le fond , il n’y a pas d’espaces , de perspectives , d’équilibre , tout est imbriqué, seules les couleurs permettent de faire la distinction avec couleurs chaudes au premier plan ( rouge , orange, jaune, rose au premier plan) et couleurs froides sur le fond( noir, marron, gris, vert),
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L’intérêt pour SOUTINE aux ETATS UNIS est qu’il est arrivé en même temps que le mouvement expressionniste abstrait Américain et la tendance à juger SOUTINE à la lumière américaine malgré que l’un et l’autre ne veulent pas se ranger dans les cases où on les range
En 1963, De KOONING déménage dans les LONG ISLAND , avec ses vastes étendues d’eau réfléchissant la lumière , des rives sablonneuses où il s’est fait construire un atelier à SPRING , un petit hameau de EAST HAMPTON. Il y retrouve les mêmes paysages et la même luminosité du bord de mer Hollandais de son enfance. Il travaille à l’écart des peintres de son obédience, loin de NEW YORK et des expressionnistes abstraits de l’école de NEW YORK
Sa peinture devient plus fluide et plus lumineuse. Il retrouve la figuration après les années de 1957 -1960 où ses peintures penchaient plutôt vers l’abstraction des paysages. De son enfance aussi il essaye de retrouver certaines couleurs comme le marron, couleur du foie qu’il mangeait étant enfant. Pour retrouver cette couleur, beaucoup d’efforts ont été nécessaires, il lui a fallu mélanger une dizaine de couleurs pour aboutir à un marron très particulier qui n’a pas d’équivalent chez d’autres peintres tout comme le rose de DE KOONING qui est aussi spécifique au peintre , le rose de PINK ANGEL. D’autres peintres se sont créés des couleurs spécifiques incopiables comme le bleu KLEIN ou le bleu MAJORELLE.
Au contraire de SOUTINE qui a tout fait pour occulter tout ce qui pouvait revenir de son enfance jusqu’à la religion juive qui a été absente de ses tableaux alors que d’autres juifs comme CHAGALL son compatriote ont peint très fréquemment des scènes comportant des références à la religion juive. Il voulait aussi oublier la vision des Pogroms, la misère, les légendes terrifiantes ou glorieuses racontées la nuit à la flamme des bougies dans l’odeur de suif ou de suint
Seule exception pour SOUTINE , ce sont les portraits qui ressemblent à certaines personnes qu’il avait connu en LITHUANIE
Ce n’est que dans les années 60 mais surtout 70 que l’influence de SOUTINE sera la plus marquée pour DE KOONING et que ses œuvres tardives témoignent d’un intérêt de plus en plus profond pour les qualités picturales qu’il appréciait chez SOUTINE .Cette influence se situe vraiment dans l’acte de peindre , dans la gestuelle plus que la thématique. Il a regardé SOUTINE, il se l’est approprié en donnant autre chose . Il disait : « Plus j’essaie d’être comme SOUTINE, plus originel je deviens » mais il n’avait pas de rapport quotidien avec sa peinture il disait : « Je suis fou de la peinture de SOUTINE » il a également rajouté qu’il n’aimerait pas en avoir. D’ailleurs il n’était pas collectionneur du tout , et dit-il : « je n’aurais jamais voulu collectionner des œuvres de SOUTINE mais il est tout pour moi » DE KOONING a accompagné SOUTINE dans son univers. Il disait aussi : « Faire comme SOUTINE, ce n’est pas faire du SOUTINE mais comme lui faire autre chose »
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Après la période des « WOMAN » des années 50 suivi de la période des paysages pastoraux, il revient aux tableaux « WOMAN » dans les années 60. Figures féminines dans un environnement d’eau . Ce sont des tableaux avec des personnages dans le paysage. Bien souvent les « WOMAN » ont un air de terreur et de vengeance comme le tableau « SAG HARBOR » De ce point de vues ils sont à rapprocher de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » avec d’une part un environnement de marais et de mer et à gauche en bas , une tête qui ressemble à le fois aux têtes des « WOMAN » de « WOMAN and BICYCLE » et aux têtes des années 60 comme « SAG HARBOR »

WOMAN AND BICYCLE WOMAN DE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
En 1977 dans un entretien , il continuait à dire son admiration pour l’œuvre de SOUTINE et quand on demandait à DE KOONING quel artiste a eu le plus d’influence sur sa peinture , il répondait « Je pense que je choisirais SOUTINE, j’ai toujours été fou de SOUTINE, de toutes ses peintures.. »
Son Tableau UNTITLED V reflète ce qu’il disait des toiles de SOUTINE quand il disait en 1952 à la fondation BARNES ,alors qu’il il avait vu les toiles de SOUTINE exposées ,que le rayonnement de la lumière provenait de l’intérieur du tableau et que c’était une autre lumière. On peut en dire autant de UNTITLED V
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Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » objet de cette étude est de ce point de vue un des tableaux dont l’influence de SOUTINE est la plus marquée par rapport aux paysages de CERET, aux carcasses d’animaux et les bœufs écorchés.
Comme SOUTINE , La vie de DE KOONING sera marquée par la maladie beaucoup plus tardive que SOUTINE , il vivra les 10 dernières années de sa vie avec la maladie D’ALZHEIMER sans pouvoir peindre et il sera touché comme SOUTINE par une forte addiction à l’alcool qui l’amènera à des cures de désintoxications nombreuses et des rechutes répétitives.
En 1970 DE KOONING est en dépression . FOURCADE, ( son marchand et conseiller qui s’occupe de ses tableaux à la galerie KNOEDLER , qu’il quittera pour créer sa propre galerie ou il sera de nouveau de marchand de DE KOONING après une période de flottement ), une fois de plus essaye de créer une diversion pour palier à cette dépression et son addiction à l’alcool en organisant un voyage au japon pour le salon mondial qui allait ouvrir en Mars 1971. DE KOONING promit d’être sobre et conciliant. Le but du voyage était de trouver de nouveaux collectionneurs en Asie. Il fut très impressionné par le Japon, son art de la calligraphie et le calme du peuple japonais. Suite à son voyage il va se mettre à la lithographie et à la gravure et continuera la sculpture qui l’intéressait depuis son voyage à ROME en 1969.
Comme indiqué ci-dessus FOURCADE a quitté KNOEDLER pour créer sa propre société et après une période de flottement il reprendra DE KOONING et sera de nouveau son marchand vers 1973. Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE se situerait donc dans la période creuse ou il n’y avait plus de marchand pour ses tableaux et sans doute aurait été tenté de vendre en direct. Il a aussi beaucoup donné de tableaux à cette époque, que ça soit à sa nouvelle muse Emilie KILGORE, a des amis ou des compagnons de bar parfois à l’issue de son plein gré pour ceux-ci quand il en ramenait chez lui ( STEVENS et SWAN , An American master)
Son assistant de l’époque WRIGHT avait détesté de gérer ce flux croissant de personnes qui venaient voir DE KOONING pour obtenir quelque chose de lui. Il regardait régulièrement les visiteurs prendre des dessins au sol ou parfois le peintre le permettait quand il était ivre. WRIGHT ne pouvant supporter cela, le quitta (STEVENS, SWAN)
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Après 5 ans de litige avec la galerie SIDNEY JANIS, il fut négocié un règlement extra judiciaire et personne n’en sorti vraiment vainqueur.
La période de 1971 ou il peint très peu date de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est une période alcoolisée qui l’amènera un fois de plus en cure en 1973 et la continuité de périodes de mal- être provoquées par les critiques qui n’avaient pas accepté son retour à la figuration avec ses « WOMAN » On commençait à se désintéresser de sa peinture avec un report d’intérêt porté sur le nouveau « POP ART » qui faisait passer DE KOONING comme un artiste « has been « et ringard car pensait t’on, il était trop penché sur les peintures du passé et de l’Europe
Cette année 1971 est une année importante car Il vient de rencontrer fin 1970 sa nouvelle muse Emilie KILGORE. En règle générale pour DE KOONING, les années 70 seront une période de joie accrue avec Emilie KILGORE et une période d’isolement, de mélancolie angoissante et d’anxiété qui découle en grande partie des exigences extraordinaires qu’il a placé sur lui-même
1971, il découvre l’art de la SCULPTURE et de ce fait réalise très peu de tableaux, toute son énergie étant tournée vers ce nouvel art , la lithographie et la gravure
Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est un des rares tableaux qu’il aurait exécuté en 1971.
En ce qui concerne son rapport avec les femmes, comme SOUTINE, il était difficile . Ce qui a marqué SOUTINE comme DE KOONING ce sont les rapports avec leur mère respective, sources de conflits permanents et manque d’amour. Pour certains critiques d’art aussi bien de SOUTINE que de DE KOONING ils ont fait preuve toute leur vie de Misogynie, et dans les « WOMAN » de DE KOONING aux allures de femmes qui inspirent la peur des années 50 il y a quelque chose de CORNELIA DE KOONING, la mère de Willem De KOONING. Après l’avoir quitté pour les ETATS UNIS, il aura très peu de relation avec elle . Il la verra quelques mois aux Etats UNIS ou il l’avait invité , mais les relations seront tendues ,ensuite il la rencontrera lors d’une dernière visite en HOLLANDE à l’occasion de la rétrospective DE KOONING en 1968, elle décédera l’année suivante à plus de 90 ans.
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D’autre part, marié en 1943 avec ELAINE FRIED, il s’en écartera pour des relations avec Joan Ward dont ils auront une fille LISA , avec Ruth KLIGMAN, Susan BROCKMAN puis avec sa nouvelle muse EMILIE KILGORE à partir de fin 1970 . Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE » semble dater de 1971 ou il est encore en phase de dépression et de mal être
C’est véritablement à partir de 1972 que ses relations avec MIMI ( Emilie KILGORE) apporta plus de bonheur à Willem De KOONING que ce qu’il avait connu auparavant avec une femme, malgré que chacun vivait séparément l’un à EAST HAMPTON l’autre à HOUSTON mais sa vie avait maintenant une étoile sur laquelle il pouvait se fixer et rêver.
Dans une de ses nombreuses lettres écrites à Emilie KILGORE qui est mariée à John KILGORE il écrivait « tu es moi- même plus que moi, tu es à l’intérieur de moi » ou dans une lettre « santa Maria » il écrit une longue lettre ou se moquant de son désespoir , il dessinait de petites images sur des lettres de flèches percées de cœurs ou de pleureuses de « santa emilia »Dans d’autres lettres « Je t’aime ou que tu sois pour toujours » , « tu me fais me dépasser », « tu es avec moi-même quand tu n’es pas là ». « je n’ai jamais eu une femme comme toi dans ma vie » « tu fais de moi un homme romantique » « tu m’a donné quelque chose que personne ne m’a jamais donné » Il attendait anxieusement ses lettres et il passait des heures à composer les siennes.
Il fera une déclaration qui pourrait passer pour extravagante mais qui s’avère vrai : « Je dédicace toutes mes peintures à toi » Dans la plupart des tableaux de fin 1971 et au-delà il fait effectivement des dédicaces des tableaux à MIMI
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Par exemple, le tableau « EAST HAMPTON, GARDEN PARTY » porte l’inscription « HAPPY BIRTHDAY » de Emilie KILGORE. Une série de dessins porte l’inscription « For Santa EMILIA six tears « en 1972
Un dessin au dos du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »ou les deux noms KILGORE et D KOONING apparaissent imbriqués l’un dans l’autre et les deux visages de l’un et de l’autre se répondent . Ce dessin est un message d’amour
La longue vie et l’art de DE KOONING était de son temps continuellement dans des états de stabilité et d’instabilité de contradiction et de continuité de colère et d’amour, C’est un artiste complexe qui vivait en permanence dans un état d’anxiété et cela se reflète dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ou l’on retrouve à la fois la terreur ( un être vivant qui se fait dévorer par des monstres), l’amour ( message d’amour au dos du tableau) ou dans sa peinture, la figuration ( extrait de membre de WOMAN1( étape1) ) côtoie l’abstraction de taches informes que l’on peut transformer en monstres indéterminés, le grattage, l’essuyage de peinture avec du papier qui donne un aspect de flou et de tableau non fini, les effets de rides de craquelures nous montrent que le peintre est toujours à la recherche d’effets nouveaux non conventionnels


« Si la peinture de DE KOONING a été influencée par la peinture de de SOUTINE dans ce qui a été appelé l’expressionisme dont il a été le précurseur pour les américains, dans la continuité de ses recherches, il a ouvert la voie à une vrai rédemption de la peinture libre qui allait s’épanouir au-delà du POP ART et du MINIMALISME et qui osera même prendre le nom de BAD PAINTING, c’est-à-dire une peinture qui se démarque des apparences pour mieux exhumer la chair palpitante du sujet » ( Geraldine BRETAULT)
En 1977 DE KOONING disait : « j’ai toujours été fou de SOUTINE , peut être que c’est la luxure, il construit une surface qui ressemble à un matériau comme une substance. Il y a une sorte de transfiguration, un certain charme dans son travail »
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Dans les années 70 , il était encore en train d’inventer de nouvelles façons de mélanger la peinture , de nouvelles façons de l’amener à sa volonté.
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est un bon exemple ou il crée des effets de rides, des mélanges de peintures improbables avec de l’eau, des huiles diverses de l’essence de térébenthine et la jonction de peintures avec des couleurs qui semblent incompatibles .Ses peintures se heurtent, tremblent, frémissent l’incendie comme la forme biomorphique centrale qui peut être vue aussi comme une flamme qui traverse de haut en bas le tableau.
KREMA observe que DE KOONING a interrogé la peinture de l’intérieur et non du dehors et le spectateur devient autant que l’artiste le créateur du sens de l’œuvre
Paul RICHARD du WASHINGTON POST disait que DE KOONING n’avait jamais su avec précision et n’avait choisi de savoir où il allait. Ses peintures n’avaient pas de destinations certaines, leurs lignes étaient toujours changeantes, jamais immuables.
Quand il sentait qu’il allait dans une direction qu’il ne souhaitait plus, il abandonnait le tableau qui restait inachevé. C’est probablement ce qui s’est produit avec « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Son état d’esprit a changé en cours de création du tableau car il venait de rencontrer sa nouvelle muse Emilie KILGORE et delors il ne se retrouvait plus dans la noirceur psychique du tableau .
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3-SOUTINE – DE KOONING, RAPPROCHEMENT ET ELOIGNEMENT
Nonobstant la peinture par elle-même qui sera développée dans les chapitres suivants entre le Tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et des tableaux de SOUTINE il existe dans leur vie de nombreuses convergences mais aussi des divergences notoires.
Pour les convergences,
-Tous les deux ont quitté leur pays, jeunes, pour émigrer l’un en France l’autre aux Etats Unis, dans l’inconnu sans un sou en poche
-L’un et l’autre avaient suivi des études artistiques dans leur pays d’origine
-Tous les deux avaient eu des problèmes relationnels avec leur famille
-Tous les deux ont commencé par la misère dans leur pays d’adoption et ont connu la gloire et la reconnaissance ensuite
-Tous les deux ont voulu se démarquer de leurs collègues peintres et personnellement n’ont pas suivi le chemin où on voulait les engager, école de Paris et expressionniste pour SOUTINE, Ecole de NEW -YORK et expressionniste abstrait pour DE KOONING en étant anticonstitutionnels et en restant indépendants. « Au cours de leur vie , les deux artistes ont acquis une réputation de franc- tireur expressionniste … tous les deux vont créer une peinture qui transcende les paramètres du modernisme de leur époque » ( Judith ZILCZER)
D’ailleurs artistiquement parlant, les expressionnistes abstraits Américains ne formaient pas un groupe homogène. Dans l’expressionnisme, SYLVESTER voyait plutôt une position qu’un style car il existe de nombreuses différences entre le Field Painting de ROTKO et NEWMANN et la peinture gestuelle de DE KOONING ou KLINE sans parler du Dripping de POLLOCK. Conscient de ces divergences DE KOONING a reconnu un jour : « On fait parti d’un groupe parce que on ne peut faire autrement » De plus l’expressionnisme de DE KOONING plus figuratif qu’abstrait était dans une tradition picturale contrevenant sciemment au schéma GREENBERGIEN.
En comparaison avec d’autres artistes expressionnistes DE KOONING était plus un peintre figuratif qu’un peintre abstrait. Il était plus expérimental dans l’exploitation des motifs et matériaux avec lequel il avait créé son art , il a survécu aux autres
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D’un point de vue philosophique, la picturalité libre de SOUTINE représente pour DE KOONING la liberté même de la vocation artistique. Pour lui cette qualité est le fruit d’1 conviction intérieure plus qu’une forme d’expressionnisme stylistique. De KOONING disait : « J’aime SOUTINE, tout ce qu’il faisait avec une sorte d’expressionnisme, il le faisait seul », . « Je ne pense pas qu’il serait d’accord pour se dire expressionniste ou pour dire que sa peinture puisse relever de cette façon de peindre. Il était tout seul »
En effet bien qu’il soit le seul jugé expressionniste à PARIS parmi les CUBISTES ou DADAISTES, SOUTINE a ouvert la voie aux avant-gardes ultérieures et a été présenté comme le précurseur de l’expressionnisme abstrait Américain par ses pairs et les critiques d’art .
POLLOCK et bien entendu DE KOONING se sont rapprochés de SOUTINE en raison de son indépendance de tous les mouvements Ils ont été subjugués par ses peintures gestuelles présentes dans ses carcasses de BŒUF et ses paysages.
De même DE KOONING était tout seul dans son atelier de LONG ISLAND, travaillant sur un mode éminemment pictural. Il défie les tendances de l’avant-garde des années 60 et 70 du POP ART au minimalisme. De même SOUTINE était resté à l’écart des mouvements artistiques dominants de son époque. Des années plus tard, il restera à l’écart de tout groupe de mouvement.
Star à l’époque de NEW YORK, il s’est mis à l’écart de là où se passait l’art contemporain en quittant NEW YORK. A la mort de POLLOCK malgré tout il est devenu le leader de l’art expressionniste alors que sa position n’était pas claire
Les critiques l’ont souvent mis à l’écart car il passait du figuratif à l’abstraction ( les peintures noires et blanches) pour revenir ensuite au figuratif ( WOMAN) puis à partir des années 60 il s’est mis entre les deux ( pastorale 1963) LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE côtoie aussi le figuratif et l’abstraction
Ils se sont donc toujours dérobés à toute tentative de classification tout en ayant une grande influence sur les différents développements artistiques Ils ne se sont pas pour autant mus dans une position comparable à l’anti-art de la négation permanente mais leur position marginale leur a souvent fermé les portes des expositions importantes à caractères thématiques. Cette indépendance leur a permis de développer de nouvelles inventions plastiques sans rupture avec les concepts stylistiques et la tradition de la grande peinture. Tous deux étaient conscient toute leur vie durant qu’il était dangereux pour un artiste de s’élaborer un style univoque car celui-ci tend constamment à exiger un engagement général qui conduit par principe à un engourdissement de sa propre créativité et tend vers une prison qui se réduit à un pattern décoratif et superficiel.
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De KOONING malgré la grande influence qu’a eu SOUTINE sur sa peinture n’a jamais voulu posséder un tableau de SOUTINE et il s’est inspiré çà et là des éléments de peinture, des inventions de peinture de SOUTINE non pour copier son style mais pour les adapter à son propre courant de peinture. Il a suivi ses idées afin de les transformer, les redéfinir pour son propre travail. Il en est de même de SOUTINE qui a été influencé des grands classiques comme REMBRANDT, RUBENS, VERONESE mais aussi plus proche de VAN GOGH, CEZANNE tout en les adaptant à sa propre sensibilité.
Son indépendance lui a permis de faire dans sa peinture des retournements de situation là où on ne l’attendait pas Dans les années 1947 à 1950 il avait fait des tableaux abstraits noir et blanc à la manière de Franz KLINE qui ont eu un franc succès auprès des critiques puis brusquement est revenu au figuratif avec la série des « WOMAN » à partir des années 50 . Ce changement fut perçu comme scandaleux par ces mêmes critiques. Ce changement n’était pas une anti-position à la mode ou des astuces pour faire sensation. Ces ruptures reflétaient son attitude fondamentale vis à vis de l’art et de la vie qui pour DE KOONING était une éthique de se mettre en phase avec ses sentiments intérieurs . Les distinctions entre « abstrait » et « figuration » perdent ici toutes leur valeur, seul compte l’acte de peindre. Pour de tels procédés, il est compréhensible de travailler en séries ce qui autorise une répétition changeante et permet de trouver par tâtonnements des solutions plastiques car on ne peut les trouver une bonne fois pour toutes. Chaque formulation fait face à une infinités d’autres possibilités non encore réalisées qui conviennent plus ou moins à DE KOONING. On comprend donc que dans ce processus ouvert, les séries elles-mêmes, rétrospectivement ne sont pas compréhensibles en tant que groupes d’œuvres, se suivant les unes des autres délimitables. Ainsi les inventions formelles, les solutions picturales les plus contradictoires se superposent comme dans des mouvements ondulatoires, s’interpénètrent. L’un est né de l’autre et l’autre se répercute réciproquement sur l’un qui n’est pas encore né. L’abstraction fait face à la figuration parfois simultanément. Le principe de base de ne reconnaitre aucune sorte de règle est déterminante pour DE KOONING et toutes les solutions plastiques sont considérées avec méfiance et remises en question ? L’incertitude est sa force picturale et les limites ne doivent pas être évitées mais dépassées et supprimées. Il refuse l’ordre car dit t’il « l’ordre signifie pour moi que l’on est commandé et c’est une restriction » Pour lui « la seule certitude aujourd’hui est que l’on doit être conscient de soi-même »
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C’est dans cette direction que se trouve la marginalité foncière de DE KOONING et la solitude de la condition de base de son art ce qui ne contredit pas que son art a bénéficié d’une reconnaissance mondiale . DE KOONING s’est toujours dérobé à une telle adhésion collective et a surpris mais aussi choqué et agacé certains admirateurs par ses voltes faces permanentes car il était imprévisible et indéterminable .Le succès et la reconnaissance publique n’ont jamais pu vaincre l’isolement de son existence qui n’était rompu que dans le dialogue avec le tableau
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ,on peut y relever différentes influences , bien entendu la plus remarquable est l’influence de SOUTINE avec l’utilisation de couleurs rouges incandescentes, la figure biomorphique dont on peut trouver des ressemblances avec « les bœufs écorchés »de SOUTINE et beaucoup d’autres aspects développés dans cette étude mais on peut trouver aussi l’influence de GIACOMETTI avec la tête fantomatique des têtes grises du peintre/sculpteur, on peut y voir aussi des références à GORKI, à Franz KLINE, à WARHOL ( chaussure de femme dans le tableau)à Hans HOFMANN, MOTHERWELL avec ses « ELEGY »
L’intérêt aussi Pour DE KOONING et c’est visible aussi de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », est de redéfinir son propre travail sans se référer à un style, il pouvait se soustraire à toute détermination stylistique , n’étant jamais univoque mais marqué par des ruptures, des ambiguïtés et des incompatibilités se contredisant les unes les autres .Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le figuratif se lie à l’abstraction pour élargir les champs d’invention , de compréhension , d’’imagination.
« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » semble faire partie d’une série de peinture de 1970 à 1972 à la fois semblables dans le pictural mais très différents dans le ressenti ainsi autant « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »laisse un sentiment de peur , de terreur autant un tableau comme « FLOWERS MARY’S TABLE inspire la joie, l’apaisement et RED MAN WITH MOUSTACHE, l’humour, le rire
La démarche de SOUTINE dans son art est semblable à DE KOONING, dans son indépendance et son refus de participer à un mouvement ce qui lui valut aussi d’être marginalisé et peu représenté dans les grandes expositions thématiques . Son asociabilité, son isolement , son mauvais caractère et son amour inconsidéré de la peinture comme DE KOONING ont fait que leur talent au lieu d’exploser immédiatement aux yeux du monde est venu bien tardivement mais ils ont toujours garder leur esprit marginal et secret.
- tous les deux ont donc connu le rejet et ensuite la reconnaissance
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- Tous les deux manifestent parfois à l’égard du tableau lui-même une indifférence car ils se passionnent non pas pour le tableau en tant qu’objet mais pour le processus créatif, le tableau n’est pas une fin en soi. Le tableau est censé avoir un impact sur l’âme et pas seulement sur le mur. Il est avant tout l’habit des pensées, des concepts et des émotions de l’artiste. Si le tableau a un moment donné dans son processus créatif ne correspond plus à ces critères SOUTINE le détruit et DE KOONING l’abandonne en le laissant inachevé.
C’est sans doute le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » qui ne correspondait plus à un moment donné à son état d’âme c’est pour cela qu’il parait inachevé dans le haut de la toile. Emilie KILGORE venait d’apparaitre aux yeux de DE KOONING et le tableau ne correspondait car la joie avait remplacé ses pensées morbides et ses cauchemars de terreur et de monstres comme semble le montrer le tableau
- Tous les deux ont eu de graves problèmes de santé et une addiction lourde à l’alcool que SOUTINE partageait avec MODIGLIANI et que DE KOONING partageait avec POLLOCK.
SOUTINE était très préoccupé par la maladie qui le rongeait de l’intérieur, les brulures insupportables qui lui rongeaient l’abdomen et sa maladie ont eu probablement des effets sur sa peinture .Les boursoufflements , les fissures, l’éclatement des fibres et des tissus internes , leurs colorations inquiétantes soigneusement rendus par le pinceau sont à l’image de son corps
De KOONING a multiplié les cures de désintoxication et les séjours à l’hôpital en raison de son addiction à l’alcool. Son pancréas était aussi sérieusement endommagé par ses excès à la boisson. Ses addictions à l’alcool sont visibles dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » probablement les conséquences du cauchemar morbide qui est imagé et relaté dans ce tableau où dans son rêve il est dévoré par des monstres marins et des marais. Les dernières années des sixties et début seventies alternent entre distractions et éruptions douloureuses
- tous les deux ont été taxés de misogynie à cause d’une forme d’instabilité affective avec les femmes
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-Tous les deux ont connu des périodes d’autodestruction, de troubles compulsifs. Nombres de tableaux de SOUTINE ont subi des destructions même quand il avait du succès Quand à DE KOONING quand il ne se sentait plus à l’intérieur du tableau , il l’abandonnait parfois pour un nouveau tableau sous une autre forme qui l’inspirait davantage.
Il semble que le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE vu le grattage en haut du tableau et l’effet de flou en haut également sans doute dû à l’essuyage avec du papier , n’aurait pas été fini, pour la bonne raison qu’il n’était plus dans l’état d’esprit initial quand il a commencé à faire le tableau qui exprime la terreur, la mort alors qu’il venait de rencontrer sa nouvelle muse Emilie KILGORE ( voir dessin dos du tableau ou il fait état de son nouvel amour dans un dessin )
- Tous les deux ont renié leur famille et la langue maternelle
- Tous les deux se sont fait remarquer par la profanation des corps dans leur peinture
- Tous les deux improvisaient leurs tableaux mais à partir, à l’origine, de quelque chose de figuratif.
SOUTINE commençait par peindre ce qu’il voyait et ensuite il se laissait guider par son émotion en transfigurant le sujet qu’il voyait.
Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le peintre démarre d’une jambe de « WOMAN I » et ensuite, improvise et transforme cette jambe en forme biomorphique dans un milieu aqueux de marais et mer pour illustrer un cauchemar personnel.
-Tous les deux restaient à l’écart des mouvements stylistiques dominants, de leur époque.
DE KOONING admirait l’individualité et la vision picturale de SOUTINE, sa dévotion à la primauté de la peinture symbolisant sa propre croyance en l’art comme mode de vie
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-Tous les deux avaient un tempérament nerveusement mélancolique
-Tous les deux portent l’empreinte dans leurs tableaux de l’énergie traversant la surface, créent l’image dense et serrée d’une immense gravité et grandeur sans aucun embellissement ni concession à la décoration quel que soit les avis des critiques, collectionneurs et des modes de l’époque et leur cheminement à contrecourant de la bienséance. Les tableaux de paysage de SOUTINE et le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » sont formés d’éléments éparpillés, disloqués, ils ne forment pas moins 1 tout et fait songer à un spectaculaire empilement d’énergie.
-Tous les deux se sont comportés comme des errants, ont fréquenté à la fois les clochards et les plus grands maîtres , les directeurs de musée ,de galeries et les plus grands collectionneurs
Le secret de SOUTINE n’est sans doute que celui d’un immense amour, il ne peut supporter l’incommunicabilité des êtres dont il souffre si cruellement et contradictoirement il fait tout pour que les gens autour de lui se détachent de lui par ses comportements inconsidérés même vis-à-vis de ses amis proches les époux CAISTAING , les peintres KIKOINE et Pinchus KREMEGNE
SOUTINE dans sa légende du juif errant , s’excluait de toute communauté, reclus dans son atelier, ne trouvant jamais la paix, sans compassion envers quiconque même ses amis, farouche et peu expansif, il a été marqué par 10 ans de misère à PARIS dans la solitude et cela même plus tard quand il n’aura plus aucune gêne financière , il ne pourra jamais se défaire de cette vie d’anxiété d’autodestruction qu’il entretien avec ses excès de boisson comme du temps où il accompagnait MODIGLIANI jusqu’en 1920. Cette anxiété et autodestruction s’étendait aussi dans ses œuvres dont beaucoup ont été lacérées et détruites.
De KOONING lui aussi à une certaine période de sa vie errait la nuit, vivait au contact des clochards dans NEW YORK . Il était tellement bien admis et intégré auprès de cette population qu’ils se sont inquiétés de son absence quand il a déménagé dans les LONG ISLAND parfois comme il est dit dans le livre de STEVENS et SWAN « an american master » ,DE KOONING amenait cette population nocturne qu’il côtoyait dans les bars ou sous les ponts de NEW YORK dans son atelier. Etant bien éméché et sans s’en rendre compte et sans autorisation , certains repartaient avec des œuvres de DE KOONINGsous le bras.
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Peut- être que quelques années plus tard cette œuvre « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » aurait été donnée ou prise dans son atelier de SPRING ( dans les années 70) suite à une soirée bien arrosée comme il en avait l’habitude ou autre possibilité elle aurait été donnée en cadeau à un de ses amis . Il avait fait de nombreux cadeaux de toiles à ses amis comme Leo COHEN qui avait embarqué avec lui en 1926 pour les ETATS UNIS . Il avait donné également de nombreuses toiles à EMILIE KILGORE
-Tous les deux peignaient plus par sensation qu’avec leurs yeux.
Même si SOUTINE peignait sur le motif, ce qu’il transcrivait sur la toile n’était en rien ce que pouvait reproduire une photographie car immédiatement c’était les sensations et le ressenti du sujet qui prenait la direction des choses et le résultat final était toujours surprenant comme nous le verrons dans cette étude.
Dans une interview en 1959 DE KOONING disait que « lorsqu’il travaillait, il ne peignait pas ce qu’il voyait mais illustrait l’émotion d’1 expérience concrète, chaque peinture est un monde de mémoire, un record de banalité et de sensation sans importance de la vie de tous les jours ».
« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est un bon exemple , c’est l’image d’un cauchemar qu’il a subi pendant son sommeil , la transcription de ce qu’il s’en rappelle »
Il adorait le JAZZ et particulièrement Miles DAVIS. Il se comparait souvent à un improvisateur de musique de JAZZ qui démarre un morceau de musique par une sorte de plateforme , ( un standard) à partir de laquelle on lance une invention spontanée, une improvisation.
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , la plateforme est la jambe de WOMAN1, tout le reste est improvisation qui a rapport à la créativité du peintre dans l’instant où il a posé le calque de la jambe sur la toile.
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-Tous les deux ont exprimé leur fascination pour les images grotesques parfois gores de leurs ancêtres introduisant des éléments de distorsion et d’exagération dans leur propre peinture pour augmenter l’impact visuel
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « le peintre transforme une jambe calqué sur le tableau WOMAN 1 ( étape 1) pour en faire un être anthropomorphique à tête d’oiseau sans membres comme un poisson ,en train de se faire dévoré par des monstres marins et des marais
-Tous les deux ont voulu transmettre au regardeur, l’expérience sensuelle ou sensorielle de leur art par la touche gestuelle, l’intensité des couleurs , l’insistance parfois grotesque , les exagérations et les déformations sur certaines parties du corps ( Simonéta FRAQUELLI)
-Tous les deux avaient des emblèmes .Pour SOUTINE c’était l’animal étranglé pendu par les pattes et écorché .
Pour DE KOONING c’est la chaussure à haut talon que l’on rencontre dans ses toiles , visibles ou sous-entendues surtout à partir de ses séries cultes des « WOMAN » des années 50 ( présent dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
-Enfin tous les deux se nourrissent de leurs œuvres respectives dans leur sommeil.
Pour SOUTINE ,des paysages de CERET sont transformés pendant ses nuits , c’est là ou il est le plus créatif
Pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ce tableau c’est l’image de cauchemars qui lui reviennent souvent dans les marais de LONG ISLAND peuplés de monstres agressifs
Mais ce qui les relient le plus et c’est peut-être ce que DE KOONING a compris intuitivement en regardant SOUTINE, c’est leur approche commune de l’art lui-même et le désir mutuel de mettre en œuvre une conception de l’art . Cette conception de l’art n’est pas liée par des conventions de figuration ou d’abstraction mais par le désir de permettre au spectateur de vivre l’expérience de l’image qu’il a mis sous les yeux et d’y voir une évocation visuelle d’une expérience tactile ( Simonetta FRAQUELLI)
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Au-delà des gestes artistiques et des jeux d’influence, les deux peintres se sont aussi rejoints dans leurs trajectoires humaines d’écorchés vifs ( références aux bœufs écorchés de SOUTINE et à l’autoportrait d’écorché de DE KOONING dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE), d’enfant de l’exil et de fers de lance malgré eux de deux moments clés de l’art moderne (Marie LOMBARD)
RAPPROCHENENTS DANS LA PERCEPTION DES TABLEAUX DE PAYSAGES
L’une des raisons pour lesquelles, les peintures de SOUTINE ont paru si nouvelles et si pertinentes pour DE KOONING, c’est qu’il n’a jamais adhéré à aucun des « ismes » ..fauvisme, impressionnisme, cubisme etc qui avaient cours à son époque et qu’il les a même ignorés. De KOONING aussi réfutaient tous les ismes et il ne pensait pas que l’artiste contemporain devait être lié par des conventions de temps, de style ou de sujet. De KOONING et SOUTINE se sentaient libres de peindre ce qu’ils ressentaient et ce qui leur plaisaient sans contraintes de qui et de quoi « Simoneta FRAQUELLI »
Lorsque DE KOONING défraie la chronique en présentant sa série « WOMAN » à la SIDNEY JANIS Gallery en 1953, il vient de subir de plein fouet le choc de la peinture de SOUTINE.
Dans leur approche de la figure, du paysage, les deux peintres montrent bien des ressemblances… mais aussi des divergeances
Il y a une filiation dans la façon de peindre et surtout dans la façon de penser la peinture comme quelque chose qui est vital de penser la peinture comme une peinture de la chair ( Claire BERNARDI)
Les paysages de DE KOONING dans les années 70 sont sans doute ses œuvres qui sont les plus proches des peintures de SOUTINE notamment des paysages de CERET dans la pluralité de la matière et le regard sur l’originalité de la nature
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Dans la plupart des tableaux de paysages de 1920-1921 , SOUTINE peint d’après nature en se plaçant de deux points de vues différents, l’un légèrement surélevé pour réduire la tension entre les objets tridimensionnels et la surface picturale , l’autre à l’inverse situé très bas de façon à hisser le village en hauteur . Cette combinatoire de contraires juxtaposés est sa réponse au cubisme. Il s’agit pour lui d’expérimenter plusieurs points de vue non pour faire voler le motif en éclats mais de recréer les conditions d’une vision globale ( Xavier GIRARD- SOUTINE).
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , on peut aussi considérer que le peintre peint selon deux points de vue différents pour ce tableau à la différence qu’il faut bouger le tableau à 90 degrés ou à plat pour une vision globale.
En effet, Ce tableau représente un paysage vue du ciel comme une carte topographique . Les surfaces aqueuses des marais et mer sont vues du ciel ainsi que la forme biomorphique horizontale à la surface dans les airs au-dessus de l’eau. Ce qui confirme cela dans le tableau c’est que les coulures de peintures rouges qui représentent l’idée du sang, remontent vers le haut du tableau en contradiction avec les lois de l’attraction terrestre .Le tableau pour être lu devrait donc être à plat horizontal et non présenté comme tableau classique sur chevalet ou accroché au mur dont la forme biomorphique parait alors verticale sur un fond sombre , mais c’est en mettant le tableau vertical dans sa forme d’accrochage que l’on peut observer les fragments de corps ( tête d’homme, tête de femme) les accessoires comme chaussure à haut talon et les montres agressifs qui attaquent la forme biomorphique)
Il y a donc comme les tableaux de paysages de SOUTINE, deux points de vues pour regarder ce tableau « LEG WOMAN IN THE LA NDSCAPE » mais à la différence les 2 points de vues non à la façon des cubistes mais en bougeant le champs visuel.
Sur le plan visuel, les peintures de SOUTINE et de DE KOONING suscitent chez le spectateur une réaction viscérale similaire. Peintes de manière gestuelle… avec une palette complexe, leurs œuvres sont percutantes, remplies d’émotions et profondément intuitives . Le spectateur est attiré par la matérialité de la peinture et la manière expressive dont ces deux artistes la manipulent et la maitrisent à différents niveaux de spontanéité, d’obsession, d’anxiété de désespoir et d’absurdité.
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La picturalité de SOUTINE et celle de DE KOONING se distinguent par la même approche de l’observation empirique mais aussi par un rapport comparable à l’art traditionnel, profondément ancré dans la réalité
Dans le cas de SOUTINE, c’est la réalité de l’objet, du paysage ou de la personne qu’il a devant lui, pour DE KOONING, c’est ce qu’il pense être réel , autrement dit, sa peinture reste liée au monde observable y compris parfois à la figure humaine ( judith ZILCZER),
Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le gestuel et sa complexité est visible sur toute la surface de l’œuvre que ça soit les taches, les grattages, les traces de brosses, des effets de flou,… les peintures qui dégoulines, les accidents qui donnent des effets de rides de craquelures.
Percutantes, remplies d’émotions et intuitives , elles le sont aussi par l’effet cauchemardesque qui vient de la mémoire du peintre qui a subi ces images de terreur et de mort dans son environnement de marais et de mer proche de chez lui. L’absurdité de la scène vient de cette forme biomorphique, anthropomorphe, jambe droite de « WOMAN1 » ( étape1) qui détachée de sa forme primitive de WOMAN1 est devenue un être animé avec yeux et bec que le peintre à crée dans son délire comme son autoportrait.
Terreur , anxiété, désespoir tous ces sentiments sont réunis par la position de cette forme biomorphe attaquée de toutes parts, par des monstres des marais et mer, incapable de se défendre car ayant les pieds liés par le corps d’un monstre qui s’en enroulé sur lui et terreur d’être dévoré par ces êtres monstrueux aux formes bizarres et gluantes.
Dans les tableaux de SOUTINE, et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE malgré les formes en mouvements, tordues avec des diagonales dans tous les sens , il y a recherche d’un certain équilibre.
« LA MAISON SOUS LES ARBRES « de SOUTINE, menacée se trouve penchée dangereusement et trouve son équilibre par la route qui la retient, l’équilibre du tableau est réalisée par les arbres qui sont penchées dans l’autre sens de la maison. Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » La forme qui a été calquée et posée au milieu du tableau a été mis en déséquilibre avec la forme noire à gauche sensé représenter le monstre des marais qui est plaqué sur la forme pour la dévorer . Pour garder un certain équilibre, le peintre a élargit le coté droit de la forme biomorphique ainsi l’ensemble se trouve au milieu du tableau.
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Un autre déséquilibre du tableau est provoqué par la peinture de la forme biomorphique. Dans la partie haute de la tête, la peinture est d’une grande fluidité avec de la peinture de faible épaisseur et de faible saturation Au contraire du bas de la forme, la peinture est plus épaisse plus saturée de rouge vif. La forme noire accrochée à la forme en haut à gauche vient donc équilibrer la peinture ente le haut et le bas.
LES DIVERGENCES , QUI FINISSENT PAR ETRE DES
RAPPROCHEMENTS
SOUTINE ET DE KOONING appartiennent à deux époques artistiques différentes.
Le premier est assimilé au modernisme (bien que sur le mode expressionniste du type Français de l’école de PARIS des années 1929-1930)
Le second, parti pour les ETATS UNIS en 1926 comme passager clandestin est considéré pour sa part comme l’un des principaux représentant de l’expressionnisme abstrait de l’école de NEW YORK. Il appartient clairement au monde de l’art Américain de l’après-guerre. Son regard sur la peinture Européenne moderne avant la 2eme guerre mondiale était plutôt tourné vers le cubisme de PICASSO, c’est après la guerre vers 1950 que l’importance du peintre BIELORUSSE est devenu plus évident dans la façon de peindre de DE KOONING. Le peintre était subjugué par les couleurs, les distorsions des paysages, le grotesque, les rapports avec la vie avec la mort présents dans les tableaux de SOUTINE ainsi que son individualisme à ne pas adhérer aux courants de peintures à la mode
SOUTINE n’aimait pas la lumière du soleil. Il sortait très peu de son atelier sombre avec peu de fenêtre alors qu’au contraire DE KOONING recherchait la lumière, son atelier était un puit de lumière avec de grandes vitres mais malgré cela, la peinture de SOUTINE était lumineuse . C’est ce qu’a vu tout de suite DE KOONING quand il a visité l’exposition BARNES en 1952, il avait été subjugué par la lumière qui venait de l’intérieur même des tableaux de SOUTINE.
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Dans la même optique de lumière ,DE KOONING a partir des années 60 , s’est installé au bord de l’océan Atlantique dans les LONG ISLAND et il aimait faire des ballades en vélo au bord de la mer alors que SOUTINE qui a été envoyé par son marchand ZBOROWSKY à CERET et à CAGNES reconnus pour leur luminosité et les couleurs fortes de la méditerranée n’a jamais apprécié cet environnement et s’est empressé aussitôt qu’il le pouvait de revenir à PARIS dans son environnement plutôt sombre mais SOUTINE comme DE KOONING aimaient la couleur dans leurs tableaux
Comme disait CHAGALL sur la couleur, « SOUTINE et moi sommes partis à cause de la couleur. J’étais très sombre en arrivant à PARIS, J’étais couleur de pomme de terre comme VANGOGH, Paris c’est clair »
En définitive ce qui rapproche les deux peintres c’est la lumière qui se dégagent à travers leur peinture, de l’intérieur
DE KOONING dans ses paysages cherche à retrouver les paysages de son enfance et c’est sans doute pour cela qu’il s’installe dans les LONG ISLAND près de l’Océan et des marais et à retrouver aussi une température qui lui rappelle les paysages Hollandais au contraire de SOUTINE qui essaye de gommer tout ce qu’il a connu dans son enfance jusqu’à sa langue YIDDICH qu’il ne parle plus. Seuls les portraits ressemblent soit à lui-même soit des personnes qu’il a connu en LITHUANIE
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il y a aussi des références à son enfance par la mer et les marais du tableau de LONG ISLAND. Il y a aussi cette couleur marron bien particulière fait à partir d’un mélange, tout à fait particulier ,singulier et non reproductible hormis par lui-même, d’une dizaine de couleurs pour en arriver au marron du foie de son enfance que sa mère lui donnait à manger.
Dans les paysages de DE KOONING se détachent des fragments de corps, d’animaux.
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » il y a au centre un jambe de WOMAN 1 (étape 1) transformée en forme biomorphique, on y relève toute une faune de monstres marin et des marais , des têtes d’homme et de femme identifiables ( tête d’ homme ressemble aux tête grises de GIACOMETTI, Tête de femme de ses » WOMAN » des années 50) des accessoires comme une chaussure à haut talon , le tout dans un milieu aqueux sans profondeur de champs où le ciel est présent dans les reflets dans l’eau , avec zones claires ( ciel ensoleillé) et zones sombres ( ciel nuageux ).Tout est agglutiné et imbriqué comme les paysages SOUTINE d’ailleurs sans perspectives
En revanche si nous prenons du recul pour examiner « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , Les couleurs chaudes du premier plan , et les couleurs froides du 2eme plan , sont si proches et imbriqués que, de ce point de vue on ne perçoit que globalement une masse rouge dans un fond sombre uniforme et abstraits mais c’est un leurre car ce tableau est d’une grande richesse d’éléments figuratifs identifiables , ce qui me permet de dire que les figures ne sont pas seulement dans le paysage mais qu’elles sont devenus le paysage, elles font corps avec lui, elles adoptent le même régime des gestes, les mêmes rattachements des perspectives
Pour résumer. L’univers de SOUTINE, c’est la nature foncièrement continue et une mais pour DE KOONING c’est la fragmentation. SOUTINE privilégie l’inflexion sur le fractionnement de DE KOONING, c’est-à-dire les plis et le reflux par rapport à la coupure de DE KOONING mais tous les deux mettent en avant l’émanation sur les contours, la vibration sur la planéité, la couleur sur le trait
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« DE KOONING » se sent tellement proche de SOUTINE qu’il craint que sa propre peinture soit phagocyté par celle de SOUTINE et conscient du danger de se laisser absorber il exprime dans un article au magazine QUEST à MARGAREY STAATS et LUCAS MATTHHIESSEN sa réaction … « Les gens que je préfére sont peut être précisément ceux qui font quelque chose que je ne ferais jamais. Je suppose qu’avec de la persévérance, je pourrais peindre des canards comme SOUTINE, mais ce serait un tour de force, il fait naturellement une chose et je fais naturellement autre chose… »
PERCEPTION DES DEUX ARTISTES
SOUTINE sans être seul n’était pas sociable, ne s’assimilait pas facilement même au monde de l’art, il se fâchait même avec ses meilleurs amis. Selon Jacques LAMAIGNE, critique d’art, « c’était un personnage sensible et secret, il refusait systématiquement d’exposer ses œuvres. Son inquiétude le poussait à reprendre et à détruire des œuvres anciennes qui lui tombaient sous la main . Il ne montrait rien et détruisait le plus souvent » Il se sentait inconsciemment attiré par le drame. Ses sujets relevaient souvent d’une espèce de tristesse morbide exécuté d’après nature.
Quand il est arrivé à PARIS pour peindre et bien qu’il voulait tout oublier de son passé, « l’expérience précoce de la persécution religieuse a eu une grande influence tout au long de sa vie à la fois sur sa personnalité et sur son art mais il ne faisait jamais référence à ses origines juives directement dans ses peintures. »
Son expérience personnelle de la discrimination a fourni le carburant pour son rendu expressif d’objets et des thèmes communs ou il a fixé son angoisse dans ses coups de pinceau et a pratiqué la peinture comme un acte de dévotion »( magasine des arts nov 2021)
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Pierre BRUNE son voisin disait « Ceux qui ont connu le peintre à l’époque de CERET ont évoqué son caractère tout à fait inabordable, il vivait à peu près seul cachant soigneusement sa peinture comme d’habitude.
Ses peintures sont parties de ses transes, il y avait de la possession dans ses tableaux qui est révélée dans les secousses qui traversent les éléments dans l’exultation évidente de peintures à détruire , à profaner le paysage
Peut -on s’étonner alors que SOUTINE n’a pas réalisé ses œuvres par beau temps palette en main ?
« Les peintures de SOUTINE sont sans cesse en danger, je ne parle pas ici de la misère , de l’incompréhension et autres difficultés d’existence , je parle de cette menace de mort qui est suspendu au-dessus des têtes lorsqu’elles décident de s’attaquer à l’ordre universel » .
C’est la lumière d’avant l’aube que cherche SOUTINE .Il travaillait dans son atelier fenêtres fermées .ZBOROWSKY son marchand confiait à Michel GEORGES-MICHEL « La lumière ne vient ni du soupirail ni de la fenêtre ni de la lumière des lampes et des bougies, elle émane de ce qui le visite au fond du noir »
SOUTINE physiquement et mentalement crée ses tableaux dans des lieux sombres comme la ruche, les rues de PARIS derrière les abattoirs.
Le soleil de CERET et CAGNES brule sa matière, lui fait mal. En effet le soleil de ces paysages éblouissants ne conviennent pas à cet homme dont la mémoire est habité par des paysages glacés et boueux. Les tableaux qu’il y peint à CERET à CAGNES, loin d’être illuminés par cette découverte de la lumière du midi pour CAGNES, sont des paysages qui deviennent fou. Les escaliers grimpent vers on ne sait quel ciel fournaise, les arbres se tordent comme des bras, les maisons s’effondrent. SOUTINE essaye de peindre cette nature qu’il sent hostile sous le soleil. C’est tout le contraire de DE KOONING qui a quitté NEW YORK pour les LONG ISLAND en 1963 pour retrouver les paysage maritimes et lumineux de son enfance et qu’il accapare pour s’en servir dans ses tableaux
Andrée COLLIN rapporte au sujet de son travail : « Soutine avait l’habitude morbide de porter un jugement sur son passé. Il était incapable de chasser quelque chose de sa mémoire et il en était obsédé non pas son passé en tant qu’homme qu’il ignorait littéralement, il l’avait offert aux Dieux mais de son passé de peintre. Il se souvenait des paroles malveillantes qui avaient été prononcées sur ses tableaux et tout restait dans sa mémoire aussi il détruisait les œuvres mal jugées ou les rachetaient pour les détruire »
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Pour Raymond COGNIAT, critique d’art, « dans son œuvre, il n’y a pas une image indulgente ou tendre comme il n’y a pas de détente dans son inquiétude même quand les circonstances lui deviennent favorables, la laideur est son domaine ; l’inquiétude son élément, la passion …..son état permanent »
ZNYTTIA fait un portrait de SOUTINE sans indulgences pour ses comportements. Il fait états de plusieurs exemples ou il trompe la confiance que lui font ses amis MIATCHANINOFF ou KREMEGNE qui finiront par rompre toute relation.
Alors que DE KOONING était reconnu pour sa sociabilité notamment dans les bars ou il était un magnifique conteur d’histoire. Il a fait de nombreux interview et entretiens sur sa vie et sa peinture contrairement à SOUTINE dont on connait peu de choses sur lui. Il était généreux avec ses œuvres, il en a fait cadeau d’un certain nombre, que ce soit à ses compagnes, à ses amis, à ses collectionneurs et aussi à son insu, souvent quand il buvait dans les bars locaux, les gens se rapprochaient de lui dans le but d’être invité au studio ou ils espéraient récupérer des œuvres de DE KOONING . Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est probablement un tableau donné en cadeau ou sans autorisation en toute conscience car il ne semble pas avoir été identifié dans des galeries ou chez des collectionneurs . En 1971 il n’avait plus de marchand officiel, Il s’était retiré du marchand KNOEDLER et son représentant, FOURCADE qui s’occupait de la vente de ses tableaux . Fourcade reprendra DE KOONING quand il aura créé sa nouvelle structure en 1973
Comme SOUTINE , DE KOONING était toujours gagné par des angoisses , des inquiétudes et cela se voit dans ses tableaux notamment les séries des « WOMAN » des tableaux comme « The VISIT » « MAN » et bien entendu dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » dont la forme biomorphique centrale du tableau pourrait être un autoportrait de DE KOONING qui se voit dans un cauchemar qu’il aurait subi, dévoré par des monstres des marais et de la mer sous l’œil malveillant d’une de ses « WOMAN » qui supervise ces groupes de monstres. Du sang coule de sa tête. Le fond du tableau sombre ou sont entremêles des couleurs de vert morbide, de noir, de marron, de gris ne font qu’accentuer cette vision cauchemardesque.
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Le description qu’on a fait de SOUTINE à Paris a sans doute été très exagéré, il était considéré comme l’archétype du juif errant au comportement erratique et à l’éducation grossière
De KOONING au contraire a toujours essayé de s’intégrer à la communauté de NEW YORK, aux expressionnistes abstraits avant son déménagement pour EAST HAMPTON ,LONG ISLAND mais n’a jamais réussi vraiment .Son aventure était plutôt solitaire, il passait pour un peintre maudit qui était prisonnier de l’alcool et qui côtoyait les vagabonds dans la rue.
Souvent il errait la nuit ou disparaissait plusieurs jours sous les ponts en compagnie des SDF qui étaient tellement habitués à le voir qu’ils se sont inquiétés de son absence quand il a quitté NEW YORK pour LONG ISLAND
Même parmi ses amis fidèles il était resté l’étranger car il ne pouvait s’empêcher de se referrer en permanence à son héritage Européen. Il n’est devenu Américain qu’en 1961 après avoir vécu 35 ans en Amérique
Mais tous les deux jusqu’à la fin de leur vie se sentaient différents de leurs compatriotes jusque dans leur peinture ou ils avaient une approche libre et une conception de la peinture différente de leurs collègues .Peintre du pays d’adoption pour ne pas être lié par des conventions de figurations ou d’abstraction, Ils réfutaient tous les imes et ne pensaient pas qu’un artiste contemporain devait être lié par des conventions régissant une époque, un style, un sujet. Ils se sentaient libre de creuser et de puiser de la matière ou bon leur semblait et pour eux l’ancien et le nouveau étaient la même chose et pour cela ils se ressemblaient parfaitement
Le but de cette étude est de faire des comparaisons sur la peinture de DE KOONING par rapport à celle DE SOUTINE.
SOUTINE n’ayant pas connu WILLEM DEKOONING, la comparaison ne se fait donc que dans un seul sens, l’influence de SOUTINE sur DE KOONING, en prenant le cas précis du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et des tableaux de SOUTINE qui se rapprochent le plus de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » dans les 3 genres de peintures utilisées par SOUTINE et De KOONING et que l’on retrouve tous les 3 dans ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANSDSCAPE », le paysage, les natures mortes et le portrait.
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Au-delà de cette congruence de fond et de la propension stylistique, l’engagement de DE KOONING avec SOUTINE s’est avéré au cœur de son engagement de toute une vie envers l’art en tant que mode de vie
LE MONDE DE SOUTINE ET DE KOONING , LEURS
GOUTS A TRAVERS LEUR PEINTURE ET LES
PARADOXES
Commençons par faire une comparaison entre l’art de CEZANNE et celui de SOUTINE. Chez CEZANNE, Son œuvre s’appuie sur le drame, représente l’intensité des objets qui durent éternellement comme les montagnes, son angoisse personnelle se manifestant dans le feu qui est à l’intérieur de la montagne . Reliant des pièces non figuratives qui s’expriment en tant qu’objets , son monde d’organisation fait penser à une structure atomique.
L’art de SOUTINE renvoie au drame des blocs individuels de CEZANNE, il met de la chair sur ses os ( jack TWORKOW)
L’art de CEZANNE est essentiellement spatial, celui de SOUTINE est dans le mouvement, ses paysages pris sur le motif il les triture, les déforme selon sa propre vision intérieure et sa rage cataclysmique de destruction
Selon ses biographes DE KOONING a illuminé les grands thèmes américains mais intimement de l’intérieur , ce sont les espaces américains de sa propre création que ce soit les « WOMAN » du début des années 50 » dont il prend des exemples et découpe des bouches pulpeuses dans les magazines de mode américain et les colle dans sa peinture. De la mode il passe aussi aux vedettes de cinéma avec sa peinture sur Marylin MONROE en 1954 . Dans les années 55 à 60 il peint les grandes plaines américaines près de NEW YORK et les autoroutes . Dans le milieu des années 60 et les années 70 ce sont les paysages américains de LONG ISLAND avec l’océan Atlantique et les marais environnants
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SOUTINE lui ce sont des paysages réels pris sur le motif ceux de CERET et de CAGNES notamment et comme DE KOONING ils les triture, les déforme
Les univers respectifs des deux peintres dans leurs peintures peuvent être différents. Chez SOUTINE son univers est de nature foncièrement continue, il privilégie l’inflexion alors que DE KOONING c’est plutôt le fractionnement, la fragmentation des choses qui se placent parfois de façon désordonnées dans les tableaux. SOUTINE favorise plutôt les plis pour placer les choses en entier dans les tableaux , par exemple une table si elle ne se place pas entièrement dans le tableau , elle sera pliée ou vrillé ou étirée pour remplir un vide , il favorise les flux , les énergies , en reprenant l’exemple de la table , elle n’est plus un support statique , permanent et solide , localisé , obéissant à un ordre perspectif immuable mais un champ d’énergies déjetées alors que DE KOONING c’est plutôt la rupture par la fragmentation .
D’autres univers sont privilégiés et communs pour les deux peintres comme l’émanation des formes par la peinture plutôt que les contours ,ils privilégient aussi la couleur plutôt que le trait
Dans LEG WOMAN IN THE LANDCAPE nous voyons une jambe droite de WOMAN 1 (étape 1), une chaussure haut talon , des têtes d’homme et de femmes qui au premier abord ne semblent pas avoir de relations entre eux et qui en y regardant de plus près sont intimement liés, Comme vous pouvez le lire dans cette étude.
Les contours sont déterminées par l’épaisseur de la peinture pour la forme biomorphe, les montres , la figure « WOMAN » Dans le tableau il y a bien des traits apparents mais il sont sous-jacents comme vestiges du calque qui a été appliqué
MERLEAU PONTY ( philosophe) nous donne une vision opératoire du monde , elle réduit le système visible selon une géométrie qui fait apparaitre les lignes des objets comme les contours définis ,elle manipule les objets selon une vision désincarnée, elle pense les objets en général séparé de toute dimension spatiale et temporelle concrètement vécu. Le tableau en revanche ne peut correspondre à cette vision opératoire mais à une modulation de l’espace en train de se faire, le peintre comme le dit MERLEAU- PONTY cherche une vision qui puisse correspondre au mystère du réel et le transcrit dans sa propre vision du monde , ce qui sollicite son regard et cela n’est pas visible dans le contexte ordinaire . le peintre renonce à un point de vue unique
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SOUTINE était triste et attiré par le tragique. Dans son art qu’il a développé il n’a trouvé aucune distraction à ses angoisses, à ses animosités, aux reproches qu’il se faisait- aucune échappatoire. Non pas qu’il ait voulu mettre de l’autobiographie dans son œuvre mais dès son plus jeune âge, il s’est servi de ses difficultés, de son pessimisme et de sa ténacité pour donner un ton tragique à sa peinture ( MONROE WHEELER)
SOUTINE comme DEKOONING transmettaient le monde tel qu’il était et tel qu’ils le voyaient autour d’eux avec désirs d’exprimer des sensations personnelles et leurs angoisses directement sur la toile
SOUTINE quand il peint les paysages du ROUSSILLON, il ne peint pas les beaux paysages mais les falaises abruptes, les profonds canyons des Pyrénées de manière presque apocalyptique dans des couleurs fortes à l’image de sa vie affective déchirée et malade
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE de même il ne peint pas les marais tranquilles ou la mer Atlantique de LONG ISLAND dans un ciel lumineux mais dans des couleurs sombres , ténébreuses ou habitent dans l’imagination de DE KOONING des monstres agressifs qui attaquent les promeneurs et le peintre en particulier dans ce tableau . Comme SOUTINE , il peint ce paysage cauchemardesque à l’image de ses angoisses , de ses démons intérieurs., de son état parfois dépressif
Grace en partie à SOUTINE les toiles de DE KOONING sont devenues une pierre angulaire pour les artistes explorant les concepts qui définissent la nouvelle peinture Américaine. Il est le seul de sa génération à avoir saisi toute la signification de la peinture expressive de SOUTINE
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Le monde peint de SOUTINE est un monde terrible en train de se consummer sous nos yeux et qui n’est plus habitable car il est en train de bouger et de bruler sous nos yeux, démantibulé par un pinceau instinct devenu dans la main du peintre un objet ivre de fureur, un instrument de torture. Il transcrit ses hallucinations par des maisons qui penchent en défiant le bon sens, les portraits présentent des déformations expressives parfois proches du délire. Délire aussi sa vision passionnée et tourmentée de l’univers. Selon LIMBOURG Soutine n’est pas pleinement expressionniste mais expressif et il a donné à DE KOONING les bases de l’expressionnisme
SOUTINE a comme emblème l’animal ( Le coq, le lièvre, le faisan, le bœuf) écorché , étranglé, pendu par les pattes
Le monde de DE KOONING est un monde fragmenté , les corps sont démantibulés se composent se décomposent d’une manière désordonnée, des bras à la place des jambes , des yeux à la place des seins , des bras, des jambes, des seins, des yeux ,des visages détachés des corps , Tout est entremêlé : les figures, le paysage et on arrive plus à faire la distinction entre les différents plans
DE KOONING a comme emblème la « WOMAN » qui est déformée, au regard glaçant avec des membres isolées du corps
« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » fait bien partie de ces mondes décrit par SOUTINE et DE KOONING . Le ton est tragique, la forme centrale biomorphique se fait dévorer par des monstres, il semble que dans l’état des choses , il n’y a aucune échappatoire. De KOONING nous livre ses angoisses existentielles , la violence de la nature
Le tableau est parti d’une fragmentation de corps, la jambe droite de WOMAN1 ( étape 1), calquée, affublé d’une paire d’yeux désaxés , d’un bec , le tête du femur de la jambe, ovale, faisant office de tête que le peintre sort de son contexte et il donne une vie indépendante du corps de WOMAN à cette jambe . Cette forme biomorphique au dessus des marais et mer de LONG ISLAND tourmentée dans les ténèbres est attaquée par des monstres pour être dévoré mais il n’est pas montré comme « les bœufs écorchés » SOUTINE des entrailles ouvertes de cet être mi animal mi homme crée par le peintre et qui se veut un autoportrait. Le tableau semble inachevé car l’état d’esprit du peintre avait changé en cours de création du tableau . Cette mort annoncée semble transformée en renaissance comme on peut l’imaginer par le dessin au dos du tableau.
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Géographiquement pour certains critiques ( GREENBERG ….) et des artistes Américains, DE KOONING était psychologiquement toujours relié à ses racines Européennes et pour les critiques il ne devait pas occuper la place centrale dans l’art Américain car il n’était pas assez américain ( sa nationalité Américaine ne fut validé qu’en 1963). Il pensait qu’il était plus EUROPEEN qu’américain dans sa peinture, proche de SOUTINE et de l’école de PARIS, qu’il avait crée un art avec des effets savoureux et originaux mais manquait de la force brute et visionnaire car il n’avait pas selon eux les convictions du véritable art Américain (STEVENS-SWAN). Par ailleurs il avait signé un contrat avec KNOEDLER, la plus ancienne galerie de New YORK »avec comme art dealer un Français ,Xavier FOURCADE chargé de vendre ses toiles ( le contrat KNOEDLER sera dénoncé quelques années plus tard au profit de Xavier FOURCADE, qui montera sa propre galerie)
Beaucoup de questions se posaient sur DE KOONING tant il était vu comme paradoxal. Était -il Américain ou Européen, spontané ou calculé, admirateur de la culture haute (peinture) ou basse (publicité, affichage) , consacré au présent ou au passé, radical ou conservateur, haineux ou amoureux des femmes, homme de la ville ou de la campagne.
Quoi qu’on dise de DE KOONING, le contraire ne semblait pas moins vrai ( STEVENS-SWAN)
DE KOONING incarnait les deux pôles de ces paradoxes
Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, des paradoxes sont aussi présents notamment le recto aux idées noires de DE KOONING, aux formes ensanglantées, aux monstres tueurs et le verso du tableau ou presque caché sur sa couleur exclusive de ROSE sont entremêlés les noms de DE KOONING et KILGORE avec leurs visages qui se font face à face dans la joie et l’amour.
Dans le tableau au recto on remarque le portrait d’une « WOMAN » dans un noir ténébreux dans un aspect d’épouvante , glacial, dans l’agressivité et en face le portrait allongé d’un homme fantomatique qui semble apeuré , tapis dans l’ombre et résigné. D’un coté des monstres angulaires aux couleurs noires la gueule ouverte pour dévorer la forme biomorphique et de l’autre, d’autres animaux qui glissent sur la forme biomorphique, aux formes plus arrondies et qui semblent plus doux
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En ce qui concerne les gouts de l’un et de l’autre , ils sont foncièrement différents.
Le gout de SOUTINE n’a jamais été éclectique, sa pensée sur l’art n’a aucune complexité. Dans de nombreuses œuvres , on ne décèle aucune intention de mener la parodie ou le paradoxe ni de faire preuve d’érudition. Le sujet du tableau n’est jamais théâtral, jamais il ne raconte et ne dépeint une situation ou il serait le témoin fictif, le monde ne connait d’autres événements que ceux que le tableau à fomenté en regard d’autres tableaux au contraire de DE KOONING
.Dans , LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le peintre est en recherche continuelle sur les effets de sa peinture, d’inventer de nouvelles façons de peindre nouveaux procédées, il utilise des mélanges improbables de peintures, d’eau, d’essence de térébenthine, d’huile de carthame. Il fait des références à GIACOMETTI, à WOMAN 1, à BOSCH et BRUEGEL fabrique des êtres anthropomorphiques . De son cauchemar, il en fait un scénario parfois pour aboutir à une impasse comme ce tableau dont il s’aperçoit à la fin qu’il ne correspond plus à son état d’esprit de fin 1971
PEINTURES FRUIT DU DOUTE,DU DRAME , DE
L’ANXIETE, DE LA DEPRESSION, DES ALLER ET
RETOUR, DES PARADOXES
Le critique d’art ASTON souligne une réflexion de PICASSO au sujet des artistes : « ce n’est pas ce que fait l’artiste qui compte mais ce qu’il est , CEZANNE ne m’aurait jamais interessé un peu s’il avait vécu et pensé comme Jacques Emile BLANCHE même si la pomme qu’il aurait peinte avait été dix fois plus belle . Ce qui force notre intérêt c’est l’angoisse de CEZANNE, les tourments de VAN GOGH, c’est le drame réel de l’homme, le reste est une imposture.
En ce qui concerne SOUTINE et DE KOONING , chacun a eu son lot de tourments de doutes de drames exprimés qui ont transpiré dans leurs peintures.
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Doute, aliénation, paradoxe, ambiguïté, désespoir, panique étaient les thèmes privilégiés qui en ont fait le souffle même de leur art. Il était de plus en plus admis que c’était exactement le doute de DE KOONING qui donnait à ses peintures beaucoup de leur pouvoir. Joan LEVY , une jeune peintre que DE KOONING avait pris sous son aile et qui avait suivi sa façon de travailler avait remarqué que le doute tourmentait son processus de travail. Un petit changement de couleur ou de lignes pouvait changer la forme si une autre image apparaissait mais dès que cette image apparaissait il fallait faire un nouveau choix ce qui augmentait son anxiété, c’était l’angoisse des possibilités
De KOONING croyait que depuis la renaissance le doute est devenu un défi intrinsèque de l’artiste
Le doute de DE KOONING n’était pas seulement intrinsèque à l’art, il était profondément enraciné dans le traumatisme du début de sa vie qui l’a conduit dans un autre pays mais dont il ne pouvait pas s’échapper .
Les tableaux de DE KOONING ne transmettent jamais le sentiment de la maitrise de soi généré par une confiance en le destin de l’homme comme les chefs d’œuvre du passé qu’il aimait tant.
A ce sentiment de doute venait s’ajouter le mélodrame qui lui collait comme une ombre. Dans son discours sur l’art il disait « L’art ne semble jamais me rendre pacifique… J’ai toujours l’impression d’être enveloppé dans le mélodrame ». Que ce soit à l’extérieur à l’intérieur de lui ou dans son art, il n’était jamais en situation de confort. Quand il recherchait ou trouvait ce confort momentanément, il disait « je ressens un sentiment d'apathie et j'ai envie de m'allonger et je vais dormir »
Les traces d’innombrables révisions sur la toile indiquent la longue lutte pour compléter ou perfectionner ce qui néanmoins reste pourtant inachevé comme sujet à d’autres modifications
Le Doute est particulièrement significatif dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Il semble qu’entre le moment ou il a commencé le tableau et ou le termine le doute s’est installé ainsi que son état d’esprit. Ceci est visible en plusieurs signes dans le tableau.
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Tout d’abord DE KOONING pose sur la toile vierge en son milieu , le tracé fait au charbon de bois du calque de la jambe droite de WOMAN 1 ( étape 1) et sans doute il improvise tout autour dans un esprit de terreur , de mort, d’autoflagellation avec la forme de la jambe transformé en autoportrait qui se fait agresser à mort par des monstres des marais et de la mer sous ses propres yeux d’un cauchemar , cauchemars qui lui rendent la vie difficile et qui sont relatés dans le livre de ( STEVENS-SWAN, An American Master). Le doute lui fait faire de nombreux grattages qui ne seront pas repris en peinture. Il avait probablement posé un papier en haut de tableau à droite comme il le faisait régulièrement pour éviter à la peinture de sécher et pour pouvoir faire des reprise, ce qu’il n’a pas fait pour ce tableau . Le papier à été retiré sans modification et pendant le retrait le papier a probablement bougé sur la peinture ce qui a provoqué cet effet de flou sur la toile en haut à droite.
Et il finira par abandonner le tableau tout entier car un élément est venu bouleverser son pessimisme ambiant du moment qui l’avait conduit a faire ce tableau. En effet Il venait de rencontrer sa nouvelle idylle, Emilie KILGORE, et il ne se sentait sans doute incapable de continuer son tableau si déprimant. Il le termine donc par une pirouette au dos du tableau, par un dessin complexe tout en mystère qui affiche son amour pour sa nouvelle muse en imbriquant l’un dans l’autre les deux noms : D KOONING et KILGORE et dessinant les deux visages des amoureux. Cela lui redonne confiance en lui et éloigne provisoirement ses doutes.
Le résultat du manque d’exhaustivité au travail de DE KOONING se manifeste par un manque d’unité de l’ensemble de ses peintures réalisées tout au long de sa vie
Pour SOUTINE la panique, le doute de ses paysages est double
Tout d’abord, c’est l’expérience précoce de la persécution religieuse qui a eu une grande influence tout au long de sa vie , à la fois sur sa personnalité et son art. Son expérience personnelle de la discrimination a fourni le carburant pour son rendu expressif d’objets et de thèmes communs. Il a filtré son angoisse dans ses coups de pinceau et pratiquait la peinture comme un acte de dévotion. C’est aussi la peur de la vengeance de Dieu suite à la transgression dans sa vie quotidienne ( les portraits, les animaux morts exposés ensanglantés, le sang frais injecté sur les animaux morts etc) de tous les principes religieux qui lui ont été inculquées dans son enfance qu’il individualise dans les paysages de CERET et CAGNES . Ce sont les maisons en feu ou qui se détachent du sol , c’est les cataclysmes, les tremblements de terre, les terres qui s’ouvrent dans le vide , les arbres transformés en soldats, les chemins sans issues, les sorcières , les démons qui investissent les paysages .
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Même quand SOUTINE aura du succès, il devra se battre contre ses démons intérieurs. Dans une lettre à ZBOROWSKY alors qu’il était à CAGNES pour peindre il disait « C’est la première fois de ma vie que je me sens incapable de fournir quoi que ce soit, je suis dans un état de santé psychologique pitoyable et démoralisé et cela m’affecte…. Je ne supporte plus CAGNES, j’ai du effacer les quelques toiles et recommence à ZERO » et aussi sa fureur semble s’être accrue après que BARNES a commencé à s’intéresser à lui, il brûle beaucoup de ses tableaux peints à CERET et cela chez ZBOROWSKY lui même
Le doute c’est aussi l’avis des critiques d’art contre sa peinture qui finit par l’affecter jusqu’à détruire ses œuvres, ne pas vouloir ni les exposer, ni les montrer ni en parler à qui que ce soit
C’est justement ce doute qui plaisait chez DE KOONING dans les œuvres de SOUTINE et qu’il admirait par-dessus tout. Même les toiles les plus sombres et tourmentés de SOUTINE lui semblaient luire d’un rayonnement intérieur qu’il a longtemps cherché à atteindre à travers sa peinture. LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est un bon exemple.
Dans son essai sur SOUTINE , Clarisse NICOIDSKI disait que « SOUTINE éprouvait des moments de dépression et d’anxiété comme s’il savait qu’il avait empêché l’âme étrangère et intime de revenir en lui, comme s’il l’avait capturé pour la tenir prisonnière de la représentation, comme s’il y avait de la transgression dans la manière d’enfermer cette voyageuse autrement légère et riche dans la prison laide d’un visage meurtri, d’un corps atrophié »
En transposant la même idée de l’âme chez DE KOONING celle -ci ne s’enferme pas dans son tableau. Quand il sent que le tableau ne se termine pas comme il le souhaite, ou qu’il engendre une nouvelle idée qui ne correspond plus au tableau en cours, il sort du tableau, l’âme en sort également et laisse la toile inachevé et ouverte . C’est ce qui se passe dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ou l’âme pourrait être prisonnière dans un tableau qui laisse planer la noirceur, la terreur qui ne correspond plus à son état d’âme aussi il le laisse inachevé pour probablement passer au dos du tableau dans le dessin sur fond rose de joie et pour créer un autre tableau plus léger, plus optimiste qui correspond à son état d’âme du moment avec la joie que lui procure la rencontre avec sa nouvelle muse Emilie KILGORE.
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Pour les biographes de DE KOONING , celui-ci «était anxieux et le doute incarnait la pensée existentielle rependue à cette époque par les expressionnistes abstraits. La frénésie de DE KOONING au début des années 70 était rare mais dévastatrice… Il écrivait à MIMI( Emilie KILGORE)à ce sujet « Un étrange sentiment planait sur moi , parfois je sentais que je devais marcher sur l’autre côté de moi-même, qu’une panique existentielle me prenait »
Doute, aliénation, paradoxe, ambiguïté, désespoir, ces thèmes privilégiés du moment étaient le souffle même de son art. Il était accepté que c’était exactement le doute de DE KOONING qui avait donné à ses peintures une grande partie de leur pouvoir ( WILLIAM F BIRDSALL)
L’art de DE KOONING était continuellement dans des états de paradoxes de stabilité et d’instabilité ,de contradiction, et de continuité, de colère et d’amour était t-il cruel ou gentil, spontané ou calculé, un admirateur de faible culture ( publicité) ou haute culture ( REMBRANDT), consacré au passé ou au présent, un radical ou un conservateur, un misogyne ou un admirateur des femmes, un homme de la ville ( NEW YORK) ou de de la campagne ( LONG ISLAND)
C’est-à-dire tous les effets d’un artiste complexe dans son art et la lutte anxieuse dans laquelle il vivait. Quoi qu’on ait dit sur DE KOONING le contraire semble néanmoins vrai ( STEVEN S et SWAN)
On qualifiait ses peintures ‘d’aperçu glissant « et de manque de permanence dans son travail qui aboutissait à des changements constants dans son motif .
Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » en est un bon exemple . En effet le tableau exprime dans un premier temps un cauchemar qu’il aurait subi dans un environnement de monstres dévorants, de « WOMAN » en connivence avec ces monstres , de terreur. Il fini par abandonner ce tableau car son état d’esprit avait changé depuis qu’il avait rencontré sa nouvelle muse. Il nous montre sa nouvelle idylle par un dessin au dos du tableau sur un fond rose en contradiction avec le tableau qui exprimait de la terreur de la peur de la mort avec des peintures rouges sang et sombres de noir de gris et de vert morbide.
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Comme toujours l’anxiété de DE KOONING découle en grande partie des exigences extraordinaires qu’il avait placé sur lui même
Son doute était aussi une anxiété omniprésente sous jacent à son art et à sa vie. Dans un discours il déclarait : « L’art ne semble jamais me rendre paisible , j’ai toujours l’impression d’être enveloppé dans un mélodrame »
L’influence de SOUTINE sur l’expressionnisme de DE KOONING a été décisive sur un point de vue de la vie de ce dernier mais la fondation de sa sensibilité expressionniste a été parée par des années d’angoisse qui est restée avec lui toute sa vie et a contribué pendant de nombreuses années à son alcoolisme
Ce doute est présent dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le tableau étant resté inachevé par des zones de grattage et essuyage de la peinture au papier, le peintre n’étant plus dans l’état d’esprit de terminer le tableau . La raison en est le dessin sur fond rose situé au dos du tableau qui est un hymne à l’amour de sa nouvelle muse Emilie KILGORE alors que le tableau tout au contraire exprime la noirceur , la terreur, la mort
En effet « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » a ceci de remarquable qu’au verso du tableau se présente sur la barre transversale de l’encadrement type américan en bois et sur une peinture rose, le fameux rose DE KOONING que l’on trouve dans son tableau « PINK ANGELS « de 1945, un dessin qui se lit différemment sur chacun des cotés en tournant le tableau de 90 degrés en 90 degrés. Sur le côté d’accrochage au verso horizontalement, une sorte d’hiéroglyphe entremêlé des deux noms D.KOONING et KILGORE et en tournant se détache un tête de femme ressemblant à la tête du tableau MARYLIN MONROE de 1954 qui est probablement Emilie KILGORE et tournant de l’autre côté se détache la tête d’un homme qui est sans doute DE KOONING lui-même
Au doute, il y avait aussi l’angoisse qui était perceptible chez DE KOONING. C’est souvent la nuit que DE KOONING était parfois submergé par l’angoisse et la tristesse. Le tableau image d’un cauchemar en est un exemple. L’assistant de DE KOONING relate que parfois il était réveillé par DE KOONING et en se plaçant dans l’embrasure d’une porte « il le voyait pleurer » ( STEVENS, SWANN )
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C’est bizarrement lorsque tout va mal pour SOUTINE, sa maladie progresse et devient insoutenable, qu’il doit se cacher d’endroit en endroit, de maison en maison pour échapper à la gestapo pendant la guerre que ses tableaux deviennent plus apaisants, il n’y a plus de tremblements de terre , de ravins, de maisons et d’arbres qui se tordent , de monstres qui veulent tout écraser , tout respire la tranquillité dans un paysage ou se promène dans une nature luxuriante fleurie des mères et leurs enfant ou des enfants jouent en toute quiétude ou respire l’amour maternel loin de tout le tintamarre des années de guerre et de l’état de santé mortifère qui l’accable et qu’il sent que la fin est proche mais alterne aussi pendant la même période le tableau « Maternité », une femme, assise a le visage hagard, les traits jeunes et terrifiés par ce qu’ils voient et que nous ignorons : dans ses bras l’enfant endormi, comme mort. Le tableau, qui représente l’enfant endormi et clos au monde, ouvre sur le mystère de la mort, du retour à cet état d’innocence mêlé d’effroi qui la précède, de cet appel à la tendresse et au secours qui l’accompagne et la suit.
Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE a la particularité également d’alterner des états d’âme diamétralement opposés
Au recto dans des couleurs de rouges de noir et toute la palette des orange, vert, marron, gris, noir, jaune, une forme biomorphique se fait dévorer par des monstres des marais et la mer dans la terreur des lieux au contraire au verso dans un fond de rose ( le rose DE KOONING) c’est un hymne à l’amour à la joie grâce à sa nouvelle muse Emilie KILGORE
LE CHAOS DANS LES PEINTURES DE PAYSAGES, LE
HASARD
Pour des critiques, les paysages de SOUTINE sont sous le signe des éléments déchainés et du chaos universel pour d’autres c’est la résolution des contraires juxtaposés, l’unité d’un trop plein qui déborde .Mark ZBOROWSKY voit les paysage de SOUTINE à l’exemple du SHTETL ( quartier juif en europe de l’est avant la 2eme guerre mondiale) dont leurs habitants pensaient que l’univers est un ensemble dédié, conçus et gouverné par le tout puissant qui le créa à partir du chaos originel .Dans l’univers du SHTETL le moindre chose possède son TAKHLES, son but, son sens.
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Des images filmées d’un documentaire consacré à SOUTINE montre des paysages réels qui ont été peints par l’artiste, les paysages comportent des bâtiments où se situent une présence humaine et la possibilité par nature d’être habité alors que dans les tableaux tout apparait brouillé comme un monde en train de disparaitre sous nos yeux
Comme les critiques au peintre l’ont souligné, SOUTINE reste imperméable au calme des villes catalanes ou il travaille et il produit une vision apocalyptique des paysages , un chaos qui paraitraient rassurants dans une photographie.
SACHS nous parle des paysages de SOUTINE » Les maisons quittent la terre , les arbres semblent voler »
Pourtant il souhaite laisser apparaitre dans ses tableaux une réalité, la réalité de la sensation sans la supposition d’un ordre humain préalable d’où l’impossibilité de voir dans tout ses tableaux une présence humaine qui puisse s’emparer du monde. il se référe à un ordre bouleversant des choses simplement donnés à une organisation qui passe par le rythme de la syncope d’une genèse de destruction. Il souhaite restituer un ordre qui puisse correspondre au mouvement du réel sans le fixer d’après un seul point de vue ou une sensation unique . La peinture en l’absence d’un discours mimétique et en l’absence de toute vision scientifique opératoire conduit vers une nouvelle distribution de la capacité d’inhérence du peintre au monde et à sa capacité à nous montrer ce qui sollicite ainsi son regard
SOUTINE est résistant à l’ordre des années 20, c’est-à-dire à la clarté de la ligne, à l’équilibre de la composition Française. C’est la période du retour à l’ordre prôné par PICASSO , BRAQUE, DERAIN après les années fauves et cubistes . Pour la critique de l’époque l’ordre ne peut être que Français et le chaos la part de l’autre, l’étranger, le sauvage, le juif, l’apatride.
SOUTINE trouve sa cohérence dans le tableau. L’ordre rationnel y est bouleversé par l’émotion, la peur ,la panique qui se confrontent avec des forces qui échappent à la forme classique : la couleur, le mouvement , les distorsions de l’espace . Il se cramponne à ce que la peinture avec ses contradictions apporte de trouble irréductible.
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Le monde visible côtoie le monde invisible tout en restant dans les catégories du paysage, de la nature morte ou du portrait ». ( xavier GIRARD) et pourtant ses œuvres ne sont pas seulement un chaos, il souhaite restituer un ordre qui puisse correspondre au mouvement du réel sans le fixer d’après un seul point de vue ou une sensation unique
David SYLVESTER , C’est le premier qui détaille chez SOUTINE les façons de plier le paysage à la logique de la surface peinte, relevant ici des mouvements de rotation, là des titubations ou des balancements, ici encore des ascensions , des descentes, des glissements, des chevauchements ou des poussées . il est tentant d’ajouter à cette liste toutes sortes d’autres actions de cisaillement, d’ondulation, de renversement, d’entassement, de froissement, de pliures etc qui donne une impression de panique, de cataclysme, de tremblements de terre
Ses paysages tourmentés ont été commentés par SACHS en ces termes « les maisons quittent la terre,les arbres, et semblent voler.
Quand il peint les paysage de CERET, CAGNES dans les années 1920-1921 , son ami MODIGLIANI et sa femme viennent de mourir à quelques jours d’intervalle et il en est très affecté, cela se voit dans sa peinture de paysage qui est pessimiste . Il sait que dans sa vie et dans sa peinture il enfreint les lois juives qui lui ont été inculquées dans son enfance ( le rapport avec les animaux morts, le sang , les portraits etc) et il fait part de sa crainte ,de la réaction divine dans ses peintures par le chaos, et la destruction. Sa vie , sa peinture ne sont qu’une douloureuse cohabition avec lui-même , cela se voit aussi dans son caractère, il ne pouvait s’empêcher de détruire ce qu’il aimait que ce soit avec MODIGLIANI qu’il aimait mais qu’il ne pouvait faire autrement que critiquer et ne pas lui rendre le respect que celui-ci lui avait donné en admiration et en affection. De même avec ses mécènes, les époux CASTAING qui lui ont acheté des œuvres , hébergé dans leur maison . il a tout fait dans son comportement pour que ceux-ci s’éloignent définitivement de lui . Il lui arrivait aussi très souvent de détruire ses œuvres ou de les récupérer chez les collectionneurs, les galeries quand les critiques étaient mauvaises sur celles-ci
Par exemple dans le cas de « MISTRAL, PAYSAGE AUX FIGURES » de 1920-1921 , le paysage montre des personnages devant leur maison dont on a peine à reconnaitre une véritable présence humaine. C’est plutôt une vision d’un séisme, d’un cataclysme auquel le tableau fait penser et qui ne correspond pas à la réalité de la petite ville CATALANE paisible aux maisons blanches avec facettes ombragées. C’est le mistral ou la tramontane qui laisse présager le chaos et cela lui convenait pour sa peinture pour y suggérer le chaos.
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Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ce n’est pas non plus le calme réel des marais et de la mer , leur aspect reposant qu’il peint. Le peintre nous donne une image très différente des lieux. C’est le réel dans l’imaginaire du peintre vu par ses cauchemars dans le chaos, la terreur et la mort
le calme , la beauté des paysages de LONG ISLAND ses marais aux eaux peu profondes et verdoyantes et l’océan atlantique balayée par la lumière et les eaux claires passent avec le peintre aux ténèbres produits par les sensations du peintre à la vue de ces pièces d’eau cauchemardesques
Tout cela donne un sentiment de vertige relatif et d’instabilité de la nature accentuée encore par le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE avec une ubiquité qui se décline sur 3 cotés . Le coté accrochage qui n’est pas sa position appropriée car le dégoulinage de la peinture à l’huile, rouge sur la tête de la forme biomorphique va vers le haut au lieu du bas, le coté tête en bas dans le sens de la coulure de la peinture rouge et le coté horizontal qui correspond à l’image du tableau , le regardeur se situe au dessus de le forme biomorphique et du marais et de la mer
OU se situe l’origine du chaos, et du sentiment d’étrangeté donné par les peintres ?
Pourquoi les peintre nous donnent t’ils une vision qui est si différente de la vision ordinaire du même lieu ?
D’abord le caractère de DE KOONING, il pense que tout va toujours aller très mal. Quand il peint le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » en 1971, c’est une année difficile pour DE KOONING. C’est la période de litige aux tribunaux avec un ancien marchand JANIS SYDNEY, période aussi de difficultés avec sa fille LISA et ses mauvaises fréquentations et toujours ses addictions à l’alcool qui ne s’arrangent pas et il n’a plus de marchand actif FOURCADE a quitté KNOEDLER . De plus ses nuits sont perturbées par des cauchemars habités par des monstres , la terreur et la mort.
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Comme SOUTINE , DE KOONING pense que tout va toujours aller très mal. Sa vie , ses peintures ne sont aussi qu’une douloureuse cohabitions avec lui-même. C’est aussi le peintre du déchirant, des corps souffrants et écartelés ( LA VISIT).
De même dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE,la forme biomorphique centrale déchirée , ensanglantée pourrait être l’autoportrait de DE KOONING mis en valeur par des couleurs chaudes de rouge incandescent , de orange et jaune qui se démarquent d’un fond sombre aux multiples variantes de couleurs noires , marron , vertes, grises qui représentent le monde des monstres marins et des marais qui sortent de l’eau pour dévorer les humains à l’image des RUSALKES , êtres mi-femmes mi -poissons qui attaquent les humains à mort pour les transformer eux-mêmes en nouveau RUSALKES. Le sang qui coule de la tête de la forme biomorphique montre que la lutte n’est pas encore terminée, la forme est encore vivante. Lueur d’espoir en l’avenir car DE KOONING vient de rencontrer sa muse Emilie KILGORE
Chez SOUTINE comme chez DE KOONING même si on semble voir le chaos et bien que le danger soit constamment introduit par l’artiste afin d’évaluer toutes les permutations possibles de formes , de peinture , le chaos n’empêche pas l’ordre, rien n’est laissé au hasard
De KOONING a défié la mentalité américaine « can do » affirmant que « l’attitude de la nature est chaotique et que l’artiste y met de l’ordre » lui dit « c’est absurde je pense, ce que nous pouvons espérer c’est mettre de l’ordre en nous »
De KOONING comme SOUTINE ont le souci de l’environnement. SOUTINE démarre toujours ses tableaux sur le motif et DE KOONING quand il était à NEW YORK aimait marcher dans les rues et observer autour de lui. De même plus tard dans les LONG ISLAND, il aimait partir en bicyclette le long de la mer, s’arrêter quand un endroit lui plaisait et observer pendant des heures la mer, les reflets du ciel sur la mer et le sable. Il s’est beaucoup inspiré des paysages maritimes dans les années 60 et 70. Il avait dit « pour moi un seul point rentre en ligne de compte : le champs de vision qui devient parfois très clair, je ne l’ai pas inventé. C’était déjà là. Tout ce qui se passe devant moi, je n’en vois qu’un peu mais je cherche toujours et j’en vois énormément parfois ».
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Avec DE KOONING, pas de logique philosophique, spirituelle ou politique systématique, il se laisse aller à des sentiments intérieurs qui sont souvent remplis d’anxiété, de doute, de peur et cela transpire dans sa peinture . Ses tableaux qu’ils soient figuratifs ou abstraits, l’imagerie de DE KOONING s’est inspirée de formes capturées dans la réalité perçue
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE n’est pas en reste, la scène du tableau se situe dans un paysage réel de marais et mer de LONG ISLAND même si la transformation ensuite n’a plus à voir avec la réalité du paysage mais vient de l’intérieur ( ses cauchemars peuplés de monstres)ce n’est pas parti d’un vide chaotique ou uniquement d’une réalité picturale
LES MOUVEMENTS DANS LES TABLEAUX DE SOUTINE ET LEG WOMAN IN THE LANSDCAPE
Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, La figure centrale biomorphique verticale traverse le tableau de haut en bas dans le milieu de la toile et divise le paysage de part et d’autre en 2 mouvements opposés. Dans la partie gauche qui correspond à un paysage de marais (situé dans les LONG ISLAND) ,les coups de peintures vont dans la même direction, vers le centre ou se trouve la forme biomorphique. De l’autre côté de la forme, les coups de peintures vont à contrario vers l’extérieur du tableau. Le paysage est ici maritime et suit les mouvement du flux et du reflux de la mer dans un courant ellipsoïdal .
Dans ces deux paysages se détachent des coups de pinceau serpentins qui représentent des monstres marins et monstres des marais qui agressent la forme biomorphique. La forme biomorphique a elle-même un mouvement ondulatoire ou vient se loger dans ses creux, de la peinture elle-même en mouvements ondulatoires et en enroulant autour de la forme centrale . En dehors de tout mimétisme et de toute version scientifique, dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le peintre nous montre ce qui sollicite son regard. Le peintre renonce à un point de vue unique en nous montrant d’un côté une vue sur les marais et de l’autre une vue sur la mer, La forme biomorphique centrale faisant attraction et reflux provoquant des mouvements aqueux qui entrainent des monstres. Dans cet espace du tableau sans profondeurs , sans perspectives , sans grandeurs équilibrées tout semble imbriqué l’un dans l’autre et en mouvement . Tout ce monde imbriqué en mouvement avec des couleurs très proches les unes des autres entre couleurs chaudes et couleurs froides qui se chevauchent donnent malgré tout un aspect indéchiffrable et indistinct
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En ce qui concerne SOUTINE, les toiles de paysages sont généralement entourées par des faisceaux de mouvements vers la droite à l’exemple « paysage de CERET de1921 » Comme LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE les éléments du paysage ou des natures morte de SOUTINE créent des courbes et des contrecourbes onduleuses à en attraper le tournis
Au lieu d’architectures, d’objets de la tradition ,DE KOONING et SOUTINE développent le mouvement, le flux, la trajectoire oscillante d’un monde en perpétuel déséquilibre
Dans certains tableaux de CERET, les maisons quittent la terre, les arbres volent. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique est en lévitation au-dessus de l’eau.
Dans les natures mortes de SOUTINE comme « NATURE MORTE AUX HARENGS » « de 1923, la table est inclinée et recourbée sur laquelle sont posés un hareng, une serviette rouge, un pichet , une cuillère, un bol. L’espace s’incurve. Les choses sont emportées par un flux ondoyant qui les projettent en désordre vers le bord inférieur droit de la table ou les vrille sur place. Un courant ellipsoïdal traverse l’espace qui redonne vie aux objets. La table n’est plus un support statique, permanent et solide mais un champ d’énergies déjetés. La juxtaposition des objets importent moins à SOUTINE que leur place dans le mouvement de propagation, même le rouge de l’étoffe est un corps ondulatoire
De même dans ,LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE tout est mouvement et en mouvement perpétuel comme les reflets des nuages dans l’eau qui circulent avec ces puits de lumière ( grattage de la peinture) dans la masse sombre du fond du tableau
Autres mouvements intéressants entre les peintures de SOUTINE et « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est le mouvement en tourbillon .
Chez SOUTINE dans « Paysage à l’âne rouge » il y a d’abord le rouge que l’on trouve sur le toit de la maison et le rouge de l’âne similaire au rouge de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE mais on remarque un mouvement de tourbillon des arbres autour de la maison de « paysage à l’âne rouge » qui semble la rendre prisonnière de son environnement . Ce tourbillonnement on le retrouve aussi autour de l’église de CAGNES avec toujours ce rouge dans la robe de la femme au pieds de l’église et cette verdure qui entoure l’église et qui semble l’isoler et la rendre également prisonnière de son environnement.
Dans » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » au bas de la forme biomorphique une sorte d’animal monstrueux d’un rouge plus moins vif que la forme biomorphique entoure les pieds dans un mouvement de tourbillon pour l’empêcher de bouger
SOUTINE -DE KOONING et LES MAITRES DU PASSE
Ni SOUTINE ni DE KOONING ont nié leur dette au passé, ils l’ont au contraire reconnu sans réserves
Le conservateur Monroe WHEELER écrit « SOUTINE n’a jamais oublié qu’il était venu à PARIS pour peindre à la façon des maîtres qu’il idolâtrait » De KOONING avait de son coté affirmé clairement ses positions « je pense qu’aucun artiste moderne : CEZANNE, MATISSE ,PICASSO et les autres aient été aussi grand que les plus grands du passé :RUBENS, VELASQUEZ et REMBANDT ». SOUTINE et DE KOONING ont été attirés par certains artistes classiques mais pas forcément les mêmes.
De KOONING quand il pense à sa peinture, il se projette dans la peinture de la Renaissance non par regret mais pour la vulgarité au sens pictural et la partie charnue de celle-ci qui semble le rendre plus occidental que ses pairs de l’expressionnisme abstrait
Tous les deux ont étudié les grands maîtres classiques notamment TITIEN ,RUBENS , REMBRANDT, Le GRECO, TINTORET
REMBRANDT était l’artiste préféré de SOUTINE. Plusieurs fois il a fait des déplacements au musée d’Amsterdam pour voir et étudier des tableaux de REMBRANDT. Il appréciait particulièrement « LA FIANCEE JUIVE » de 1666 » et « BAIN DANS LE RUISSEAU » dont il s’est inspiré pour son tableau FEMME ENTRANT DANS L’EAU » de 1931 lui-même très proche du tableau de DE KOONING « WOMAN SAG HARBOR »de 1964 avec les reflets dans l’eau.
Ce que SOUTINE appréciait chez REMBRANDT, c’était une certaine conjugaison d’empâtements transparente de glacis et cette manière de donner une consistance tridimensionnelle aux personnages à l’aide de moyens picturaux apparemment grossiers avec des touches visibles, des couleurs épaisses, des textures inégales qui attirent le regard vers les accidents de surface peintes et les vibrations de la texture. Tout cela donne des qualités d’ordres tactiles, les registres de la vue et du toucher s’en trouvent réunis en un couple qu’il ne cessera de solidariser .
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SOUTINE n’a jamais travaillé à partir directement des tableaux de REMBRANDT qu’il admirait, il préférait travailler à partir de recréation de vie. Par exemple pour sa désormais série de peintures à carcasse, il a apporté un morceau de bœuf à l’atelier et a aspergé la carcasse de sang frais afin de maintenir les tons de chairs en vie . Les images vives de SOUTINE avec leurs arrangements de couleurs saisissantes et leurs qualités grotesques sont clairement redevables au bœuf de REMBRANDT, bien qu’il ai offert sa propre interprétation.
SOUTINE avait tant d’admiration pour REMBRANDT que Henri MILLER disait : « il est obnubilé par REMBRANDT qu’il idolâtrait » Dans de nombreux tableaux natures mortes ou portraits, matières et fonds font penser à REMBRANDT comme « BŒUF ECORCHE » ou « jan SIX » avec des portraits riches en couleurs et chairs et avec un fond très sombre
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on retrouve ce même duo avec forme biomorphique luxuriante et fond également très sombre. L’admiration de DE KOONING est aussi importante, il regarde son lointain compatriote et lui rend hommage dans ses toiles.
Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »l’ombre de REMBRANDT est aussi présente avec les irrégularités, les accidents, la luxuriance de la matière, le contraste des couleurs Rouges et noires
Un autre REMBRANDT proche de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » : « portrait de Jan SIX » de 1654 avec en premier plan un rouge vermillon bardé de orange sur les bords qui forment la cape du personnage et le fond sombre du tableau en rapport avec le rouge , orange du premier plan du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE » et le fond sombre.
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Autre tableau de REMBRANDT très proches des deux peintres « Le bœuf écorché » de 1655 du LOUVRE par rapport au « bœuf écorché de SOUTINE » et ce qui est inédit , ces deux tableaux sont également proches du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » qui sera développé dans un chapitre ci- après.
Il y a aussi le tableau « FEMME ENTRANT DANS L’EAU » de SOUTINE et « WOMAN V » de DE KOONING qui sont proches du tableau de REMBRANDT « FEMME SE BAIGNANT DANS UNE RIVIERE» Les trois tableaux évoquent une femme peinte frontalement entrant dans l’eau à mi-cuisse et le jeu des reflets dans l’eau en mouvement.
C’est précisément ce REMBRANDT-là qui semble être la source des « WOMAN » dans le paysage des années 50 de WILLEM DE KOONING. DE KOONING regarde l’œuvre de son lointain compatriote et lui rend hommage de ses toiles
Quand à SOUTINE , DRIEU DE LA ROCHELLE ( écrivain antisémite) dans sa comparaison de SOUTINE et REMBRAND il dit pourtant « Il est le plus grand peintre d’aujourd’hui, le seul dont l’œuvre placé près de celle de REMBRANDT supporte d’être comparé. Cette ascension incomparable, il faut en chercher les causes dans la compréhension qu’à SOUTINE de la matière, dans l’excellente influence que la mesure Française a eu sur son tempérament fougueux, enfin ce que nous appelons le génie d’un homme, le feu sacré dont il brule »
Chez RUBENS , SOUTINE ET DE KOONING appréciaient particulièrement les tableaux dominés par le rythme, l’énergie et les couleurs, par les femmes voluptueuses bien en chair et sensuelles et la picturalité qui préfigurent chez DE KOONING les tableaux des années 60 . Il disait : « La chair est la raison pour laquelle la peinture à l’huile a été inventée »
Pour DE KOONING , RUBENS c’était l’exubérance , la vitalité grossière trouvé dans des Pays-Bas, c’était l’approche occidentale de l’art occidental, les images pleines d’actions dramatiques , les contours luxuriants et la sensualité. Chez RUBENS il admirait les chairs et ses chefs d’œuvres flamboyants. Il disait : « Je suis fou de RUBENS de toutes les femmes voluptueuses, Il était l’ultra de la période Baroque » , Il disait aussi après avoir vu RUBENS : « La chair était la raison pourquoi la peinture à l’huile a été inventée »
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SOUTINE a regardé aussi les peintures de CHARDIN et DE KOONING était plus attiré par des compositions fantastiques de ses compatriotes JEROME BOSCH et BRUEGEL .
Dans l’ensemble , ils ont recherché des qualités similaires dans les pratiques des deux artistes Ils appréciaient notamment la picturalité d’un peintre comme RUBENS et , dans leurs œuvres respectives et leurs styles personnels , avec des coups de pinceau dynamiques et viscéraux. Ils ont cherché à donner cette matière picturale a leurs formes et leurs figures. Les deux hommes ont également exprimés une fascination commune pour le grotesque à l’œuvre dans certaines images de leurs prédécesseurs Jérome BOSCH, BRUGGLE, introduisant dans leurs peintures des éléments de distorsion et d’exagération qui renforcent l’impact visuel ( SIMONETTA FRAQUELLI)
Irvin SANDLER ( critique d’art) a noté que les liens de DE KOONING avec la tradition étaient évidents dans ses techniques de peinture, son utilisation de l’image humaine mais il n’avait aucun intérêt culturel, spirituel , politique, système de croyance ou autre que son engagement envers son art
Par-dessus tout, SOUTINE et DE KOONING possédaient chacun une approche libre de l’art du passé. Ils se sentaient libre de prendre des références de l’histoire de l’art. Soutine s’alignait plus ou moins sur le patrimoine antique de la France mais aussi de la Hollande et Belgique, Il a fait plusieurs voyages dans les 2 pays pour visiter les grands musées afin de s’inspirer de certaines œuvres exposées comme REMBRANDT, RUBENS alors que DE KOONING plutôt sur le patrimoine la HOLLANDE son pays d’origine
Si les deux peintres avaient une affection particulière et commune pour RUBENS et REMBRANDT, DE KOONING était aussi influencé par BRUEGLE ET BOSCH. Dans beaucoup de tableaux on trouve des signes qui font ref à des tableaux comme « le triomphe de la mort » , « la parabole des aveugles »de BRUEGLE L’ANCIEN ou « Le jardin des délices » de BOSCH
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Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on peut trouver une certaine ressemblance avec un dessin de personnage sur pied dont la posture des pieds , des mains et de l’instrument qu’il tient dans les mains ressemble à un personnage du tableau « LE TROMPHE DE LA MORT »qui se trouve dans l’encadrement d’un drapé blanc. Ce dessin de DE KOONING sans titre de 1971 ( la même année que le tableau LEG WOMAN IN THEE LANDSCAPE) a un visage qui est repris simplifié à l’extrême dans les traits du nez et de la forme du visage dans le dessin de l’homme que l’on retrouve au dos du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et ce n’est pas un hasard car ce titre de BRUEGLE « LE TRIOMPHE DE LA MORT » » correspond tout à fait à ce dessin qui contrairement au recto du tableau est une représentation de la mort ( forme biomorphique dévoré par des monstres) le dos du tableau est une resurrrection grâce à l’amour qu’il a découvert avec sa nouvelle muse Emilie KILGORE que l’on retrouve également dans le dessin du dos du tableau sous le signe de MARYLIN MONROE .
Selon la femme de DE KOONING , Elaine , BOSCH a été très tôt l’un des peintres préférés de son mari, qui a la fin des années 60 a aussi exécuté des dessins de BRUEGLE ( Simonetta FRAQUELLI) . le dessin sans titre de 1971 est probablement un de ceux dont parle Elaine
Autres tableaux de DE KOONING ( SEATMAN -CLOWN).l’historien d’art David AFAM a suggéré que SEATED MAN paraphrase les démons dévorant l’homme en bas à droite au « jardin des délices » de BOSCH .
Pour Harry F GAUGH un autre tableau reprend également cette scène de démon dévorant l’homme , il s’agit du tableau « MAN » de 1967 par rapport également au « JARDIN DES DELICES »
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE serait aussi du même ordre que « SEATED MAN » et « MAN » . En effet on retrouve un démon sous forme de monstre aquatique de couleur noire à gauche qui dévore la forme biomorphique.
Dans cette optique de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on peut aussi faire le rapprochement avec « the VISIT » ou le personnage masculin jambes écartées se fait attaqué sur le coté gauche par un monstre la gueule ouverte prêt à dévorer l’homme
La manière de peindre de ces deux peintres DE KOONING et SOUTINE étaient hors des sentiers battus, elle est contradictoire avec ce qui est enseigné, pour SOUTINE : figures tordues, paysages déséquilibrés ou le sol se dérobe , villages qui se soulèvent dans les airs , maisons anthropomorphes et prédominance de la couleur .
Pour DE KOONING, mélange de peintures rapides et lentes , effets de rides, de craquelures, grattage, effets suite aux excès d’huile, d’eau, d’essences, peintures sans horizon, sans profondeur, sans perspectives ou le fond et les peintures du premier plan se rejoignent, peintures inachevées comme dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Ses tableaux se prêtent pour le spectateur à l’ambiguïté des contradictions, à la confusion des intentions. IRVIN SANLER a perçu avec acuité ce dilemme auquel DE KOONING était compromis tout en reconnaissant que DE KOONING était surement le plus grand peintre virtuose de son temps . SANDLER a conclu avec perspicacité « peu importe si un tableau de DE KOONING est bien fait à la manière des chefs d’ouvres du passé s’il ne transmet pas une confiance dans le destin de l’homme »
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, on retrouve aussi le rouge de RUBENS des tuniques , le fond sombre des portraits de REMBRANDT et plus récemment les portraits gris fantomatiques de GIACOMETTI
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Dans les paysages de CERET de SOUTINE, avec leurs gestuelles et leurs distorsions fascinantes rappellent les dramatiques tourbillons et les touches apparemment spontanées des grands tableaux de TINTORET sans parler des formes allongées et tortueuses des derniers tableaux du GRECO
Chez ces deux peintres il y a aussi une approche de la mythologie dans la peinture du déchirant et des corps souffrants comme dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE avec cette forme biomorphique en train de se faire dévorer par des monstres. Ainsi on peut évoquer OSIRIS dilacéré, Orphée démembré par les femmes thraces, Dionysos dévoré et recomposé , Marsyas écorché , Toutes ces démesures qui ont sombré dans l’art de ces deux peintres.
Mais LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE d’un autre coté et en définitif se différencie de cette mythologie dans son aspect sombre évoqués chez les deux peintres. Ce tableau est à rapprocher d’autres œuvres de DE KOONING du même ordre , il s’agit de 6 dessins de crucifixion réalisés à la même époque que « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, 1971-1972 sous le nom « For santa Emilia-six Tears for six saints » Cela fait penser à la crucifixion du christ avant sa résurrection pour sauver les hommes de leurs pêchés . N’y a-t-il pas une allusion dans ces dessins à un autoportrait du peintre crucifié pour ressusciter d’un nouvel homme lavé de tous ses démons intérieurs pour vivre un nouvel amour avec sa nouvelle muse Emilie KILGORE. D’ailleurs accompagné de ces 6 dessins il y a une note manuscrite : « For SANTA EMILIA » qui s’adresse visiblement à Emilie KILGORE.
De la même manière dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme Biomorphique centrale qui pourrait être un autoportrait de DE KOONING se laisserait dévorer par des monstres aquatiques pour mieux renaitre d’un homme neuf pour l’amour qu’il porte a Emilie KILGORE .Ceci est évoqué dans le dos du tableau ou un dessin complexe représente les deux portraits de DE KOONING et KILGORE et les deux noms imbriqués l’un dans l’autre.
DECOUVERTES DE SOUTINE POUR DE KOONING ET SON INFLUENCE
Au début DE KOONING était plutôt penché sur l’œuvre de PICASSO, La bascule se fait plus tard quand il se confronte à l’œuvre de SOUTINE et alors loin d’illustrer les dominantes masculines à la PICASSO les sujets féminins gagnent en puissance… ( SCHIJELDAHL 2011)
La première fois que DE KOONING a rencontré des tableaux de SOUTINE c’est probablement dans des galeries de NEW YORK dans les années 30-40 de manière tout à fait confidentielle mais ce n’est véritablement qu’au début des années 50 que l’œuvre de SOUTINE a été révélée au monde de l’art et que DE KOONING a découvert toute sa portée .ll défraie la chronique en présentant à la SIDNEY JANIS GALLERY , sa série des « WOMAN » en 1953 après avoir subi de plein fouet , le choc de la peinture de SOUTINE
Cette deuxième découverte s’est produite en 2 temps. D’abord la rétrospective de l’œuvre de SOUTINE au MOMA en 1950 et l’exposition des SOUTINE à la fondation BARNES en 1952 qui a marqué profondément DE KOONING . « C’est juste à la même période quand il peint WOMAN1 entre 1950 et 1952 qu’il rencontre donc l’œuvre de SOUTINE et cela le conforte dans ses choix et déclenche en lui un vent d’audace et de liberté qui débride définitivement sa pratique » ( jerome BUISSON)
Si c’est principalement les tableaux de SOUTINE , vus chez BARNES qui ont influencé DE KOONING dans ses œuvres à venir, il ne faut pas oublier que d’autres tableaux de SOUTINE venu d’ailleurs ont pu également l’influencer .Ainsi « LA FEMME EN ROUGE »Ce célèbre portrait de la période de CAGNES dont on peut trouver la marque dans le DE KOONING « WOMAN IN A GARDEN » de 1971 et dont on peut trouver un certain rapport également avec » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de la même année .On y retrouve les mêmes couleurs chatoyantes de vert, orange, jaune, rouge ainsi que les formes , les coups de pinceau aux courbes sinusoïdales qui glissent dans les tableaux comme des serpents. Autre exemple avec la version réalisé par SOUTINE en 1931 de « LA FEMME DE BEIGNANT DANS UN RUISSEAU » de REMBRANDT nommée « FEMME ENTRANT DANS L’EAU » dont on trouve l’écho dans « WOMAN III » mais d’une certaine manière aussi avec « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » dont le pendant de la jambe gauche de WOMAN III mis en symétrie horizontale du au calque comme dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » correspond dans la forme à la forme biomorphique du tableau munies des 2 yeux et du bec en pointe . Les mains de WOMAN III sur le coté correspondent à ce qui parait un monstre dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
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PICASSO s’était fait le porte-parole de toute une génération à l’aube du XXeme siècle en déclarant « CEZANNE c’est notre père à tous ». Avec CHAIM SOUTINE, DE KOONING vient de trouver le sien ( Jérome BUISSON)
A l’exemple du PETIT PATISSIER » de SOUTINE de 1927 , les mains sur les hanches , les yeux dans les nôtres ,le « GROOM »au visage déformé écarlate et fond sombre à la REMBRANDT , « L’ENFANT DE CHŒUR » à l’allure et visage allongé ovale, « LA FIANCEE »qui prend toute la longueur de la toile et le fond avec une palette de vert de marron
« C’est exactement cette présence animée au spectateur et au monde, du personnage et de la peinture que De KOONING veut capturer dans ses nouveaux travaux »( Jérome BUISSON)
. Dans LEG IN THE LANDSCAPE nous retrouvons la figure ovale de la forme biomorphique, sa forme allongée qui va d’un bout à l’autre de la longueur de la toile, le fond sombre aux couleurs froides de noir de vert de marron, le tout dans un signe de mélancolie, de désespoir, de résignation
DE KOONING s’est vraiment nourri de la peinture de SOUTTNE à partir de ces deux expositions de SOUTINE mais c’est dans les années 60 et 70 à EAST HAMPTON, lieu de résidence de DE KOONING que l’influence de SOUTINE est la plus forte et se remarque dans ses tableaux. Je vous rappelle ce que disait DE KOONING de SOUTINE dans une interview en 1977 qui demandait quel peintre avait eu la plus forte influence sur lui : « Je pense que je choisirais SOUTINE , j’ai toujours été fou de SOUTINE, de toutes ses peintures. Est-ce la luxuriance de la peinture. Il construit une surface qui ressemble à une matière, comme une substance, il y a une sorte de transfiguration, un certain empâtement de chair dans son travail. » Pour lui le geste pictural de SOUTINE tel qu’il l’a observé sur les surfaces luxuriantes d’œuvres comme , »LE PETIT PATISSIER », « PAYSAGE DU MIDI »ou « LAPIN ECORCHE »s’est avéré décisif
mais il dit dans le même entretien « Il ne m’est jamais venu à l’idée de posséder un SOUTINE, en fait , je ne voudrais pas en posséder 1, être influencé par certains artistes, ne signifie pas que j’éprouve le besoin de vivre avec leurs peintures »
D’après Elaine DE KOONING, WILLEM DE KOONING adorait particulièrement l’image de SOUTINE, il disait à ses propos : « le plus j’aimais d’être comme SOUTINE, au plus original , je deviens. »
Cette remarque comme la fascination que le peintre manifestait pour toutes les anecdotes portant sur la vie de son devancier contribue à montrer à quel point Soutine l’aspire autant comme figure que comme œuvre mais il souligne ne pas vouloir peindre comme SOUTINE , il donne cet exemple : « je pourrais être influencé par RUBENS mais je ne voudrais pas peindre comme RUBENS »
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La relation active et réciproque entre les deux artistes ne saurait donc se réduire à un simple inventaire des ressemblances. Si DE KOONING revendique haut et fort ses influences , c’est bien parce qu’il pense ce type de relation sur un autre monde. Il puise dans SOUTINE la force, l’énergie afin d’avoir la capacité de s’approprier ce que SOUTINE a peint pour en faire à son tour quelque chose afin de maintenir la vitalité de l’échange
C’est SOUTINE qui a donné à DE KOONING la liberté de poursuivre le cours de son expérimentation artistique personnelle plutôt que se lier à la domination croissante du mouvement expressionniste abstrait
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, l’influence de SOUTINE se remarque dans l’utilisation des peintures rouges couleur sang, du fond sombre, de la présence de la forme biomorphique écorchée comme les bœufs écorchés de SOUTINE , de l’enchevêtrement des couleurs et des figures, de la concentration du tableau sans espace , sans profondeur mais tout cela fait d’une façon originale propre au peintre sans pour cela être un plagiat de SOUTINE
Ce que DE KOONING dit admirer le plus, par-dessus tout, c’est combien même les toiles les plus sombres et tourmentées de SOUTINE semblent pourtant luire d’un rayonnement intérieur qu’il a longtemps cherché à atteindre à travers sa peinture. Ainsi dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » au fond sombre, ténébreux peuplé de monstres ,troué de puits de lumières qui correspondent à la réflexion du ciel alternant ciel dégagé , ciel nuageux et lumière sur la surface de l’eau s’oppose une forme biomorphique rouge incandescente de sang dont la lumière semble provenir de l’intérieur. C’est après sa visite à MERION , à la fondation BARNES que la distinction conventionnelle entre le premier plan et le fond disparait, tout est imbriqué , il n’y a plus d’espace.
DANS LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE il n’y a pas d’espace, la forme biomorphique , les marais, la mer , les monstres, les accessoires comme la chaussure à haut talon , la tête de WOMAN , la tête d’homme à la GIACOMETTI, les puits de lumières tout cela ne fait qu’un , tout est relié , imbriqué .
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Il ne peignait pas nécessairement de la même manière que SOUTINE, nous l’avons vu ci-dessus ( chez SOUTINE, il n’y a pas de fragments de corps, de tableaux non finis , de tableaux aqueux , de grattage apparent
Dans une conversation en 1975 , DE KOONING disait qu’il ne pouvait pas simplement imiter le travail de SOUTINE et les autres peintres qu’il affectionnait mais plutôt y parvenir par d’autres moyens que l’imitation et la ressemblance stylistique. Son engagement avec l’art de SOUTINE provient de ses propres besoins créatifs et trouve son expression à travers sa propre vision unique comme il l’avait dit un jour à Harold ROSENBERG : » je suis un de ces artistes qui aime être influencé, cela m’apporte une autre façon de voir les choses. Je découvre des choses qui me donnent un coup de fouet, qui m’attirent et si je suis attiré, cela veut dire qu’il y a quelque chose pour moi là dedans »
De KOONING s’appuyait sur la matérialité expressive de SOUTINE pour trouver des idées de composition. Ainsi dans « WOMAN V », la pose frontale de la femme dans l’eau ressemble beaucoup à la position de « LA FEMME ENTRANT DFANS L’EAU» de SOUTINE » elle-même inspirée de « FEMME SE BAIGNANT DANS UNE RIVIERE» de REMBRANDT. Dans les « WOMAN » les distorsions du visage et du corps dans ses séries doivent quelque chose de leur impact à l’admiration profonde de DE KOONING sur l’art de SOUTINE.
L’œuvre des autres n’est pas une opportunité d’imitation mais l’émancipation et l’affirmation de soi. DE KOONING n’est pas plus infidèle à SOUTINE que celui-ci ne l’était vis-à-vis de REMBRANDT. L’un comme l’autre font de celui qu’ils admirent comme ressources, le support du développement de leur propre manière, contrairement au lien de servitudes instaurés par certains obscurs suiveur à certains grands artistes.
Aussi important que l’émulation et la ressemblance stylistique de SOUTINE sur DE KOONING, la dévotion de DE KOONING pour SOUTINE a la primauté à sa croyance infinie en l’art comme mode de vie et cela justifie en premier lieu son affirmation sur SOUTINE « Je suis fou de SOUTINE »
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Soutine d’un tableau à l’autre avait la même volonté de déstabiliser le regard, de dépasser les formes naturelles, de donner à voir la peinture dans ce qu’elle a de plus organique. De KOONING a été troublé et exalté de ce qu’il a vu de SOUTINE, il ressent une filiation entre SOUTINE et lui, il retrouve dans les paysages de CERET et CAGNES la mobilité et la nervosité de ses propres coups de pinceau, l’arbitraire du geste qui donne à la touche picturale toute son autonomie
Sur le plan visuel, les peintures de SOUTINE et de DE KOONING suscitent une réponse viscérale similaire chez le spectateur
Leur peinture est essentiellement gestuelle, c’est le geste spontané, doux , saccadé, violent ou minutieux et non le sujet qui induit chez les deux peintres un sentiment, une émotion , un caractère et font naître ainsi l’anxiété, le désespoir ; l’absurdité, la peur, la terreur, l’amour etc
Pour SOUTINE , il transmet sur ses peinture la réalité devant lui de l’objet non pas que les autres peuvent voir mais que lui seul voit
Pour DE KOONING ce qu’il transmet sur la toile c’est la réalité connecté à son imagination
D’après Elaine DE KOONING , WILLEM adorait particulièrement l’image de SOUTINE , il disait à son propos « plus j’essaie d’être comme SOUTINE, le plus original je deviens » SOUTINE l’inspire aussi bien comme figure physique que comme œuvre mais s’il peut être influencé par SOUTINE, il ne veut pas peindre come SOUTINE de même il aime RUBENS mais ne veut pas peindre comme lui.
Autant l’œuvre qui l’influence c’est aussi le mythe de SOUTINE auquel il s’identifie, la même indépendance vis-à-vis de la communauté artistique qui veut l’absorber . Faire son SOUTINE c’est une façon de se tenir dans l’histoire, dedans mais libre et seul
Les influences lui permettent l’éclectisme qui est la plus sûre protection contre l’asservissement. Sa devise c’est rester soi en restant ouvert à toutes les influences et il dit : « Les gens que je préfère sont peut-être précisément ceux qui font quelque chose que je ne ferais jamais… Il fait naturellement une chose et je fais naturellement autre chose » Faire comme SOUTINE, ça n’est pas faire du SOUTINE, mais comme lui, faire autre chose
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Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » semble être un des tableaux qui a plus de rapports avec ceux de SOUTINE aussi bien avec les paysages de CERET qu’avec les natures mortes comme les bœufs écorchés, cela sera détaillé dans cette étude.
Quant à l’influence des critiques, les conséquences n’étaient pas identiques pour les deux peintres.
Pour SOUTINE si une critique était mauvaise et féroce sur un de ses tableaux et qu’il en avait vent, il supprimait, détruisait le tableau et s’il était vendu il allait même jusqu’à le racheter pour le détruire ou le remplacer par un autre tableau
DE KOONING étant très fort d’esprit, il n’était pas influencé par les critiques de l’époque où les uns et les autres. Il faisait ce qu’il devait faire peu importe que ce soit des succès ou échecs. Les critiques des années 60 étaient pour la plupart mauvaises notamment ceux de Clement GREENBERG qui l’avait adulé quand ses tableaux étaient plus abstraits mais il n’a rien changé dans sa nouvelle façon de peindre pour autant. Pour certains critiques de l’époque tout ce qu’il avait fait depuis son déménagement au SPRING était un échec et les collectionneurs étaient d’accord avec eux . Cela n’a fait que le renforcer dans son idée qu’il était sur la bonne voie dans sa façon de peindre
D’un point de vue philosophique, la picturalité libre de SOUTINE représente pour DE KOONING, la liberté même de la vocation artistique. Pour lui cette qualité est le fruit d’une conviction intérieure plus qu’une forme expressionniste stylistique, Il disait « J’aime SOUTINE, tout ce qu’il faisait avec une sorte d’expressionnisme, il le faisait seul, je ne pense pas qu’il serait d’accord pour se dire expressionniste, ou pour dire que sa peinture puisse relever de cette façon de peindre, il était tour seul » ( judith ZILCZER)
Pour Pierre WAT (professeur d’histoire de l’art), « Le SOUTINE de DE KOONING n’est pas et ne peut pas être tout SOUTINE. Il procède d’un choix sur soi, ce qui implique des refus » Nous le voyons dans cette étude en faisant des comparatifs entre les deux peintres qui sont parfois antinomiques dans certaines façons de peindre, toujours d’après des motifs pour SOUTINE et jamais selon DE KOONING. De KOONING aime peindre à la lumière flamboyante du jour, SOUTINE à besoin du minimum de lumière naturelle pour peindre, cela ne le dérange pas de peindre sous la pluie
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Il a parfois aussi un aveuglement délibéré qui laissera, lui aussi sa trace dans la peinture après le choc de 1950 .Peignant d’après SOUTINE, il se pose comme son successeur dans l’histoire tout à la fois en s’approchant de son œuvre qu’en s’en éloignant. DE KOONING dit : « je ne sais pas ce que je suis, mais je ne suis pas les autres »
Ca sert à ça l’autre, on inscrit son nom dans la généalogie afin de s’en éloigner , pour mieux se trouver ( Pierre WAT)
Lorsqu’il s’exclame « La chair est la raison pour laquelle la peinture à l’huile a été inventée », DE KOONING révèle ce qu’il a en partage avec SOUTINE, ils ont la chair en commun, ils ont aussi le gout de l’empâtement mais chacun a sa palette. SOUTINE montre la chair en blanc, DE KOONING la montre en rose- rouge. Ils ont une admiration sans limites pour REMBRANDT etc
SOUTINE-DE KOONING ( LEG WOMAN IN THE
LANDSCAPE) AUTOPORTRAITS
SOUTINE comme DE KOONING nous montre des personnages déformés , bouches à la place des seins, oreilles agrandies , yeux décalés dans des positions grotesques ou choquantes
Ils ne cherchent pas à plaire dans leurs peintures mais à peindre.
Leurs personnages nous montrent le tragique de l’univers. Les personnages ils sont là tels qu’ils les voient, les ressentent, tourmentés comme DE KOONING et SOUTINE sont eux-mêmes tourmentés.
Leurs personnages sont pour la plupart des autoportraits. Dans leurs pratiques SOUTINE et DE KOONING conservent la figure humaine en cherchant paradoxalement à la défigurer. Ils réalisent des visages tordus et des corps aux silhouettes déformées.
SOUTINE dans ses autoportraits comme celui qu’il nomme au titre de grotesque, il ne s’épargne pas lui-même ;Pâtissiers , grooms grotesques, portraits d’hommes et de femmes divers déformés ou autoportraits de SOUTINE lui-même présentés de façons grotesques, vus sous un jour défavorable comme si l’artiste explorait ses défauts de caractère les plus sombres écrits en grand sur son visage, comme si des démons avaient pris possession du peintre en se lovant dans son autoportrait. Il en rit lui-même , se moque de lui-même et des démons qui l’habitaient. Il se hait lui-même, se frappe lui-même, se révèle à lui même
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Les autoportraits de SOUTINE des années 1915-1918 aux aspects dramatisants sont si proches du spectateur qu’ils semblent jaillir du fond comme un diable de sa boite. Dans son autoportrait « grotesque » SOUTINE ne s’épargne pas,il se présente avec des lèvres charnues et protubérantes, un nez démesuré et un bras allongé, SOUTINE n’hésite pas non plus à accentuer la sinuosité des corps
Dans son « auto portrait » de 1918 , , Le visage qui préexiste à l’autoportrait est celui d’un écorché rouge avec deux trous noirs à la place des yeux , la bouche coupée .Les yeux de SOUTINE ont peur, SOUTINE a peur de ses yeux, de ses yeux qui le dévisagent dans le miroir ou il s’observe. Et cette peur transforme la réalité du portrait en une illusion de présence démultipliée, peut être menaçante, une toile dans la toile envahit le tableau, celle sur laquelle il va peindre son portrait mais le portrait de SOUTINE semble exister déjà sur la toile avant même qu’il ne commence à le peindre. Le portrait est sur le dos de la toile qu’il va peindre.
Très étrangement on peut faire le rapprochement de ce double autoportrait du tableau de SOUTINE « autoportrait de 1918 » avec le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. En effet dans le même ordre ,la forme biomorphique peut être considéré comme l’autoportrait de DE KOONING dans son rêve cauchemardesque , sur le coté droit au niveau du visage de la forme biomorphique on remarque dans l’ombre ,un visage fantomatique tout en long à la GIACOMETTI , c’est aussi un autoportrait , l’esprit de DE KOONING dans son sommeil qui se voit en forme biomorphique, et se voit écorché par des monstres au travers de leurs yeux liés respectifs, il y a donc démultiplication de la même façon que l’autoportrait de 1918.
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Dans « LEG WOMAN in the LANDSCAPE » le peintre se joue aussi à l’effet de l’autoportrait comme dans de nombreuses œuvres de DE KOONING. Dans cette œuvre il se fait tellement peur que la peinture semble restée inachevée. En effet il est menacé de perdre la vie en se jouant à l’effet du portrait mais le dos du tableau montre que l’issue est heureuse .C’est son amour pour KILGORE qui le sauve
Cette forme biomorphique qui peut être aussi considéré comme un autoportrait, tout aussi proche du spectateur semble vouloir sortir du tableau mais en est empêché par les formes aux allures de monstres qui l’empêchent de bouger, cette forme est malmenée par les monstres qui commencent à la dévorer, le visage est déjà ensanglanté , le sang coule du visage. Comme les portraits de SOUTINE qui accentuent la sinuosité des corps, la forme biomorphique présente une sinuosité naturelle car il s’agit du calque de la jambe droite de WOMAN1 (étape 1)
Chez SOUTINE , Ses portraits de femme lui ressemblent en fin de compte plus que les portraits d’homme. Chez lui malgré sa rusticité et sa sauvagerie , il y avait en lui un aspect féminin, il avait les mains aussi fines que celles d’une femme, il avait une séduction difficile à définir mélange de fureur et de détresse, un sourire désarmant, il savait entretenir une coquetterie. On retrouve une intensité de séduction du regard dans ses portraits féminins qui lui ressemblent mais quand bien même ce passage homme-femme s’accompli sans la moindre indulgence à ce travestissement, on retrouve les mêmes déformations du visage que dans ses autoportraits en dépit de cette séduction
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Dans ses autoportraits femme, peut être aussi cherche t’il à retrouver l’image d’une mère laissé derrière lui qu’il ne retrouve, en miroir, que par son propre visage. C’est peut être aussi la transgression de l’interdit lointain qui se retourne aussi contre lui et fait que lorsqu’il peint une femme, celle qui engendre, il lui donne ses propres traits d’homme .
Ses portraits de femme sont comme des DYBOUK ( de la mythologie juive) qui l’habitent et modifient et s’approprient ses propres traits ( Clarisse NICOIDSKI)
Pour DE KOONING, les « WOMAN » peuvent être considérés aussi comme des autoportraits en plus de toutes les interprétations qu’on a bien pu leur donner.
De KOONING disait lui- même pour ses « WOMAN» que c’était lui- même avec ce qu’il avait de féminité car disait t’il , dans chaque homme il y a une part de femme
Cette approche psychologique de la femme de DE KOONING a été étudiée par la spécialiste de la culture Estella LAUTER en adoptant le concept de Carl JUNG de l’inconscient coté féminin des hommes comme cadre d’analyse aux peintures des « WOMAN » de DE KOONING
En 2011 Philip KENNICOTT a lié les »WOMAN » directement aux angoisses de DE KOONING affirmant qu'ils "sont en quelque sorte des autoportraits, de vives représentations de soi en travesti d'un peintre qui peut bien avoir senti qu'il était proxénète de son propre talent dans autant de directions que ses femmes sont tordu, tiré, étiré »
De KOONING a rarement représenté la figure masculine mais quand il le faisait, l’image avait souvent une connotation autobiographique et typiquement comme sa crucifixion de dessins , reflétait les sentiments de persécution et de souffrance
Dans « LEG WOMAN in the LANDSCAPE » , la forme centrale qui est une jambe de WOMAN 1 ( stade 1) calquée sur la toile et transformée en forme biomorphique d’un animal inconnu avec tête d’oiseau et corps sans membres, c’est un autoportrait de DE KOONING vu par lui-même ( dans le tableau a droite en haut, la tête fantomatique de DE KOONING à la GIACOMETTI), c’est DE KOONING dans son songe qui se voit en cette forme biomorphique dans un cauchemar ou il en passe d’être dévoré par les monstres des marais et de la mer.
TETE PHANTOMATIQUE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
Cette forme biomorphique face au peintre, c’est le peintre lui-même, menacé de perdre la vie en se prenant au jeu du portrait, c’est le peintre dans son rêve de cauchemar mais qui réagit, ne veut pas mourir car au dos du tableau il y a l’espoir d’un amour. C’est Emilie KILGORE qui le sauve. Dans le tableau malgré toutes les agressions, la forme semble toujours vivante, elle n’a pas les entrailles ouvertes comme les bœufs écorchés de SOUTINE. Il disait d’ailleurs que dans ses cauchemars, il avait fini par déjouer leurs attaques mortelles ( STEVENS- SWAN 2004) et qu’il finissait désormais à les neutraliser par son désir de vivre pour Emilie KILGORE dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE.
Il en est de même sans doute des 6 dessins « Crucifixion » de l’année 1972 » six tears for six saints » qui sont dédiés à Emilie KILGORE sans doute pour dire à Emilie KILGORE que la crucifixtion va lui permettre une nouvelle naissance, une résurrection grâce à l’amour qu’il porte à Emilie KILGORE, c’est peut-être une métaphore du christ qui est mort et ressuscité pour sauver le monde
D’une certaine manière aussi , dans les auto portraits de SOUTINE ou « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » les deux peintres se moquent d’eux-mêmes et 90
des démons qui les habitent, ces démons qui ont gonflé les lèvres, aplati le front , ridiculisé le nez et les oreilles chez SOUTINE et dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ce corps sans membres à l’allure de reptile , cette tête démesurée aux petits yeux noirs décalés et bec en pointe qui cache la bouche. Ces êtres qui semblent faire bon ménage avec les 2 peintres en quête de fureur, de démesure , de violence et de persécution.
Dans certains cas chez SOUTINE il se rend compte que ses excès vont au-delà de ses souhaits dans la dérision et la violence et il lacère de fureur ses toiles comme si il voulait se lacérer lui-même et se débarrasse de ses œuvres. Il est arrivé à maintes reprises que certaines personnes de son entourage les récupèrent en les restaurant ce qui rendait SOUTINE furieux.
Quand à DE KOONING et il semble que c’est le cas pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE» il abandonnait la toile pour passer à autre chose quand il sentait qu’il sortait lui-même de sa toile
AUTOFLAGELATION
Il y a un côté suicidaire chez SOUTINE, il tente inconsciemment de provoquer l’irritation , le rejet, la haine et s’enferme dans son désespoir. Il fait ce qu’il faut faire pour ne pas être aimé et en souffrir comme un bête, C’est tout lui et il le retransmet dans ses toiles. Les lièvres, les faisans pendus , les poulets morts ce sont des autoportraits . Il se rappelle le traumatise laissé par le boucher de son enfance ou il avait assisté à la mort cruelle des volailles qui se débattaient et dont le sang giclait de tous les côtés jusqu’à leur trépas . Il tient lui-même le crochet, le couteau et se lacère. Suicidaire SOUTINE accepte sa mort dans sa peinture mais avec un sursaut de terreur , il dit : « je ne veux pas me noyer dans mon sang », le sang est suggéré par le rouge mais on ne le voit pas couler dans ses peintures comme dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE et contradictoirement , sa peinture qui dit la mort ou s’en approche est un acte de vie, impérieux, exigeant.
De même s’il interroge des visages inertes, il n’hésite pas à leur insuffler sa propre vie, à se pencher sur des chairs décomposés, bœufs écorchés, volailles mortes, c’est pour y retrouver les germes du renouveau et de la résurrection
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Ce coté suicidaire, cet autoflagellation on le retrouve aussi dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ». La forme biomorphique c’est aussi l’autoportrait du peintre qui assiste à son attaque à mort par des monstres des marais et de la mer sans pouvoir se défendre, il a le pied lié par un monstre qui l’empêche de bouger . Son esprit imagé par une tête fantomatique à la GIACOMETTI à la droite de la forme biomorphique regarde la scène sans réagir. Mais comme SOUTINE, cette mort ou son approche est aussi un acte de vie. C’est pour ressusciter vers une nouvelle vie qu’il veut offrir à sa nouvelle muse de 1971 , Emilie KILGORE dont le dessin au dos du tableau est très significatif.
Certaines réflexions de DE KOONING nous montrent qu’il a besoin de s’auto flageller pour être créatif dans ses peintures , c’est un besoin indispensable pour lui d’être mal . Il dit : « je suis dans mon élément quand je suis un peu hors du monde alors je suis dans le monde réel… Quand je tombe je me porte bien. Quand je glisse je dis HEY. Quand je suis debout, droit , ça me dérange car je ne suis pas si bon, je suis rigide. En réalité je suis entrain de glisser la plupart du temps » ( STEVENS et SWAN- DE KOONING-An american master)
MANIPULATION VIGOUREUSE DE LA PEINTURE de SOUTINE VERS DE KOONING
DE KOONING comparait sa manipulation de la peinture à la façon dont MILES DAVIS le célébre musicien de Jazz faisait de la musique. « Il ne jouait pas les notes il les tordait, je tords la peinture »
La facture née de la manipulation vigoureuse de la peinture dans les toiles de DE KOONING aux thèmes de la femme correspond aux gestes débridés du pinceau sur la toile qui donnent ces distorsions expressives du visage et des corps dans les séries « WOMAN » qui doivent quelque chose de leur impact à l’admiration profonde de N » qui doivent quelque chose de leur impact à l’admiration profonde de SOUTINE sur l’art de DE KOONING
Il en est de même dans les paysages apocalyptiques de CERET de SOUTINE et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE SOUTINE sur l’art de DE KOONING
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SOUTINE ne peint pas les beaux paysages de CERET mais les canyons, les falaises abruptes aux aspects apocalyptiques, les chemins qui montent à l’aspect monstrueux qui entrainent le promeneur vers un endroit inconnu qui donne la chair de poule
Dans LEG WOMAN in the LANDSCAPE, le promeneur est entrainé vers les marais ou l’attendent des monstres prêts à le dévorer
Ces images qui se présentent au regardeur ne sont pas formés de sujets avec des contours distincts mais seulement par la manipulation de la peinture
Pour les deux peintres leurs peintures n’est pas une représentation de la scène sous leurs yeux, c’est un art de la sensation pure ,un art qui est ressenti face au motif placé devant leurs yeux pour SOUTINE et une représentation mentale à partir de paysages vus par DE KOONING pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
Les formes de l’un et l’autre qui en résultent sur la toile sont ambiguës , elles peuvent être interprétées et nommées de multiples façons car souvent les peintres ne leur donne aucun nom ou des noms qui n’ont pas de lien direct avec les tableaux pour laisser libre cours à l’interprétation.
LES ACCIDENTS, LES TRANSFORMATIONS QUI ONT
FAITS LA REPUTATION DES CDEUX ARTISTES
DE KOONING à partir d’une forme quelconque ou d’une forme reprise d’un tableau précédent( ce qui est le cas de LEG WOMAN IN THE LANSCAPE qui est un calque de la jambe droite de WOMAN 1 étape 1), ne sait jamais comment il va remplir son tableau, ni ce que peut donner ses mélanges de peinture d’huile diverses, d’acrylique, de pigments divers, de Kérosène, d’eau etc. C’est une découverte à chaque fois ,que ce soit des rides, des boursouffluURE, LES CONTOURS, LES MOTIFS
De KOONING Hormis ses dessins dont certains sont faits à l’ aveugle et les calques qu’il introduit à l’origine de nouvelles peintures comme « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », il ne fait pas de dessins préparatoires pour travaux à huile sur toile ou sur Papier au sens traditionnel dans les années 70. C’est par la couleur de la peinture, l’épaisseur plus ou moins importante de la matière que parvient le sujet, que se voit la figuration
Irvin SANDLER disait d’ailleurs à ce propos : « DE KOONING, dessine les couleurs au pinceau de sorte que sa ligne est à la fois peinte et dessinée » En revanche s’il n’y a pas de dessins dans ses toiles peintes à l’huile ou de dessins préparatoires DE KOONING est un très grand dessinateur et il dessinait même les yeux fermés à l’aveugle. Ses dessins sont originaux et inimitables ( comme le dessin au dos du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
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« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » a ceci de remarquable qu’au verso du tableau se présente sur la barre transversale de l’encadrement type Américain en bois et sur une peinture rose, le fameux rose DE KOONING ,que l’on trouve dans son tableau « PINK ANGELS « de 1945, un dessin qui se lit différemment sur chacun des cotés en tournant le tableau de 90 degrés en 90 degrés. Sur le côté d’accrochage au recto horizontalement , une sorte d’hiéroglyphe qui si on y regarde de près est un enchevêtrement des deux noms D KOONING et KILGORE . En tournant à 90 ° dans le sens des aiguilles d’une montre se présente une tête féminine qui ressemble à la tête de Marylin MONROE par DE KOONING en 1954 et qui pourrait être Emilie KILGORE. En tournant à -90 degrés dans le sens contraire apparait une tête d’homme qui pourrait représenter WILLEM DE KOONING. Ce dessin apparait comme un message d’amour secret à sa nouvelle muse Emilie KILGORE
De KOONING avait déjà fait des dessins de femmes jumelées avec des dessins d’hommes quand les relations de DE KOONING avec ELAINE FRIED ,qui sera sa femme , s’étaient intensifiées
Avec cette période de l’expressionnisme abstrait, les peintures expressionnistes et celles DE KOONING en particulier ne sont pas classées par cycles, par périodes mais par séries, il y a la série des « WOMAN », la série des peintures noir et blanc, la série des peintures des paysages abstraits.
La peinture « LEG WOMAN THE LANDSCAPE » fait partie des peintures à dominante de couleurs rouges qui vont de fin des années 60 à début 70 qui sont mixtes, abstraites et figuratives
De même chez SOUTINE , précurseur des expressionnistes ; ses peintures se classent aussi par séries, série des peintures de CERET, série des animaux morts pendus, série des portraits
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Il ne dessinait pas au sens traditionnel du terme non plus, l’esquisse et le dessin n’avaient pas leur place, le dessin préparatoire étaient quasi inexistant. Pour SOUTINE, il était important de ne rien montrer de la fabrication de l’œuvre et n’en pas parler pour le protéger du regard inquisiteur. Pour lui il n’appartient pas au peintre de montrer la genèse du tableau, ce n’est pas un secret qu’on dévoile
DE KOONING disait de SOUTINE « D’ailleurs , savez vous que SOUTINE que j’admire, n’a jamais fait de dessins- LE GRECO non plus. Il dessinait avec le pinceau dans la peinture…. »
il se bornait a faire de rapides mises en plan , charpentes au fusain et non délimitation de l’œuvre à venir qui n’avait de sens que pour lui. Il ne pouvait emplir une forme, infléchir son contenu lui donner chaleur et vie qu’avec la peinture elle-même, avec cette matière qu’il triturait en mêlant furieusement les pates déversées à plein tube. Le paysage de CERET est un champs de bataille et peindre ce paysage est une sorte de corps à corps, le pinceau est une arme et la peinture est une substance magique qui a le pouvoir d’effacer ou de transformer les contours de leur ligne de peinture . Chez SOUTINE, le motif du paysage est moins important que les forces qu’il a déchainé
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la seule délimitation , le seul contour d’une forme est celle qui a été établie par le charbon de bois par retournement du calque de la jambe droite de WOMAN1 ( étape 1), tout le reste n’est que peinture dont les figures se déterminent par les épaisseurs des peintures, des couches, des coups de pinceaux , des compositions et mélanges plus ou moins complexes de peintures lentes ou rapides mêlant huile,eau, essence de térébenthine, , acrylique qui donnent des aspects plus ou moins fluides ou rugueux, des effets de rides, de craquelures, de peaux de crocodiles.
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Cette façon d’occulter les contours au dessin font que les figures ont l’air de sortir des profondeurs de la peinture sans que l’on puisse accorder au peintre la pleine conscience du processus. Cela lui permet aussi de faire de constantes modifications sans les prévoir et sans retouches que ce soit accidentel ou dans un état d’hystérie picturale par des superpositions de peintures ou des mélanges improbables.
Pour SOUTINE ce qui l’a inspiré c’est sa contribution au monde extérieur mais aucun détail réel ne l’a véritablement inspiré. Dans une célébration exubérante de formes naturelles avec des textures rugueuses, arbitraires, il a poussé si loin l’ensemble du motif que nous ne savons plus ce qu’il représente ,on en arrive à chercher le motif alors que l’artiste a toujours été attaché à la représentation du sujet mais on a l’impression que cela importe peu alors qu’ il exprime ce qui l’a inspiré avec une intense force d’émotion
Dans les sujets traités de SOUTINE, il n’y a pas de complexité, pas de parodie ou preuve d’érudition. Il peint ses paysages, ses portraits comme il les voit . Ils lui sont dictés par ses sentiments par son état d’esprit mais il ne voit pas la même chose que le commun des mortels. Ses sentiments son état d’esprit inspirent souvent la violence mais il ne la peint pas dans l’horreur mais la réalité quotidienne du sacrifice. Il ne lui viendrait pas à l’idée contrairement à des peintres comme Edvard MUNCH de peindre la scène de crime, le cri, le duel , la guerre, la maladie ou la mort au travail.
Au sens littéral du terme , la violence de l’œuvre réside toute entière dans le face à face du peintre et de son sujet et n’a de sens que dans l’acte de peindre . Par exemple pour « le bœuf écorché » c’est la somptuosité compacte de la viande que le peintre sanctifie. Toute autre action est presque absente. … Le sujet du tableau n’est jamais théâtral, jamais il ne raconte ou ne dépeint une situation dont il serait le témoin fictif. Le monde ne connait d’autres événements que ceux que le tableau a fomenté en regard d’autres tableaux.
Principalement dans ses sujets de paysages ,c’est la force de l’action qui l’intéresse, ce n’est pas une peinture qui cherche à rendre une certaine atmosphère bien qu’il y a toujours de la mélancolie et de la tension dans ses toiles, nul besoin pour montrer la violence du monde de la représenter en peine action.
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Le sujet néanmoins déborde du cadre du motif car si une grande fièvre était en lui, elle déformait tout à l’excès, les maisons quittaient la terre , les arbres semblaient voler, son désir effréné de peindre se jetait furieusement sur la toile,
SOUTINE dans ses natures mortes d’animaux morts ne montrent pas le dépouillement des animaux, les animaux qui saignent , les lapins et poulets égorgés , toute cette violence avant la mort, la seule puissance du motif suffit pour SOUTINE
. Il ne cherche pas non plus à faire une peinture rétinienne, agréable à regarder ou décorative. Il cherche à exprimer de l’émotion par la force des actions qu’elle évoque. L’impact émotionnel est produit par sa séance de peinture perçue sur le motif.
Le sujet est certes déformé mais le vrai sujet est l’invisibilité de ces forces, les formes ne sont que les cicatrices de ces forces qui vibrent dans les formes.
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ces forces sont également essentielles dans le tableau. C’est la jambe droite de WOMAN 1 à qui on a donné vie avec tête, yeux, bec dans une forme simpliste qui se bat contre des monstres. C’est toute l’énergie donné par DE KOONING dans ses cauchemars et dans sa vie pour lutter contre ses propres démons que sont ses addictions à l’alcool .
Si chez SOUTINE il n’y a pas d’histoires dans ses tableaux , dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il y a en a une, l’histoire de cauchemars qu’il subit et dont ses propos à ce sujet ont été rapportés dans le livre « An american master « de STEVENS et SWAN » Ici il met en scène dans ce tableau la forme biomorphique (auto portrait) dont la tête est ensanglantée mais d’une manière irréelle, le sang coule vers le haut en contradiction avec l’attraction terrestre , son esprit sous un portrait fantomatique à la GIACOMETTI ( qui est son propre spectateur),mise en scène dans un environnement de marais et mer qui abrite des monstres qui terrorisent et cherchent à dévorer la forme biomorphique anthropomorphique , Sur la gauche un tête de « WOMAN » d’aspect non accueillante a un œil sur la scène et un œil sur le spectateur de la scène .
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« Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » comme dans les tableaux de DE KOONING tout est suggéré sans montrer de manière brute une agressivité visuelle qui se déroule dans les faits. Nous ne voyons pas les entrailles ouvertes par les agresseurs ni la bouche qui exprime la souffrance par des cris
De KOONING dans ses tableaux introduit aussi des références à découvrir par le regardeur qui ont rapport à la publicité ( collage de bouche d’affiche publicitaires) , à des peintres qu’il apprécie (REMBRANDT), à des objets particulier ( bateaux) ,a des animaux ( reptiles),a des situations particulières, a des artistes du cinéma ( Marylin MONROE) , des poètes (John KEATS) , à des parodies( RED MAN WITH MOUSTACHE) etc . « The slipping glimpses » ( aperçu glissant » qui défini DE KOONING dans ses tableaux et le manque de permanence dans son travail a abouti à des changements constants dans ses motifs . Il peint des femmes au début des années 50 , le série des « WOMAN » qui disparaissent pour revenir dans les années 60. Il expérimente la sculpture pendant seulement quelques années de 1969 à 1974 de manière aussi provocatrice que sa peinture. Il lui arrive de peindre des tableaux sur plusieurs cotés et il a peint sur divers formats et matériaux, Toile , cartons, portes, papier journal, sculpture, lithographie, gravure. Il expérimente avec le fusain et divers composés de peinture (huiles diverses et huiles de maisons, eau, acrylique, essences diverses dont essence de térébenthine).
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE n’est pas en reste avec ref à la légende des RUSALKES des MARAIS, ref à tête grise de GIACOMETTI, à la chaussure haut talon de WARHOL, les couleurs qu’il a crée ( rose spécifique DE KOONING , marron couleur du foie).
Le peintre a peint « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » au moins sur 3 cotés différents : le coté d’accrochage à la verticale de la forme biomorphique,, le coté opposé qui explique que de la peinture rouge dégouline vers le haut et le coté horizontal, c’est-à-dire tableau à plat d’où se situe la vue du regardeur du ciel , forme biomorphique au-dessus de l’eau , attaqué par les monstres qui la ramène vers l’eau. Dans la position horizontale, on remarque une chaussure à haut talon à plat
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Les motifs de DE KOONING sont souvent récurrents, ils se sont inspirés de formes capturées, aperçues dans d’autres tableaux. On remarque des fragmentations de corps des bras, des jambes des têtes de ses WOMAN » des têtes ovales d’œuf, des pieds, des chaussures hauts talons , des seins etc que l’on transfère soit dans l’abstraction soit pour être la base d’un sujet tout autre.
HESS ( en 1959) remarque que « l’œuf apparait dans les premières peintures en tant qu’objet de nature morte dont les ovales pouvaient remplir une peinture, puis quand il perd son identité d’œuf, l’ovale reste avec insistance dans les visages, les yeux , les seins, une ampoule sur une table, une forme pure qui pourrait être un globe de lampe ou le haut d’un verre vu d’un angle ou une pomme »
C’est le cas de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ou le sujet principal central dans le tableau est une jambe sous forme de calque de la jambe droite de WOMAN 1 ( étape 1) que le peintre a transformé en forme biomorphique anthropomorphe à laquelle il a rajouté des yeux , un bec qui peut être vu comme un autoportrait du peintre tel qu’il s’imagine dans un cauchemar qu’il a subi et qui est relaté dans le livre de STEVENS-SWAN ( DE KOONING , an American master)
La tète ovale ( tête de jambe fémorale) de la forme biomorphique ressemble effectivement à un œuf.


Il y a aussi autre chose qui fait de SOUTINE un peintre moderne, c’est sa tendance à peindre le motif en gros plan. La femme se baignant dans un ruisseau de REMBRANDT est agrandie par SOUTINE dans (femme entrant dans l’eau) de telle façon qu’elle remplit toute la toile comme si elle se dressait vers le spectateur. De même les carcasses de SOUTINE prennent toute la place du tableau. ROSENBERG disait même qu’en regardant les tableaux en gros plan de SOUTINE avec un microscope pourrait on pourrait voir l’abstraction de SOUTINE
De même dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le motif principal qui est la forme biomorphique prend une grosse partie de la place du tableau
SOUTINE -DE KOONING- PAYSAGES, NATURES MORTES, PORTRAITS ( LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE)
Les 3 genres de peintures ou SOUTINE s’est illustré sont : Les paysages, les natures mortes et les portraits dans un style entre figuratif et abstraction mais le réel est toujours présent car il ne peint que ce qu’il voit à travers ses sentiments ( ce qu’il voit n’est pas forcément ce que voit le commun des mortels) .
« Regarder un paysage de CERET est une tout autre expérience que de contempler un paysage. Soutine devait avoir sous les yeux ce qu’il était en train de peindre. Il était exclu qu’il invente. Il n’aurait pas voulu peindre de mémoire même s’il avait en tête le motif qu’il peignait jour après jour ,il n’aurait pas voulu peindre d’après des dessins ou des photographies ou d’après une peinture antérieure d’après motif » Il peint ce qu’il voit à travers ce qu’il ressent On est en face d’une véritable jungle de couleurs, faite de couches de peintures superposées formant un enchevêtrement impénétrable, qui n’est pas sombre mais d’une obscurité luxuriante, la lumière y étant comme enchâssée dans du porphyre ou du jaspe , c’est une lumière qui fait partie intégrante des formes, elle n’est pas projetée sur elles »( David SYLVESTRE)
DE KONNING, ses paysages sont aussi figuratifs mais à la différence de SOUTINE, il ne peint pas sur le motif. C’est souvent un paysage qu’il a vu, qu’il apprécie et qu’il représente, transforme mentalement suivant son état d’esprit du moment, et le transpose sur la toile
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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il part des marais aux eaux tranquilles et peu profondes et de l’atlantique de LONG ISLAND , mer reposante aux couleurs chaudes qu’il affectionne de regarder pendant de longs moments pour les transformer en marais sombres de couleurs froides qui expriment la peur , la terreur, habités par des monstres qui dévorent les passants
. Comme SOUTINE il emploi une jungle de couleurs en couches superposées dans un enchevêtrement inextricable. Premier plan et fond sont présentés sans espaces sans perspectives, sans échelles de grandeur. Tout est lié
Les PAYSAGES de SOUTINE , DE KOONING ( LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE)
Les paysages de DE KOONING dans les années 70 sont sans doute ses œuvres qui sont les plus proches de SOUTINE ( LEG WOMAN IN THE LANDSDCAPE daterait de 1971) notamment les paysages de CERET dans la fluidité de la matière et le regard sur l’organicité de la nature ( CLAIRE BENARDI)
Si les paysage de SOUTINE sont facilement reconnaissables car même s’ils sont déformés et disproportionnés de leurs éléments par le peintre , ils sont pris sur le motif et la structure du tableau est basée sur la réalité. Et ce qui retient l’attention des expressionnistes abstraits qui le reconnaissent comme leur pair, c’est sa grande intensité gestuelle
Ceux de DE KOONING ne sont pas immédiatement reconnaissables. Il regarde le paysage autour de lui, l’emmagasine dans son moi intérieur pour le ressortir de mémoire selon ses propres sentiments et la perception est plus abstraite, fragmentée et non pris sur le motif notamment les paysages des series Abstract parkway ( bien que certains de ceux-ci sont le reflet de paysages pris à bord d’une voiture en marche le long des autoroutes entre NEW YORK et LONG ISLAND). Dans UNTITLED X de 1976 toutes les situations de proximité, d’éloignement simultanément sont mélangées , ciel, lumière, soleil, terre ,végétation deviennent un ,tout semble lié. La vue extérieure est l’expression d’un travail créatif sur le monde extérieur dans lequel la réalisation est composé autrement et ainsi nouvellement définie. Mais comme le dit le critique SYLVESTER , il ne conteste pas l’influence que les paysages de CERET de SOUTINE ont eu sur le propre travail de DE KOONING, Notamment il aurait pu influencé ses « WOMAN » et des peintures plus tardives comme « FEBRUARY » mais c’est plus tard dans les années 70 que l’influence de SOUTINE est la plus flagrante
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LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE a visiblement été influencé par SOUTINE, nous le voyons dans toute cette étude. , la figure centrale qui peut être considéré comme une forme biomorphique dans un paysage de marais et de mer, il est plus difficile de se représenter la situation car les éléments du tableau ressemblent parfois à des fragments sans perspectives avec des vues simultanées de très près et de très loin dissociées qui laissent la réalité se décomposer. Il n’y a pas de profondeur et d’espace entre les éléments du tableau , tout semble lié et imbriqué
Comme la plupart des tableau de paysage de DE KOONING de 1965 à environ 1972, LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le paysage (marais et mer) est physiquement incorporé dans la représentation humaine (Ici la forme biomorphique et anthropomorphique)
Dans ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE) Le corps et la nature des marais et mer et de ses monstres aquatiques à l’intérieur d’une structure artistique étroitement liée se métamorphosent et se décomposent les uns les autres pour se mettre en mouvement et installer leur climat de terreur et de mort. les parties inachevées , grattées, éclaircies sont comme des ouvertures qui permettent aux éléments de voyager dans le tableau, d’apparaître ou de disparaitre à leur gré. L’eau agitée ( par les rides provoquées) en mouvement rencontrent les reflets changeants de la lumière sur l’eau ( par les trou de lumière dans le paysage sombre des marais) . Tout cela donne au tableau une atmosphère inquiétante et anxieuse qui disparaitra dans d’autres tableaux de la même époque comme « FLOWERS MARY’S TABLE ». Dans ce tableau La façon de peindre est la même que « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »mais entre les deux ,la muse Emilie KILGORE est passée par là et la terreur, l’anxiété à laissé place au bonheur de vivre, à la joie à la nonchalance : fini les tableaux cauchemardesques de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE place à la joie.
contradictions dans la simultanéité chez DE KOONING. Pour DE KOONING , la vie, la réalité sont pleines de contradictions , ce qui explique que ses tableaux sont souvent inachevés . Dans le cas de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , il s’est passé quelque chose en lui ( la présence de Emilie KILGORE). Il a poussé si loin son sujet sur la terreur, la mort qu’il exige maintenant son contraire avec « FLOWERS MARY’'S TABLE » tableau joyeux plein de vie.
Ce qui fait l’intérêt des tableaux de DE KOONING c’est qu’ils ne sont pas uniformes, « ils se transforment toujours en quelque chose d’inopinément autre. C’est justement parce que les contradictions sont maintenues, mise en évidence dans des tableaux complètement différents que sa peinture tient, d’un point de vue sensuel et spirituel , de la réalité d’ici-bas » ( JORN MERKERT)
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A partir des années 60, l’œuvre de DE KOONING est de plus en plus liée aux paysages et à la nature parce que pour lui, la nature c’est la vie et peindre est sa façon de vivre dans cette nature
Dans les tableaux de paysages de SOUTINE et dans ceux des fonds, paysage de DE KOONING et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, les vues deviennent manifestement aperspectives, expression d’un travail créatif sur le monde extérieur dans lequel la réalité est composée autrement et nouvellement. définies.
Pour SOUTINE dans ses tableaux, l’extérieur, les paysages sont réels mais transformées . Ses paysages sont définis sur le motif et ensuite sont transformé selon sa sensibilité de l’instant présent. On a toujours l’impression que les paysages sont sur le point de tomber dans le gouffre que la terre s’ouvre d’'un tremblement de terre ou que les maisons sont soufflées par une tornade mais malgré tout, tout se tient en équilibre
Alors que pour DE KOONING et le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE la réalité du tableau est celle qui est dans sa mémoire , la réalité dont il se rappelle et qui est forcément soustractifs par rapport à la réalité sur le motif ensuite c’est l’imagination , la sensibilité, le hasard qui disposent les formes, les éléments constitutifs du paysage pour construire le tableau
Pour cela il faut un regard qui reconnaisse le merveilleux et le surprenant dans le banal. Ils permettent de mettre en corrélation l’incohérence de la pensée , de l’imagination de l’intériorité et de la réalité banale pour en faire un ensemble vraisemblable et construit malgré les contradictions. Derrière cette sorte de confrontation avec le monde se tient l’idée que le tableau n’est pas seulement une forme de la description de la réalité mais que l’acte même de peindre peut être compris comme la possibilité de trouver son identité, que l’art est un instrument de la connaissance de soi. Le fait de peindre pour les deux peintres est une façon de vivre
Pour le critique SYLVESTER qui avait étudié en détail et en profondeur le travail des deux peintres, suggérait que les vues de CERET comme « LELCLOCHER ST PIERRE’ « à CERET auraient pu très bien influencé les peintures de « WOMAN » et les peintures ultérieures comme « FEVRIER »
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Nous choisirons pour cette étude de paysages chez SOUTINE , ceux qu’il a peint entre 1920 et 1930 , c’est-à-dire principalement ceux de CERET et de CAGNES par rapport au tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
Selon le témoignage de Mikhail KIKOINE ( ami de SOUTINE , peintre qui a immigré en même temps que SOUTINE , LITHUANIEN comme SOUTINE), SOUTINE était un brillant étudiant . Ses esquisses relevaient toujours d’une espèce de tristesse morbide exécutés d’après nature, attiré par le drame. Il gardera toute sa vie d’artiste cette vision.
DE KOONING est de plus en plus attiré par le SOUTINE fin des années 60 et tout début des années 70, son état d’esprit est similaire à SOUTINE par la tristesse et le drame qui se dégagent des tableaux comme « Man » de 1967, « visit » de 1966 ou UNTITLED 170 ( comparable à GOYA, devourogone of his children)
Pour SOUTINE, Peindre c’est amener à l’existence de l’image des inconnus, des anonymes, des malchanceux, des paysages non identifiables ( Vue de CERET 1920-1921) avec des personnages fantomatiques écrasés dans la nature ou des monstres de chair ou organiques ( La route montante vers GREOLIRES) non plus identifiables dans ces paysages malgré qu’ils ont été pris sur le motif et pas de rivaliser avec la peinture de l’histoire. D’ailleurs, des histoires il est incapable d’en raconter. Si les personnages de LEG WOMAN IN THE LANDCAPE sont aussi non identifiables ( forme biomorphique, visage fantomatique de WOMAN, de portraits à la GIACOMETTI mais à la différence de SOUTINE le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE raconte l’histoire d’un cauchemar dont DE KOONING se rappelle.)
Nous verrons en faisant certains comparatifs de tableaux de CERET et CAGNES avec LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « qu’il y a des points communs récurrents comme :
Les multiples diagonales ascensionnelles à larges coups de pinceaux qui souvent se superposent ( collines de CERET, Paysage avec maison blanche, vue de CERET 1920-1921). Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » diagonales ascendantes de part et d’autre de la forme biomorphique.
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Les paysages des deux peintres ne sont pas statiques mais en mouvements Dans les paysages de CERET comme ceux de DE KOONING ( LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE) de tous côtés les peintures entrent en action avec une grande liberté, les façons de faire changent instantanément, les instruments, les gestes, les vitesses aussi, toutes sortes de pinceaux , brosses sont utilisées du plus petit au plus grand, toutes sortes d’épaisseurs sont visibles sur les toiles de la couche presque transparente aux superpositions de couches parfois encore humides qui rendent rugueuses la peinture. La peinture s’allie avec l’eau et dans le cas de DE KOONING avec des essences, de l’acrylique pour donner un désordre, un déséquilibre permanent
Chez SOUTINE dans ses paysage de CERET , certaines maisons ont l’air de basculer dans le vide, de se soulever, les arbres, les murs s’inclinent. Certains paysages semblent subir instantanément un séisme , un cataclysme cosmique, les maisons sont en feu. La terre parfois semble se soulever et les villages montent vers le ciel entrainés par ces soulèvements, les montagnes sont renversées sur elles-mêmes.
Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le mouvement est aussi de tous les côtés du tableau. Pour s’en rendre compte le regardeur doit se placer au-dessus de la scène . La forme biomorphique au centre du tableau se situe en suspension en l’air, position horizontale à l’eau du fond du tableau à l’intersection à gauche des marais de LONG ISLAND, à droite de l’océan atlantique .La forme est attaquée par des monstres des marais et de la mer qui sont en train de le dévorer, le sang jaillit de la tête et des flancs, visibles par la couleur rouge vermillon qui couvre une grande partie du corps de la forme animale biomorphique . A droite on remarque le flux et le reflux de la mer à gauche les marais éclaircis à certains endroits par la luminosité du ciel ensoleillé entre les nuages qui assombrissent quand a eux la surface marécageuse. Tout cela aussi dans un mouvement de grande confusion.
Ces paysages de SOUTINE et de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE nous restituent donc un climat de terreur non pas de la réalité visible mais inhérent à leur intériorité , à leurs démons intérieurs. Ils sont faits pour choquer, c’est le résultat des angoisses personnelles de l’un et de l’autre
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Pour SOUTINE ses paysages sans le montrer explicitement ont des connotations religieuses , la présence de DIEU en rapport avec la religion juive et la bible de son enfance. Ses paysages sont là pour nous montrer ce que peut être la colère divine si nous ne prenons pas garde à respecter la bible et SOUTINE est conscient d’avoir dans beaucoup de domaines avoir enfreint la loi juive de son enfance ( peintures de portraits, manipulation et exposition des animaux morts , du sang frais )
Comme le souligne MARC GIRARD , avant d’être un phénomène géologique, le séisme exprime l’idée de choc, le changement radical, le bouleversement brutal qui a frappé le peuple du point de vue social et politique. Il exprime le sentiment d’être rejeté, démoli, brisé, de passer une dure secousse, de chanceler comme un ivrogne. Une autre idée peut aussi justifier ces paysages cataclysmiques qui n’échappent pas complètement au symbolisme divin par un effet dans le paysage de la colère du très haut. Il a donc ici une connotation religieuse, un rapport avec la religion juive et la bible de son enfance, les montagnes sacrées menaçantes ,au-dessus des têtes, d’ensevelir ceux qui n’acceptaient pas la tora . Elles relèvent ici d’un symbolisme cosmique , à la fois protestation du cosmos devant le crime et le pêché de l’homme et peur du cosmos face à l’exécution du jugement de DIEU.
Bien des tableaux peints à CERET ou à GAGNES peuvent ainsi être rapprochées des épiphanies divines
Dans ce sens religieux TWORKOV dit des tableaux de SOUTINE « La peinture de SOUTINE contient la négation la plus farouche du principe selon lequel le tableau puisse être une fin en soi. Le tableau est censé avoir un effet sur l’âme et pas seulement sur le mur.
Si donc dans les paysages de SOUTINE, il y a l’idée sous-jacente de l’épiphanie divine ,pour DE KOONING ses tableaux relatent plutôt la présence des démons, ses démons intérieurs( l’alcool, mal être, destruction) l’enfer avec les monstres dévorant les êtres comme dans les tableaux de BRUEGHEL et de BOSCH ( Vision de l’enfer, dans la partie droite du « jardin des délices »).ICI LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE nous fait état en images d’un cauchemar de DE KOONING qu’il vient d’avoir en 1971 . Ici le peintre nous montre la forme biomorphique attaquée mais qui ne semble pas morte , on ne sait pas si elle s’en sortira.
De KOONING nous dit en parlant de ses cauchemars très fréquents qu’il se bat avec ses démons qui l’anéantissent mais qui arrivera à maitriser avec le temps et dont il se sortira vainqueur.
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Enfin pour DAVID SYLVESTER ,SOUTINE met ses paysages de CERET en position de défensive contre une attaque . Pour cela les formes sont denses et agglomérées et donc leur rapprochement les fait se relever, dangereusement proches, même menaçant de venir percer la surface du tableau et devant être maintenu à distance. Comme s’il craignait leurs attaques, Soutine se jette sur elles :la toile devient un champ de bataille entre la force menaçante de tout ce à quoi il fait face et le bras de levier que constitue la volonté du peintre. Et ceci devient la manière habituelle de procéder de SOUTINE ( qui d’ailleurs correspond parfaitement à ce que nous savons de sa personnalité) se mettre lui-même dans une situation dans laquelle il sent que quelque chose le menace et qu’il faut l’attaquer, se battre contre elle , la faire plier et lui tordre le cou . C’est comme si il lui fallait , pour entrer en contact avec le monde extérieur, faire acte de violence et commettre une effraction. Pour lui peindre est une sorte de corps à corps , le pinceau est une arme et la peinture, une substance magique qui a le pouvoir d’effacer ou de transformer les contours et donc l’identité de l’objet représenté. Celui-ci n’est pas tant maltraité qu’amoureusement anéanti. Il n’est plus une colline, un arbre ou une carcasse de bœuf ou un oiseau mort,Il est transformé par la peinture en un organisme sans nom qui se contorsionne, terrassé par l’amour, se débattant entre la vie et la mort. La peinture agit comme une substance miraculeuse qui fait jaillir la vie sous nos yeux. C’est comme si matière et énergie étaient continuellement régénérées. Comme si elles étaient renouvelées à jamais par la peinture
SYLVESTER aurait pu dire la même chose pour le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE mais en situation inverse ici le paysage n’est plus défensif mais offensif . En effet dans le tableau la forme biomorphique (autoportrait de DE KOONING) est attaqué par le paysage des marais et mer qui protège les monstres pour attaquer la forme et pour la dévorer La forme se trouve bien seule et subit les attaques de toutes part et ne peut se défendre . Cette forme se débat entre la vie et la mort mais comme les paysages de CERET expliqués par SYLVESTER ci-dessus , l’amour lui laisse une porte de sortie et la vie se régénère sous nos yeux en passant au dos du tableau grâce à sa nouvelle muse Emilie KILGORE qui en fait un être neuf suite à sa résurrection .La peinture agit comme une substance miraculeuse , les peintures rouges du sang de la mort et du fond qui inspire la terreur au recto du tableau nous font passer au verso par la peinture rose symbole de la joie , de l’amour ( le fameux rose DE KOONING de PINK ANGELS) qui accueille l’entrelacement des deux noms KOONING et KILGORE
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PAYSAGES DE CAGNES (1919-1923) ,DE CERET ( 1919-1922)
et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE (1971)
SOUTINE fut envoyé à CERET par ZBOROWSKY, au pied des Pyrénées, l’endroit même ou BRAQUE , PICASSO et JUAN GRIS passèrent leurs vacances et découvrirent une grande partie de leur inspiration pour le cubisme
.
Cette période de CERET sera la plus prolifique de sa vie , il peindra plus de 200 tableaux pendant ces 3 années mais il n’entretient pas une relation très affectueuse avec CERET ni avec CAGNES ou il se rendra également , il a rendu ses paysages avec sa propre marque d’anxiété et de morosité. Il ne représentait pas la nature telle qu’elle apparaissait objectivement mais comme lui l’immigrant juif russe en proie à la tristesse la considérait , un mode de représentation typiquement moderne et expressionniste.
Il ne peint pas les beaux paysages de CERET ou plus tard de CAGNES mais les falaises abruptes, les profonds canyons des Pyrénées de manière presque apocalyptique dans des couleurs fortes à l’image de sa vie affective déchirée et malade. Cette période de CERET est difficile pour le peintre, c’est une période de crise d’estomac, d’ulcère, probablement accentué par des difficultés financières , de dépendance à l’alcool et de dépression avec tentative de suicide
De la même manière, dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le peintre ne peint pas les marais proches de chez lui de manière apaisante , reposante au milieu de la verdure qui n’inspire pas de peur de méfiance . Ils sont très peu profonds. Au contraire dans ses cauchemars, ils attirent les promeneurs vers les marécages sombres pour les attaquer et les dévorer
Bien des vues de CERET confèrent aux maisons une vue anthropomorphique qui transforme le village en une masse de soldats serrés les uns contre les autres dans l’attitude dégingandée de danseurs immobiles, le mur en façade percé de trous comme autant de visages ( Xavier GIRARD)
MAISONS BLANCHES SOUTINE 110
Il a peint également à CAGNES, envoyé aussi par ZBOROWSKY dans le midi baigné de la lumière du Sud de la France alors que mentalement ses tendances de peinture sont dirigés vers des lieux sombres comme SMILAVITCHY, VILNIUS, LA RUCHE, les rues de PARIS derrière les abattoirs .Le soleil de CAGNES le brule, brule sa matière , lui fait mal et le rend dépressif, il en fait part dans une lettre à SBOROWSKY. Les paysages qu’il peint à CAGNES semblent devenir fou , les escaliers rouges grimpent vers le ciel en fournaise, les routes décollent vers un horizon inatteignable ,les arbres se tordent , les maisons s’effondrent parce que son moral s’effondre, il peint une nature hostile . Le vert qu’il emploi dans ses paysages de CAGNES donnent une morbidité à l’ensemble du tableau. Le rouge qu’il emploi en petites quantités dans les paysages de CAGNES semblent être une couleur de lien qui scelle le tout. A CAGNES il n’arrive pas à peindre , Il ajoute : « je voudrais quitter GAGNES.. ce paysage que je ne peux pas supporter » SOUTINE est dépaysé . Les paysages de CAGNES loin d’être illuminés par cette découverte de la lumière du midi, sont des paysages qui deviennent fou, les escaliers grimpent vers on ne sait ( L’escalier rouge de CAGNES). ou, les arbres se tordent comme des bras mais il ne renonce pas à peindre cette nature hostile à son regard.
« La route folle à GAGNES » la bien nommée, cette route qui lasse d’être à terre s’élève soudainement et décolle vers un horizon inatteignable On peut rapprocher ce tableau de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE dans sa vue originelle, le tableau à l’horizontale où la forme biomorphique se trouve flottant dans l’air essayant de s’échapper du marais mais qui est pris en étaux par les monstres sans pouvoir se dégager.
« Les paysages de SOUTINE sont souvent comparés à des terres ravagées par les tremblements de terre. Leur remuement chaotique annoncerait l’apocalypse, avec l’idée d’un paysage panique mis en déroute par l’affut de sensations, un paysage propre à déclencher les pires désordres émotifs , un paysage qui laisse pantois, abasourdi mais en même temps le sujet qui s’y aventure se délecte d’une joie irraisonnée » ( Xavier GIRARD),
Dans certains paysages de CERET, ils confèrent aux maisons une allure anthropomorphe qui transforme le village en une masse de soldats serrés les uns contre les autres dans une attitude dégingandée , sans doute prêts à recevoir un assaillant
Dans d’autres tableaux comme « les maisons de 1917 » 3 petits immeubles aux volets clos sont protégés par 3 barraques qui montent la garde au bord d’un talus boueux, une longue coulée de glèbe d’où émerge mélangé aux ombres errantes un golem prêt à fondre sur elles mais le peintre lui interdit l’accès , barricadant leurs portes à la peinture noire ( Xavier GIRARD)
C’est à rapprocher de la forme allongée biomorphique anthropomorphique de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE fait d’un corps sans membres sans articulation avec 2 yeux et un bec en pointe qui se fait agressé à mort par une horde de monstres des mers et des marais et quand on a compris ce qu’a voulu dire DE KOONING ,on est pris de frayeur par tant de terreur monstrueuse pour cette pauvre forme sans défense sous les yeux d’une part en bas à gauche d’une tête de « WOMAN » non moins monstrueuse qui se délecte de la scène et en haut à droite l’ombre d’une tête à la GIACOMETTI qui regarde la scène impuissante , qui est probablement le peintre lui-même qui se regarde dans son propre cauchemar.
Dans le cas de SOUTINE et tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ces tableaux inspirent la terreur, la panique
Dans ces deux tableaux précités de SOUTINE , les agressés sont protégés par des protecteurs près à défendre leurs protégés des monstres, ( GOLEM)
Mais dans le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » il semble trop tard les agresseurs sont sur leur proie et les personnes présentent à la scène assistent impuissant au carnage que ce soit le spectateur ou l’ombre de la tête à la GIACOMETTI. Heureusement il semble y avoir un heureux dénouement .Dans le « livre Américain master » les deux écrivains ( STEVENS et SWAN) relatent ce que dit DE KOOONING au sujet de ses cauchemars ou il est attaqué par des monstres et qu’il finit par s’en sortir vivant
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A l’origine des tableaux de CERET, CAGNES et « LEG MOMAN IN THE LANDSCAPE » c’est la tranquillité, le calme .Sur le motif SOUTINE pose son nécessaire de peinture devant un sujet à peindre ,ce sont des sentiers, des chemins inoffensifs, des village tranquilles baignés de soleil ou à l’aube quand le soleil perce tout doucement ses rayons dans le paysage mais quand SOUTINE commence sa peinture tout se met dans des mouvements inquiétants, les arbres se tordent , la terre remonte comme lors d’un tremblement de terre et s’ouvre en précipice , le vent souffle en ouragan , les maisons décollent , les monstres , le golem apparaissent dans un but de destruction.
Quand il peint sur le motif des routes, des chemins, hormis la topographie, dans les paysages ,on ne reconnait ni CERET ,ni CAGNES
De même LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , l’environnement part d’un milieu aqueux mer et marais peu profond aux eaux claires que DE KOONING connait bien ,apprécie pour son calme, reposant aux couleurs chatoyantes qui rappelle son enfance en HOLLANDE . Dans sa palette, les eaux s’obscurcissent aux couleurs noires, grises, vert foncé, marron d’où sortent des monstres assoiffés de sang d’êtres humains
Quand au point de vue , chez SOUTINE il y a un sentiment de vertige du à la fois à un point de vue panoramique , vu du dessus , très en hauteur et à la fois dans le même tableau une vue en contrebas ce qui accentue ce sentiment de vertige entre le haut et le bas.
Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, on change de point de vue panoramique en changeant de coté, Dans le sens de l’accrochage de la forme biomorphique placée en hauteur, dans le sens inverse avec le sang qui coule vers le bas et non vers le haut ce qui est contraire à l’attraction terrestre et le tableau placé à plat dans le sens horizontal du tableau ou le spectateur est placé en haut et regarde la forme biomorphique au-dessus de l’eau dans l’espace . Dans la position horizontale, la chaussure haut talon est placée à plat ce qui est la vue qui correspond le mieux au tableau
« Du point de vue pictural, dans les paysages de CERET on est en face d’une véritable jungle de couleurs forte de couches de peintures superposées formant un enchevêtrement impénétrable qui n’est pas sombre mais d’une obscurité luxuriante . La lumière étant comme enchâssée dans du porphyre ou du jaspe. C’est une lumière qui fait partie intégrante des formes, elle n’est pas projetée sur elles. Que ce soit plein midi ou la nuit tombante, qu’il pleuve ou qu’il vente cela n’a pas d’importance »( DAVID SYLVESTER)
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Le critique d’art DAVID SYLVESTER aurait pu dire la même chose pour le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » sauf que DE KOONING a besoin de la lumière extérieure pour peindre. Son atelier est largement ouvert à la lumière du dehors
Autre particularité entre les paysages de CERET et LEG WOMAN IN THE LANSCAPE, il n’y a pas de graduation entre les plans proches et lointains et l’ensemble du paysage est vu d’un seul coup d’œil , tout est concentré sans perspective. La forme biomorphique, les marais d’un côté, la mer de l’autre, les monstres , la tête de WOMAN, la tête d’homme, la chaussure haut talon , les reflets des nuages du ciel dans les marais tout cela est concentré sans espaces
En ce qui concerne les personnages dans le paysage De CERET ou de CAGNES, petites silhouettes frêles ils sont là uniquement pour montrer que ses paysages sont habitables mais ne sont qu’un simple accessoire sans importance. Ils sont écrasés par le paysage qui les entoure, ils sont dominés et comme aspirés dans le paysage dans lequel ils plongent pour s’y perdre, totalement dominés par la nature et les éléments qui se déchainent dans cette nature que ce soit les tremblements de terres , les monstres dévastateurs, les incendies, les tempêtes . Il a rendu ses paysages avec sa propre anxiété et morosité.
De toute évidence, il ne représentait pas la nature telle qu’elle apparaissait objectivement mais comme lui l’immigrant juif russe en proie à la tristesse et la considérait comme un mode de représentation typiquement moderne et expressionniste.
Si on regarde la période de CERET , celle que l’on regarde le plus maintenant et qui a été la plus remarquée dans les années 50 par les expressionnistes , on voit que l’aboutissement de son expressionnisme est absolument incroyable . Pourtant SOUTINE lui considérait les tableaux de CERET comme des œuvres de jeunesse qu’il fallait éliminer . Il a détruit beaucoup d’œuvres de CERET car il pensait que ce n’était pas abouti
Si « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » contrairement à SOUTINE n’a pas pour base une vue prise sur le motif mais une vue à partir de ses propres cauchemars dont ceux-ci se passent dans un milieu aqueux que DE KOONING connait bien , les personnages sont centraux et le paysage uniquement pour servir de cadre à l’action qui se passe dans le tableau
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La SERIE CONTRE LES CYCLES
La plupart des peintres classiques sont reconnaissables dans leurs biographies par des périodes de Cycles souvent par décades et quand ils passent à un nouveau cycle, ils ne reviennent plus par la suite aux cycles précédents. Chez les peintres modernes c’est moins tranché mais il existe des cycles de repérage ainsi pour PICASSO on connait ses cycles de peintures bleues, peintures roses, cubistes, néoclassiques etc, pour MIRO ce sont les cycles détaillistes,,oniriques, l’assassinat de la peinture, les peintures sauvages , les collages , les constellations etc
Chez SOUTINE et les expressionnistes abstraits et DE KOONING en particulier ce sont les séries qui les déterminent
Pour SOUTINE ce sont les séries des paysages de CERET, de CAGNES, des portraits, des animaux morts. Rare sont les tableaux laissés sans répliques et qui n’appelleraient pas de retour , à une autre place et selon une autre couleur des idées du même tableau. Il s’agit d’insister, de creuser, de reprendre un travail en cours d’une autre façon à quelque chose près , d’explorer un climat émotif , une lumière, une posture à peine différente, un cadrage plus ou moins resserré, bref de remettre en chantier une première expérience sensible d’après un sujet déjà traité et jugé inabouti, en présence ou non du même monde. Aussi ne peut-on , chez SOUTINE , parler de série sans prendre en compte la multiplicité des situations dans lesquelles le peintre s’est trouvé face à son modèle . Par exemple, « les maisons rouges » de 1917 et les « maisons » de 1917 ou l’on remarque le même village sur la colline au bord du précipice vu sous des angles différents avec les mêmes couleurs des murs et la même couleur du ciel » (Xavier GIRARD)
Autre exemple, les 3 autoportraits connus, réalisés autour de l’année 1917 expérimentent différentes solutions : le traditionnel autoportrait du peintre à son chevalet, l’autoportrait au rideau et l’autoportrait conçue à la façon d’une nature morte au buste sculptée mais son autoportrait peut être aussi le peintre déguisé en pâtissier, en ancien militaire, en philosophe etc
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En règle générale dans les portraits de SOUTINE, la technique picturale a quelques variations de couleurs près , d’un rouge au fond sombre, ne change pas. Mais le sujet étant posé ( Le portrait de M RACINE et sa mue en l’effigie d’un « HOMME EN PRIERE », l’intérêt se déplace vers la matière des fonds, les plis de la veste, le traitement des mains jointes et de tête. Autant de contrées picturales que le spectateur parcoure sans fin comme un paysage mouvementé de traces de zébrures et de macules .
Chez DE KOONING il y a la série des peintures noires abstraites, des « WOMAN » qui reviennent à plusieurs périodes différentes entre 1948 et la fin des années 60, la série des peintures abstraites des paysages routiers etc.
Comme les portraits de SOUTINE, les « WOMAN « des années 50 sont très proches les unes des autres et sont facilement reconnaissables de WOMAN 1 à WOMAN 6 , les différences se font au niveau des têtes , des mains, des couleurs du fond
Chez DE KOONING,Il y a une petite série du début des années 70 avec les peintures à dominantes de couleurs rouges, vertes où les figures et fonds sont intimement liés . C’est une période où DE KOONING a réalisé très peu de peintures car toute son énergie était engagée pour la sculpture Dans cette série on y trouve les tableaux suivants de 1971 à 1973 « AMITYVILLE », « WOMAN IN THE WATER », « FLOWERS, MARY’S TABLE », « RED MAN WITH MOUSTACHE » « LA GUARDIA IN PAPER HAT » « MAN ACCABONAC » , « WOMAN IN A GARDEN » et « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de 1971 . Dans cette serie du début des années 70 il y a un air de famille entre eux , ils contiennent pour la plupart des idées empruntées à d’autres tableaux . Le dénominateur commun c’est le rouge qui domine ces tableaux .
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui semble être de cette famille , c’est aussi une reprise de la jambe droite de l’equisse du tableau WOMAN 1 ( étape1) Cette jambe ou bras des WOMAN on les retrouve dans un nombre impressionnant de tableaux de lithographies, de gravures et de sculptures ( La N°10, 1969) de WILLEM DE KOONING
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Prenons un exemple d’idée de l’un à l’autre entre « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et RED MAN WITH A MOUSTACHE » tous les deux de 1971 nous trouvons dans les deux tableaux une originalité similaire qui est un animal invertébré qui entoure le corps. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE c’est un animal des mers indéterminé qui entoure le bas de la forme biomorphique pour l’empêcher de bouger, et dans RED MAN WITH MOUSTACHE, un animal rudimentaire aux contours de peinture verts, lui entoure le haut de corps et l’empêche de respirer et le sang de circuler d’où cet aspect rouge du corps de ce personnage
Bien que la palette de DE KOONING était différente de peinture en peinture, comme était le degré dans lequel « le fitting in » et les coups de pinceaux qui pouvaient être lâches ou comprimés ces palettes contenaient toutes des idées empruntées à d’autres tableaux.
La série la plus connue étant bien entendu la série de 6 « WOMAN » des années 50 avec son fer de lance la « WOMAN 1 » dont le calque de la jambe droite de l’étape 1 a probablement servi pour le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. Aux séries on peut rajouter aussi des reprises de figures dans les tableaux . L’exemple le plus frappant est bien entendue cette forme biomorphique anthropomorphique , qui sont à l’origine soit des bras ou des jambes comme « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » des « WOMAN » des années 50 que l’on retrouve dans de multiples tableaux, la liste est très longue, quelques exemples sont illustrés ci-dessous . En 1969 , avant la création de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » DE KOONING le peintre a fait une petite sculpture N°10, crée à ROME de cette même forme biomorphique.
Dans la rubrique des éléments communs à bon nombre de tableaux de DE KOO0NING quel que soient les époques et dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE on peut y trouver :
Tout cela se mariait dans un dispositif de compositions les plus originaux dans la manière de varier la vitesse visuelle de son pinceau.
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE Son coup de pinceau conduisait à la vitesse de l’œil puis une brosse se déplaçait à un certain rythme tout en se mélangent. Rythme, vitesse, temps et non juste des corps entrent en équilibre visuel
Le PAYSAGE, LE MOTIF ET LA VISION INTERIEURE DES TABLEAUX, PERSPECTIVES
Si les tableaux de SOUTINE de CERET donne une impression de panique ou le sol se dérobe, selon David SYLVESTER, il était exclu qu’il invente le paysage ni qu’il peigne de mémoire même s’il avait le motif en tête ; Il fallait que la chose soit là et il peignait ce qu’il voyait lui de ce paysage avec sa sensibilité. Il avait besoin d’avoir sous les yeux ce qu’il peignait, il n’inventait rien, il ne cherchait pas non plus à reprendre des images du passé comme CHAGALL avec ses images de son village ou de son pays d’origine , La BIELORUSSIE ou MIRO le village MONROIG de son enfance mais ce paysage qu’il avait sous les yeux , « il le fait bondir sur place, le froisse violemment, le tord, l’éventre , l’écorche comme ses bœufs écorchés , le plie en plusieurs endroits, le casse et le fait tourner et tanguer sur lui-même , là des balancements, ici des ascensions, des descentes, des glissements, des chevauchements, des ondulations » ( Xavier GIRARD), dans une sorte de totalité panique sous le signe de la dislocation du dégingandé ,tout en gardant un équilibre , une sorte de gravité pour que les paysages prennent corps et se hissent vers les hauteurs en convergeant d’une sorte d’unique brassée des forces . Homme , terre, ciel ,maisons, bêtes et univers végétal tout est enchevêtré
Dans le paysage de CERET, on est dans une véritable jungle de couleur faite de couches de peintures superposées formant un enchevêtrement impénétrable qui n’est pas sombre mais d’une obscurité luxuriante. C’est une lumière qui fait partie intégrante des formes, elle n’est pas projetée sur elles. Que ce soit le midi ou la nuit , qu’il pleuve ou qu’il vente ,cela n’a aucune importance, tout comme n’importe pas vraiment ,en fin de compte, ce que les formes représentent , que ce soit une colline , une maison ou un arbre . Le sujet du tableau est l’action, ce n’est pas une peinture qui cherche à rendre une certaine atmosphère, ce n’est pas non plus une peinture rétinienne. Les émotions qu’elles expriment sont celles susceptibles d’accompagner les actions qu’elles évoquent.
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TWORKOV dit des tableaux de SOUTINE « La peinture de SOUTINE affirme t’il contient la négation la plus farouche du principe selon lequel le tableau puisse être une fin en soi . Le tableau est censé avoir un effet sur l’âme et pas seulement sur le mur »
Ces paysages qui semblent bouleversés par le séisme à la représentation pliée, concassée , disloquée à la manière du cubisme ou du fauvisme associent les vues de CERET ou CAGNES aux tremblements de terre qui viennent de prendre fin avec l’armistice, images qui lui était permis aussi de rapprocher du cataclysme cosmique provoqué par le jugement de DIEU le jour de YAHVE. La guerre de SOUTINE de ses tableaux comme celle de YAHVE a transporté d’un endroit à l’autre des paysages complets telles les montagnes du livre de JOB. Comme JAHVE la guerre s’est manifesté par le feu, la fumée, le tonnerre, les éclairs, le tremblement de la montagne …. (GIRARD)
Les paysages de SOUTINE portent la trace d’un ébranlement qui n’est pas seulement d’ordre plastique , ils répliquent aux bouleversements de l’histoire contemporaine. Comme le souligne MARC GIRARD, « avant d’être un phénomène géologique, le changement radical , le bouleversement brutal a frappé le peuple du point de vie social et politique… Il exprime le sentiment d’être rejeté, démoli, brisé. Il n’échappe pas au symbolisme divin puisqu’il passe tout spontanément pour un effet de la colère du très haut »
Bien des tableaux peints à CERET et CAGNES peuvent être ainsi rapprocher des épiphanies divines , des signes qui traversent les paysages de l’Alliance et font trembler toute la terre devant DIEU. Elles relèvent d’un symbolisme cosmique, à la fois protestation du cosmos devant le crime et le pêché de l’homme et la peur du cosmos face à l’exécution du jugement de DIEU
A tout cela vient d’ajouter les états d’âme personnels du peintre à travers sa maladie, ses colères , ses transgressions à la religion de son enfance ,son rejet dont il semble être victime de ses congénères ,ses difficultés à s’intégrer dans la société .Ce qui donne ces tableaux pleins d’énergie de bouleversements et de rages dans ses peintures de paysages. Il disait à DEBORAH jeune polonaise avec qui il s’était lié vers 1910 « quand je peins je trempe mon pinceau dans mon cerveau » il en a suivi les méandres , d’où une œuvre à ce point physique et spirituelle, d’où une certaine confusion entre l’image qu’il donnait aux autres et celle de son for intérieur. Tout chez lui se situe dans des zones d’incertitude entre la haine et la tendresse, entre la foi et le blasphème entre la conviction et le doute
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Pour De KOONING et la peinture « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » , le peintre met en image son cauchemar à travers ce que dicte sa mémoire, il ne va pas sur le motif pour peindre ce tableau mais fait référence à sa mémoire pour peintre les marais et la mer prêt de chez lui dans les LONG ISLAND à l’intérieur desquels il fait revivre les légendaires RUSALKES et reprend une forme resurgi des années 50 , une fragmentation du corps de WOMAN 1, sa jambe droite (‘WOMAN 1 , érape1) qui représente l’autoportrait de DE KOONING dans son cauchemar. Les surfaces aqueuses c’est aussi un retour aux paysages de HOLLANDE de son enfance. Dans ce tableau le monde visible des marais côtoie le monde imaginaire des monstres , des RUSALKES. C’est dans les ténèbres des marais et de la mer des LONG ISLAND que des personnages, monstres se confondent se distinguent à peine de ces ténèbres qui les entourent et de cette lumière intérieure qui émerge de la forme biomorphique qui seule illumine ce tableau. Ces cauchemars subis par DE KOONING sont peut être le fruit de l’état d’âme de DE KOONING. Ses addictions à l’alcool qu’ il n’arrive pas à éliminer malgré toutes les cures de désintoxication et l’aide de ses proches . Addictions symbolisées dans ses cauchemars et sur la toile par des démons intérieurs qu’il n’arrive pas à combattre et dont il se sent petit à petit dévoré jusqu’à la mort. Comme SOUTINE il est pénétré par le doute mais pas de blasphème, de haine. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , l’amour finira par se substituer à la mort qui voulait l’engloutir dans les ténèbres monstrueux des marais .
Ce qui a marqué DE KOONING chez SOUTINE c’est la couleur qui vient de l’intérieur des tableaux qui l’a profondément séduit lors de sa visite à la fondation BARNES en 1952 .Dans une interview en 1977 il dit à ce sujet « Les SOUTINE avaient une lueur qui venait de l’intérieur des peintures, c’était une autre sorte de lumière, comparé aux MATISSE qui étaient également exposé chez BARNES….. » C’est exactement ce que l’on ressent dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
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Le peintre de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE s’est visiblement inspiré dans ces tableaux de ce type de lumière intérieure où les lumières chaudes du rouge incandescentes ,de l’orange jaune semble venir de l’intérieur du tableau et nous éblouir . Le reste du tableau fait de peintures plus sombres et froides sont éclairées par des trous de lumière dus au grattage de la peinture qui ont été établis pour faire ressortir les reflets du ciel sur l’eau des marais et de la mer.
Dans les paysages de SOUTINE, les maisons sont étirées comme des personnages de LE GRECO de GIACOMETTI ou de MODIGLIANI . De même dans » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme biomorphique étirée traverse en longueur toute la toile
Chez SOUTINE , le tableau se déplace sur les bords en vagues de peintures centrifuges qui emplissent la toile à ras bord ( Les grands arbres bleus, CERET , 1922)
Dans tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la partie droite du tableau se déplace en vagues de peinture de manière centrifuge ( flux et reflux de la mer) alors que la partie gauche des marais se déplace au contraire en vagues vers le centre.
Certains éléments des tableaux de SOUTINE et « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » sont disposés contre les lois de la perspective. Cela a été interprété dans le cas de CEZANNE comme une volonté de se livrer au chaos de sensations sur le chavirement des objets dans l’illusion d’un mouvement.
Dans Le tableau « nature morte au violon » de SOUTINE les objets en diagonales semblent vues à l’envers comme s’ils allaient glisser les le bas du tableau
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le tableau est disposé contre les lois de la perspective . D’une part la forme biomorphique semble se mouvoir dans les airs au dessus des surfaces aqueuses malgré qu’elle soit attrapé par les monstres qui l’empêchent de se mouvoir et qui essaye de l’entrainer vers l’eau pour la dévorer et d’autre part du sang dégouline de sa tête vers le haut contre les lois de la pesanteur et de l’attraction terrestre. Cela donne au tableau un sentiment de vertige de tournoiement de perte d’équilibre , on ne situe plus très bien le haut , la terre , l’air, le ciel tout cela est confus
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SOUTINE peint de la même façon le proche et le lointain, les gradations entre le proche et le lointain sont gommées, le sujet du 1er plan et la silhouette qui s’éloigne. Comme chez les primitifs, les différents plans et les temps de l’image coexistent. Les paysages du midi peints en 1918 accentuent encore cet effet avec les maisons, les jardins clos du hameau ramassés en paysage circulaire qui forment une totalité. Le paysage est vu d’un seul coup ou en rafale de bas en haut
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE également , tout est vu d’un seul coup, il n’y a pas d’horizon , pas de graduation entre proche et lointain pas de perspective à la manière des peintres traditionnels de la Renaissance, les marais, la mer, les monstres, la forme biomorphique , tout semble dans le même plan,ce sont les couleurs qui déterminent la profondeur, tout semble concentré, ramassé dans le même plan sans espaces , il y a un effet de totalité ( la mer, les marais , mes monstres, les visages de WOMAN et homme et la forme biomorphique tout est enchevêtré pour faire une unité dans sa totalité.
Avec Cet effet de totalité de masses d’éléments enchevêtres le peintre de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » a assimilé les mécanismes de la perception. Selon la distance à laquelle on regarde le tableau , notre perception est très différente. A une certaine distance notre œil ne distingue que deux couleurs, Une couleur rouge chatoyante et incandescente qui traverse le tableau de bas en haut comme une flamme qui brule dans le tableau sur un fond sombre ténébreux qui semble d’une couleur noire. Il semble qu’il n’y ait rien d’autre dans le tableau et au plus on se rapproche , au plus certaines choses disparaissent alors que d’autres apparaissent, les choses semblent bouger dans le tableau. Les choses ont l’air d’errer dans l’espace plastique, disparaissent refond surface à mesure qu’on se rapproche ou qu’on s’éloigne. Vu sur cet angle on a l’impression que le tableau ne peut jamais être considéré comme terminé
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SOUTINE ET DE KOONING , LE MILIEU ACQUEUX
Autre différence de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et les peintures de CERET, est que SOUTINE n’est pas attiré par le milieu marin, les étendues d’eau marécageuses ou les lacs. Dans les paysages de SOUTINE très peu de surfaces aqueuses et de trace de ruissellement ou d’un quelconque cours-d ’eau à l’exception de quelques tableaux « Femme entrant dans l’eau, femmes se baignant ou marie aux bains) contrairement à DE KOONING ou la plupart des tableaux depuis qu’il a élu domicile à SPRING dans les années 60 sont des paysages de mer ou de marais , son inspiration immédiate se passe dans les milieux aqueux : les marais de LONG ISLAND et’ océan atlantique de Long Island à LOUISE POINT .
Le tableau « FEMME ENTRANT DANS L’EAU »de SOUTINE est dérivée de la « FEMME SE BAIGNANT DANS LA RIVIERE » de REMBRANDT qu’il avait peut être vu à la National Gallery de LONDRES à la fin des années 20. SOUTINE a puisé le brio de sa touche , la pose inhabituelle frontale du tableau mais il renforce les effets expressionniste des rides sur l’eau et de la robe blanche chatoyante. JUDITH ZILCZER souligne les similitudes entre la pose de « WOMAN V » de DE KOONING et celle de SOUTINE « FEMME ENTRANT DANS L’EAU »
En ce qui concerne « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme biomorphique est en suspension au-dessus de l’eau en proie aux monstres » Comme le SOUTINE et le REMBRANDT la présence des rides de l’eau est visible
De KOONING est attiré par la luminosité du bord de mer qui lui rappelle sa HOLLANDE. Des tableaux comme « SCREAMS OF CHILDREN COME FROM SEAGULLS » où des figures ondulantes de rouge de bleu et blanc évoquent les vues et les sens du bord de mer. Il transforme magistralement son milieu d’huile bien aimé en un océan étincelant de peinture.
Ses mouvements de courbure lâches ont capturé le jeu libre de l’eau, de la lumière et du ciel. Il disait qu’il était réellement intrigué avec le chemin de toutes ces couleurs qui reflétaient la surface de l’eau et comment les formes émergeaient et se dissolvaient avait t-il dit a Joan LEVY ( étudiante stagiaire chez DE KOONING). Cela permettait une grande réserve de possibilités pour la peinture
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« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est dans la même lignée. Une brosse chargée glissant sur la surface crée des mouvements de courbures lâches, ondulantes capturant le jeu de l’eau, de la lumière et du ciel avec les reflets sur l’eau. Ces mouvements ondulatoires autour de la forme biomorphique sont concaves à gauche, ils se dirigent vers le centre du tableau alors qu’à droite on peut remarquer un mouvement de flux et de reflux identiques aux mouvements de l’océan Atlantique .
On peut remarquer des effets de boursouflures, pliure de la peinture à certains endroits du tableau qui ont pour incidences heureuses de créer des rides sur la surface de l’eau sous l’effet des conditions extérieures comme le vent . Le tout formant une masse inextricable. Le peintre a gratté la toile formant des trous de lumière dans le fond sombre laissant des traces de peintures derrière pour éclaircir ce fond en créant une sensation étonnante de ciel sur l’eau ou alterne ciel dégagé et nuageux. Ici dans le tableau l’eau n’a pas de limites, elle est partout
Dans ce tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique semble se trouver en parallèle au dessus de l’eau ou à la limite flotter , difficile à dire, elle est attaquée par d’un coté les monstres des marais et de l’autre les monstres marins . La Forme biomorphique parait être la démarcation entre les marais et la mer
Si pour DE KOONING la relation entre La figure et son environnement est l’eau ( mer,marais) , elle est parfois luxuriante , dans « SCREAMS OF CHILDREN COME FROM SEAGULLS » aux couleurs claires et joyeuses , elle est monstrueuse dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou les marais aux eaux sombres habitent des monstres tueurs
De KOONING a fait de nombreux tableaux ou gravures en milieu de marais comme « The MARSHES » gravure ou sont suggérés les marais, les roseaux et où s’agitent des bulles qui évoquent de l’eau ou des tableaux comme East -HAMPTON de 1968
THE MARSHES EAST HAMPTON
Ces paysages aquatiques étaient comme de l’argile humide rempli de fronces, de bulles , de crêtes, de boursoufflures. L’eau n’avait pas de limite , l’eau reflétait la terre , le ciel , les figures dans une sorte de mélancolie qui est devenue franchement peur et terreur dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE »
Ces marais et mer de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE reflètent donc la couleur du ciel et la terre environnante par ces couleurs noires , grises, marrons et des ilots dégagés de couleurs claires ( bleu du ciel) qui changent à chaque instant et donc justifie d’une certaine manière que ce tableau reste inachevé car il change continuellement
Pour SOUTINE le lieu de peinture c’est la terre , souvent cataclysmique avec tremblements de terre qui maltraitent les maisons, les paysages , les chemins et font sortir à la surface des êtres particuliers de la religion juive ( GOLEM, DIBBOUCK)
QUE DECRIVENT LES PAYSAGES DE SOUTINE , DE KOONING , LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
Pour Xavier GIRARD, Souvent les seules interprétations psychologiques faites sur SOUTINE et sa peinture font fausses routes, il y aussi autre chose
« La peinture de SOUTINE ne décrit pas seulement la réalité d’une situation. Elle ne peint pas la pauvreté, l’angoisse du lendemain ou la solitude. Les natures mortes n’exposent pas la vie quotidienne du peintre ou l’état de son estomac ou de sa prétendue frustration devant la nourriture prohibée par son régime sévère en raison de son ulcère. Il intégrait dans sa peinture les implications extrêmes de ce qu’il avait à l’esprit, la violence de la nature et un mélange particulier d’enthousiasme et d’antipathie.
« elle manifeste la puissance de l’art, elle donne sa chance à l’expression de l’idée créatrice » mais aussi on peut y déceler en plus des connotations religieuses »
Ces paysages de CERET et CAGNES bouleversés par des séismes représentés par des surfaces pliées et concassés des tableaux, n’objectent pas seulement leur version disloquée à la façon du cubisme ou du fauvisme qui avaient cours à l’époque de SOUTINE. Ils associent les vues de CERET et CAGNES au tremblement de terre qui vient de prendre fin avec l’armistice . SOUTINE ne pouvait éviter de feuilleter, comme n’importe qui pendant la guerre , les périodiques comme « Le miroir » ou l’illustration » qui publiaient des photographies du front. Images qui lui était permis de rapprocher du cataclysme cosmique provoqué par le jugement de Dieu le jour de « YAHVE ». La guerre de SOUTINE comme celle de « YAHVE » a transporté d’un endroit à l’autre des paysages entiers, telles les montagnes du livre de « JOB ».
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Ses collines « en partance » sont comparables au mont Sinaï dont le texte biblique raconte « qu’il se sépara de la montagne du temple de Jérusalem et se transporta dans le désert » Comme « YAHVE « la guerre s’est manifesté par le feu , le tonnerre, le tremblement des montagnes « exode 18-19 » . les paysages de SOUTINE portent la trace d’un éboulement qui n’est pas seulement d’ordre plastique , ils répliquent aux bouleversements de l’histoire contemporaine. Comme le souligne Marc GIRARD avant d’être un phénomène géologique , le séisme exprime l’idée de choc , le changement radical , le bouleversement brutal qui a frappé le peuple du point de vue social et politique. Il exprime le sentiment d’être rejeté, démoli, brisé…mais il n’échappe pas complètement au symbolisme divin, puisqu’il passe tout spontanément pour un effet de la colère inexplicable du très haut.
.Bien des tableaux peints à CERET ou CAGNES peuvent être rapprochées des épiphanies divines, des signes qui font trembler toute la terre devant DIEU . Des manifestations de DIEU planent donc sur les paysages de CERET et CAGNES.
Alors que la maladie le gagne, que la souffrance devient intolérable SOUTINE à la fin de sa vie de 1937 à 1942, peint des visages d’ enfants souriants , heureux de vivre, des enfants jouant dans les champs verdoyants garnis de fleurs multicolores, des enfants dormants du sommeil du brave dans les bras de leur mère. Ces tableaux sont en contradictions avec les tableaux de CERET et CAGNES précédents des années 20
Chez DE KOONING , on ne remarque pas de manifestations divines à la manière de SOUTINE. Il n’y a pas cette peur de DIEU , du jour de « JAHVE » ou du jugement dernier si présente chez SOUTINE , la peur est d’un autre ordre c’est la peur des démons et plus précisément de ses démons intérieurs ( alcoolisme, la peur du vide ,de la mort, peur des femmes dans ses « WOMAN » etc. C’est sous l’influence des tableaux de BRUEGLE , BOSCH, GOYA qu’avec des tableaux comme the MAN de 1967( « le jardin des délices » de BOSCH) ou UNTITLED 1970 ( « saturne dévorant un de ses enfants »de GOYA) qu’il arrive à exprimer ses peurs dans ses tableaux mais ce sentiment de peur est de plus en plus rare après les années 70 ou DE KOONING nous présente plutôt des tableaux aux peintures luxuriantes
Le Tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE semble faire transition entre les tableaux dominés par la morosité, la peur, le grotesque la morbidité des années 67 à 70 avec des tableaux comme « THE MAN », « THE VISIT», WOMAN IN THE WATER » , « WOMAN ON A SIGN » et des tableaux lumineux et heureux comme « FLOWERS MARY’S TABLE » de 1971
Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de 1971 en complément de la description des mouvements terrifiants , des peurs, qu’à subi DE KOONING dans ses cauchemars et qu’il transcrit sur la toile ,c’est son amour pour Emilie qui transforme son état d’esprit comme le montre le dos du tableau où sous une couche de peinture rose apparait les visages de DE KOONING et KILGORE dont les noms sont entremêles l’un dans l’autre. C’est le déclic d’une vision plus positive de la vie . Comme SOUTINE à la fin de sa vie dans les années 40 à 42 , les années 70 de DE KOONING nous montre un peintre avec un regard plus positif plus optimiste , Emilie KILGORE y est sans doute pour beaucoup
DE KOONING continue à faire des essais , des improvisations sur sa peinture avec ici la formation de rides par ses mélanges , ses dosages d’huile, d’eau, d’essence Kérosène, de carthame et autres composants, des juxtapositions de taches et leurs effets de couleurs suivant la distance où l’on observe le tableau, les mélanges et effets de peintures lentes ou rapides etc. Rien n’est jamais établi et définitif avec DE KOONING , il est toujours à la recherche de nouveauté dans sa création
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Pour Paul RICHARD du Washington Post il disait que « DE KOONING n’avait jamais su avec précision, n’avait jamais choisi de savoir où il allait ». Ses peintures n’avaient pas de destination certaine, ses explorations étaient incessantes, son champs de tension énergique, sa ligne toujours changeante, son art n’est jamais cool et immobile. Il redoutait de laisser le tableau en chantier inachevé et d’en sortir
Là encore ce que dit Paul RICHARD , « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « est un bon exemple. Il a fait ce tableau dans un certain état d’esprit d’anxiété, de mal être , de violence Quand cet état de lui-même avait changé en un état plus positif il a laissé son tableau inachevé pour passer à autre chose . C’est probablement des tableaux comme « FLOWERS, MARY’S TABLE » qui ont suivi aux motifs de fleurs et couleurs chatoyantes et de joie de vivre
FRAGMENTATION DES CORPS
Dans les tableaux de paysages des deux peintres ,on peut remarquer que dans les personnages qui se situent à l’intérieur des paysages de SOUTINE il n’y a pas de fragmentation des corps contrairement aux tableaux de Willem De KOONING. Pour SOUTINE , il lui serait impossible de consacrer un tableau d’un morceau de corps, mise en pièces comme le fait DE KOONING ou PICASSO.
Pour SOUTINE , il faut que les corps apparaissent en entier mais les personnages n’ont qu’un aspect secondaire dans le paysage. Ils ne sont là que pour montrer qu’il s’agit d’un paysage habité par l’homme. Si l’objet ne rentre pas dans le tableau , au lieu de le fragmenter , le solution dans laquelle se range SOUTINE est la pliure, le froissement , la torsion. L’espace est une chose et les êtres sont une des composantes, il convient de les faire entrer complètement en évitant les lignes de fuite dans le plan du tableau
Dans les tableaux de personnages sans paysages, les mains, comme les épaules et les bras souvent désaxés au bord de la dislocation ou disproportionnés ont leur propre vie mais sont toujours solidaires sont toujours un , forment un bloc qui ne peut être démantelé
Au contraire Chez DE KOONING, le corps n’est pas un, il peut être détaché et produire une vie indépendante . Dans des tableaux de DE KOONING on retrouve des mains, des bras , des jambes, des seins, des yeux etc. qui semblent vivre leur vie dans les tableaux (EXCAVATION , PINK ANGEL) ou parfois les membres sont complétement détachés des corps dans le tableau (SEATED )figure de ,1941
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Mais l’impact d’un tableau de DE KOONING repose sur une réaction directe et presque physique à la peinture elle-même , si bien que la perception d’une réalité extérieure à laquelle il renvoie……, n’est pas tant liée à la reconnaissance de certains éléments dans un amas de perceptions qu’a une prise de conscience globale de la réalité envisagée comme un flux héraclitéen ou tout se confond (DAVID SYLVESTER)
« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Dans ce tableau tout repose à partir d’un fragment de corps , c’est la forme et le sujet central du tableau .Cette forme biomorphique centrale , c’est la jambe droite de WOMAN1 ( étape1) . Cette forme biomorphique semble étirée, fait toute la longueur du tableau comme des portraits de MODIGLIANI, des Sculptures de GIACOMETTI ou plus antérieurement LE GRECO.
Le surgissement de la forme biomorphique est telle au premier plan qu’elle semble vouloir sortir du tableau mais elle est liée au pied par un monstre qui l’empêche de bouger.
Tout autour ,des taches qui deviennent formes et les formes deviennent contenus. Ces formes en mouvements d’êtres bizarres animées comme des monstres dans un environnement aqueux de marais et de mer dont les actions sont purement picturales
En bas à gauche une tête de couleur noire fait penser à une tête de « WOMAN» des séries des « WOMAN » des années 50.il apparait également à droite en haut une tête d’homme fantomatique , ressemblant aux têtes grises de GIACOMETTI, De ci delà , sortent des têtes ou des corps incomplets de monstres marins et des marais, on remarque aussi dans ce paysage de terreur , de brutalité , une chaussure de femme en bas à droite, qui est un objet récurrent dans les tableaux de DE KOONING. Est-ce aussi un signe à sa muse qu’il vient de rencontrer et qui est porté également dans ce tableau ?
On distingue donc dans ce tableau, un grand nombre d’éléments en fragmentation , un presque quelque chose . « C’est un punctum iconique, d’une survivance figurative , d’un conditionnement archaïque à l’intérieur d’une peinture qui avale le tout au point de nous faire tomber dans l’abstraction » ( juan PORRERO) ou tout se confond
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Les yeux ont aussi leur importance. Ils donnent un sentiment de peur de détresse, de résignation pour celui qui les regarde chez ces deux peintres
Chez SOUTINE, les yeux ,c’est la peur que ce soit dans ses portraits où dans ses autoportraits, c’est la jonction par ces trous noirs entre l’extérieur et l’intérieur. Les yeux sont toujours inégaux et bigleux , frappé de loucherie ou victime de la taie
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, les yeux expriment également des troubles. Deux yeux noirs tombants qui expriment la fatigue la résignation, un appel au secours, une demande à l’aide
WOMAN1 montre l’un des aspects techniques et la manière dont DE KOONING emploie la fragmentation du tableau et la fusion de ces fragments pour faire surgir la forme sans pour autant l’avoir conçue au préalable comme une somme de petits « morceaux ». C’est le traitement local de chaque détail pictural qui met en évidence le plan dans son ensemble. Ce plan, construit selon une suite de corrections et de répétitions qui finissent par bâtir à l’unisson la figure et le tableau, empêche l’identification correcte de l’anatomie et propose en échange — dans l’échange de l’abstraction — une figure dont on ne peut plus saisir les limites spatiales ni temporelles
En comparaison « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « est un peu différent. Le tableau part d’un calque de la jambe droite de WOMAN1 ( étape1) placé au centre du tableau qui a laissé les contours du charbon de bois du calque mais ce contour le peintre ne l’utilise pas comme contours il superpose des couleurs sur l’emplacement de la forme de la jambe, élargie la forme du coté droit pour l’équilibre du tableau dont la forme a été rogné à gauche par une masse noire qui est venu se superposer . D’autres coups de pinceau sont venus se superposer sur la forme du calque , en haut une partie de la forme du calque a été gratté. La peinture rouge qui a recouvert la jambe à l’origine ne s’est pas préoccupé des contours du calque dont quelques bribes sont encore visibles en transparence des couches superposées et c’est donc les épaisseurs de peintures qui délimitent les contours et permet les délimitations.
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MASSE INEXTRICABLE- CONTOURS- ESPACE
Dans certains Paysages de SOUTINE comme « La colline de CERET »,les arbres , les maisons, le chemins ne forment plus qu’une seule et même masse , un tas en mouvement réduit en un amas saucissonné en mouvement entouré de faisceaux erratiques de mouvements souvent vers la droite. La juxtaposition est devenue assemblage inextricable. Il n’existe pas entre les figures l’espace de séparation pertinente mais ce tas est l’accumulation de forces qui bouillonnent dans la matérialité déchainée de la colline de CERET
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De la même manière , dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » La forme biomorphique , les monstres des marais, la mer, les marais tout cela est juxtaposé sans profondeur , sans espace et tout cela forme aussi un assemblage inextricable et met à mal l’ordonnancement académique., Tout se lie , entre cette forme biomorphique et les agresseurs ( monstres) il n’y a pas de logique, pas de distances, pas d’ajustements des plans, ils sont les uns dans les autres dans un tas d’accumulation de forces une accumulation d’énergie ,tout est plein ,seules les couleurs contrastées, chaudes ( rouge, orange, jaunes) du premier plan de la forme biomorphe permet de faire ressortir l’ensemble du tableau, c’est la conjonction des couleurs qui permet aux formes de se découvrir Pour le reste du tableau qui forme un fond de couleurs froides ( vert, noir, marron) , les nuances de couleurs sont si proches les unes des autres qu’il est difficile de les séparer . A un certain niveau de recul pour regarder le tableau , seul reste à notre vue , une masse rougeâtre-orangée au milieu d’un espace sombre qui semble uniforme
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Ainsi que ca soit pour SOUTINE et pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », l’espace est effroyablement compressé, les paysages mis en dessus dessous, les visages , les corps sont déformés et tout s’y lient.. Le contour des objets et des êtres vivants n’est pas l’effet d’une délimitation arbitraire mais des surfaces de contact entre deux puissances aux émanations également animées et vitales
David SYLVESTER dans un écrit de 1997 nous dit : « L’impact d’un tableau de DE KOONING »repose sur une réaction directe et presque physique à la peinture elle-même, si bien que la perception d’une réalité extérieure à laquelle il renvoie, par exemple, la présence immédiate, enveloppante, d’une chair rose ( La chair est la raison pour laquelle la peinture à l’huile a été inventée) ou l’omniprésence des bouches aux dents menaçantes ( des sourires de femmes, des gueules de requin, des vaginae dentatae) n’est pas tant liée à la reconnaissance de certains éléments dans un amas de perceptions qu’à une prise de conscience globale de la réalité envisagée comme un flux héraclitéen ou tout se confond
Chez SOUTINE comme Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, les formes s’enveloppent, se tordent en tous sens, s’essorent, s’entrechoquent, se plient , s’enroulent ,se disloquent, s’allongent comme des peaux élastiques qu’on étire à volonté. il n’y a pas de dessin , de lignes de contour. Seule la peinture délimite les choses, les personnages, les éléments du paysage. Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE il reste néanmoins les contours du calque au charbon de bois qu’on devine sur le tableau mais ce contour ne joue pas son rôle car de la peinture a été appliquée par-dessus pour pénétrer à l’intérieur de la forme délimitée par ce calque
L’effet des paysages de SOUTINE et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE crée une image pleine et serrée sans aucun embellissement et concession à la décoration.
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LA LUMIERE DES PAYSAGES
Soutine avait comme une phobie de la lumière comme si la lumière lui faisait mal ainsi qu’à ses toiles. Cette phobie dont certains malades sont atteint. Jamais il s’est habitué à la clarté des paysages de CERET et CAGNES , il préférait PARIS , ses rues et son atelier sombre et pourtant ce qui a retenu l’attention de DE KOONING chez SOUTINE ce sont d’abord les lumières qui sortaient de l’intérieur de ses tableaux et offraient un éblouissement de rouge sang, de jaune éclatant
SOUTINE peignait sur le motif, que ce soit en plein midi ou la nuit tombante, qu’il pleuve ou qu’il vente n’avait aucune importance pour sa peinture mais sa préférence allait pour peindre la lumière d’avant l’aube, l’instant ou la nuit bascule dans le jour comme bascule les éléments du tableau.
« Les paysages de CERET avec leurs gestuelles et leurs distorsions rappellent les dramatiques tourbillons de couleur et les touches apparemment spontanées des grands tableaux de TINTORET lumineux sans parler des formes allongées et tortueuses des derniers tableaux de GRECO » ( Simoneta FRAQUELLI). On peut en dire autant du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » avec la forme biomorphique allongée à la GRECO
En 1952 Willem DE KOONING et Elaine DE KOONING avaient programmé une journée d’excursion pour visiter la collection BARNES à MERION en PENSYLVANIE qui exposait un grand nombre de tableaux DE SOUTINE . DE KOONING a été tout de suite subjugué par ces tableaux, l’impact de SOUTINE sur DE KOONING a été immédiate et durable. 5 ans plus tard , De KOONING se souviendra toujours de cette rencontre avec ces œuvres et il avait dit que … « Les SOUTINE avaient une « lueur qui venait de l’intérieur des peintures » c’était une autre sorte de lumière, comparé aux MATISSE qui étaient également exposé chez BARNES.
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Cette lumière qui vient de l’intérieur même du tableau, cette qualité de lumière que DE KOONING trouvait si convaincante dans l’art de SOUTINE, on la retrouve dans la plupart des tableaux depuis qu’il s’est installé à EAST HAMPTON, notamment incarnant ce qu’il appelait « la chair » du style de la peinture de SOUTINE
Cette lumière on la retrouve dans « LEG WOMAN IN THE LANSDCAPE » Les couleurs chaudes de ROUGE- ORANGE-JAUNE-ROSE de la forme biomorphique sont comme un feu de lumière qui vient de l’intérieur et traverse le tableau de bas en haut, c’est aussi le sang qui dégouline de la forme biomorphique .. En opposition le fond de couleurs froides de marron, noir vert, gris semble rester dans l’obscurité des ténèbres
Ce contraste entre les tonalités sombres du fond et les tonalités claires de la forme biomorphique ( rouge, orange, jaune)renforcent l’effet de luminosité et l’on retrouve dans ce tableau une sensation lumineuse qui rappelle l’héritage Hollandais de peintres comme REMBRANDT et de SOUTINE
Ce fond sombre de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » , le peintre l’a éclairé par des trous de lumière en grattant la peinture jusqu’à la toile, ne laissant que des points noirs de peintures. Ces trous de lumière sont justifiés aussi par les reflets du ciel sur ce fond qui représente des surfaces de MARAIS et de mer . Les parties claires grattées représentant le reflet d’un ciel dégagé alors que les parties sombres sont les reflets du ciel nuageux.
PLACE DU REGARDEUR ET DES CHOSES DANS L’ESPACE DU TABLEAU
Dans les paysage de SOUTINE , le regardeur se trouve le plus souvent au-dessus du sol avec une vue topographique au lieu d’une vue classique en perspective et vu du haut dans certains tableaux les maisons ont l’air de basculer dans le vide ou de se soulever, les murs, les arbres s’inclinent. Certains paysages ont l’air d’avoir subi un séisme, un cataclysme cosmique, des villages semblent être en feu . tout cela est vu en hauteur au- dessus du sol.
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De même « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE » le regardeur voit le tableau du ciel, topographiquement. Sous le regardeur, La forme biomorphique est en suspension dans l’air au-dessus et parallèlement aux étendues d’eau. Des monstres des marais et de la mer sortent de l’eau pour entrainer la forme biomorphique vers le milieu aquatique pour la dévorer
LA MANIERE DE PEINDRE, LES COULEURS »
Chez l’un et l’autre la manière de peindre sort des sentiers battus et passe pour contradictoire avec ce qui est enseigné.
De KOONING mélange les peintures rapides et lentes, il improvise des effets de rides , de craquelures avancées, des effets de textures de crocodile avec dans les peintures à huile des excès d’eau , d’adjonction d’essence de térébenthine, d’huile de Carthame , de peintures acryliques etc qui donnent des effets particuliers à la peinture et dont il ne s’attendait peut être pas lui-même des résultats
SOUTINE qu’il s’agisse d’un paysage, d’une nature morte, ou d’un portrait, peint la chose existante qui est indispensable à son expression complète, il a toujours besoin de se confronter avec son modèle, tel est l’impératif premier. Ce qui s’impose à lui physiquement, c’est peindre le monde visible dans sa proximité dérangeante, c’est là que nait son désir de peindre ensuite son imagination, sa sensibilité , ses émotions à la vue du motif font le reste.
Il ne perd jamais son but de vue ne posant pas une touche sur la toile qu’il ne l’ait confronté avec la précédente dans une tension de tout son être qui l’épuisait
Il triture, manipule les paysages pour en dégager un sentiment d’inquiétude avec une transgression des maisons, des arbres , des villages qui peuvent se transformer , d’organique de choses en espèces d’êtres vivants dans un monde chaotique en souffrance . Comme disait Andrée COLLIN « SOUTINE était vu comme le peintre d’une humanité souffrante »
Tout est concentré sans espaces. Fond et premier plan sont enchevêtres par des accumulations, des superpositions de peinture comme le tableau « Paysage à CERET » en 1920 . Il peint en pleine pâte directement sur la toile comme DE KOONING et sans esquisses préparatoires, il peint avec empressement sans quitter son motif de l’œil, possédé par la vision qui est la sienne, véritable peinture éruptive.
Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de même que les tableaux de paysage de SOUTINE expriment un sentiment de frayeur, d’inquiétude dans la figuration d’un paysage de Marais et maritime mais toute l’originalité du tableau se trouve dans le traitement de la toile fait de mélanges de peintures rapides et lentes, de création d’effets de rides , de peintures craquelées, tous ces effets sont subit par des excès tout à fait particulier d’eau , d’essence de térébenthine , d’huiles dans la peinture qui semblent contradictoire aux bons usages qui donnent également un effet de chaos .
C’est le travail d’un peintre compulsif et toujours insatisfait qui ont poussé DE KOONING a rechercher des solutions pour répondre à ses besoins. Il utilisait donc des solvants pour retarder le séchage de sa peinture afin d’avoir plus de temps de réflexion pour d’éventuelles modifications ou des retouches dans le frais
Pour de nombreux Critiques des années 70 , l’imagerie de DE KOONING est représenté comme « Non environnement » qui consistait à peindre conceptuellement sans localisation spécifique, sans schéma , sans intérieur ni extérieur, sans thème universel bref sans unité qui peut entrainer un manque de cohérence et entrainer une ambiguïté chez le spectateur
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Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Le tableau est partie d’un calque de la jambe droite de WOMAN 1 ( étape 1) et à partir de là, DE KOONING a crée au fur et à mesure de son inspiration une imagerie conceptualisée par ce que lui fait penser cette forme d’un fragment de WOMAN1.Arrivé à un certain stade du tableau , il se trouvait sans doute en dehors du tableau qui est resté inachevé .Ce tableau lui a sans doute donné l’idée d’un nouveau tableau qu’il a démarré par la suite. Cela aurait pu être « FLOWERS MARY’S TABLE » Il serait alors passé d’un changement radical du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » tableau de terreur et de mort au tableau « FLOWERS MARY’TABLE « tableau de joie lumineuse, d’espoir , de vie . Entre les deux il y avait bien entendu la rencontre de sa nouvelle muse qui l’a changé radicalement jusque dans sa peinture.
Chez SOUTINE comme chez DE KOONING et le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » l’idée d’hallucination et de rêve sont évoqués, Dans beaucoup de tableaux de DE KOONING et cela est vrai aussi pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la figure à l’air de sortir des profondeurs de la peinture sans que l’on puisse accorder au peintre la pleine conscience du processus. Il dit lui-même : « Les constantes modifications que je fais sur une toile ,je ne les prévois pas, c’est bien souvent un état qui se rapproche de l’hystérie et c’est involontaire mais il dit aussi « je passe la plupart du temps assis à étudier le tableau et essayant de comprendre , savoir quoi faire ensuite ( KRAUSS , 2015).
Si le tableau ne passe pas par des prémices ,par des préparations, il ne peut pas se passer de l’étape laborieuse de l’étude méticuleuse sans avoir de motif sous les yeux mais une fois dans le tableau parfois il improvise car il ne va pas toujours dans la direction qu’il avait prévu ou parfois cela lui donne des idées pour un autre tableau dans une toute autre direction qu’il créera par la suite et soit il abandonne le tableau en cours s’il trouve qu’il en sort trop soit il le laisse sur le côté pour le reprendre plus tard .
Dans le cas de WOMAN 1 il a commencé le tableau en 1950 pour le terminer en 1952 et était à deux doigts de l’abandonner si le critique SHAPIRO ne l’avait pas encouragé à le terminer.
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Je pense que le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est parti au départ d’un simple calque de WOMAN1 ( étape1) appliqué au centre du tableau et ensuite le peintre a étudié comment il pouvait l’habiller et en faire un tableau de peintures gestuelles et de mouvements et lui est venu l’idée d’un cauchemars dans l’inconscience du sommeil qu’il a tenté de reproduire sur la toile mais sans issue aussi il abandonne la toile avant de la terminer avec un dessin au dos . Il change totalement son état d’esprit avec un dessin qui se trouve sur le dos du tableau. De noir de terreur et de mort , il passe au rose du bonheur pour sa nouvelle muse ( Emilie KILGORE) en 1970-1971
Une autre particularité dans la façon de peindre des deux peintres que l’on rencontre dans certains tableaux est la position de la toile chez l’un et la position du peintre par rapport au motif dans l’autre.
Chez SOUTINE certains tableaux sont peints sur le motif en hauteur ou en contre bas ou parfois les deux sur la même toile .
En hauteur selon un point de vue panoramique d’où cette sensation de vertige qui nous saisit en dépit des premiers plans qui retiennent de basculer dans l’espace réel.
En contre bas en sorte de laisser le paysage se déverser comme se déverser comme un éboulis vers le regardeur
Chez DE KOONING , il lui arrive de travailler sur plusieurs cotés de la toile à la fois ,comme « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ,marais et mers en suspension dans l’air , les monstres sortent le l’eau pour attaquer la forme biomorphique .
Pour l’accrochage la forme biomorphique est verticale tête en haut mais pendant sa création il a été aussi retourné à 180 degrés car nous remarquons de la peinture qui dégouline dans le sens contraire au sens de l’accrochage . Cela est aussi confirmé au dos du tableau par le dessin qui se décline dans le 4 cotés du tableau .
Chaque coté figure une représentation différente du dessin ( tête de femme, tête d’homme, les noms DE KOONING et KILGORE, OISEAU)
. Il faut dire également que DE KOONING dessine un chaussure à haut talon et pour la voir à plat dans son utilisation normale, il faut mettre le tableau à l’horizontale.
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Comme support de peinture DE KOOONING peint directement sur la toile sans couche de fond. Il avait dit à son amie Emilie KILGORE « Je peins directement sur la toile .. personne d’autre fait ça », et la peinture occupe la surface comme une substance vivante qui bourgeonne et qui regorge de formes plus ou moins ambiguës.
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , A certains endroits il a gratté la peinture de surface , on voit directement la toile brute
En ce qui concerne les formes dans « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE « comme les tableaux de DE KOONING en général, certaines sont reconnaissables, nous l’avons vu dans cette étude , pour d’autres on a l’impression de les reconnaitre puis quand on regarde de nouveau le tableau après avoir quitter le tableau on a l’impression que la forme qu’on pensait avoir reconnue a disparu et ainsi de suite. La sinuosité des coups de pinceaux courts visibles donnent l’impression de mouvements dans le tableau, le dégoulinage de la peinture rouge dans « LEG WOMAN IN THE LANSCAPE » donne l’illusion du sang qui coule du visage vers le haut ( voir ci-dessus) dans l’ambiguïté.
Dans les tableaux de SOUTINE, il n’y a pas de prémices, pas de couches préparatoires, d’esquisses comme dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ».
Dans cette œuvre présumée de DE KOONING seule une forme importée d’un calque est à l’origine du tableau et ensuite c’est une création de peinture éruptive , c’est au regardeur de faire preuve d’imagination et d’aller à la découverte des formes , a laisser libre cours à son interprétation avec son propre univers mental, ses références , son système de pensée et son tropisme avec malgré tout une clé indispensable à posséder , il faut connaitre la biographie de DE KOONING en 1971 ,cela nous donne des indices pour interpréter objectivement ce tableau et nous laisser entrainer dans cette toile pleine de références, de signes pour nous aider à l’interpréter sans être vraiment directif. Peut-être y a-t-il des interprétations auxquelles le peintre lui-même n’avait pas songé mais qui sont dans l’inconscient du peintre . Le peintre nous donne des indices mais ne donne jamais une explication de ses peintures tout comme SOUTINE
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On constate la prédominance de la couleur . L’élément constitutif de la forme le plus important est la couleur. Aussi bien, pour SOUTINE que pour DE KOONING et ceci est aussi visible dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le contraste entre les teintes claires et les teintes sombres renforce l’effet de luminosité. On y voit pour les deux peintres l’influence des peintres Hollandais notamment REMBRANDT
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE, il n’y a pas de perspectives à la manière des peintres classiques après la renaissance, ce sont les couleurs qui déterminent la profondeur.
En premier plan des peintures de couleurs chaudes de la forme biomorphique rouge, orange jaune et rose)
En fond, peintures froides, vert foncé , marron , noir, gris qui s’interpénètrent avec le premier plan ce qui rend les relations spatiales ambiguës. Ces peintures de fond qui s’interpénètrent , se superposent , se mélangent sont si proches dans leurs couleurs froides qu’elles ont tendance à se confondre et être indistinctes . De même que pour le premier plan les peintures s’interpénètrent et se superposent dans des tons très proches si bien que si on prend du recul , arrivé à une certaine distance il n’apparait plus que 2 couleurs, un premier plan rouge et un fond noir.
On peut y voir aussi dans ce tableau à la fois de l’horizontalité et de la verticalité
Dans l’horizontalité le fond, c’est la surface aqueuse, devant la forme biomorphique, les marais et c’est la mer derrière. La forme biomorphique semble en suspension dans l’air
Dans la verticalité (sens de l’accrochage du tableau), la forme biomorphique est positionnée comme un portrait et regarde le spectateur avec détresse.
Le fond semble vouloir l’entrainer vers ses ténèbres et commence à l’envahir de tous les côtés. Le sang coule à contre-courant sur le visage de la forme ( la toile a été retournée à 180 degrés ou laissé horizontale avec légère pente pour laisser couler la peinture rouge du sang). Les différentes positions dans lesquelles le peintre a travaillé le tableau est confirmé par le dessin du dos du tableau qui a une grille de lecture dans chacun des 4 cotés.
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« Chez SOUTINE, s’il y a une couleur qui domine les autres c’est bien le rouge , que ce soit dans les paysages ( l’escalier rouge à CAGNES), les natures mortes ( la série de glaïeuls, le rouge des bœufs écorchés) ou les portraits( le groom, l’homme en prière,, la fille à la ferme),le rouge du sang et des visages
S’il se rend 3 fois à AMSTERDAM pour voir « la fiancée juive » de REMBRANDT c’est à cause des visages, de la main , des étoffes mais surtout de tenter de comprendre comment REMBRANDT a pioché le rouge de la robe de la fiancée qui s’évase au premier plan comme un estuaire de velours et faire sienne absolument cette splendeur écarlate. A la fois beauté supérieure, couleur de la vie et de la blessure, du sang, de la mort , du comble du plaisir et qui ravive la carcasse pourrissante du bœuf d’un sang impur.
Dans les paysages de CERET ou de CAGNES le rouge est toujours là et l’emporte même en quelques soupçons mais qui enflamme le tableau tout entier. Il gagne du terrain , il atteint l’escalier de CAGNES de 1918, le clocher de CERET, les platanes et l’entrée du village de CERET de 1920, Dans l’église Rouge de CERET de 1919 qui présente un toit, des bordures de fenêtres et des chainages d’angle « au plus beau rouge brique, le dedans du corps du bâtiment est exposé au dehors comme les entrailles de la raie dans la série des natures mortes en hommage à CHARDIN ou aux carcasses écorchées en hommage à REMBRANDT. « Dans l’église de CAGNES » c’est le rouge de la femme qui semble enfermé dans un tourbillon autour de l’église et le rouge du toit de l’église dans des couleurs dissonantes de rouge.
« Qu’il éclabousse un arbre , le gilet d’un garçon d’étage , la robe de la femme en rouge dans « l’église de CAGNES », un bœuf pendu à un croc, un bouquet de glaieuls, une rue en espalier, le rouge est d’abord pour SOUTINE une couleur souveraine , le représentant de ce qu’il cherche en peinture » ( Xavier GiRARD). L’émanation du rouge est l’une des plus puissante du spectre des couleurs. « Le mas à CERET ou paysage aux toits rouges »de 1919 est soumis au feu croisé de 3 géologies rougeoyantes : Le rouge igné qui éclate dans les branches du premier plan et flamboie derrière les tuiles, le rouge spiralé des branches et le rouge cristallin de la maison incliné. Dans les mouvements paniques du paysage, c’est l’élément rouge qui les réunit
Dans « les platanes à CERET » de 1920 on peut y voir à la fois des flammes rouges et des corps déjetées vers direction ascensionnelle .
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De la même manière dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE si on regarde le tableau à une certaine distance on ne remarque au centre qu’une sorte de flamme qui traverse tout le tableau de bas en haut . C’est quand on se rapproche que cette flamme se transforme en forme biomorphique avec des yeux un bec , une tête.
La puissance du rouge est telle que parfois sa fonction est d’éclairer violemment par sa seule couleur, l’ombre verte d’un sous-bois ou les fonds d’un portrait. Dans » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le rouge seul éclaire le tableau du fond sombre de terreur qui sinon serait qu’un fond noir.
Le rouge peut être aussi chez SOUTINE, un outils de traversée, d’enjambement spectaculaire comme « LE VIADUC ROUGE » de 1919. Dans le même ordre d’esprit que « LE VIADUC ROUGE », dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme biomorphique rouge traverse le tableau de bas en haut et sépare les marais à gauche de cette forme et la mer à droite, c’est la jonction entre les deux surfaces aqueuses. Le rouge de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est comme une flamme qui traverse le tableau
La série des glaieuls peints en 1919 est tout entière consacrée à la majorité des rouges., la couleur des fleurs se détache de la fleur réelle pour apparaitre comme une modalité de l’émanation féminine des pourpres. Pour accentuer cet effet d’apparition flamboyante, SOUTINE fait surgir le bouquet du fond des ténèbres
Le rouge c’est aussi le sang, la marque du sacré, la marque du sacrifice mais aussi la couleur interdite à montrer dans les animaux morts de la religion juive et pour cela SOUTINE ne manquera pas de transgresser l’interdit avec ses peintures sur les bœufs écorchés
Le rouge et le noir sont les accords fastes de l’œuvre de SOUTINE. Les exemples abondent ou ils jouent les premiers rôles ce qui en font un thème répétitif et sidérant. » L’IDIOT» porte un uniforme noir sur un fond rouge et fixe le ton général du tableau. « LA FOLLE », « LE GARCON BOUCHER » « L’HOMME EN PRIERE »rendent eux aussi hommage au rouge et noir.
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Dans « LEG WOMEN IN THE LANDSCAPE « en simplifiant ou en regardant le tableau à une certaine distance on ne perçoit vraiment que deux tons, le rouge au centre du tableau et le noir pour le fond »
SOUTINE utilise aussi une grande variété de teintes pures et une gamme variée de toutes les couleurs pour leurs fortes qualités sensuelles et la manière de les appliquer donne un sentiment d’intensité qui est la pierre de touche de sa puissance picturale. . Il utilise 1 pinceau par couleur ce qui l’oblige à avoir à disposition de 10 à 20 pinceaux par toile qu’il manipule et nettoie comme des instruments chirurgicaux.
SOUTINE n’est pas un peintre de lignes ni de contours. Les figures ne sont pas enfermées dans un corps. Dans « deux personnages dans paysage » de 1919, deux hommes marchent vers le bord gauche du tableau en allongeant le pas, ils se distinguent à peine des ténèbres qui les entourent . Comme dans les tableaux de DE KOONING, les figures ne sont pas seulement dans le paysage, elles sont devenues le paysage.
SOUTINE fréquemment amène la puissance humaine à la vie végétale qui se confondent ou s’interfèrent. Dans « place de l’ormeau » à CERET de 1920, l’arbre et la silhouette humaine ne font plus qu’un , les figures végétales dans le paysage ont parfois des allures anthropomorphiques : dans « les grands arbres bleus » de CERET en 1922, les arbres alignés ont l’air de soldats en marche à l’entrée du village. Anthropomorphiques également les maisons dans « paysage avec maison blanche « de 1920-1921 dont une maison toute en longueur est doté de taches noires situées de telles façons que l’on peut imaginer 2 yeux, un nez une bouche et un long corps sans membres tout a fait comparable à la forme biomorphique du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
Dans les tableaux de SOUTINE , nous sommes habitués à débusquer des personnages dans l’enchevêtrement de la couleur et cherchons parfois à surprendre leur présence là ou SOUTINE n’a pas songé à les faire entrer. Par exemple dans « Rue de Pierre BRUNE » à CERET en 1921 cet amas de formes sombres à côté d’un arbre mort n’est sans doute pas un tas de cadavres mais le tableau y fait songer imperceptiblement.
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Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » , des coups de pinceau à l’aspect indéterminé ressemblent à des formes de monstres marins et des mers mais ont bien été pensés par le peintre ? Comme dans beaucoup de tableaux de DE KOONING, les couleurs enchevêtrent les unes dans les autres permettent une grande réserve de possibilités de la peinture.
Dans les années 50, des lignes de contour de DE KOONING étaient dessinées au charbon de bois .Il peignait avec du noir Enamel pour encrer l’image et apporter de l’ordre à la couleur. A partir des années 60, l’ancrage des lignes est parti et tout ce qui restait était des grands coups de peinture, des taches aux contours indéterminés.
La logique de l’œuvre de DE KOONING ne réside pas dans sa cohérence rationnelle mais dans la lutts sans fin avec la peinture et ses possibilités. Il a résisté à chaque espèce d’idéologie, d’esthétique sociale, de philosophie ( ROSENBERG ( 1966)
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LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en fait partie avec sa masse rouge au milieu du tableau
Pour les deux artistes, Les couleurs possèdent des pouvoirs qui excédent le seul partage visuel , ils appartiennent au monde des affects, leurs impacts symboliques les différencient absolument des couleurs du fauvisme, cubisme ou autres écoles de peintures. Ils sont à la fois un vecteur lumineux et un vecteur individuel de chacun des 2 peintres notamment pour DE KOONING
le rouge c’est selon les tableaux de SOUTINE et DE KOONING , la cruauté, la passion, l’énergie, la colère, la puissance.
Les mouvements paniques du paysage et la topographie vibratoire des couleurs qui entrent en action ont un élément qui les réuni c’est le rouge
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Le Rouge c’est aussi la fonction qui éclaire violemment au seul moyen de la couleur la figure centrale du tableau à mettre en valeur contre un fond sombre C’est le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et comme l’avait remarqué DE KOONING pour les tableaux de SOUTINE qu’il avait vu à la fondation BARNES en 1950 « la lumière semble sortir de l’intérieur du tableau même » Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » il l’a repris à son compte , en effet la forme biomorphique du centre du tableau dominé par un rouge couleur de feu semble illuminée par un feu intérieur incandescent.
Nous verrons les chapitres concernant les portraits el les natures mortes l’importance essentielle du rouge.et sa symbolique avec le sang chez les deux peintres et le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est très représentatif à ce sujet. Le rouge de la tête de la forme biomorphique c’est le sang qui jaillit des blessures faites par les monstres
Si les deux peintres subissent l’obsession du rouge ( DE KOONING comme indiquée ci-dessus à partir de la 2eme moitié des années 60), ils exécutent des œuvres qui sont de prestigieuses variations de cette couleur combinées avec d’autres .
Chez SOUTINE, le rouge est souvent associé au blanc de la miséricorde et de la paix comme tableau « NATURE MORTE AUX HARENGS » ou les harengs d’un blanc éclatant sont posés sur un chiffon rouge
Chez DE KOONING il y a deux couleurs symboliques et propre au peintre comme le sont le bleu de KLEIN ou de MAJORELLE ce sont : le marron ( couleur du foie) et le rose ( de pink engel)
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COULEURS SPECIFIQUES A DE KOONING
DANS LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
Le marron ( couleur du foie) . De KOONING a recherché à reproduire le marron couleur du foie de son enfance, cela lui a demandé des mélanges savants pour retrouver cette couleur( mélanges d’une dizaine de couleurs), c’est donc une couleur qu’on ne retrouve pas ailleurs que dans les peintures de DE KOONING et une autre couleur est spécifique de KOONING c’est le rose de PINK ENGELS que l’on retrouve dans un grand nombre de tableaux ,il représente la joie, le calme, la beauté, la chair, C’est aussi une teinte spécifique , introuvable chez tout autre peintre
Ces deux couleurs Marron et Rose ,on les retrouvent dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Ce fameux rose est la couleur de fond ,du dessin au dos du tableau que l’on trouve aussi avec des taches de la même couleur sur la toile au dos. Ce Dessin qui est un hymne à l’amour pour sa nouvelle muse Emilie KILGORE .
Le marron spécifique couleur de foie se retrouve aussi par petites touches de manière pures en bas à gauche superposé à la couleur verte et dans des mélanges de peinture à droite du tableau
Dans » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », le noir, le vert, les pigments , les couleurs « subissent de multiples transformations en couches de fluidité, et de viscosité de transparence et d’opacité et laisse des visions de leur intervention.
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Opacité dans la masse noire à gauche de la tête de la biomorphique, fluidité des formes vertes en bas de la forme biomorphique, transparence de couleur jaune orangée au pied de la forme biomorphique, viscosité au niveau des rides noires en bas à droites et dans le coin gauche du tableau.
On remarque un effet de flou en haut à droite du tableau auquel s’ajoute un mélange de couleurs incontrôlées. c’est sans doute du à l’application d’un journal qu’il appliquait sur la peinture fraiche lorsqu’il devait ré intervenir sur la peinture une nouvelle fois et ainsi éviter qu’elle sèche trop vite sauf qu’il semble dans ce cas qu’il ait enlevé le journal en le bougeant latéralement et qu’il a laissé probablement la peinture inachevé telle quelle ce qui donne cet effet de flou .
Ce qui semble justifier cet abandon à ce niveau est que juste à coté de cette zone flou , il y a un grattage de la zone qui a aussi été laissé telle quelle sans modification de la peinture. Cet inachevé peut aussi être interprété comme une anticipation des procédés qui seront traités et utilisés un peu plus tard chez les peintres Américains et qui donne un aspect d’inachevé avec RAUSCHENBERG du mouvement NEO DADA précurseur du POP ART , renforcé dans le tableau par ce qui ressemble aussi a du collage ( les collages d’images de RAUSHENBERG). Le collage c’est un problème que l’on rencontre souvent de la manière la plus différente dans la peinture « WOMAN » de DE KOONING.
DE KOONING utilise aussi le système de calque dans ses peintures en calquant des parties de tableau et en les recollant à d’autres endroits ou bien en les reprenant pour les placer dans d’autres tableaux
Ce système de calque est visible dans cette forme biomorphique de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui est un calque de WOMAN 1 ( étape 1) appliquée sur le tableau
A ce collage sous forme de calque placé et retiré qui a laissé des traces de charbon de bois visible
Il y a aussi dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE l’effet d’inachevé qui met aussi en lumière l’incertitude désespéré devant le tableau et pourquoi il ne peut pas être considéré comme achevé.
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Cet effet d’inachevé visible en haut à gauche du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est engendré d’une part, par un grattage sur le haut de la tête de la forme biomorphique laissé en l’état sans reprises de peintures et d’autre part l’état de la peinture dans la continuité du grattage montre que le peintre a utilisé une feuille qui a été pressée sur la toile dans le but de retarder autant que possible le processus de séchage de la couleur. Le retrait a été fait ensuite sans continuer à peindre à cet endroit . Le papier ayant quelque peu bouger pendant le retrait cela donne l’effet de flou qui apparait dans ce tableau
Cela laisse aux choses d’errer à travers l’espace plastique, de les faires disparaitre et réapparaitre et de rendre infini les possibilités dans le processus plastique de DE KOONING, Cette expression est le fondement de la liberté illimitée de l’invention plastique
Ces différentes techniques utilisées, inventées par DE KOONING ont stimulé l’imagination artistique pour recommencer ou continuer à peindre comme ce fut la cas par exemple pour WOMAN 1
SOUTINE utilise une voie humide, une brosse chargée de placer les arbres environnants, les collines et les maisons de telle façon qu’ils ont rempli chaque pouce de ses toiles.
Après avoir vu Soutine, les tableaux de DE KOONING deviennent plus humides plus souples, plus riches. Il a aussi appris que les éléments d’ondulation , de distorsions, de torsions dans 1 tableau pouvaient avoir des effets spectaculaires et nouveaux qui peuvent devenir des éléments de corps humain , ou d’animaux .Des ondulés peuvent rappeler des bras, des jambes, des torses et de KOONING ne se prive pas d’en placer dans ses tableaux Tout cela se voit dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
la plupart des couches appliquées sont humides WET ON WET, peintures à séchage lent. Au bas du tableau les couleurs vertes , jaunes , oranges sont soit superposées , soit mélangées et encore visqueuses .
Certaines parties visqueuses noires aux excès d’eau et d’huile de CARTHAME ont provoqué les rides caractéristiques . Les mouvements des pinceaux sont visibles avec leurs courbures, les applications de peinture plus ou moins chargées jusquà presque la transparence.
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Certaines parties du tableau ont été mélangées à la brosse et donnent ce mélange de jaune, orange , vert que l'on retrouve aussi dans beaucoup d’autres tableaux dont celui « RED MAN WITH MOUSTACHE
Comme dans les tableaux de SOUTINE de paysages, ceux de DE KOONING excellent à incorporer des silhouettes à l’arrière plan de ses toiles et crée ainsi des formes ambigues et déformées .
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il s’agit de portraits qui semblent être une tête de “WOMAN” ,une tête d’homme comme les têtes grises de GIACOMETTI ,une chaussure à haut talon, des monstres des marais et de la mer prêts à dévorer leur proie.
La période de 1971-1972 date présumé du tableau de DE KOONING “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” ,Il part d’images figuratives comme “ RED MAN WITH MOUSTACHE” ou “FLOWERS MARY’S TABLE”et ensuite sans préparation préalable il imagine par la peinture seule sans contenu, sans dessin des jeux de couleurs et des formes plus ou moins explicites. C’est sans doute ainsi qu’a été construit “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” à partir d’un calque central il a construit tout autour le scénario de son cauchemar sans contours et sans preparation .
Dans certains tableaux ses coups de pinceaux l’emenanaient pas toujours où il voulait aller. “LEG WOMAN IN the LANDSCAPE” l’a emmené vers la terreur et la mort alors il abandonna le tableau car il ne correspondait sans doute plus à son état d’ême qui avait changé depuis sa rencontre avec Emilie KILGORE. D’ailleurs il disait à propos de ses cauchemars et ceci est relaté par Mark STEVENS et Annalyn SWAN “ Il était térrorisé par ses cauchemars qui au fil du temps il arrivait à maitriser”
Ces formes ambigues viennent du fait que aussi bien SOUTINE que DE KOONING ne font pas de dessins préparatoires. Le premier coup de pinceau n’est précédé d’aucune étude préparatoire ou ébauche séparée
Hormis les calques posés sur la toile comme pour “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” cela peut donner lieu à plusieurs séances de dessins au crayon ou au pinceau dans le fond de la toile avant qu’Il juge la figure suffisamment aboutie pour commencer à peindre
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Pour le reste c’est par la couleur, l’épaisseur plus ou moins importante ou la matière que paraissent les sujets, la figuration . Pour LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il s’agit des monstres des marais, de la mer, des têtes de “woman” et d’homme “ à la GIACOMETTI, de chaussure haut talon”
Les calques disposés par DE KOONING sur les toiles sont malgré tout très peu visibles car les couleurs ne respectent pas les contours de ceux-ci ils les traversent de part et d’autres , se superposent et donc ne tiennent aucun compte des delimitations. C’est le cas de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE où la forme biomorphique qui fait l’objet du calque de la jambe droite de WOMAN1 ( étape1) est rognée de toutes parts par la peinture venant de l’extérieur de la forme néanmoins les traces du calque restent apparentes en transparence.
Couleurs et espace ne sont pas à entendre comme un contenant des choses car les contours des choses débordants de l’espace n’est pas l’enveloppe qui vient limiter ce débordement. Dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE Il n’y a pas de contours précis des êtres et des objets , c’est la peinture qui fait contour. A droite la peinture a débordé les traces du calque au crayon de bois qui restent visibles en transparence sous la peinture.
Il n’en reste pas moins que DE KOONING contrairement à SOUTINE qui a très peu déssiné est un très grand dessinateur , ses dessins sont très nombreux et souvent faits dans des conditions très particulières à l’aveugle
Dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE “ au dos du dessin on remarque un genre d’hiéroglyphe qui s’avere être un dessin complexe à multiples facettes selon qu’on le tourne de 90 degrés en 90 degrés sur les 4 faces. 1 er face, ce dessin représente un portrait féminin ( qui parait être Emilie KILGORE) , 2eme face , un portrait masculin ( qui parait être Willem De KOONING) , 3eme face les noms de D KOONING et KILGORE imbriqués l’un dans l’autre et une autre face qui pourrait resembler à un oiseau. Ce genre de dessin aux multiples facettes est très courant chez DE KOONING et tout à fait propre à ce peintre Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, s’il n’est pas signé au recto, mais ce dessin au verso est plus identifiable qu’une signature
Quoi qu’en dise les critiques, De KOONING souhaite préserver ce que les effets inatendus peuvent être considéré comme des défauts (fait de rides craquelures, effet de flou, de peinture humide, de mélange de peintures inconsidérées, avec l’eau les huiles de carthame, essence de kerosene) c’est à dire ceux que l’on retrouve dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, cela fait partie de son processus créatif , de même pour SOUTINE avec les peintures humides, les paysages déformés qui créent de l’effroi, les paysages au bord des cataclysme, des tremblements de terre, les paysages incandescent de feu et de sang à la difference que SOUTINE ne supporte pas les critiques et préfére quand celles-ci sont trop acerbes de récupérer les tableaux incriminés et de les détruire comme ceux non vendus dans son atelier où la critique est dure.
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Comme DE KOONING , SOUTINE ne fait pas de dessins préparatoires, il attaque directement son sujet avec les pinceaux. On sait qu’il lui fallait un grand nombre de pinceaux entre10 et 30 pour 1 toile et les couleurs. Chez SOUTINE c’est aussi de la couleur de la teinte elle-même et l’épaisseur plus ou moins importante de la matière que parvient le sujet qui fait la figuration.
Cette absence de dessins préparatoires et l’attaque direct de la peinture parfois en couches superposées chez les deux peintres provoquent ce qui dans l’élaboration du tableau est accidentel. C’est au prix de ce danger que naissent les révélations esthétiques de la forme , rencontre du geste et de la couleur.
Comme indiqué ci-dessus et qui est confirmé par GERDA une compagne de SOUTINE dans son livre” ses couleurs préférées sont le rouge vermillon, le cinabre incandescent , le blanc d’argent à l’époque ou je vivais auprès de lui. Il me semble qu’il aimait le vert véronèse et la gamme des bleus-verts qu’il utilisait pour peindre les feuillages des arbres” il utilisait aussi le vert vermillon qui tire sur l’orange.”
Chez DE KOONING le rouge apparait en force à partir des années 60 sous l’influence de SOUTINE ( Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le rouge domine tout le tableau). Dès le début de sa carrière sa peinture préférée très reconnaissable est le rose couleur chair, celle du tableau “PINK ANGELS “ de 1945 dont il disait :(la chair a été la raison par laquelle la peinture à l’huile a été inventée). Nous trouvons le teinte exacte du fameux rose chair reconnaissable entre tous au dos du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui sert de fond au dessin appliqué sur la traverse en bois, ce même rose est disposé aussi en différents endroits sur le dos de la toile comme ci le peintre avait nettoyé son pinceau de rose sur le dos de cette toile. Ce rose appartient à DE KOONING comme certains bleus à MATISSE et d’autres à KLEIN et à MAJORELLE mais dont chacun est unique comme une carte d’identité du peintre
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Autre couleur reconnaissable entre tous car propre à DE KOONING est le marron couleur du foie dont il a essayé de retrouver la couleur exacte du foie de son enfance qu’on lui servait en Hollande.C’est une couleur unique qui est le resultat de longs essais, d’un mélange d’une dizaine de teintes dont lui seul connait la formule. Ce marron on le trouve dans “MONTAUK HIGHWAY” de 1958, du stade B de “THE VISIT” de 1966 sous forme des filets de peintures marron . dans “WOMAN SPRINGS” de 1966 .Ce marron couleur de foie on le trouve aussi dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE “ sous forme d’étroits filets de peintures en bas à gauche et en mélange à la couleur de fond en haut à droite . De KOONING utilise aussi différentes couleurs de vert , le mêmes verts que Chez SOUTINE que l’on peut qualifier de vert morbide du paysage de cagnes de 1923 en haut à gauche , chez DE KOONING “ Man “ de 1967 en haut à gauche que l’on retrouve aussi dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” en haut à droite mélange avec le marron couleur de foie.Il existe une autre variété de vert, le vert Véronèse type M que l’on retrouve chez SOUTINE dans des tableaux comme “PAYSAGE”de 1923-1924 et dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en bas autour de la forme biomorphique juxtaposé avec le jaune et un mélange de jaune et de orange, jaune et vert véronèse M que l’on retrouve aussi dans des tableaux comme” 2 enfants à CHAMPIGNY” tableaux de 1942-1943. Ce même Jaune et vert Véronèse present aussi dans les tableaux de”WOMAN” des annérs 50 notamment WOMAN1, Toujours cette même juxtaposition de vert Véronèse M dans des portraits de SOUTINE comme “ l’homme au chapeau ,de 1919-1920
Dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, comme dans des tableaux de SOUTINE comme “ paysage à CERET” de 1920-1921, les couleurs sont posées si proches les unes des autres qu’elles se chevauchent et rendent les toiles presque indéchiffrables, les passages chargés de demi teintes sont particulièrement complexes, le ciel est généralement absent ou visible par de rares trouées.
Ici dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE toutes les couleurs sont imbriquées les unes dans les autres, Seule la forme Biomorphique au centre se détache de l’ensemble par sa couleur rouge vive aggressive.En prenant du recul , on ne voit que deux tendances de couleurs , 1 premier plan rouge feu sur un fond surchargé de couleurs sombres indéfinissables. C’est en s’approchant près du tableau que l’on découvre toute la richesse des couleurs, des teintes, des pigments mais qui sont si proches et se chevauchant qu’ils rendent une grande complexité pour extraire tous les elements figuratifs
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Le fond avec les marais,la mer, les monstres les têtes de WOMAN et d’ homme à la Giacometti, la chaussure haut talon apparait dans le même plan avec la forme biomorphique, il n’y a pas d’espace, et le fait de glisser l’un dans l’autre fait qu’il n’y a pas de profondeur, pas de profondeur entre le fond et les formes
Il en est de même avec des tableaux de SOUTINE comme “ les toits rouges “ à CERET en 1923, tout est sur le même plan sans profondeur.
Les paysages de SOUTINE et” LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ont d’autres similitudes. Ils sont dans un monde de panique. En effet, Chez SOUTINE, dans les paysages , le sol partout se dérobe ,, les maisons tanguent au bord du precipice Dans les paysages avec des routes , les petites silhouettes de personages solitaires sur la route sont comme aspirées par le paysage dans lequel il plonge pour s’y perdre.
Monde panique aussi dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE”où la forme biomorphique est aussi aspiré par les monstres des marais qui veulent l’entrainer dans le marais pour selon la legende des marais prendre possession du corps pour le transformer à son tour en être démoniaque.
LA MATIERE, LES TACHES , LES METAMORPHOSES , LA VIE
SOUTINE COMME DE KOONING donnent la vie à la matière .A partir de taches informes il en fait des êtres vivants .
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE avant toute interpretation, le tableau semble rempli d’élements fragmentés et incohérents, de taches de couleurs dispersées, de coups de pinceau interrompus, de directions de mouvement inopinément opposés qui se superposent, auquels viennnent s’ajouter la grattage de certaines Zones, l’aspect flou d’autres zones, la formation de rides, de craquelures et finalement un aspect d’inachevé .Toute cette inconstance apparente au premier regard lié directement aux moyens plastiques et non à l'objet de la representation peuvent expliquer que les tableaux qui semblent abstraits, n’en sont jamais. Ces moyens plastiques sont chargés de sentiments, d’expressions, d’états d’âme qui donnent corps à des contenus à des representations même avec des formes que nous ne trouvons pas dans la réalité ,à des êtres déformés, démoniaques ( forme biomorphique, formes de monstres, de tête de WOMAN 1). Ces élements complètement évanouis dans la peinture semblent abstraits et gestuels jusqu’a ce que le regard puisse les dechiffrer. Pour un très court instant les choses disparaissent de nouveau dans la transformation de la peinture
SOUTINE utilise de taches grasses ce qui est notoire dans ses tableaux d’animaux écorchés aux entrailles ouvertes.
De ce point de vue des taches, on les remarque aussi dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »taches noires brillantes à gauche , taches informes suggérant des monstres des marais et la figure de « WOMAN » glaçante ,taches rouge au niveau de la tête de la forme biomorphiques avec des coulures suggérant le sang qui coule.
De KOONING est un grand peintre des lignes dans ses dessins et un grand peintre des taches dans ses peintures
Dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” A partir d’une toile sans peinture de fond il place au centre dans toute la hauteur du tableau , les contours du calque fait au charbon de bois , d’un extrait de corps de WOMAN 1 ( étape1) qu’il retourne sur la toile . il en reste des residus de charbons de bois qui feront la trame du tableau . Tout autour viennent se greffer de taches de peintures , les unes noires, les autres vertes , oranges…. Pour certaines il leur donne la vie. Des taches noires à gauche en bas il en fait des monstres des marais sous le commandement d’une “WOMAN” tête ressemblante aux WOMAN de DE KOONING des années 50. A droite de couleur verte et orange , des monstres des mer, sortes de reptiles, poissons. Tout le reste du tableau est rempli par d’un coté des peintures et coups de pinceau suggérant les eaux du marais avec quelques trous de lumière ( reflets du ciel) et de l’autre, peintures et coups de pinceau suggérant le flux et le reflus de la mer.
Dans des tableaux de SOUTINE comme “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” le point commun c’est le paysage qui inspire la panique, la terreur dans l’action , ils sont sombres, , apocalyptiques, chaotiques , sismiques, chez SOUTINE , démoniaque, terrorisant chez DE KOONING. Ce ne sont pas des peintures rétiniennes mais des peintures qui déclenchent des émotions dans l’action
SOUTINE comme DE KOONING utilisent des courbes dans leurs tableaux pour donner de la vie ,du dynamisme avec de multiples balayages qui donnent à leurs paysages une beauté troublante
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , les courbes et les balayages sont utilisés pour montrer les mouvements de flux et reflux de l’eau autour de la forme biomorphique ainsi que pour animer tous ces monstres des marais et la mer qui gravitent autour de la forme centrale pour la neutraliser
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On retrouve ces mêmes mouvements de flux et de reflux par l’emploi de courbes dans le tableau “WHOSE NAME WAS WRITE IN WATER 1975”
Les formes au potentiel métaphorique sont monnaie courante dans l’art modern. On en trouve chez PICASSO, BRAQUE, KLEE,MIRO , ARP et bien d’autres.Chez PICASSO ou BRAQUE , les formes ont une signification déterminée mais ont été déformées de telles manières qu’elles en suggèrent une autre .soit de formes particulièrement indifférenciées comme les élements biomorphiques d’ARP, des formes à tout faire si l’on peut dire qui évoquent presque inévitablement plusieurs choses.
C’est ce genre de forme biomorphique que l’on trouve dans “ LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” Le depart du tableau est le calque de la jambe droite de “WOMAN 1” étape 1 qui a été transformée en une forme biomorphique anthropomorphe auquel a été rajoutée des yeux, un bec , un corps qui reste sans membres à la manière d’un reptile , d’un poisson.
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Cette forme existait déjà chez DE KOONING sous la forme d’une petite Sculpture numérotée 10 qui avait été effectuée d’abord en platre puis en bronze lors de sa visite chez son ami sculpteur Emanuel HERZL à ROME
Chez SOUTINE les formes métaphoriques peuvent découlées de différents éléments. Ce peut être comme dans le tableau “ LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” une forme déterminée au depart qui a été transformée, déformée, en un être vivant biomorphique anthropomorphe comme les exemples des maisons blanches” PAYSAGE AVEC MAISON BLANCHE” “ Les maisons” aux allures fantasmagoriques dotées d’yeux , de nez, de bouche et de corps penchés qui semblent en mouvements avec des expressions de panique de peur comme si elles s’attendaient à un cataclisme , un tremblement de terre
Les métaphores peuvent prendre aussi d’autres formes qui elles n’ont pas été transformées physiquement et qui ont une double signification à l’exemple des tableaux “ chiens aux fourchettes” ou “ lièvres aux fourchettes” où les fourchettes de natures mortes, prennent la signification de mains
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PEINTURES GESTUELLES, TACTILES
SOUTINE et DE KOONING appartiennent à la lignée des peintres de la matière et du geste par lesquels l’action technique importe tout autant et parfois plus que le sujet. La peinture pour eux est avant tout un geste créateur et physique.
C’est déjà avec les vénitiens du XV eme siècle qui ont été les premiers à rendre la touche visible en abandonnant la transparence du glacis mais les impressionnistes ont été les premiers à rejeter les principes académiques pour que la touche devienne visible de manière ostensible afin d’impliquer le spectateur dans le processus de fabrication , via la trace du geste qui en est l’origine. Qu’Il soit saccadé, violent ou minutieux le geste induit un sentiment , une émotion, un caractère
Harold ROSENBERG a qualifié DE KOONING de peintre gestuel, il voit le peintre
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La nature picturale commune à SOUTINE et DEKOONING se distinguent par leur approche commune de l’observation empirique mais aussi leur rapport avec l’art traditionnel profondement ancré dans la réalité
Dans le cas de SOUTINE, c’est la réalité de l’objet, du paysage et du personage devant lui
Dans le cas de DE KOONING c’est ce qu’il pense être reel et reste connecté au monde observable
Le geste pictural qui est avant tout un geste physique qui induit un sentiment, une émotion, un caractère
“SOUTINE dans les paysages de CERET avec leurs gestuelles , leurs distorsions fascinantes rappellent les tourbillons et les touches spontanées des grands tableaux de TINTORET sans parler des formes allongées et tortuaires des derniers tableaux du GRECO “ ( Simonetta FRAQUELLI)
On peut en dire autant de “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” avec des couleurs qui rappellent aussi TINTORET avec personnages à tuniques rouges et fonds sombres , ces personnages de saintetés martyrisés ou de jesus mis en croix en rapport avec la forme biomorphique de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ,pieds liés et dévoré par des monstres en rapport aussi avec LE GRECO par les formes allongées et tortuaires
SOUTINE comme DE KOONING ont toujours été des peintres tactiles. DE KOONING dans les sixties et seventies , ses mixtures fouettées d’huile de CARTHAME d’eau et TURPENTINE ont donné d’extraordinaires accentuations et il aimait dire “ je suis le plus grand mixer de peinture du monde”
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE les effets tactiles se remarquent sur les rides principalement qui donnent un aspect rugeux à la peinture et au niveau du grattage qui laisse apparaitre les différentes couches de peintures qui sont soit superposées soit mélangées sans se dissoudre l’une dans l’autre
Le travail gestuel chez DE KOONING se retrouve dans l’organisation de ses “WOMAN “ des années 50. La touche chargée de couleurs remplit 2 fonctions; Centrifuge , elle s’enroule autour de la figure, faisant du fond un élement de contournement de la figure , aggressive elle attaque par endroits le corps de la femme , la liant au fond et provoquant une confusion visuelle ( CLAIRE BERNARDI)
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On remarque un travail gestuel identique dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE . Autour de la forme biomorphique, des mouvements s’animent à la fois de touches chargées de couleurs qui remplissent les creux resultant des sinuosités de la forme .Les touches à gauche de la forme sont centrifuges et de l’autre à droite sont centripètes , d’autres encore s’enroulent autour de la forme biomorphique liant le fond et la figure provoquant une masse inextricable et ainsi une confusion visuelle comme les “WOMAN”
Il en est de même avec SOUTINE, Dans certains Paysages de SOUTINE comme (La colline de CERET ),les arbres , les maisons, les chemins ne forment plus qu’une seule et même masse en mouvement réduite en un amas saucissonné en mouvement entourés de faisceaux erratiques de mouvements souvent vers la droite. La juxtaposition est devenue assemblage inextricable. Il n’existe pas entre les figures et l’espace de séparation pertinente
Ainsi L’usage de la touche chez SOUTINE lie inextricablement figure et fond comme dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE annulant toute profondeur et toute perspective
C’est probablement la transformation de la matière picturale en matière organique qui fascine le plus DE KOONING, la magie du geste qui transforme la peinture en matière vivante
Le peintre admire en SOUTINE , le peintre de la chair. Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » c’est la chair qui est au centre du tableau et qui est malmené, le sang dégouline sur la surface de la toile
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LES FORMES, LES FONDS, LA VISION DE LA PROFONDEUR
Dans l’art moderne, les formes aux potentiels métamorphiques sont monnaie courante ,qu’il s’agit de BRAQUE, DE PICASSO ,DE ARP, DE KLEE ou de MIRO et bien d’autres. Il s’agit comme PICASSO de formes qui ont une signification déterminée mais qui ont été déformées de telles façon qu’elles en suggèrent une autre comme les significations du taureau ou du cheval dans GUERNICA ou comme ARP de formes biomorphiques particulièrement indifférentiées et qui peuvent évoquer inévitablement plusieurs choses.
Dans LEG WOMAN in the LANDSCAPE la forme principale est le calque de la jambe de WOMAN 1 (étape1) qui a été transformée en forme biomorphique qui dans le contexte du tableau pourrait être un autoportrait de DE KOONING . On y trouve aussi une tête de “WOMAN” en tête démoniaque et une tête . fantomatique à la GIACOMETTI c’est le peintre lui même qui se voit dans son cauchemar dévoré par des monstres des marais , c’est a dire dévoré par ses démons que sont ses addictions à l’alcool, ses maladies, toutes ses déceptions qu’elles soient amoureuses ou en rapport avec sa peinture
DE KOONING avait dit à son amie Emilie KILGORE”la peinture occupe la surface comme une substance vivante qui bourgeonne et se décompose et qui regorge de formes”.Certaines d’entre elles sont immédiatement reconnaissables, la plupart sont ambigues d’autres sont totalement inidentifiables
Chez DE KOONING certaines formes apparaissent sans que l’on y voit necessairement une utilité, une explication dans le tableau. De KOONING s’en explique dans un entretien avec David SYLVESTER en prenant un exemple “Je veux que le tableau tout entier ressemble à une bouteille, a un tas de bouteilles….Si j’ai vraiment en tête l’image de cette bouteille, elle ressortira dans le tableau. Ca ne veut pas dire que les gens y verront une bouteille, mais je sais que si je réussis, elle y sera. Ils pourront choisir leur propre interpretation.”
“
Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la bouteille c’est la jambe droite extraite de WOMAN1 ( stade1) que le peintre veut nous monter et qui est transformée en autoportrait de la même manière que pour certains critiques “WOMAN 1” dans son ensemble est aussi l’autoportrait de WILLEM DE KOONING.
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En bas à droite du tableau , il semble y avoir un chaussure à haut talon que le peintre a placé là parce qu’il l’avait en tête. Cette chaussure à haut talon revient de façon récurrente dans ses tableaux sans que les critiques qui ont étudié l’oeuvre de DE KOONING y voit une raison évidente
De même pour SOUTINE, Les portraits déformés , ( GROOM,GARCON D’ETAGE, pourraient être des autoportraits , idem pour le lièvre mort, le faisan pendu “c’est lui, lui même par autoflagellation , il a remplacé par lui même le boucher de son enfance qui tient le crochet et le couteau et se menace, se lacère” ( Xavier GIRARD)
les maisons qui deviennent animées d’un caractère anthropomorphique, les arbres qui se transformant en armée de soldats etc.
De toutes ces formes dans le paysage ce n’est pas le motif qui importe le plus , la forme proprement dite ,mais les forces, l’énergie qu’elle déchaine, les sentiments de désespoir, éventuellement de haine, de peur, de souffrance des deux peintres
Chez SOUTINE ces métaphores, ce sont peut être aussi les échos de la parole entendue de la religion juive au temps de son enfance, qu’on lui avait enseigné et qu’Il a continullement transgréssé et profané dans sa manière de vivre , son rapport avec le sang, avec les animaux morts, avec la peinture, les portraits. Il exprime dans ses paysages ses peurs des reactions divines à ses transgressions. Dans ses peintures, ses coups de pinceau sont filtrés ses angoisses et il semble pratiquer la peinture comme un acte de dévotion.
Comme la bouteille dont parle DE KOONING , chez SOUTINE il existe aussi des formes qui semblent ressortir dans le tableau que certains verront ,d’autres ne verront pas ou même que certains verront à un moment donné pour ne plus le retrouver par la suite. Ainsi “ HESS “nous relatent qu’en regardant le tableau “ COLLINE DE CERET “ il y voit un sorcière au nez crochu , un foulard noué dans les cheveux tenant au collet un dragon accroupi et qu’à d’autres moments quand son regard reste un long moment au même endroit , il ne retrouve plus la sorcière
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Cela fait penser aussi à ce que disait DE KOONING à ROSENBERG dans un entretien: “Si vous regardez un REMBRANDT , par exemple, un homme se tient debout là-bas, ce qui rend celui-ci réaliste,ce n‘est rien d’autre qu’une association. A coté de lui il y a une silhouette noire. Vous savez que c’est un homme aussi. Mais si vous regardez l’endroit pendant lontemps, il n’y plus de raisons de penser que c’est un homme”
Dans le tableau “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE “ et la plupart des tableaux de paysages de CERET ou de Portraits de SOUTINE,les deux peintres ne séparent pas la figure ou le portrait du fond. L’un et l’autre sont imbriqués et se confondent pour s’y perdre ,il n’y a pas de profondeur ni de perspectives, seule la peinture et les épaisseurs de peinture font le contournage des éléments figuratifs
Chez SOUTINE, l’espace est effroyablement compréssé, il n’y a pas de vide, il n’y a pas d’espace , tout s’y tient , pas de contours des objets et des êtres vivants comme délimitations Le meilleur exemple est “la colline de CERET”
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ,les relations de la figure centrale biomorphique obeissent à une double contrainte
D’un coté, Comme indiqué ci dessus , les figures sont imbriquées les unes dans les autres car dans le tableau il n’y a pas de profondeur , de perspectives et d’espace tout est concentré: formes biomorphiques, marais, mer, tête de “WOMAN” tête d’homme , chaussure à haut talon, monstres, reflets du ciel sur l’eau, il n’y a pas d’espaces de perspectives entre les formes. La distinction conventionelle entre le premier plan et le fond disparait des surfaces
Mais d’un autre coté l’accord entre toutes ces formes est impossible car elles se rejettent Il y a incompatibilité entre la forme biomorphiques et les formes noires indeterminées ( monstres), entre les marais , la mer et la forme biomophiques qui se repoussent dans leurs rôles figuratifs
Il en est de même dans les tableaux des paysages de SOUTINE comme “ la colline” de céret ou tout est mis en dessus-dessous ,concentré ,imbriqué, se tord, s’entrechoque , se disloque, s’enroule mais pas forcement en accord les uns avec les autres. Les figures de personnages, de sentiers, de maisons sont là pour donner au chaos general une apparence de normalité, l’ensemble met en commun toutes les energies qui représentent une puissance inouie pour lutter contre les forces maléfiques que semble redouter le peintre alors que dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE “se sont les puissances du mal qui semblent s’unir contre la pauvre forme biomophique qui est bien seule pour resister
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Les deux peintres, SOUTINE dans ses paysages de CERET et le peintre de “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” ne peignent pas l’apocalypse en racontant une histoire mais saisissent au vol leur réalité divageante du quotidien
La vision de la profondeur chez les deux peintres montre que dans les paysages de CERET ou de CAGNES pour SOUTINE ou “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” pour l’autre peintre,la grandeur apparante d’un corps physique percue n’est pas seulement le signe de son éloignement spacial par rapport à notre corps mais une manière d’exprimer notre vision de la profondeur.
Chez SOUTINE,la disproportion de la grandeur d’une maison dans le paysage est alors comprehensible comme la perception de cette maison vue par le peintre. Autre exemple avec “ la route montante “de 1921, les maisons semblent se trouver sur une colline mais ells ont les dimensions qu’elles pourraient avoir si elles étaient au premier plan. La profondeur des maisons est donc rendu par le peintre d’après son experience perceptive de la grandeur apparente en tant que grandeur variable de la même chose differemment situé par rapport à lui
Dans LEG WOMAN in the LANDSCAPE de la même manière le forme biomorphique prend toute la place du tableau de manière disproportonné par rapport au paysage jusque dans les couleurs mêmes ou le rouge incandescent et la proportion de la forme rend Presque dérisoirte le reste du tableau qui fourmille pourtant de multiples éléments . Le regard est donc destabilisé quand on regarde l’oeuvre au même titre que pour les oeuvres de SOUTINE.
En ce qui concerne l’aspect des fonds chez SOUTINE, les portraits ont un fond généralement plus sombre pour investir l’espace que le 1er plan plus lumineux mais dans les paysages de SOUTINE et DE KOONING Profondeur et 1er plan disparaissent tout semble enchevétré sans espaces. Les coups de pinceaux se superposent, se chevauchent , s’entrechoquent .
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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , le fond est sombre fait de couleurs froides, noires, grises, marron, vertes alors que le 1er plan de couleurs chaudes faites de rouges , oranges, jaunes,roses mais Fond et premier plan sont imbriqués l’un dans l’autre comme si le premier plan voulait se detacher du fond et sortir du tableau mais que le fond l’en empechait d’ou cet enchevétrement pour interdire tout mouvement du premier plan. Pour être concret le premier plan , c’est la forme biomorphique , anthropomorphique, qui est tenu prisonnière des monstres dans leur environnement de marais et mer des Long ISLAND
DOUBLE VISION ,VERTICALITE ET HORIZONTALITE DES TABLEAUX
Dans des natures mortes de SOUTINE comme “nature morte aux harengs” ou “ plat ovale” , les tableaux nous apparaissent dans la verticalité ce qui semble contre nature car le déséquilibre est tel que dans nature morte aux harengs les harengs glisseraient vers le sol. La position d’accrochage est donc verticale mais la position de lecture du tableau est horizontale.
Il en est de même du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. Pour l’accrochage le tableau nous montre la forme biomorphique en position verticale alors que la lecture se fait à l’horizontale. Dans cette position horizontale la forme biomorphique se situe au dessus des surfaces aqueuses de marais et mer en suspension dans l’air et est attaquée par des monstres des marais et mer qui essayent d’entrainer cette forme dans leur milieu d’eau pour le dévorer.
En position verticale nous remarquons que le sang coule de la tête vers le haut ce qui est contraire à l’attaction Terrestre et autre incompatibilité dans la position verticale , la chaussure à haut talon se trouve dans une position également verticale ce qui signifie que le tableau a été travaillé dans une position horizontale et verticale inverse pour laisse dégouliner le sang en position inverse de l’accrochage.
On a donc l’impression que la verticalité et l’horizontalité sont traités de manière à faire douter de leur stabilité et que le haut et le bas ne sont pas des mesures selectives. La relation à l’espace est transcrite uniquement à travers l’emploi des couleurs et de leur vibrante résonance perceptive, un peu comme si William Turner était de retour parmi les expressionnistes « abstraits » ! Les teintes s’interpénètrent et partagent leur luminosité : le rose et le jaune, par exemple, tendent à se confondre ; le bleu et le marron semblent presque indistincts dans les profondeurs de l’image. On dirait que la palette a été atténuée, de sorte que les couleurs ne se détachent pas vraiment les unes des autres. La fragmentation des toiles précédentes disparaît et avec elle l’influence émotive de leur rythme saccadé. ( juan PORRERO)
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LES APPLICATIONS DANS LES TABLEAUX « LEG
WOMAN IN THE LANDSCAPE »
Dans la plupart des tableaux de DE KOONING, les applications de peintures et autres matériaux induits sont extrêmement variées, superposés , intriqués les uns sur les autres et si petits qu’ils peuvent ne plus être aperçu par le spectateur.
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » avec du recul, l’œil ne voit qu’un premier plan rouge incandescent et des teintes chaudes de orange et jaune. Tout le reste est noyé dans l’obscurité du noir marron et gris. Seul se détache quelques ilots de clarté dus au grattage de la peinture.
Au premier regard, le centre du tableau semble être une flamme traversant la hauteur du tableau de bas en haut dans un fond noir
Cette sensation de verticalité d’une flamme en combinaison avec des diagonales crées par des coups de pinceaux donnent une impression de mouvements peut faire penser au tableau de VAN GOGH « La nuit étoilée » ou sur la gauche des cipres peuvent être comparé aussi à de longues flammes s’élevant vers le haut.
Autre exemple chez POLLOCK avec le tableau « the flamme » ou des flammes rouges incandescentes, jaunes remplissent le tableau
Enfin dernier exemple de MIRO ou les flammes ont consumé en réalité des tableaux de MIRO (Toile brulée II de 1973)
Pour LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE,Il faut se rapprocher pour voir toute la richesse du tableau ( Monstres des marais et de la mer, chaussure haut talon, tete d’homme similaire à tête grise de GIACOMETTI, Tete similaire au « WOMAN »des années 50, flux et reflux de la mer, reflets du ciel dans les marais, rides dus au vent soufflant dans l’eau , peinture dégoulinante de rouge pour effet de sang coulant de la tête de la forme biomorphique et beaucoup d’autres choses encore. Ce qui est étonnant et qui a été remarqué par Richard SHIFF , professeur de l’histoire de l’art et spécialiste de DE KOONING est que le spectateur des œuvres de DE KOONING » expérimente la prise de conscience paradoxale que l’observation d’un détail implique de voir l’ensemble »
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Ce tableau je l’observe depuis des années, je ne m’en lasse jamais et il m’arrive encore aujourd’hui de découvrir de nouvelles choses qui m’apparaissent pour la première fois et d’autres que je ne retrouve plus comme le critique Thomas HESS disait d’un tableau de SOUTINE en 1951 « la colline de CERET »’ : «je vois la colline et la maison qui la surmonte et sur la gauche une sorcière avec un nez crochu , un foulard noué dans les cheveux tenant au collet un dragon accroupi. Quelques minutes plus tard, j’ai quelques difficultés à retrouver certaines de ces formes. Peut être le paysage va-t-il réapparaitre avec les routes, ses rangées d’arbres , ses bandes de terre et ses nuages filants, mais c’est la façon dont il manipule le pigment qui a hissé son sujet de la représentation de la nature a une sensation intime de terreur de violence et de peinture »
L’exposition de 1950 au MOMA sur SOUTINE a montré à DE KOONING un artiste moderne qui utilisait des coups de brosse sans bordures plutôt que des lignes qui coupaient la peinture et qui délimitaient les surfaces.
De ce point de vue les tableaux de SOUTINE et DE KOONING sont assez ressemblants, les formes sont sans contours, il n’y a pas de dessin préparatoire, c’est la peinture, la couleur , l’épaisseur plus ou moins importante qui font le sujet et non les lignes qui font les contours et cela reste assez vague et fait dans la rapidité pour laisser place à l’imagination, parfois les formes se superposent ce qui rend encore plus difficile leurs interprétations ou bien les formes sont abstraites , elles ne sont que des peintures pour mettre en valeur que des couleurs mais il y a toujours à l’origine une forme particulière. Il est important pour l’artiste que dans l’ambiguïté intentionnelle des formes abstraites se cachent des rappels de figures humaines, des animaux, des paysages. DE KOONING disait : « les formes abstraites doivent avoir des ressemblances » et les représentations sont toujours très proches de ce que peut faire un pinceau. »
Pour SOUTINE comme pour le peintre de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le drame, l’amour, la vie, la couleur, la lumière, se placent dans leurs œuvres à travers les inventions de leurs pinceaux, non pas dans leur objet mais dans la façon dont ils sont peints.
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Pour les deux peintres leurs arts avaient été vus comme brutaux mais la sauvagerie de beaucoup de leurs tableaux n’était pas appliqués par les attitudes que les peintres exprimaient vis-à-vis de leurs sujets mais de la manipulation des matériaux
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »l’agressivité, la brutalité, la mort, sont sous-jacentes, elle ne sont pas visibles par des attitudes au contours déterminées mais par la peinture elle-même qui symbolise ces attitudes , la couleur rouge du sang, la couleur noire des monstres qui attaquent la forme biomorphique qui ne peut se défendre, l’ombre d’un visage incapable de réagir à la scène , une chaussure a haut talon dans le tableau qui est peut être la seule chose qui reste d’une attaque précédente ?, La scène n’est pas agressive par les sujets qui ne sont pas déterminés et identifiés comme une photographie.
Il y a une anecdote d’une compagne de SOUTINE qui avait écrit un livre . Elle avait relaté que chez lui et dans son atelier il ne prenait aucun soin , tout trainait dans la saleté excepté ses pinceaux qui étaient d’une propreté extrême. Il en prenait le même soin qu’un chirurgien pour ses instruments chirurgicaux. Cela montre bien l’importance pour SOUTINE de ses pinceaux
Tout aussi soudainement qu’une forme linéaire frappante de combinaison de couleurs apparait dans l’œuvre tout ou partie ,peut s’éclipser et il y a toujours la possibilité que ça soit différent et donc pour DE KOONING comme SOUTINE un tableau n’est jamais une fin en soi.
Pour DE KOONING parfois à partir d’une forme d’un tableau , celle-ci est reprise pour créer l’origine d’une nouvelle œuvre qui contient donc une image similaire. C’est le cas de LEG WOMAN IN THE LANDCAPE qui à partir d’une jambe de WOMAN de l’étape 1 réalise ce tableau en 1971
Ce tableau comme ceux de SOUTINE sont tout en suggestion permettant une imagination sans limites et chaque spectateur peut voir dans ces tableau une chose qu’un autre n’a pas vu.
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Cela me fait penser à une phrase de MIRO qui disait : « Dans un tableau on doit découvrir de nouvelles choses à chaque fois qu’on le voit- on peut regarder un tableau pendant une semaine et ne jamais plus y penser ou regarder un tableau et y penser toute sa vie.. ce qui compte c’est ce qu’il répend, le tableau doit être fécond, il doit faire naître un monde, quelque chose de vivant.. »
Il existe malgré tout une différence dans les formes entre DE KOONING et SOUTINE. Les tableaux de DE KOONING contiennent des fragments de corps dans les paysages ou les tableaux divers. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ( Jambe de WOMAN1 , Tête de WOMAN, Tête d’homme, Tête d’animaux, corps serpentin de reptiles, 1 chaussure haut talon ) alors que dans les paysage de SOUTINE, il n’y a pas de fragmentations que ce soit les humains, les animaux ou végétaux. Les éléments des paysages de SOUTINE sont représentés dans leur unité entière.
LES MONSTRES DANS LE PAYSAGE DE SOUTINE ET « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
On connait l’intérêt de DE KOONING pour l’art du passé, la qualité grotesque de ses premiers portraits masculins ou les fragments figurant dans ses œuvres comme « EXAVATION » ont été comparés à l’imagerie de ses ancêtres néerlandais REMBRANDT, TITIEN mais aussi BRUEGLE, BOSCH. Il a utilisé des imageries de ces deux derniers, notamment, « LE TRIOMPHE DE LA MORT » et « LE JARDIN DES DELICES » ou des monstres, des êtres diaboliques, dévorent, tuent des hommes. On en retrouve des signes dans des tableaux comme « VISIT » ou un monstre apparait sur la gauche, la gueule grande ouverte prêt a dévorer des humains ou « THE MAN »qui dérive de « WOMAN ON A SIGN 1 » Le personnage central dans une pose ambiguë de jambe écartée comme une grenouille, exprime la nature bestiale de l’animal humain . Il semble assis sur une chaise dévorant avec un plaisir charnel une forme semblable à de la chair et excrétant en même temps ,une bande de peinture marron ,sur la tête est posé une masse brune jaunâtre comme la bouilloire renversée d’une image qu’on retrouve dans le panneau de « L’ENFER » de Hiéronymus BOSCH « LE JARDIN DES DELICES » En effet selon Harry F GAUGH , historien d’art, ce panneau est à rapprocher de« Man » ou un personnage à tête d’oiseau représenté comme Satan ,assis sur un haut tabouret dévore un pécheur tout en excrétant d’autres au fond de son trône dans une bulle gazeuse avec au dessus de sa tête une bouilloire inversée.
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MAN 1967 EXTRAIT DU JARDIN DES DELICES( Huronimus BOSCH)
(DE KOONING)
L’historien de l’art « David AFAM « a fait valoir de façon convaincante que les traits agrandis er déformés de l’éblouissement des figures masculines des années 60 ou DE KOONING prend exemple sur les maîtres Hollandais avaient la fascination de DE KOONING par l’angoisse, la caricature, le désespoir, la distorsion corporelle, l’agitation, le jugement et la transcendance éthérée avec les œuvres de ses prédécesseurs. Il a suggéré que MAN de 1967paraphrase les démons dévorants les humains en bas à droite du « jardin des délices « de BOSCH.
Pour de nombreux artistes, les représentations du peintre Néerlandais faisait état de créatures fantastiques et diaboliques souvent moralisateur, représentation du pêché et de la folie qui incarnaient aussi l’angoisse des temps modernes.
Si ce tableau “ LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” lui a pu être été inspiré par ses cauchemars, il aurait pu l’être aussi par des tableaux de Hieronymus BOSCH,BRUEGEL,GOYA,SOUTINE ou BACON comme il aurait pu être inspiré pour d’autres de ses peintures à l’exemple de « MAN »de qui dérive de « WOMAN ON A SIGN 1
En effet,Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » semble avoir un rapport avec ses cauchemars dont il était terrorisé ,qui se passent dans les marais de LONG ISLAND. Dans le livre de STEVENS/SWAN il est relaté ces paroles de DE KOONING : « J’ai fait des cauchemars pendant longtemps, un monstre m’attaquait , un monstre énorme …..». Au fil de temps il arriva à maitriser ces monstres assoiffés de sang et de meurtres. Ses idées noires cauchemardesques ne sont t’elles pas dues aux angoisses qui habitaient DE KOONING, cette année de 1971 ou fin1970 avant qu’il ne rencontre sa muse Emilie KILGORE qui va le changer totalement d’état d’esprit et sa vie
En effet c’est une année difficile pour DE KOONING. C’est la période de litige aux tribunaux avec un ancien marchand JANIS SIDNEY, période aussi de difficultés avec sa fille LISA et ses mauvaises fréquentations , année ou il n’a plus de marchand officiel, FOURCADE qui le suivait ayant quitté KNOEDLER et toujours ses addictions à l’alcool qui ne s’arrangent pas
Il faut savoir aussi que DE KOONING avait la phobie des monstres , de l’eau et des bateaux. Il avait entendu cette légende qui concernait ces marais de LONG ISLAND ,Ces RUSALKES, êtres mi-femmes, mi-poissons qui vivent dans les marais et guette la nuit venue les voyageurs imprudents pour les attaquer à mort, intégrer leur personne pour devenir à leur tour des RUSALKES
Les cauchemars dont nous parlent DE KOONING n’auraient t’ils pas une rapport avec ces RUSALKES qui sont repris dans ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Ici , la forme biomorphique qui se trouve à la lisière à gauche des marais et à droite de la mer est attaqué par tous les fronts de monstres des marais et de monstres des mers qui le dévorent sur le flanc gauche. Dans son cauchemar cette forme biomorphique , anthropomorphe avec des yeux, une bouche serait le peintre lui-même qui se regarde par la forme d’une ombre humaine qui ressemble à une tête grise de GIACOMETTI en haut à droite du tableau
SOUTINE dès son enfance dans l’école Talmudique qu’il fréquenta avait entendu parler du « GOLEM » et on évoquait terrifié le » DIBOUCK » ainsi que les démons qui sont là et rodent partout parmi les humains et qui sont dangereux, la superstition qui a inventé mille et un moyen de se garder d’eux le sait bien
Ces démons, êtres maléfiques sont partout on les retrouvent dans les paysages de CERET et CAGNES dans les portraits et autoportraits sous formes humaines , ce sont eux qui gonflent les lèvres, aplatissent le front, ridiculisent le nez et les oreilles , dans les formes animales, organiques, biomorphiques , sous formes d’ombres diffuses ou sous formes d’esprits qui pénètrent l’âme de ces portraits qui sont en fait des autoportraits aux visages défigurés .
SOUTINE se moque de lui-même et des démons qui l’habitent. Son travail devient non seulement un acte de transgression comme on peut l’attendre de tout créateur inspiré mais un acte de profanation, blasphématoire
SZITTYA Emil ( critique d’art) a écrit que l’esprit de SOUTINE se peupla de chimères fantastiques. Il faut prendre le mot dans tous ses sens et penser aux portraits qu’il fera : visages de chèvres, portraits de Lions rouges parfois comme les flammes que crachent le dragon. Les êtres nés de ses pinceaux tiennent du monde animal qui se souviennent des terreurs de nos préhistoires
.Dans des tableaux comme « LA ROUTE MONTANTE » de 1920 où la route qui monte vers le village peut être vu comme un démon qui entraine le voyageur qui monte au village . Dans une étude de B.HESS qui a bien étudié SOUTINE , il voit dans le tableau « LA COLLINE DE CERET » une sorcière au nez crochu , un foulard noué dans les cheveux tenant au collet un dragon accroupi. Parfois les arbres eux-mêmes ont des aspects démoniques comme les « grands arbres bleus » de 1922 .
D’autre part SOUTINE malade, dans les années de guerre il devait se cacher parce que juif. Même si la célébrité qu’il a atteint et ses amis puissants semblent plus ou moins le protéger encore de loin . Soutine souffre et le cercle d’amis se referme . Malgré la présence de Marie BERTHE malgré la réussite matérielle apparente il doit battre avec ses démons intérieurs, la peur, la misère,la crasse, la maladie, l’isolement, l’insociabilité
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Dans une lettre à ZBOROWSKI au cours d’une année de réussite, il écrit qu’il est dans un état psychologique pitoyable et démoralisé et que cela l’affecte dans sa peinture. Il veut quitter CAGNES, un paysage qu’il ne peut plus supporter, il demande à ZBOROWSKI de revenir à PARIS.
Démons intérieur aussi de DE KOONING avec son addiction à l’alcool qui comme dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « l’attaque , ne peut pas se défendre et le ronge de l’intérieur ( addiction , symbolisé dans le tableau par des monstres)
Si chez SOUTINE , il y a le coté obscur, démoniaque dans ses tableaux, il y a aussi l’aspect sacré et la profanation dans ceux-ci par rapport au sacré qu’on lui a inculqué dans son enfance à SMILOVITCHI et qui fini par le mettre en situation de détresse en lutte avec lui-même, profanation en jetant du sang frais sur des animaux morts, avec des carcasses d’animaux à l’intérieur des maisons, avec la peur que « le sang des victimes » retombe sur lui, que ses portraits peints aux visages rouges de sang qui sont souvent des autoportraits aux visages déformés ,laissent pénétrer les esprits maléfiques et le DIBBOUK et que ce dédoublement dangereux ne l’affecte directement dans son âme par sa transgression aux règles religieuses qui lui ont été prodiguées dans son enfance en Biélorussie.
Le monde de SOUTINE est un monde terrible démantibulé par un pinceau comme celui de DE KOONINK qui est un instrument de torture qui permet des déformations d’images parfois voisines du délire et des visions passionnées et tourmentées de l’univers
En résumé SOUTINE transgresse , blasphème sur des interdits qui étaient celles des lois juives et plus encore va dans la profanation. Il provoque les démons
Pour De KOONING avec LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE les démons ne sont pas une réalité de la religion et montre dans sa peinture que ses démons sont intérieurs et qu’il les a lui-même crée par ses additions et son mal être.
Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANSDSCAPE » ils sont nombreux et partout dans la toile, ils approchent pour dévorer la forme biomorphique ( autoportrait de DE KOONING)
LA VIE ET LA MORT
Si les tableaux de SOUTINE ont longtemps fait peur et continue à provoquer une forme de crainte ou de rejet ou de fascination, c’est qu’ils traitent non comme toute œuvre d’art de la vie de la mort mais qu’ils sont de la négation de la frontière qui sépare l’un et l’autre
Dans ses animaux, morts accrochés ou étalés sur des tables, SOUTINE ne nous montre jamais l’animal en train de mourir contrairement à MUNCH qui nous montre des scènes de crime, de cris, de duels, de guerre mais il nous montre l’animal après la mort .Certains animaux sont méconnaissables hormis ici ou là une aile, là un bec ouvert que l’éventail des plumes ne permet plus de localiser. Cela montre que l’animal a été torturé. Pour rendre manifeste la cruauté de la scène SOUTINE dans certains tableaux comme « la volaille pendue « de 1925 place au premier plan un couteau qui en dit long sur la violence du rite (Xavier GIRARD)
Clarisse NICOIDSKY résume bien le dilemme entre la vie et la mort dans les tableaux de SOUTINE, elle dit dans son livre sur SOUTINE : « SOUTINE se donne une mort quotidienne dans ses peintures mais avec un sursaut de terreur », « Je ne veux pas me noyer dans mon sang » dit SOUTINE et contradictoirement sa peinture qui dit la mort ou s’en approche est un acte de vie impérieux exigeant .
En effet, chez SOUTINE, il n’y a autrechose qu’une répartition des rôles entre portraits (vivants) et nature ( morte). Le paradoxe veut que soit attribué à l’animal mort et écorché , une allure bondissante comme dans « LA RAIE » surprise à voler en travers du tableau, entrailles dehors et au modèle vivant une immobilité mortifiante. Cette alternance catégorique entre un corps assis capitonné par l’uniforme « LE GARCON D’ETAGE », empêtré dans un monde d’objets qui a depuis longtemps empiété sur lui, et un corps suspendu dans les airs, doué de mouvements et offert à la vue . Que cherchait à atteindre SOUTINE à faire cohabiter ses deux représentations incompatibles ? ( Xavier GIRARD).
Corrompu dans son corps par la maladie qui s’installe en lui et ronge ses tissus ; corrompu dans sa manière de vivre qui n’a rien respecté de ce qui lui fut enseigné au temps de l’enfance, Soutine semble avoir conscience d’avoir transgressé trop de lois : profanation des paysages, profanation des visages, des corps qu’il ne cesse de supplicier, de rendre à leur matière initiale et finale de larve et de décomposition. Lui reste un interdit : celui du rapport au sang. Il sait qu’il le viole dans ses rouges multiples, ceux des fleurs ou ceux des viandes. « J’ai nié ma famille, ma mère, ma langue. Avec son entourage, il se montre désagréable «
Suicidaire, Soutine accepte sa mort quotidienne et contradictoirement , sa peinture qui dit la mort où son approche est un acte de vie, impérieux, exigeant.
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ,la forme biomorphique est en passe de se faire dévorer pour se purifier afin de se libérer de tous ses maux pour être prêt pour son nouvel amour Emilie KILGORE. N’est ce pas aussi un acte suicidaire dans son cauchemar ?, Il se jette dans la gueule du loup. Il s’est approché des marais dont la légende disait qu’il fallait s’en éloigner à cause des monstres qui y circulent. La forme fantomatique à droite qui ressemble a tête grise de GIACONETTI, c’est le peintre lui-même qui par dédoublement dans son rêve se voit se faire dévorer par des monstres, il voit la mort qui s’approche, résigné mais dans un sursaut il y a arrêt sur image, un terme est mis à la scène et on se retrouve au dos du tableau dans un hymne à l’amour pour sa nouvelle muse . Son état d’âme s’est transformé , le desir suicidaire s’est transformé en amour de la vie
le secret de SOUTINE est sans doute que celui d’un immense amour, il ne peut supporter l’incommunicabilité des êtres dont il supporte si cruellement l’immobilité, la vacuité de la mort. S’il interroge des visages inertes, il n’hésite pas à leur insuffler sa propre vie « autoportraits ». Il se penche sur les chairs décomposées, bœufs écorchés, volailles mortes . C’est pour y retrouver les germes du renouveau, de la résurrection.
En effet, on remarque dans les tableaux de SOUTINE d’animaux morts encore une grande vitalité ainsi la raie morte de SOUTINE fait preuve d’une grande vitalité, une allure bondissante, elle est surprise à voler en travers du tableau , entrailles dehors alors que des modèles vivants présentent une immobilité mortifiante
Le pinceau est une arme et la peinture une substance magique qui a le pouvoir d’effacer ou de transformer les contours- et donc l’identité de l’objet représenté. Celui-ci n’est pas tant mal traité, qu’amoureusement anéanti. Il n’est plus une colline, un arbre , une carcasse de bœuf ou un oiseau mort. Il est transformé par la peinture en un organisme sans nom qui se contorsionne, terrassé par l’amour, se débattant entre la vie et la mort. La peinture agit comme une substance miraculeuse qui fait jaillir la vie sous nos yeux. C’est comme si matière et énergie étaient continuellement régénérées comme si elles étaient renouvelées à jamais par la peinture
Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE » C’est le combat de la forme avec la mort .La forme biomorphique bien mal en point, ensanglantée, écorché et en passe d’être dévoré par des monstres qui l’assaillent semble être dans les airs au dessus des marais et de la mer , il y a encore de la vitalité dans cet être moribond . Vitalité qui restera permanente au-delà de la mort car le peintre abandonnera le tableau avant qu’il soit totalement terminé et avant que la mort de la forme biomorphe soit prononcé. Mon hypothèse comme indiqué dans cette étude est que cette forme (autoportrait de DE KOONING) va renaître dans un nouvel être pour être totalement affranchi des maux qui l’obsède et le rende prisonnier pour être totalement disponible à l’amour qu’il porte à EMILIE KILGORE
. Si les tableaux de SOUTINE ont longtemps fait peur et continuent à provoquer une forme de crainte ( ou de rejet ou de fascination) c’est qu’ils traitent non comme toute œuvre d’art, de la vie ou de la mort mais qu’ils sont la négation de la frontière qui sépare l’un et l’autre. De son enfance de misères ou les nuits à SMILOVITCHI sont hantées de revenants, de volatils sacrifiés la veille de fêtes, de la vision des progrons , des cranes qu’on fracasse et de ventres qu’on vide, la mort est entrée par ses yeux,le nez, les oreilles. Pour la défendre de cette mort insinuante qui veut le dévorer, CHAIM peint , l’absorbe à son tour, la broie comme un visage. La Mort n’est-elle pas une de ces figures interdites qu’il est impossible de saisir par le pinceau, le trait, la couleur ? Chaïm sait que franchir les limites d’un monde où la mort cohabite sans cesse avec la vie. Le monde de la représentation transfigurée ,se paie de blessures. La mort le gobe, envoie en lui ses démons, lui, se bat contre elle en la capturant dans ses tableaux comme « NATURE MORTE AUX HARENGS »’ qui ressemble à un squelette, les éléments qui la composent étant des éléments d’un squelette ( (Clarisse NICOIDSKI , SOUTINE OU LA PROFANATION).
Dans un paysage de CERET « PAYSAGE AVEC MAISON » DE 1918 » baigné de lumière jaune du soleil sur le chemin montant, qui est un jaune d’une couleur épaisse plus proche de la lave que de la clarté éblouissante ,la menace de submersion qui pèse sur le paysage est ainsi impalpable. Cette matière qui semble en fusion qui descend du haut de la côte entraine ça at là , le vert des paysages, s’épand sur le tableau en premier plan et laisse transparaitre des trainées rougeâtres dangereuses sous les pieds des marcheurs. De ce rouge nait la signature « C SOUTINE » qui saigne plutôt qu’elle ne flamboie. A l’arrière-plan , les maisons, les fenêtres closes signalent le but à atteindre. Un personnage est coincé dans l’ascension de cette route et marche à contrecourant de cette lave à couleur épaisse. On voit Le personnage s’enliser lorsque la position de recul nous montre un homme en marche, la proximité de l’objectif au contraire nous montre un homme tombé sur la route, terrassé, les jambes excessivement longues par rapport au reste du corps, les bras, la tête aussi dans la disproportion : c’est donc un mort qui passe sur cette route ou la mort invisible si ce n’est dans l’œil du peintre, une ombre porté par ce corps initial et les troncs d’arbres noirs courbés sont plus des signes que des formes repérables . Ce corps c’est peut être celui de SOUTINE qui se voit entrainé , d’une force irrésistible vers l’inconnu qui est en dehors du tableau
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Dans un autre paysage de CERET « ROUTE PEU RASSURANTE » de 1919, la mort rode aussi dans le tableau. Par rapport au tableau précédent PAYSAGE AVEC MAISON », l’ombre a disparu, le regard du peintre s’est rapproché mais la route est toujours inquiétante, sans doute le personnage de la mort est déjà passé. Dans ce paysage , les perspectives sont bousculées, des gouffres s’ouvrent sur la route, des trainées de couleurs s’entrelacent comme des corps en chute. Une certaine trépidation a été provoquée, un sentiment de danger maléfique respire dans cette peinture, elle intègre le rituel de la mise à mort.
Dans ces deux paysages de SOUTINE on ressent une douleur non seulement spirituelle mais physique qui est ressenti par SOUTINE et qu’il exprime avec véhémence. Les lumières du chaos surgissent
De même, dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , c’est aussi la conséquence de la vie du peintre qui se bat aussi sans relâche contre ses addictions qui le ronge dans son corps de même c’est un combat entre la vie et la mort par l’intermédiaire d’un cauchemar ( cauchemar qu’il dit subir souvent pendant son sommeil et qu’il met en image). Ses cauchemars morbides sont donc probablement du à ses anxiétés dans sa vie quotidienne, ses problèmes avec l’alcool ,les cures successives, son inquiétude pour sa fille, ses rapports avec les femmes de sa vie mais une personne par chance est venu interrompe ce cercle infernal de l’anxiété, de la mort ,de la dépression , en 1971 date du tableau : c’est la venue de sa nouvelle muse qui hante ses journées et ses nuits Emilie KILGORE. Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui évoque la mort violente est brusquement inachevé pour changer complètement de registre au dos du tableau pour évoquer un hymne à l’amour . On peut aussi comprendre le tableau comme une mort (dévoré par ses monstres du quotidien qui lui pourrissent la vie) pour renaitre dans un nouvel être totalement tourné vers l’amour qu’il porte à Emilie KILGORE)
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Dans cette optique psycho - religieuse , il est intéressant de comparer le tableau, « LA VEUVE « de SOUTINE et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE.
« LA VEUVE « de SOUTINE semble allongée dans une sorte de linceul rouge en attente d’un ailleurs qui l’appelle et la mutile. Son corps qui ne semble plus être celui d’une femme mais d’une ombre, Le visage est ovale en longueur à la manière des têtes de MODIGLIANI ou LE GRECO, C’est le seul endroit où est présente la chair avec une main dont les phalanges semblent usées ou coupées. Le visage tire sur le jaune orangé avec semble t’il du rouge comme du sang qui dégouline de son front, le nez s’est allongé,les yeux ne regardent plus, la bouche est close, les lèvres ont disparu.
La veuve dans sa douleur voit s’accomplir sur celle même, le travail que la mort a accompli sur son Mari, (Clarisse NICOIDSKI) elle attend et semble résigné à son sort pour retrouver son mari .
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. La forme biomorphique ressemble étrangement à la veuve de SOUTINE :Tête ovale avec long bec plaqué, De la peinture rouge ( sang) dégouline de la tête. La tête est de couleur rouge-orange Le corps est allongé. Le linceul de la forme biomorphique est aqueux. Cette forme comme « La VEUVE » semble résignée au sort qui l’attend afin de renaitre pour l’amour DE EMILIE KILGORE.
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TRANSFIGURATION- TRANSMUTATION
Dans un article en 1977 publié dans la revue OUEST , DE KOONING exprime son profond engouement pour la peinture de SOUTINE il dit de SOUTINE « Il construit une surface qui ressemble à une étoffe, une matière. Il y a une sorte de transfiguration, un certain empâtement des chairs dans son œuvre ». Ce qu’admire DE KOONING et qu’il cherche à trouver dans son travail, c’est la qualité de surface des peintures de SOUTINE, la magie du geste qui transforme la peinture en matière vivante
Le terme de transfiguration fait peut être référence à la transmutation mystique de la chair en lumière évoqué dans l’évangile selon ST MATHIEU ( XVII, 1-5). Loin pourtant d’inviter au dépassement de la chair , DE KOONING proposerait ici un renversement de la formule biblique : la transfiguration à l’œuvre ici serait celle de la matière picturale en matière organique
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , on y trouve les deux aspects transmutation et transfiguration.
La couleur rouge de la tête qui dégouline c’est le sang suite à l’agression qu’est en train de subir la forme biomorphique dans le tableau .la matière picturale a donc été transformée en matière organique par transfiguration
Pour la transmutation, la forme biomorphique qui est l’autoportrait de DE KOONING dans son cauchemar va se transformer en un nouvel être prêt à accueillir sa nouvelle muse EMILIE KILGORE , c’est la mort de la forme biomorphique avec tous ses démons intérieurs pour redonner une nouvelle vie
LA PEUR DU VIDE , MYSTICISME SPIRITUEL, LA
RELIGION
Le spirituel ou le mystique n’a jamais tenu aucun rôle chez DE KOONING, l’élément moteur étant l’anxiété qui se transformait souvent dans ses tableaux par la violence comme le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui relate un cauchemar ou DE KOONING se voit dévorer par des monstres des mers et des marais et où le sang dégouline dans la toile.
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Thomas HESS concluait que les peintures des années 70 semblait refléter la peur du vide ( HORROR VACCUI), elles témoignaient d’une abondance de formes véritablement baroques …Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE il n’y a ni espace , ni vide tout est concentré, marais, mer , formes, accessoires, visages. Dans cette toile, il y a malgré tout l’image de DIEU mort et ressuscité qu’il s’applique à lui même , c’est la forme biomorphique son autoportrait, transcendée par son amour pour Emilie KILGORE pour se sauver lui-même. Sa croix c’est son état dans le tableau prisonnier ( un monstre lui entoure le pied) et dévoré par des monstres pour renaitre dans un nouvel être pour l’amour de Emilie KILGORE ( dos du tableau qui est un hymne à l’amour). Cette même image symbolique on la retrouve dans les 6 dessins de DE KOONING en 1972 « FOR SANTA EMILIA-SIX TEARS for SIXSAINRS » un personnage sur une croix. C’est peut être aussi l’auto portrait de DE KOONING qui meurt sur une croix pour renaitre pour l’amour de Emilie KILGORE (Ces dessins étaient dédiés à Emilie KILGORE)
Chez SOUTINE l’acte de peintre était sacré, il ne supportait pas qu’on le regarde peindre ou que l’on regarde sa peinture non terminée. Pour lui un peintre entrain de peindre est comme un homme en prière ou comme un mystique, c’est de l’ordre de la révélation, à l’instant de ce moment de peindre , l’œuvre ne peut souffrir d’être vu par d’autres que celui qui reçoit la peinture en création . Si par malheur une personne le regardait peindre il détruisait l’œuvre en la piétinant car pour lui elle aurait été tuée par le regard de l’indiscret et ce qui est mort est corrompu et n’a plus droit au respect selon la tradition juive.
Pourtant, il croyait depuis longtemps avoir oublié la tradition juive disait -on . Il l’avait déjà transgressé avec les quartiers de bœufs morts qu’il entreposait chez lui en les arrosant de sang frais. Une phrase énigmatique lui revenait à l’esprit « Je ne veux pas me noyer dans mon sang »
Pour Xavier GIRARD , bien des tableaux peints à CERET et CAGNES peuvent être rapprochés des épiphanies divines, des signes qui traversent les paysages de « L’Alliance » et font trembler toute la terre devant DIEU. Les montagnes renversées sur elles mêmes , tassées ou agitées furieusement , les chemins dérivants, les maisons ivres , titubantes ne peuvent s’échapper à l’avertissement divin selon lequel , « lorsque les israélites se rendirent au pied du sinai, DIEU retourna les montagnes au dessus de leurs têtes et les menaça s’ils refusaient d’accepter « La tora », de les ensevelir dessous car leur survie en tant que peuple dépendait de leur vocation à devenir les porteurs de la révélation divine » Ces tableaux de CERET ou CAGNES relèveraient d’un symbolisme cosmique à la fois protestation du cosmos devant le crime et le péché de l’homme ( il faut se rappeler qu’on sort d’une guerre mondiale) et peur du cosmos face à l’exécution d’un jugement de DIEU ( Xavier GIRARD)
Quand SOUTINE peignait dans la douleur, douleur de son corps ( ulcère estomac, addiction à l’acool) dans son âme , ça ne pouvait que s’exprimer dans la violence d’où les tableaux de CERET aux formes tordus , paysage de cataclysme , personnages grotesques ou monstrueux . Il était vu comme le peintre du déchirant et des images sans fins, de corps souffrants et écartelés ( natures mortes d’animaux morts et écorchés). C’est dans la mythologie ONIRIS dilacéré, ORPHEE démembré par les femmes THRACES, DYONYSOS dévoré et recomposé, MARSYAS écorché . C’est Le christ indéfiniment cloué en croix ( Xavier GIRARD).
Pour DE KOONING , il est lui-même dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANSDSCAPE c’est « DYONYSOS dévoré pour être recomposé , recomposé pour faire table rase de son passé de son vécu de ses états d’âme de ses addictions pour se présenter et s’offrir à sa nouvelle muse Emilie KILGORE lavé et libre de tous ses démons,
il est aussi MARSYAS cloué sur la croix comme le christ pour une renaissance pour les mêmes raisons. Il existe à ce sujet une suite de tableaux qu’il a dédié à Emilie KILGORE , il s’agit de 6 tableaux « For Santa Emilia- Six Tears for six saints » de 1972.
Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est un concentré des deux DYONYSOS et MARSYAS , La forme biomorphique alias DE KOONING est à la fois dévoré ( par des monstres des marais et de la mer) et lié comme cloué sur une croix ( pieds ceinturés par un monstre) dans l’idée d’une régénérescence pour sa nouvelle muse ( voir dos du tableau)
Toutes ces images on les retrouve aussi dans les tableaux de SOUTINE. Ainsi Dans « PAYSAGE DE 1920 » une figure se trouve les bras en croix comme si elle appelait à l’aide au-dessus de l’incendie qui s’est déclaré en contre bas du tableau. Est-ce l’interprétation abusive d’une tache de peinture ou une figure qui est un signe biblique porté par le peintre à la vue du feu de Dieu ?
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Est-ce le mysticisme irraisonné dans LES PLATANES DE CERET « ou on se demande si cette ombre au bas à droite est celle d’un habitant ,d’une âme errante ou d’un simple coup de pinceau..
Le sacré lui-même parait hors d’atteinte. Les routes restent des voies ou sont couchés des ombres d’hommes. Ces routes démentes, ces vivants emmurés déclenchent la fureur , conduisent aux confins de la folie qui ne se maitrise que dans l’expression picturale. On atteint le sacré au travers de ce qu’il le désigne dans un emportement : la profanation.
Dans une vue de CERET (1921), 3 formes assises à demi allongées dans l’angle inférieur gauche du tableau assistent immobiles au déménagement du village emporté par les ailes d’un oiseau biblique dont les ailes sont d’une telle envergure que lorsqu’il vole, ses ailes voilent le ciel
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Ce qui parait profanation et sacré aux yeux des juifs sont partout dans l’œuvre de SOUTINE . Chez SOUTINE ce qui parait profanation du sacré n’est pas une provocation mais un acte de détresse, son mystère y est décelable.
Les animaux morts au sang dégoulinants de sang frais versés sur les carcasses signifie dans le livre de CLARISSE NCOIDSKI ( SOUTINE ou la profanation) que SOUTINE ne veut pas se noyer dans son sang et par une étrange substitution se plonge dans le sang d’une victime expiatoire. Ce sang qui est l’âme et, s’il ne meurt pas , c’est parce qu’il s’impose cette immersion. La création du tableau est ici proche de l’acte religieux.
David SYLVESTER a une autre approche des tableaux de SOUTINE et de sa manière de procéder dans ses paysages notamment de CERET et CAGNES. Quand il se met dans une situation dans laquelle il sent que quelque chose le menace et qu’il lui faut l’attaquer, se battre contre elle, la faire plier et lui battre le cou,il lui fallait pour entrer en contact avec le monde extérieur faire acte de violence et commettre une effraction.
Pour lui, peindre c’est une espèce de corps à corps. Le pinceau est une arme et la peinture une substance magique qui a le pouvoir d’effacer ou de transformer les contours, et donc l’identité, de l’objet représenté.Celui ci n’est pas tant maltraité qu’amoureusement anéanti. Il n’est plus une colline, un arbre, une carcasse de bœuf, ou un oiseau mort.Il est transformé par la peinture en un organisme sans nom qui se contorsionne, terrassé par l’ amour,, se débattant entre la vie et la mort. La peinture agit comme une substance miraculeuse qui fait jaillir la vie sous nos yeux. C’est comme si matière et énergie étaient continuellement régénérée. Comme si elles étaient renouvelées à jamais par la peinture.
Dans une certaine mesure on peut transposer cette manière de voir SOUTINE par SYLVESTER au tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Cette forme Biomorphique qui peut être vue comme un autoportrait du peintre , qui est une partie de sa création ( jambe droite de woman 1) régénéré dans sa peinture en être à part entière qui est lui-même , se met dans une situation de mort ( dévoré par des monstres) pour mieux renaitre pour l’amour qu’il porte à Emilie KILGORE en effacant tout le reste de son existence passée.
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C’est comme une crucifixion , la forme biomorphique a les pieds liés par une des formes monstrueuses pour une mort qui permettra la ressuscitation
C’est aussi comme la vue de CERET avec les 3 fomes assises décrite ci-dessus , l’analogie au tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ou la tête fantomatique à droite du tableau regarde la scène de la forme biomorphique en train de se faire dévorer sans pouvoir intervenir
En résumé Dans les paysages de SOUTINE de CERET et CAGNES , la présence de DIEU est souvent sous-jacente et souvent source de peur et de panique
Chez DE KOONING , ce n’est pas la peur de DIEU mais des démons que sont ses démons intérieur qui le rongent et dont il n’arrive pas à se défaire mais la venue de Emilie KILGORE semble être le meilleur moyen d’éloigner les démons qui lui pourrissent la vie, c’est le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui l’explique à l’aide de métaphores
LE VERTIGE
Dans la vision des paysages de SOUTINE s’instaure avec les mouvements des figures un sentiment de VERTIGE relatif à la nature. L’ubiquité, constitution de ce vertige structure aussi l’espace des tableaux qui représentent d’autres sujets que le paysage. Ce vertige est le même que l’on retrouve dans des tableaux de natures mortes de CEZANNE ou les objets sont déséquilibrés et qui selon la loi naturelle devraient glisser vers le sol
Ainsi dans SOUTINE « nature morte aux violons pain et poisson » de 1922 , les objets placés côte à côte en diagonale semblent vus à l’envers et glissent vers le bas du tableau
SOUTINE n’est pas animé par le désir , la volonté de se plier à la représentation classique du motif. Il reconstitue sa propre perception des phénomènes, sa propre reconstitution avec son expérience de la peinture . Le vrai sujet ce sont les forces invisibles qui vibrent dans les formes et les entrainent dans des mouvements parfois contre nature. Pour SOUTINE « il ne s’agit pas de reproduire et d’inventer des formes mais de capter des forces »( DELEUZE)
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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, ce sentiment de vertige est également visible . Au premier abord il est difficile de se rendre compte de la position du tableau dans lequel il a été peint en raison des contradictions visuelles. Ce tableau nous est présenté avec une forme Biomorphique verticale où un monstre des marais dévore cette forme , le sang coule de la tête mais ce sang en toute logique devrait dégouliner vers le bas , dans le tableau il coule vers le haut d’où un vertige qui nous induit en erreur sur le sens du tableau. Dans la même logique, on aperçoit une chaussure à haut talon en déséquilibre qui pointe le bout agrémenté d’un point rouge vers le haut .D’autre part les mouvements de l’eau en diagonale ont des mouvements ascendants . Le peintre nous présente le tableau à la verticale alors qu’en toute logique il devrait être placé à l’horizontale , Le monstre noir au-dessus de la forme et la chaussure à plat .
Le but de cette présentation illogique du tableau par le peintre est peut être de représenter des mouvements dans le chaos . A cette confusion il convient d’ajouter le manque de perspective du tableau où premier plan et fond du tableau sont liés sans espaces, sans profondeur de champs
LE GROTESQUE, L’ESTHETIQUE DU LAID CHEZ LES
DEUX PEINTRES ET DANS LEG WOMAN IN THE
LANDSCAPE
Les deux peintres ont exprimés leur fascination commune pour le grotesque à l’œuvre dans certaines images de leurs prédécesseurs introduisant dans leur peintures des éléments de distorsion et d’exagération qui en renforcent leur impact visuel en défiant et ignorant les courants artistiques de leur temps . Tous les deux étaient fascinés et attirés par l’informe , partie intégrante de l’histoire de l’art (Simonetta FRAQUELLI).
DE KOONING a pu observer la fascination pour le grotesque qui transparait dans certains portraits de SOUTINE à l’exemple de son autoportrait , appelé aussi « grotesque de 1922-1925 ou il se caricature lui-même
Cette dimension caricaturale apparait aussi de manière brutale dans les « WOMAN » de DE KOONING des années 50
Pour SOUTINE , grotesque, ses portraits de gens dans leurs costumes de travail et aussi ses autoportraits ( grotesque 1922-1923),
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Pour DE KOONING , grotesque,ses séries de WOMAN des années 50
Pour Leg WOMAN IN THE LANDSCAPE cette forme anthropomorphique à tête d’oiseau ,sans membres , dégoullinant de sang au niveau de la tête mais dans un sens défiant les lois de l’attraction terrestre ( sang remontant sur le visage) peut aussi être considéré comme grotesque dans cette jambe transformé en être vivant muni d’une tête ovale en longueur avec bec d’oiseau et 2 trous noirs en guise de YEUX dans une couleur rouge criarde
Dans une interview avec David SYLVESTER en 1960,, DE KOONING dit : « … Le problème pour moi ne s’est jamais posé en termes de : « comment faire un bon tableau. Pendant des années cela ne m’a pas intéressé dans le sens ou l’on dit : Alors ça c’est un bon tableau ou un travail parfait….Je ne voulais pas réduire la question à cela…J’ai découvert que cela n’était pas dans ma nature. Je n’ai donc pas travaillé sur un tableau avec l’idée d’en faire une chose parfaite mais pour voir jusqu’ou je pouvais aller avec l’ angoisse et le frayeur peut être .. mais sans vraiment penser le faire. »
Dans la même interview il faisait un rapprochement par rapport au beau avec CEZANNE : « J’imagine que CEZANNE devait paraître grotesque en son temps lorsqu’il peignait un pot rouge, des pommes ou des bouteilles de vin ordinaires ; une nature morte devait être composé de belles choses . Ca n’est sûrement pas facile de poser sur la table, par exemple, une canette de bière, deux verres et un paquet de Lucky Strike. Il y a des choses qu’on ne peut pas peindre à un moment donné et puis il faut une certaine attitude pour voir ces choses en termee d’art.On les sent »
Une des caractéristique qui émerge des tableaux de DE KOONING est le double mouvement de fascination et de répulsion par rapport à la beauté. La dimension grotesque chez DE KOONING on la trouve dans certains de ses portraits d’hommes ou de « WOMAN » dans certaines œuvres comme « EXAVATION » qui a été comparée à l’imagerie de ses ancêtres NEERLANDAIS avec des tableaux comme « LE TRIOMPHE DE LA MORT » de BRUEGLE l’ANCIEN ou « LE JARDIN DES DELICES » de BOSCH. Un tableau comme « THE VISIT » utilise du grotesque dans la pose graphique du personnage
A en croire Raymond COGNIAT , critique d’art , SOUTINE pratiquerait une « esthétique de la laideur », la laideur est son domaine. « Le laid est un domaine réservé de SOUTINE et ne tient qu’une place restreinte chez les artistes qui l’on utilisé. Avec SOUTINE , la laideur est un état permanent et exclusif de toute autre expression. Dans son œuvre , pas une image indulgente ou tendre comme il n’y a pas de détente dans son inquiétude même quand les circonstances lui deviennent favorables
Pour Elie FAURE, « non sans un certain sadisme inconscient , SOUTINE s’adresse pour les peindre à des femmes laides et grotesquement accoutrées, comme s’il avait voulu demander aux plus misérables choses d’approuver son désespoir. Même dans ses autoportraits ( autoportrait de 1918, grotesque 1922) il semble trouver un malin plaisir à se déformer de manière grotesque et à se dévaloriser ,d’ailleurs il considère aussi tous ses portraits « le groom,l’enfant de chœur,le petit patissier etc aux visages déformés, grandes oreilles , yeux décalés nez de travers etc comme aussi des autoportraits
Dans un autoportrait de 1922-1923 appelé aussi « GROTESQUE » SOUTINE a exagéré ses propres traits et crée une caricature grotesque de lui-même. Cette dimension caricaturale apparait également de manière brutale dans les « WOMAN » du début des années 50
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » d’une certaine manière la forme biomorphique ensanglantée pourrait être l’auto portrait grotesque de DE KOONING avec tête d’oiseau et corps sans membres comme il se voit dans ses cauchemars, attaqué par des monstres.
De même dans « The VISIT »le peintre présente une utilisation grotesque de la pose graphique du personnage
La technique de la laideur plait aussi à WILLEM DE KOONING mais il n’est pas un état permanent comme SOUTINE. Il avait une grande admiration pour les peintures de GOYA de BRUEGEL, de BOSH , de GRUNEWALD qui étaient les maîtres en la matière. Des peintures comme « The VISIT », « THE MAN » en sont influencés de même ses « WOMAN » aux corps et visages déformés que l’on peut aussi considérer et suggérer par de nombreux critiques comme des autoportraits ou DE KOONING ou il se déchaine, se libère de toutes ses contrariétés.
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Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la laideur est aussi de mise pour entretenir l’aspect de peur et de terreur dans le tableau , on la trouve avec ses taches noires informes qui suggèrent des monstres des marais, une tête noire en bas à gauche façon « WOMAN », la forme biomorphique mi poisson mi oiseau aux yeux décalés au bec en pointe, au visage ensanglanté dont le haut du crane est gratté et laissé en l’état. Comme SOUTINE, DE KOONING est toujours gagné par des angoisses , des inquiétudes et cela se voit dans ses tableaux ( Les WOMAN) et bien entendu LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
ENTRE ABSTRACTION ET FIGURATION
C’est en prophète d’une nouvelle abstraction expressive que SOUTINE a été célébré dans le New- york de l’après-guerre et est devenu de façon posthume un expressionniste abstrait sans le savoir.
En 1950 quelques années après sa mort le temple de la modernité le MOMA lui a consacré une rétrospective qui est un tournant de la reconnaissance du peintre comme le père de l’expressionniste abstrait, cette exposition fait de lui un peintre dont l’aboutissement serait l’abstraction, l’autonomie du médium, le geste pictural. Elle fait de SOUTINE un visionnaire, un pionnier de cette nouvelle peinture américaine qu’on appelle l’expressionnisme abstrait.
Cette période était particulièrement bien choisi car elle correspondait à la montée en puissance de l’expressionnisme abstrait et le déplacement de l’épicentre de l’art de Paris vers NEW-YORK. Artistes et critiques étaient donc ouverts à recevoir cette nouvelle peinture comme le précurseur d’artistes comme POLLOCK, ROTKO, Barnett NEWMAN ,Willem DE KOONING ….mais DE KOONING était t’il , déjà expressionniste abstrait sans le savoir ?
Bien que les critiques l’avaient salué comme un peintre abstrait révolutionnaire, De KOONING avait rejeté , les catégories stylistiques telles que le réalisme ou l’abstraction. Il ne s’est jamais considéré comme un peintre abstrait et n’abandonnera pas non plus la figuration . Au contraire même les œuvres abstraites étaient fondées sur l’imagerie figurative ,Il y avait toujours un point de réalité, de figuration
Pour DE KOONING il n’y avait pas de distinction entre la forme abstraite et la figure humaine» ( judith ZILCZER).
De l’art de DE KOONING Catherine MILLER formule ainsi : « Le genie de De KOONING a été de se maintenir toute sa vie entre figuration et abstraction, cequi s’oppose à la tendance dominante de l’époque , à savoir une prédilection pour la peinture non figurative ».
C’est surtout après ses « WOMAN » des années 50, que les critiques ont lâché leur venin sur les tableaux de DE KOONING qui se singularisait par rapport à la tendance générale des peintres expressionnistes Américains qui prônaient l’abstraction. La peinture de DE KOONING était alors un pied de nez aux expressionnistes abstraits qui honnissaient la figure humaine et de surcroit il se permettait de représenter une personnalité issue d’une culture de masse hollywoodienne comme celle de MARYLIN MONROE en 1954
Pour Marc STEVENS « ,DE KOONING reste le peintre le plus difficile à capturer.il est trop vital, agité, jazzy,grossier, imprévisible pour s’adapter dans une trame en particulier. Il a franchi de nombreuses frontières de l’art, débordant de l’abstraction et de la figuration, exprimant une grande variété de tendances sans soucis pour les conventions, les gouts, étant à la fois conservateur et radical et aromantique » jusqu’à cette fameuse année 1970-1971 date du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou il s’est trouvé une nouvelle muse qui semble bousculer sa vie. Le dessin au dos du tableau en semble un témoignage ainsi que le tableau inachevé car il n’était plus dans l’état d’esprit pour le terminer.
« De KOONING était une personne complexe mais non inhabituelle chez les artistes pourtant ce n’est pas quelque chose qui peut être ignoré de toute tentative de comprendre son art ou l’étendue de sa grandeur »
Le critique Dore ASTHOM en 1972, relève ce qu’a dit PICASSO dans une conversation «…. Il n’y a pas que l’art qui compte. CEZANNE ne m’aurait jamais intéressé s’il avait veçu et pensé comme Emile BLANCHE même si la pomme qu’il avait peint avait été 10 fois plus belle. Ce qui nous intéresse c’est l’angoisse de CEZANNE, celle de la leçon de CEZANNE, les tourments de VAN GOGH, c’est le drame de l’homme, le reste est une imposture…. »
Dans ses tableaux abstraits ou figuratifs ou les deux réunis , DE KOONING exprime son mal être, ses addictions, son anxiété ses terreurs mais aussi ses joies, ses espoirs .
« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est un merveilleux exemple avec d’un coté ses anxiétés, terreurs et de l’autre son amour pour Emilie KILGORE. C’est un tableau mi abstrait mi figuratif, ce n’est pas un tableau décoratif, Il est sans perspectives , reste incomplet car abandonné avant de l’avoir terminé, des parties ont été grattées sans reprises, on remarque des traces de grattage, de craquelures, du flou en haut du au papier journal appliqué et retiré. Il ne cherche pas à faire du beau et à se classer dans une école
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En ce qui concerne SOUTINE l’expressionnisme abstrait de SOUTINE,Il y a quand même beaucoup de critiques qui en doute comme Clément GREENBERG ou ROSENBERG qui affirment que la seule façon de voir l’abstraction de SOUTINE c’est de voir sa peinture sous le couvert d’un microscope en gros plan, un tableau de DE KOONING peut sembler dans une certaine mesure un détail agrandi d’une toile de SOUTINE, ainsi sont mis en valeur les tensions internes, le mouvement, le geste, la picturalité, la soudaineté , l’imaginaire, le déferlement de couleurs enfin la manière de peindre qu’on peut trouver dans l’expressionnisme abstrait, alors que SOUTINE ne peignait jamais à l’origine d’un tableau à l’atelier mais sur le motif, il lui fallait toujours un modèle sous les yeux comme la plupart des peintres figuratifs. Il fallait que la chose réelle soit là tel un bloc d’intensité et que sa sensibilité émotionnelle le réinvente
C’est sa façon de voir les choses, de les déformer par rapport aux systèmes organiques, de les agrandir , de modifier l’échelle , d’exprimer l’émotion que lui inspire un motif, de son indépendance des signes picturaux , de transformer la matière et celle de la retranscrire sur la toile qui le rendait abstrait et proche des expressionnistes abstraits
Cette filiation est approuvée par WILLEM DE KOONING. Dans l’esprit de DE KOONING comme SOUTINE , les choses ne sont jamais toutes abstraites ou toutes figuratives mais une manière d’être, abstraite et référentiel à la fois . Entre abstraction et figuration DE KOONING ne cesse de pratiquer l’un, l’autre et tout en même temps tout au long de sa carrière. Dans les années 40 il peint simultanément des « WOMAN » et des œuvres abstraites en noir et blanc .
Ce qui était important chez DE KOONING c’était la peinture elle même
Comme SOUTINE il y a toujours des éléments figuratif dans ses peintures ( les paysages, les figures, les animaux morts, le bouquets de fleurs)
Chez DE KOONING se sont souvent des fragments de corps humain, des femmes ( les series des « WOMAN « ), des animaux. C’est la manière de peindre, de déformer, de disposer des couleurs, de changer les perspectives qui qualifient ces deux peintres qu’on peut alors nommer de peintres expressionnistes abstraits mais tous les deux ne se reconnaissaient pas dans ce qualificatif de peintre expressionniste abstrait . Ils l’acceptaient uniquement par ce qu’il fallait bien les ranger dans une case pour le monde de l’art
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Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , cette dualité des aspects figuratifs et abstraits sont présents dans le tableau
Figuratif, par le motif central du tableau qui est une jambe de WOMAN 1 (étape1) ainsi que les têtes de « WOMAN », tête d’homme à la GIACOMETTI, chaussure à haut talon, le sang qui coule de la tête de la forme biomorphique créée par la jambe WOMAN à 2 yeux, 1 bec, un corps.
Abstraction, par la disposition des coups de pinceaux contre et autour de la forme biomorphique qui d’un coté convergent vers la forme et de l’autre qui vont du centre et s’éloignent vers l’extérieur et qui laisse place à des interprétations imaginaires illustrés par ses cauchemars ( Les marais et les monstres des marais qui convergent vers la forme, et de l’autre coté le reflux de la mer vers l’extérieur du tableau), les déformations, la disparition des perspectives ,la superposition des couches de peinture ,des couleurs, de la peinture sans contours, la peinture humide, les rides, les craquelures, les innovations dans la préparation des peintures ( rajout d’eau , d’essence de kérosène, d’huile de carthame )disposées sur la toile en contradiction avec les bonne manières recommandées des écoles de peintures en font un peintre dont son alchimie lui permet de franchir la frontière excessivement rapide qui sépare l’abstraction de la figuration. Il démontre à sa manière que toute peinture abstraite est en fin de compte une abstraction figurative
« De KOONING est probablement le seul de sa génération à voir toute la signification de la peinture expressive de SOUTINE, le seul à percevoir aussi clairement qu’elle trouve son point d’équilibre dans une utilisation libre et désinhibée du geste pictural paradoxalement indissociable d’un attachement fort et intime à la figure » , Il était fasciné par la recherche de l’informe chez SOUTINE tout en ayant des liens avec l’histoire de l’art. Il a admiré et recherché chez SOUTINE cette alchimie qui lui permet de franchir cette frontière rigide qui sépare l’abstraction de la figuration. »(Claire Bernardi et Simonetta FRAQUELLI).
Je rappelle qu’en 1977 quand on a demandé à DE KOONING qui avait 72 ans de citer ses influences, un seul nom lui est venu à l’esprit : » Chaim SOUTINE » et chez SOUTINE ce qui capte d’abord l’attention de DE KOONING ce sont les paysages de CERET et de CAGNES avec leurs grandes intensités gestuelles, c’est aussi ce qui retient l’attention des expressionnistes abstraits.
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LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est un exemple particulièrement représentatif avec à la fois comme dit ci-dessus des aspects figuratif et abstraits , des mouvements gestuels, des touches de couleur qui semblent abstraites mais qui répondent à l’intériorité du peintre dans la figuration ( cauchemar), qui laissent un sentiment de mélancolie , de peur, de terreur mais malgré tout de vie même dans la mort qui semble présente comme chez SOUTINE par des paysage cataclysmique, de temblement de terre , de monstres , de végetaux transformés en humains ( arbres) des couleurs ensanglantées tout cela exprimés par la peinture, par des taches informes
HESS en décrivant « la colline de CERET » de SOUTINE fait littéralement vivre cette peinture dont il loue précisément le fait qu’elle semble animé d’un souffle de vie . Appelant à notre imagination, il reconnait une profusion de détails dans les formes presque abstraites qui composent la crête de la colline (Claire BERNARDI)
De même dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » autour de cette forme biomorphique , anthropomorphe au centre du tableau on imagine aussi une foule de détails que sont, des monstres aux formes indéterminées, une tête de WOMAN, un tête d’homme fantomatique, une chaussure à haut talon, des vagues maritime et de marais , du sang qui dégoulline du tableau
En, vérité ce qui liait les deux peintres c’était la conception de l’art. Cette conception de l’art n’est pas lié à des conventions de figuration ou d’abstraction mais à un désir de permettre au spectateur de vivre l’expérience de l’image qu’il y a sous les yeux et d’y voir l’évocation visuelle d’une expérience tactile. Si les peintures de SOUTINE pour DE KOONING ont paru si nouvelles et si dignes d’intérêt, c’est entre autre parce que le peintre LITHUANIEN n’a jamais adhéré à aucun des « ismes » qui avaient cours à son époque et qu’il a même ignoré
SLIMPING GLIMPER ( vision fugitive) DE DE KOONING
À la fin de la vie de DE KOONING ,aucune de ses toiles n’est finie. On trouve pourtant dans cette indéfinition la preuve que la peinture a été menée de force au bout d’un processus extraordinairement critique d’où l’iconicité du médium est sortie renforcée.
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Le peintre reconnaît qu’il se limite à abandonner la toile quand il se sent expulsé du tableau : « Il y a un moment, dit-il, où je perds de vue ce que je voulais faire, alors je suis dehors » C’est un effet de surcharge qui provoque l’électrochoc et brise la connexion entre le peintre et sa toile. Fatigue ? Ennui ? Saturation ? Désenchantement ? Désespoir ? Tout cela, sans doute. Et, bien sûr, une certaine mélancolie post-coitum, car l’objet du désir n’est pas entièrement possédé… Mais l’abandon de la toile suppose alors la liberté et l’occasion de désirer à nouveau. Le tableau suivant sera le lieu de cette répétition dont la différence expressive marquera de son empreinte la possibilité d’une nouvelle connaissance, voire d’une reconnaissance.
Cette expulsion de la peinture, ce retour sur soi du peintre et ce transfert entre les toiles permettent à l’artiste de sauvegarder son identité : I paint myself out of the picture — je me peints en dehors du tableau , le note Yves Michaud, la sortie du tableau est en même temps « la découverte et la fabrication de l’identité. Il y a une double opération de production, celle du tableau et celle de l’identité du peintre »
Toutefois, rien n’est vraiment fini au terme de cette opération. Peinture et Sujet restent « ouverts ». Le tableau est simplement abandonné et son inachèvement ne souligne qu’un fait parfois désespérant, à savoir que la peinture finira par sécher, par se stabiliser à l’écart de l’intervention de l’artiste, comme si la forme pouvait encore s’élaborer toute seule de son côté et coaguler à la manière d’une figure cicatricielle en marge des intentions de son créateur. (Précisons à ce sujet que l’huile de carthame que Willem de Kooning emploie pour diluer la peinture retarde le séchage et favorise cette malléabilité déraisonnable.) Après une séance de travail, lorsque le peintre s’arrête, la peinture bouge encore. Aussi, l’inachèvement des toiles renforce cette impression de « rien » ou, plutôt, d’un toujours rien… à venir.
En écho au désespoir absurde d’un Samuel Beckett dans Fin de Partie, la peinture de Willem de Kooning semble dire : « fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir ». Et, en effet, quelque chose finira plus tard, autre part, ailleurs. D’où la brutalité iconique d’une plasticité au borderline de l’informe, hors de gonds habituels de la représentation — si l’on accepte la théorie classique du signe...
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Le processus est complexe et médité, malgré l’incohérence apparente d’une gestuelle qui, de manière erronée, est fréquemment comparée à l’expression lyrique et irrationnelle d’une subjectivité sans contrôle . Au contraire, cette fausse incohérence révèle la pertinence d’un processus pictural où la limite est établie par l’impossibilité de faire advenir « la réalité de l’image », pour employer la formule de John Ruskin , et de glisser, comme le dit Willem de Kooning, dans sa vision fugitive : I’m a slipping glimpser — « je suis un regardeur fugitif qui glisse » . En somme, la difficulté provient de la tentative de faire surgir une figure qui réponde à l’expérience de l’immédiateté de la vision ; non pas l’immédiateté de la chose vue mais celle de l’activité du regard, autrement dit la représentation du présent.
Étant donné que pour le peintre « le contenu de ses peintures est une vision fugitive de quelque chose, une rencontre, comme un éclair », la picturalité se doit d’engendrer la possibilité d’une connexion mentale, d’une résonance, entre les modifications expressives de la deixis matérielle et l’identification hypothétique avec l’instant où le slipping glimpser glisse dans la vision. La peinture doit offrir une image en train de de devenir, fugacement, « vision ». ( JUAN PORRERO)
Cette façon de concevoir une œuvre dans une vision fugitive et le risque de sortir du tableau toujours présent chez DE KOONING comme l’a expliqué ci-dessus JUAN PORRERO, Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est le parfait exemple
En effet quand il commence son tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE par un calque de la jambe droite de WOMAN 1 étape 1 qu’il applique sur le milieu de la toile, sans doute ne sait ‘il pas encore ou cela va le mener. Probablement un FLASH mental à ce moment lui a rappeler le cauchemar qu’il avait subi et cela lui a donné peut l’idée de le mettre en peinture et d’en faire la mise en scène sous un paysage qu’il connait bien de marais et de mer de LONG ISLAND en y joignant des monstres, des figures ( visage de « WOMAN » inquiétant , visage d’homme à la GIACOMETTI, des accessoires comme une chaussure haut talon ), c’est-à-dire des fragments de corps et d’accessoires accompagnés de couleurs qui reflètent ce climat de terreur et de mort mais arrivé à un certain moment, il se trouve probablement dans une impasse et doit sortir du tableau qu’il laissera en l’état non fini . Cela se remarque en haut a droite où on trouve des traces de grattage, de frottage avec du papier journal pour extraire de la peinture et qui donne en l’état un aspect de flou artistique non voulu
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Cet abandon , cette sortie du tableau pourrait être du a un changement d’état psychologique du peintre qui, quand il a commencé le tableau était habité par le désespoir , la mélancolie , plein de sentiments négatif. Il avait écrit à MIMI ( Emilie KILGORE) que sur ce moment de 70-71 il se brulait lui-même, qu’il était épuisé et de son état terrible de dépression qu’il n’avait jamais connu auparavant, ce qui explique ce tableau de noirceur des sentiments exprimés
mais il venait de rencontrer sa muse Emilie KILGORE qui lui a changé radicalement sa vie, il suffit de lire les lettres enflammées d’amour envoyée à EMILIE KILGORE pour se rendre compte de ce changement brutal . Il ne pouvait donc plus psychiquement terminer ce tableau qui ne correspondait plus à son mental et il s’en explique au dos du tableau , dessin qui entrelace les deux noms KILGORE ET D KOONING et où il représente le visage de KILGORE à la Marilyn MONROE et lui-même se faisant face à elle, tout cela restant caché et secret dans un minuscule dessin lisible en tournant ce dessin de 90° en 90° .
L’image immédiate , fugitive du peintre a donc changé avec son nouvel état d’esprit et donc pour être en accord avec cela il entreprendra un nouveau tableau qui passera du désespoir de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » à la joie, le bonheur qu’il pourra introduire dans le tableau « FLOWERS’S MARY’S TABLE « de la même année 1971 et faisant partie de la même série de peinture avec notamment « RED MAN WITH MOUSTACHE »
Pour SOUTINE , c’est différent il travaille toujours sur un motif qu’il a devant lui et met sur la toile son interprétation propre en triturant les paysages , les tordant , en les interprétant dans son paysage des tremblements de terre , des cyclones , en changeant la gravitation des choses en leur donnant un pouvoir de lévitation mais il ira toujours jusqu’au bout pour exprimer sa rage, sa colère Si cela ne lui correspond plus au final il déchire son œuvre. Il ne compose par une histoire un scénario dans son tableau comme dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou le peintre exprime un cauchemar qu’il a subi
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ABSENCE VOLONTAIRE DE STYLE CHEZ DE KOONING
ET SOUTINE
Aussi bien SOUTINE que DE KOONING ne se sont jamais laissé enfermé dans un style malgré l’avis de tout monde à vouloir les classifier , expressionniste abstrait Américain pour DEKOONING et peintre de l’école de Paris ou Expressionniste pour SOUTINE. D’autre part les travaux des cubistes et surréalistes autour de lui n’ont exercé aucune influence sur son expression qui est toujours resté figurative .
Ils se sont dérobés tout à fait consciemment à toute tentative de classification de leur peinture c’est pourquoi l’un comme l’autre sont toujours restés marginaux et souvent absents des grandes expositions importantes thématiques car ils se voulaient inclassables et se voulaient d’aucun système. S’ils se voulaient d’aucun système ce n’était pas non plus pour se situer dans l’anti - art de la négation permanente ou en rupture avec l’histoire de l’art bien au contraire l’un comme l’autre ont admis bien volontiers avoir été influencés par les grands peintres classiques, REMBRANDT, LE GRECO, RUBENS, VERONESE,
« DE KOONING, fut convaincu toute sa vie durant qu’il est particulièrement dangereux pour un artiste de s’élaborer un style univoque qui finit par conduire à un engourdissement de sa propre créativité et de s’enfermer telle une prison dans un monde sans engagement qui se perd en un pattern décoratif et superficiel « (JORN MERKERT)
Il a toujours voulu garder sa liberté de faire des tableaux classés abstraits d’autres classés figuratifs parfois l’un et l’autre en même temps ou l’un et l’autre dans le même tableau.
Il alterne donc entre figuratif et abstrait ou les deux en même temps . A partir des années 60 et début 70, « il revient sur les sources de sa peinture en citant SOUTINE, il le fait semble-t-il au filtre de cette relecture et de cette controverse, il se réclame implicitement d’un peintre expressionniste et figuratif s’inscrivant qui plus est dans une tradition picturale contrevenant ainsi sciemment au schéma GREENBERGIEN » ( Claire BERNARDI)
Ce qui l’animait c’était la peinture peu importe le style . Pour lui la chose principale c’est que l’art est une façon de vivre, c’est la manière dont il vit, l’art n’est pas programmatique ( DE KOONING , interview à ROSENBERG)
Il pouvait se servir d’un style ,d’une invention plastique déjà développé par d’autres artistes afin de les transformer et de les redéfinir à sa façon parfois avec des conceptions totalement différentes et même contradictoires pour les fusionner dans sa peinture Il voulait disposer librement de toutes les possibilités d’expression.
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C’est ainsi qu’il a capté dans l’œuvre de SOUTINE ce qui pouvait l’intéresser pour sa propre peinture , cette façon de peindre la réalité non comme une photographie mais à partir de ce que le peintre voit , ce qu’il ressent et des expériences subjectives objectivées.
Quand dans cette métamorphose de son propre monde intérieur du tableau qu’il crée il se rend compte à un moment donné qu’il doit sortir du tableau soit il est terminé soit il est inachevé , dans les deux cas, il arrête de peindre le tableau. Dans le cas du tableau inachevé c’est souvent pour reprendre des idées dont il n’a pas pu aller jusqu’au bout ou qu’il se rend compte qu’il n’est pas parti sur la bonne voie et que cela abouti à une impasse alors il démarre un nouveau tableau qu’il pourra explorer en tenant compte du précédent.
C’est sans doute ce qui s’est passé dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », le tableau démarre d’un fragment figuratif de sa « WOMAN 1 , étape 1 » qu’il étend de coups de pinceaux de taches qu’il superpose , qu’il gratte , qu’il efface au papier journal . Ce qui parait de l’abstraction , volontairement ou non fabrique un monde aqueux de marais et de mer habité par des monstres agressifs.. Ce tableau semble inachevé en haut à droite en raison de la surface qui a été gratté et effacé par du papier journal. Le peintre sans doute se sentait sortir du tableau car il ne correspondait plus à son état d’esprit quand il a commencé le tableau . En effet il venait de rencontrer sa nouvelle muse Emilie KILGORE qui a probablement bouleversé son ressenti pour ce tableau qu’il n’arrivait plus à terminer d’où son abandon.
Dans son interview à ROSENBERG il disait « Le contenu du tableau, c’est un éclair, une rencontre éclair, comme une illumination, c’est très tenu le contenu… » Sans doute à la fin de la création de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, cette illumination était d’un autre ordre , indiquée au dos du tableau et il ne termina pas le tableau pour se consacrer un un autre plus rayonnant et plus optimiste , peut être est ce le tableau « FLOWERS, MARY’S TABEL » de 1971 qui aurait suivi « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou respire la douceur avec des tons de couleur chaudes et pastellisées, les fleurs rouges de l’amour , la table centrale rose avec le rose qui caractérise DE KOONING , ce rose de PINK ANGEL au caractère sexuel , ce même rose qui se trouve au dos du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE et qui sert de fond au dessin qui est un hymne à l’amour de sa nouvelle muse Emilie KILGORE.
DOUTE, ABANDON, DESTRUCTION, DECOMPOSITION
Pour SOUTINE , un tableau en cours devait absolument être caché comme si le dévoiler à ce stade donnait le mauvais œil. Ne pas montrer la fabrique de l’œuvre, n’en pas parler SOUTINE pense que cela le protège d’un regard forcement inquisiteur qui confond le processus intime et l’objet soumis au regard de l’autre
La conscience de son imperfection, de sa propre misère, crée en lui cette perpétuelle insatisfaction qui le pousse sans cesse à prendre les mêmes thèmes et si une toile ne lui convient pas , il ne l’abandonne pas , il la détruit. Sa compagne GERDA écrit dans son livre sur SOUTINE qu’elle avait assisté à des moments de détresse qui poussaient le peintre à lacérer ses œuvres. Il gardera toujours une frénésie autodestructrice et déchirera lacèrera des œuvres antérieures. Il crée dans la fièvre de l’inspiration et si cela ne plait pas , il détruit
De même si des critiques d’art émettent des avis très défavorables sur ses œuvres d’art vendues ou exposées, il fait tout pour les récupérer, jusqu’à les racheter pour les détruire ensuite et les remplacer par de nouvelles toiles.
Si des doutes étaient exprimées quand à l’une ou l’autre de ses dernières œuvres , il disait : « bon brulons là » . Soutine avait l’habitude morbide de porter un jugement sur son passé de peintre et il était incapable de chasser quelque chose de sa mémoire, il en a été obsédé et il pensait que cela cesserait quand ses œuvres malmenées seront détruites.
Elie FAURE a exprimé ce point de vue de ses activités de destruction dans sa monographie qui disait que SOUTINE souffrait devant ses tableaux trop difformes en face desquels son monde merveilleux s’effondre , tel tableau avec maison il le détruit de colère ou Il le rachéte afin de le détruire . Il avait une passion pour des mesures et des proportions exactes. L’équilibre architectural et même anatomique le tourmentent et c’est justement l’endroit ou réside l’origine de ses forces contradictoires qui le déchirent impitoyablement. Il recherche désespérément un ordre interne. C’est le vrai sens de la puissance de son art. « Mais si SOUTINE détruit énormément de toiles à l’aune de son insatisfaction existentielle , il semble néanmoins trouver un certain répit lorsqu’il parvient à isoler un motif parmi la multitude. Ainsi de certains arbres de VENCE dont il fait des figures isolées, tels de véritables portraits, C’est bien la un autre trait commun qu’il partage avec DE KOONING , celui d’aborder des genres somme toutes traditionnels- le paysage, le portrait, la nature morte mais pour mieux en sonder les faiblesses et les limites. A leurs manière l’un comme l’autre sont des peintres équarisseurs dont le geste ample balafre la toile dans un corps à corps éprouvant pour mieux exhumer la chair de leurs sujets » ( Géraldine BRETAUT ) . De ce que dit Géraldine BRETAUT sur les tableaux de SOUTINE on peut en dire autant pour le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou la jambe droite de WOMAN1 est transformée en personnage vivant avec une chair malmenée par un corps à corps mortel. « A l’inquiétante présence totémique des bœufs crucifiés de SOUTINE » répond celle non moins inquiétante de la forme biomorphique anthropomorphique dévoré par des montres des marais et de la mer maléfiques dans la même fureur gestuelle des peintures
Si pour DE KOONING, la manière d’aborder le sujet est la même dans la violence, la fureur du geste c’est différent au niveau relationnel . Il n’était pas avare de visites de personnes venant voir son atelier , ses œuvres en cours, que ce soit des amis ou des gens qu’il invite à le voir travailler comme JOAN LEVY , jeune fille , étudiante en peinture et ami de sa fille qui est restée de longs moments à le regarder travailler. Tout au long de carrière il a fait venir des photographes pour photographier son atelier avec son matériel de travail ,ses œuvres en cours et terminées
Mais il avait une conception distincte de ses relations personnelles avec son art, lorsqu’en peinture il errait dans le « no environnement » de lui-même poussé par le doute, traiter des « slippery glimpses » jusqu’à ce qu’il perde de vue ou il allait et se retire dans le doute pour essayer de nouveau
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Par conséquent son œuvre résiste à une appréciation dans sa totalité, il y a une confusion des intentions laissant les spectateurs submergés dans l’ambiguïté des contradictions résolues (WILLIAM F BIRDSALL)
Dans toutes ses toiles qu’il crée, il y a d’abord le doute, l’angoisse d’une autre possibilité qui conduit à un cycle de création et de destruction d’images, « d’aperçus glissants » remplacés par des révisions sans fins aboutissant à des « no environnement » sans concentrations, sans unités.
Des traces visibles d’innombrables révisions sur la toile indiquent la longue lutte pour compléter ou perfectionner ce qui semble néanmoins toujours inachevé comme si elle toujours soumise à des modifications. Pour certains comme le critique IRVAN SAUDLER , « ce résultat d’inachevé marque un manque d’exhaustivité dans le travail de DE KOONING et un manque d’unité de l’ensemble de ses peintures réalisées tout au long de sa vie d’artiste , en revanche cela ne m’empêche pas de dire que DE KOONING était surement le plus grand peintre virtuose de son temps. »
Pendant toute sa longue vie d’artiste, DE KOONING était continuellement dans un état de stabilité et d’instabilité, de contradictions et de continuité, de colère et d’amour, c’est-à-dire tous les reflets d’un artiste complexe qui vivait dans l’anxiété. Paul RICHARD du WASHINGTON POST disait « DE KOONING n’a jamais su avec précision et n’a jamais choisi de savoir ou il allait
« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « ne déroge pas au tableau inachevé ce qui se voit en haut à droite du tableau par du grattage et une application d’un new Paper pour ralentir le processus de séchage afin de reprendre la peinture à cet endroit pour modification éventuelle ultérieurement , modification qui n’est jamais venu, le retrait du papier a entrainé un effet d’essuyage de la peinture qui n’a jamais été retouché et laissé tel quel donnant cet effet de flou artistique
A la fin de sa vie l’ambivalence est extrême entre toile finie ou pas finie car aucune toile n’est finie.
Mais auparavant l’abandon de la toile peut être provoqué pour plusieurs raisons. Cela peut venir d’une surcharge qui induit un électrochoc et brise la connexion entre le peintre et sa toile. Il trouve alors le besoin de liberté d’abandonner la toile pour en commencer une nouvelle qui suit le fil de la précédente .C’est probablement le cas de WOMAN1 commencé en 1950 qui a dans un premier temps été abandonné pendant 2 ans, C’est l’intervention du critique SHAPIRO qui a convaincu DE KOONING de finir la toile en 1952
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L’abandon peut également être provoqué par l’ennui, la saturation le désenchantement ou une certaine mélancolie parce que l’objet du désir n’est pas entièrement possédé
Dans le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , Ce tableau ne semble pas tout à fait terminé pour des raisons à contrario que ne correspondait plus à son état d’esprit quand il a démarré sa toile .J’ai estimé que ce tableau pourrait être daté de 1971. Il était alors possédé par des rêves cauchemardesques ( Ce tableau fait état d’un cauchemar que j’ai expliqué) , ses addictions lourdes à l’alcool vont de nouveau l’envoyer à l’hôpital en 1973, ses relations avec sa femme Elaine ne sont plus que de lointains souvenirs et ses conquêtes féminines se sont toutes soldées par des échecs et cela se ressent dans sa peinture
Pour BERGER , la caractérisation de la peinture de PICASSO des femmes était comme un défi à la civilisation et un outrage, on pouvait en dire autant des femmes de DE KOONING sauf qu’ à la fin , lui était abandonné par la femme. Contrairement à la domination féminine de PICASSO ,
la femme de DE KOONING le domine, il ne leur échappera jamais . Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on remarque une tête noire cauchemardesque de « WOMAN » en retrait en bas à gauche du tableau qui semble donner les ordres de l’attaque ensanglanté aux monstres sur la forme biomorphique ( autoportrait présumé de DE KOONING)
mais subitement une lumière apparait dans ce paysage de désenchantement, il fait connaissance de la très jeune Emilie KILGORE qui change immédiatement son environnement qui des ténèbres passe à la lumière d’une étoile éclairante descendue du firmament aussi son tableau ne semble plus correspondre à son état d’esprit dans l’immédiat et il semble avoir abandonné son tableau alors qu’il semblait presque au terme de l’avoir terminé mais il y a quand même des signes d’inachevé dans ce tableau
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L’abandon de la toile « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » non finie se manifeste ici en haut de la toile à droite, le peintre a gratté le haut de la tête et essuyé avec du papier journal la peinture encore humide la partie droite a coté de la tête qui donne un aspect de flou et de non terminé . Sans doute dans un premier temps avait t’il l’intention de faire une reprise qui a finalement été abandonné ou oublié ou vendu ou offert dans la précipitation le tableau est resté tel quel. Dans certains cas reconnus par KOONING , il abandonne sa toile parce qu’il se sent expulser du tableau, il y a un moment dit ‘il ou je perds de vue ce que je voulais faire alors je suis dehors. Est-ce le cas pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ? L’abandon de la toile est souvent guidé aussi par l’intention de recréer une autre toile qui s’en inspire.
Même ici ce qui parait abstrait et dont j’ai dressé la liste ci-dessus est fondé sur une imagerie figurative
L’abandon du tableau aurait pu donc être provoqué par sa rencontre avec Emilie KILGORE en 1971 . Son état de mélancolie de pessimisme ayant disparu avec cette nouvelle rencontre amoureuse, il n’aurait pas terminé ce tableau noir de terreur et de mort, le dessin au dos, message d’amour à sa muse expliquerait cet abandon brutal mais qui malgré tout donne beaucoup de charme et de cachet au tableau inachevé dans son aspect abstrait. Dans ses tableaux alternent des sentiments de joie , de doutes, de dépressions, il se brulait lui-même. Dans des lettre à MIMI « Emilie KILGORE » il écrivait son épuisement et ses états terribles de dépression
Pour le regardeur il est donc difficile de suivre le peintre dans ce tableau qui ne lui correspond plus au moment ou il le termine et les traces de grattages, de doute ne transmettent pas une maitrise de soi mais un sentiment de doute et de manque de confiance en soi. Il ne sait plus comment terminer le tableau alors il l’abandonne en donnant les raisons de son abandon au dos du tableau par un hymne à l’amour et de joie de vivre qui se concrétisera par le tableau qui probablement suivra « FLOWERS Mary’stable » de 1971 » qui correspond mieux à son état d’esprit du moment illuminé dans le tableau par la couleur rose, les fleurs rouges qui donnent à l’ensemble son nouvel esprit réjouissant en contradiction avec la noirceur du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE)
Le cas le plus représentatif est bien entendu WOMAN1 qu’il avait , après maintes transformations pendant deux ans , laissé sur le coté non finie . Il a créer d’autres tableaux pour en faire une série de 6 « WOMAN ». C’est l’intervention du critique SHAPIRO qui l’a convaincu de reprendre la toile « WOMAN1 » pour la terminer avec le succès qu’on lui connait.
De KOONING fait sortir de ce carcan FIGURATION-ABSTRACTION et envisage une nouvelle façon de voir qu’on retrouve dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ». Les deux registres se mélangent. Il montre à sa manière que toute peinture est en fin de compte une abstraction figurative
En discutant de son travail DE KOONING avait déclaré » je ne suis pas intéressé par l’abstraction ou la suppression des choses ou la réduction de la peinture. Je peins de cette façon parce que je peux continuer à y mettre de plus en plus de choses, drames, colères , douleur, amour , une silhouette , un cheval, mes idées sur l’espace »
Tout ce que dit DE KOONING dans cette discussion se retrouve dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
-Drame avec la forme biomorphique ( autoportrait de DE KOONING) qui se fait dévorer
-Colère de la figure humaine en forme de tète noire de GIACOMETTI qui montre son impuissance à ne pouvoir intervenir
- douleur de la forme biomorphique qui se fait dévorer, le sang coule de sa tête
- amour au dos du tableau , message d’amour à EMILIE KILGORE
- silhouette de tête de « WOMAN « de tête d’homme ( à la Giacometti)
- ses idées sur l’espace ( disposition de la forme biomorphique flottant dans les airs(, parallèle au milieu aquatique) pas de perspectives ,le premier plan et le fond ne sont pas marqués tout est enchevêtré, il n’y a pas d’espace vide.
Comme CEZANNE avait choisi les Pommes, SOUTINE avait élu comme un de ses thèmes de prédilection, le supplice des poulets et des lapins sans doute par un soucis de coloriste mais aussi parce qu’il éprouvait une grande délectation à peindre leur décomposition ( Georges LIMBOUR)
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE de même DE KOONING a le soucis du coloriste comme pour SOUTINE qui donnait l’impression de faire parvenir la lumière de l’intérieur du tableau mais aussi la vision de la forme vivante biomorphique ensanglantée qui se fait dévorer
IMPORTANCE DES ACCESSOIRES CHEZ SOUTINE ET
CHEZ DE KOONING
SOUTINE témoignait d’un sens très élevé de l’accoutrement et les accessoires jouaient un rôle décisif. De tous ceux que SOUTINE utilisait avec la plus grande virtuosité ,le chapeau est indéniablement l’un des favoris. Il avait une vraie folie pour les chapeaux se souvenait une de ses compagnes qui le raconta à Pierre COUTHION, critique d’art. Dans ses portraits les chapeaux sont partout sous toutes formes avec une grande malléabilité, grande variété de couleurs, une extension quasi infinie, des proportions fabuleuses ou des tailles ridicules. On peut voir aussi dans ce gout une manière de s’affranchir sur le mode irrévérencieux du symbole religieux de la petite calotte juive, quelques exemples : « LE GROOM », « ENFANT DE CHOEUR »,LA MARCHANDE DE JOURNAUX, MONTPARNASSE» « LE PETIT PATISSIER » etc
Quand à DE KOONING , l’accessoire favori que l’on rencontre partout dans ses tableaux même dans ceux ou on s’y attend le moins c’est la chaussure à haut talon que ce soit dans les portraits ou dans les paysages . De ce point de vue on peut le rapprocher aussi de Andy WARHOL qui avait aussi une adulation particulière pour la chaussure de femme. Au contraire, dans les tableaux de SOUTINE on voit rarement les pieds des personnages, ils sont proscrits et donc des chaussures, la plupart des femmes sont peintes en buste ou s’ils sont en pieds, ceux-ci sont masqués par l’ampleur et la longueur des vêtements qui cachent les pieds
Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ne fait pas exception, on y trouve une chaussure haut talon en bas à droite du tableau que le peintre a fait apparaitre par grattage , Il faut positionner le tableau à 90 degrés pour voir la chaussure à plat, parallèle a l’eau et à la forme biomorphique. Quelques autres chaussures haut talon dans des tableaux de DE KOONING. C’est un signe d’identification du peintre comme les signes de MIRO que sont l’étoile, l’échelle, le soleil ou l’oiseau.
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S’il dessine ou peint souvent des chaussures hauts talon , en revanche il ne dessine ou peint jamais de pied et pour cela il se rapproche de SOUTINE également
Comme le dit Elaine DE KOONING au peintre Larry RIVERS , DE KOONING a dans sa conférence a passé son temps à expliquer en détail pourquoi il ne pouvais pas dessiner des pieds, utiliser la couleur, composer ou finir une peinture qu’il a commencée, les tableaux qu’il finit par faire sont toujours d’autres tableaux ( (judith ZILCZER)
Enfin l’accessoire qui permet de peindre : le pinceau. Il est souvent relaté par les biographes de SOUTINE que celui-ci vivait dans la crasse mais que ses pinceaux étaient d’une propreté immaculée, rangé comme des instruments chirurgicaux.
De KOONING avait une attention aussi toutes particulière pour ses pinceaux et ses tubes de peinture qu’il achetait en grande quantité comme si c’était un signe de richesse ( Il en avait tellement manqués à ses débuts de peintre). Il était fier de les montrer à ses visiteurs
Chez SOUTINE dans le tableau « PAYSAGE DE CERET »le pinceau tourbillonnant des arbres et l’horizon déchiqueté et incliné traduisent l’agitation interne ressenti par SOUTINE et préfigurent la qualité gestuelle des peintures d’action des expressionnistes abstraits ( Magazine des arts).
C’est vrai dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou en bas , une forme tourbillonnante s’enroule au pied de la forme biomorphique , une autre glisse dans le creux de cette forme biomorphique. Dans le deuxième plan des marécages et de la mer , les coups de pinceaux sont inclinés soit vers la forme au centre soit sont tournés vers l’extérieur. Tout cela comme « PAYSAGE DE CERET» donne de l’action du mouvement au tableau et une qualité gestuelle présente chez les expressionnistes abstraits
LA CHAIR
C’est probablement la transformation de la pâte picturale en matière organique qui fascine le plus DE KOONING chez SOUTINE .Il admire en SOUTINE , le peintre de la chair ( Claire BERNARDI).
Peindre la chair, chez les deux artistes , ne consiste pas à la dépeindre mais à l’incarner . De KOONING fait vivre le corps qu’il peint . En peignant la figure, l’artiste incarne des sensations, des sentiments. Il faut comprendre ainsi son refus d’abstraire et l’affirmation selon laquelle , dans sa peinture , il ajoute sans cesse des choses comme , le drame, la souffrance, la colère et introduit ces sentiments en même temps qu’une « figure ». En mettant sur le même plan le mode pictural de la représentation et le mode expressif des sentiments, la peinture donne une nouvelle dimension à la figure : elle est le corps vécu par l’artiste, qui exprime dans la peinture les sentiments qu’il y incarne ( Claire BERNARDI)
Ces phrases de Claire BERNARDI sur DE KOONING correspondent parfaitement au tableau qui fait vivre le corps qu’il peint dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. D’une part la forme biomorphique c’est DE KOONING lui-même qui se voit dans son cauchemar . Il peint ce qu’il a ressenti dans son rêve ,c’est-à-dire des sentiments de peur, de terreur dans un premier temps en ensuite des sensations d’apaisement et d’espérance qui le transmutera dans un nouvel être d’où abandon du tableau avant sa conclusion et l’explication de cet abandon au dos du tableau
Dans le tableau sa chair est meurtrie et le sang dégouline de la tête et se répand jusqu’au bas du corps .La couleur circule dans le tableau comme circule le sang dans les veines .Le rouge clair correspond au sang frais qui circule en dégoulinant sur le corps de la forme biomorphique, le rouge foncé c’est le sang qui a séché
Pour augmenter ce sentiment de terreur et de mort, le peintre y adjoint des monstres des marais et de la mer qui ont pour fonction de dévorer la forme ( autoportrait) Un tête de « WOMAN » dans le style de 1950 est présente en compagnie des monstres pour l’intégrer dans l’entreprise de destruction. De l’autre coté une tête dans le style des têtes de GIACOMETTI , c’est l’esprit de DE KOONING dans l’incapacité de réagir à la scène , des accessoires comme une chaussure talon haut seule est perdue dans ce tableau
SOUTINE comme DE KOONING sont considérés comme des peintres de la chair et conduit toute la pratique des deux artistes .Les deux artistes étaient obsédés par la peinture de la chair.
C’est par RUBENS aussi que DE KOONING admirait de telles belles chairs de ses chef d’œuvres flamboyants, il disait : » je suis fou de RUBENS, de toutes ses femmes voluptueuses , il était l’ultra de la période baroque » ( Stevens et SWAN) mais la révélation se confirme à la fondation BARNES ou était exposé les SOUTINE. La radicalité des poses frontales hypnotise DE KOONING , l’expressivité des corps tortueux l’envoute mais par-dessus tout , c’est le caractère organique de la pâte picturale qui le bouleverse. Devant L’HOMME EN PRIERE», « LA PETITE FILLE EN ROUGE » ou « LE PETIT PATISSIER »c’est la chair à l’état libre qui s’exhibe et qui le fascine car il a su saisir le mystère du vivant ( Jérome BUISSON)
Lorsqu’il s’esclame : « La chair est la raison pour laquelle la peinture à l’huile a été inventée » ou « Je suis fous de SOUTINE » De KOONING révèle ce qu’il a en commun avec SOUTINE. Il ne pointe pas tant une ressemblance formelle qu’une communauté d’intérêt entre ce peintre et lui.. Ces deux là ont la chair en commun mais chacun a sa palette . Soutine montre la chair en blanc »( Pierre WAT), DE KOONING la chair est rose ( un rose particulier à DE KOONING, le rose de PINK ANGEL, le même que l’on retrouve au dos du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
Pour SOUTINE, la peinture tout naturellement se confond à la chair, entre les pores de la peau ( clarisse NICOIDSKI)
DE KOONING construit une surface qui ressemble à une matière, comme une substance, il y a une sorte de transfiguration, un certain empâtement des chairs dans son travail, c’est ce qu’il trouve dans les peintures de SOUTINE qui transforme la peinture en matière vivante . Cette transfiguration à l’œuvre ici serait celle de de la matière picturale en matière organique ( Claire BERNARDI) ;Peindre la chair chez les deux peintres ne consiste pas à la dépeindre mais à l’incarner,
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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, c’est essentiel, C’est la chair meurtri malmenée, qui est écorchée, dévorée et le sang qui coule , qui dégouline de la forme biomorphique rouge , c’est la vie qui s’en va , De KOONING fait vivre et mourir le corps qu’il peint. La couleur circule dans le tableau comme circule le sang dans les veines
En revanche au dos du tableau, c’est la chair rose de l’amour et de la joie qui résulte de sa nouvelle rencontre avec Emilie KILGORE depuis fin 1970, une nouvelle vie qui renait après la mort au recto du tableau
C’est donc un art viscéral qui est produit dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE et une transfiguration. La mort ou non ( on ne sait pas en voyant le tableau) au recto du tableau va permettre une renaissance au dos du tableau, son nouvel amour à Emilie KILGORE ,DE KOONING a 70 ans
Cet art viscéral que produit l’artiste ou il peint l’intériorité d’un corps et ou les sensations visuelles sont mêlées aux sensations corporelles que la peinture rend palpable . Viscéralement le peintre n’est plus en accord intérieur avec son tableau, il sort donc du tableau en l’abandonnant avec les explications au dos de la toile, son amour pour KILGORE qui lui a changé son état d’âme au moment où il a entrepris le tableau, ses sensations ont changé . Il a probablement quitté ce tableau pour entreprendre un autre tableau qui correspond mieux à ses nouvelles sensations , c’est probablement le tableau qui lui correspond le mieux à ce moment de ses sentiments intérieur « FLOWERS MARY’S TABLE » fait la même année 1971 que « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
LE SANG
SOUTINE peint des figures horrifiques ou burlesque du monde dans lequel il vit ,les ignorants, les ouvriers ,les artisans, les colporteurs etc. Le plus étriqué, le plus contrefait de ses personnages y est revêtu de son plus beau costume comme un prince de la renaissance, le tout coloré, lumineux. L’épaisseur de la peinture y contribue ainsi que le dynamisme des fonds. Le corps s’étire sur toute la longueur du tableau comme le bœuf écorché ou le lapin. Dans ses tableaux Soutine fait affluer le sang qui bat sous l’enveloppe. SOUTINE peint ses modèles empourprés par une fièvre que la pose accumule et qui mord à l’extérieur, congestionne les lèvres et fait briller les joues, le nez, les oreilles d’un rouge impossible à faire taire (Xavier GIRARD)
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Sous la peau des personnages, le sang bouillonne d’une vitalité mal contrôlée. Dans « L’IDIOT DU VILLAGE » sa tête défendue par deux grosses oreilles sanguines, un nez rubicond ,de larges trainées rouges sur la joue comme une tâche de sang qui jailli et le sang bleuâtre des ombres fait face au peintre . le regard est dans le vide. Soutine ne se soucie pas de lui donner l’apparence de la chair, il peint l’affluence du sang qui vient rayer le visage de l’idiot depuis l’oreille jusqu’à la commissure des lèvres, d’un trait ondulant qui ne se fixe nulle part. De même quand il peint « LE GARCON BOUCHER », le sang ne se trouve pas seulement sur le tablier et les joues rubicondes mais il repend sur la totalité du tableau le rouge de l’abatteur
Sur les vieilles carcasses exposées dans l’atelier pour les peindre, SOUTINE jette du sang neuf qui s’explique pour la nécessité de retrouver le rouge de l’écorchure mais il y a aussi ce geste de volupté pernicieuse qui s’apparente à un rituel de magie noire . Jamais la profanation a été aussi loin chez SOUTINE puisqu’il s’agit de la profanation d’un corps mort. Jamais on n’a été aussi proche d’un simulacre menaçant qui relie l’acte de peindre à la douloureuse séance initiatique vécu durant son enfance de SMILOVITCHI chez le boucher transformer en vengeur. Cette scène vécue de l’égorgement de DINDE par le boucher de SMILOVITCHI l’a hanté toute sa vie, il en parlait souvent.
Mais c’était un acte de profanation chez SOUTINE , le juif, le sang ne doit pas être vu, l’objet comestible ne doit en aucune manière rappeler la mort, la souffrance et le viscéral, était aussi acte de détresse
Le Rouge et le sang ont une grande importance chez les deux peintres
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le rouge est sur toute la surface de la forme biomorphique. La tête est orangée sous l’effet du ciel, la tête laisse apparaitre le sang qui coule vers le haut ( le tableau a été disposé sur différents cotés , dans ce cas la tête a été peinte tableau à plat , inclinée vers le haut d’où dégoulinement du rouge sang vers le haut dans la disposition normale du tableau.)
La couleur circule dans le tableau comme circule le sang dans les veines. Le rouge clair correspond au sang frais qui circule en dégoulinant sur le corps de la forme biomorphique, le rouge foncé c’est le sang qui a séché
NATURES MORTES
Pour SOUTINE, ses natures mortes pourraient être interpréter comme le miroir de son état physique et mental, sa souffrance existentielle s’étendant à sa composition. On aurait dit qu’il peignait dans un état d’affolement lyrique qui déformait tout à l’excès . (Dans ses paysages ,les maisons quittaient la terre , les arbres semblaient voler , (Maurice SACHS))
Avant que BARNES découvrent les peintures de SOUTINE,son fidèle compagnon a longtemps été la faim qui se reflète dans ses peintures mortes dans lesquelles il peint des animaux morts, lapins, poissons et faisans avant de peindre les fameux bœufs écorchés vers 1925. La nourriture est dans ces années-là un sujet de prédilection pour lui. A regarder dans ses tableaux les animaux sont scrupuleusement accrochés à des crochets à viande et ceci est contraire aux disposition du TALMUD ordonnant le cadre de la préparation des repas et appliqués dans son pieux SHTEHL mais pour l’heure il a laissé ce SHTEHL loin derrière lui.
La pose des cadavres est celle de la nature morte , façon AUDRY ou DESPORTES, appliquée de façon souvent tragi-comique au rituel du repas. Les animaux de SOUTINE ne sont pas faits pour être manger mais pour figurer dans une nature morte qui en les représentant morts les sacrifient à la représentation.
Animal non comestible et outil inutilisable ( fourchettes, cuillères) : comment interpréter cette sorte de réunion improbable dont la répétition ne doit rien au hasard ?
Le biographes seront tentés de mettre en exergue ici les maux d’estomac dont souffrait SOUTINE, lui qu’un ulcère à l’estomac finira par emporter à l’age de 50 ans
D’autres incrimineront la disette.
D’autres voient une transgression volontaire a sa famille religieuse à son enfance de la religion juive.
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Indirectement ou inconsciemment, les années 15 à 22 portent des sujets de prédilection pour lui dans ses tableaux de natures mortes. A regarder dans ses travaux , l’on ne peut voir que des animaux qui sont accrochés scrupuleusement à des crochets de viande. C’est contraire aux dispositions du « TALMUD »ordonnant le cadre de la préparation des repas à appliquer dans son pieux SHTEHL mais pour l’heure il a laissé ce SHTEHL loin derrière lui
Non , les produits destinés à être peints, souligne t’on , n’étaient pas ceux que le peintre mettrait à sa table après les avoir transformer en aliments, Voir, il les donnait en pâture, il les sacrifiait pour les tableaux. Lapins , poulets , harengs faisans, tomates en peintures n’étaient rien d’autre que des contre nourritures, des êtres de couleur qui n’existent pas en dehors du tableau. Il faut donc aller chercher ailleurs que dans les entrailles du peintre , la signification muette de ces mise en scène ( GIRARD).
Ici une première constatation s’impose, le cadre explicatif de la table dressée ne fonctionne pas loin d’élucider la scène représentée, il en opacifie le sens. Que veulent dire ces couverts. ? SOUTINE se moque de l’opulence comme de la misère. Ne le préoccupe que le jeu du tableau. Les interprétations psychologiques font ici fausse route. La peinture ne décrit pas la vérité d’une situation, ne peint pas la pauvreté, la solitude ou l’angoisse du lendemain La nature morte n’expose pas la vie quotidienne du peintre ou l’état de son estomac et sa prétendue frustration devant une nourriture prohibée, elle manifeste la puissance de l’art , elle donne sa chance à l’expression de l’idée créatrice.
Une seconde lecture met l’accent sur la disposition des objets à l’intérieur de chaque tableau . Selon un effet mystérieux, les animaux morts et les légumes composeraient une écriture chiffrée. Un exemple plaide en ce sens.
Dans « NATURE MORTE AUX POIVRONS ET AUX CAROTTES » de 1918 on peut voir deux poivrons côte à côte comme les barres d’un caractère à double jambage, deux poissons recroisées en forme de X , deux carottes dessinant un V et deux assiettes ellipsoïdes en signe de O. Le tableau est le plus explicite d’une suite de natures mortes dans lesquels les objets semblent disposés non pour suggérer le beau désordre d’une desserte mais de façon délibérément articulée ,une composition dont l’alphabet serait constitué d’objets réels – lièvre, pains, poissons, couverts , pichet , tomates etc, agencés entre eux pour former une suite de lettres. Pour l’explication, avait t’il présent à l’esprit la puissance créatrice attribuée aux lettres dans la bible ? ou lui importait t’il par jeu , de nous faire comprendre que la représentation , loin de refléter réellement le monde visible de façon à nous le rendre intelligible, à contrario en trouble la lecture , l’opacité du signe pictural détournant notre attention vers ses effets de surface . Comme ODILE REDON , SOUTINE pourrait dire : « Mes images savent des choses que j’ignore » (Xavier GIRARD)
Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, on peut remarquer le même phénomène de jeu de chiffres et lettres qui se démarquent en surépaisseur et comme d’autres endroits du tableau par un effet tactile avec la formation de rides de peintures.
Une forme de tête de « WOMAN » à la manière des têtes de WOMAN des années 50 et plus particulièrement « WOMAN WITH BICYCLE », forme de tête ovale en largeur , échancrées au milieu et qui inspire la peur par les yeux perçants et une forme de nez en triangle ce que l’on trouve exactement dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en bas dans le coin gauche dans un noir ténébreux dont seul les yeux et le nez ressortent grâce à l’effet de rides et qui forment un ensemble imbriqué de la lettre C et du chiffre 7.
Y a-t-il une signification précise de ce nombre et chiffre associés ?
Dans l’œuvre de De KOONING on retrouve ce phénomène de chiffres et lettres il existe des tableaux qui disposent de caractères lettres et chiffres« ORESTES » de1947, ZURICH ( 1947) , ZOT (1949) , BLACK FRIDAY ,des mots usuels qui se référencent à des objets ou des personnes comme les cubistes mais qui se rapprochent plus des surréalistes dans l’introduction de lettres dans le tableau , elles sont èparpillées sur toute la surface de la toile, exception faite peut être du mot ZOT que l’on trouve dans « ZURICH » et qui est réutilisé dans ZOT comme jeux de mots.Comme le jeu de mots ZOT, les C et 7 de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE joue avec la conjonction des deux pour former le visage de WOMAN dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
ORESTE
On peut trouver une similitude avec les lettres « d’ORESTES »
. Elles sont formées de jambages allongées, notamment les lettres D-P-T de même que sont allongés les jambage de C et 7 dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
La différence avec les lettres des tableaux ORESTES, ZURICH , ZOT, elles ont été formées pour la plupart à partir de grattage donc par enlèvement de matière alors que le C et le 7 de« LEG WOMEN IN THE LANDSCAPE est le résultat de formation de rides suivant un rajout de matière WET ON WET qui a crée une surépaisseur et qui permet de distinguer la tête de WOMAN noire sur fond noir
D’autre part , comme la plupart des natures mortes à la raie de SOUTINE qui semblent flotter dans les airs, tombés du ciel , la forme biomorphique semble être en lévitation au-dessus de l’eau en position horizontale contrairement au tableau qui nous le montre dans une position verticale.
NATURES MORTES, ANIMAUX MORTS
SOUTINE ne peint pas une nature morte ordinaire, il met en scène un petit théâtre d’objets, il agence les termes d’une charade dont il ne souffle mot
Par exemple dans « NATURE MORTE AUX HARENGS »le regardeur ne peut que constater l’extravagance aride de la plaisanterie et se régaler de la subtile exposition des harengs aux yeux ronds , du bol rond, du plat de forme ovale et de la table rectangulaire en train visiblement de fléchir , et revenir vers l’étrange soleil oblong du plat de céramique feu au centre de la composition . Comme si la clé de l’énigme résidait dans la relation essayée entre ce fond d’or brûlant et la froide cérémonie géométrique infléchie sur les bords d’une cène déserte ( Xavier GIRARD)
SOUTINE n’a eu de cesse de peindre des animaux morts. Cette insistance est sans équivalent au XXème siècle. Elle ne trouve pas seulement son explication dans les bœufs écorchés de REMBRANDT ou dans une célébration du monde objet tel que les peintres de nature morte du XVI et XVIIème siècle Flamand , Hollandais, Italien les représentaient ployant sous d’oppressants et féériques déluges de gibier ou de produits de la pêche. Si les peintures de CHARDIN, DESPORTES l’ont fasciné, les raisons se trouvaient autant dans leur façon de peindre et de mettre en scène l’animal mort que dans le sujet proprement dit. Il n’en reste pas moins vrai que celui-ci est pour SOUTINE bien autre chose qu’un pittoresque tableau de chasse, hommage de l’âge classique à la noblesse de l’exercice ( Xavier GIRARD)
L’animal mort n’est pas un objet banal surtout pour des personnes ayant ou ayant eu une culture juive comme SOUTINE, en effet SOUTINE introduit chez lui des cadavres d’animaux pour en fixer l’image et les laisse pourrir dans l’atelier et les aspergeait de sang frais pour faire plus réaliste, ce qui est tout à fait impensable et comble d’infamie.
En effet, SOUTINE , en peignant ses bœufs écorchés transgresse délibérément l’interdit judaïque qui entoure le sang. Peindre du sang, peindre la bête rengorgée de sang, peindre ce qui n’est pas hocher, pire, rajouter du sang frais au sang pourri de la carcasse de la bête est du point de vue de la loi juive le comble de l’abomination, l’éclaboussure du sang est l’injure suprême. Toute sorte d’effusion de sang est interdite. Le sang qui n’appartient plus à la circulation vitale est à la fois répugnant et interdit
Tout petit, note Emile SZITTYA , SOUTINE était déjà marqué par la peur du sang et il restera marqué par ce qu’il avait vu enfant : la vue du boucher du village qui trancha le cou d’une oie et le vida de son sang. Le cri qu’il voulait sortir à cette vue de la décapitation et qui n’est jamais venu tellement l’émotion était forte l’a traumatisé et est resté en travers de la gorge. « Le cri que je voulais libérer , je n’ai jamais réussi a-t-il dit »
Si Edouard MUNCH ( son tableau Le cri) et ensuite Francis BACON cherchent à peindre le cri, SOUTINE garde dans la gorge le cri d’effroi que suscite en lui l’abattage rituel d’un poulet, d’un bœuf, d’une volaille comme le rapporte SZITTYA, il ne montre jamais l’animal qui se fait égorgé mais celui déjà mort.
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« Dans LEG WOMAN in the LANDSAPE »la figure biomorphique est entrain de se faire dévorer. On ne voit pas les entrailles ouvertes comme les natures mortes de SOUTINE ou REMBRANDT car la vue de la dévoration est cachée sur le coté de la forme et par le monstre entrain de la déchiqueter mais le peintre ne nous montre pas non plus la forme en train de crier , de souffrir car d’une part les yeux sont deux points noirs sans expressions et le peintre ne nous montre pas la bouche , le bec étant plaqué sur celle-ci qui est camouflé.
SI SOUTINE nous montre des animaux avec le ventre ouvert, il ne nous montre pas les animaux en train de se faire tuer , ils sont déjà mort .En revanche dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , le peintre nous montre la forme biomorphique en train de se faire dévorer mais cache les entrailles et cache l’expression de douleur de cette forme avec le bec plaqué sur le visage qui ne permet pas de voir son expression
Nul besoin pour attester de la violence du monde de la représenter en pleine action, la présence des modèles suffit. Chaque accessoire suggère cette violence sans la montrer
A -VOLAILLES
Les tableaux de nature morte de SOUTINE « VOLAILLE PENDUE AUX BRIQUES ROUGES» au milieu de la toile est sans doute avec les « BŒUFS ECORCHES » les plus saisissants et qui se rapprochent également de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE comme si DE KOONING s’en était inspiré
Comme plusieurs de ses natures mortes aux animaux morts et ici dans « VOLAILLE PENDUE AUX BRIQUES ROUGES», SOUTINE suspend les cadavres d’animaux par la tête et non par les pieds comme c’est souvent le cas pour les animaux de chasse chez les peintres de nature mortes . Force de comparaison avec le gibet et pour accuser encore l’analogie, il peint les ailes comme des bras , donne au bréchet la forme d’un pectoral et recouvre les pattes de la volaille (dinde ) de hautes chaussettes noires. La couche noire du conduit et le rouge des briques qui l’encadrent au contraire des paisibles natures mortes de la tradition des tableaux de chasse, destinées à faire valoir la qualité mimétique des plumes, arrache la volaille au fond entre deux pièces de briques rouges qui la prennent en tenaille de telle sorte que la figure de l’animal pendu frappe le regardeur de plein fouet. Impossible d’échapper à cette pendaison, la vue immédiate de l’animal supplicié s’impose avant de voir le reste du tableau
Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE » Le tableau qui devrait être vu à l’horizontale ( le sens du sang qui coule vers le haut est illogique ) est proposé pour l’accrochage à la verticale comme un gibet . La forme biomorphique est ainsi dans la même position que « VOLAILLE PENDUE AUX BRIQUES ROUGES» comme pendue par la tête et semble ficelé par le pied par 1 animal . Autre correspondance, la position du monstre sur le coté gauche , positionné de telle façon qui fait penser que la forme biomorphique posséderait des bras, on voit un moignon de bras sous la tête de la forme biomorphique .Comme le tableau de SOUTINE dont la volaille se trouve encadré entre deux colonnes de conduit, la forme biomorphique est encadré , comme prise en étaux, d’un coté par le marais de Long Island et à droite par la mer ( océan atlantique).
Cela fait penser dans le cas de SOUTINE du tableau évoqué ci-dessus et pourquoi pas « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » que la volaille et la forme biomorphique sont comme les « réprouvés à l’entrée d’un tunnel » ( conduit pour SOUTINE et entre deux surfaces aqueuses pour LEG WOMAN IN THE LANSCAPE) dans l’épreuve initiatique avant l’enfer biblique ou hébraïque pour ceux qui n’ont pas respectés les rites ou qui sont marqués par l’impureté. Ces deux formes, remontent donc imperceptiblement comme les réprouvés du gouffre des enfers
Conduit entre 2 murs de briques Forme entre marais et mer
La forme flashy rouge et orange de la forme biomorphique à coté du fond sombre aqueux comme la volaille du tableau de SOUTINE s’imposent au premier chef et frappe le regardeur de plein fouet par rapport au reste du tableau.
B- BŒUFS ECORCHES
SOUTINE découvre le bœuf écorché au LOUVRE .« LE BŒUF ECORCHE » de REMBRANDT le fascine, sans doute d’abord par sa manière large sur la toile, ses empâtements de peintures, le chatoiement des coups de peinture courts et vibrants qui rendent palpable la chair et le gras de l’animal écorché. La matière concrète et tangible est rendue par des touches vigoureuses et denses. Sa portée symbolique l’apparente à une vanité qui rappelle que l’homme est mortel ,qu’il va mourir . Ce tableau d’une facture saisissante de réalisme expose crument la carcasse sanguinolente de l’animal , jouant d’un effet de rouges et de bruns, la lumière s’appuyant sur de forts contrastes attire l’attention sur le bœuf suspendu au milieu de la pièce tandis que le reste de la pièce est laissée dans l’obscurité. Ce fond sombre sur lequel le bœuf se détache on en trouvera de nombreux avatars dans les portraits de SOUTINE de même cette façon de faire jaillir la bête de tout son poids vers le spectateur qui était aussi un objet de fascination chez SOUTINE.
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Durant l’été 1925 SOUTINE emprunte à REMBRANDT le thème du bœuf écorché et exécute plusieurs versions de cette célébre carcasse de bœuf qui seront comme celles de REMBRANDT d’un volume tangible sur un fond sombre et semble également jaillir vers le spectateur mais il ne copie pas ni ne reconstitue scrupuleusement le bœuf écorché de REMBRANDT loué pour son réalisme, et son sujet de la vie ordinaire, animal fixé en haut par les pieds .Il préfére peindre à partir d’une carcasse réelle qu’il amènera dans son atelier et qu’il arrosera de sang pour conserver sa fraicheur . Il en offre une interprétation personnelle
Il prend à REMBRANDT seulement le bœuf , transformé comme il est dit ci-dessus pour y rajouter un surcroit du sang et chez VAN GOGH il prend son tourbillon
Le bœuf écorché de SOUTINE nous montre ses entrailles frontalement. Le regardeur voit les entrailles qui lui éclatent à la figure, le sang qui dégouline, le ventre ouvert. Les entrailles sont perçues en gros plan, on y voit les organes, les os, les muscles, un lieu de tourmente ou s’entremêlent les rouges, les jaunes, les ocres, les terres , les noirs,
Les premiers bœufs de la série peintes en 1924-1925 sont suspendus dans les airs comme « CARCASSE DE BŒUF » vue en contre plongée , la carcasse a le ventre ouvert ou alterne le rouge ensanglanté et la couleur de la chair jaune orangée , la tête est rouge sang
Le fond est peint par plaques ou oscillent de larges diagonales vertes entrecroisées de vitres obliques qui laissent entrevoir un ciel verdoyant. Dans la partie basse de la toile est allumé un incendie de rouges qui brasille contre la carcasse et l’éclabousse de longues fumées de braises (Xavier GIRARD). Contrairement au fond de REMBRANDT ou dans une figure humaine passe la tête dans l’encadrement de la porte de la boucherie dans un fond sombre
En ce qui concerne ses carcasses de bœufs, SOUTINE aurait dit à son marchand ZBOROWSKY : « les gens disent que COURBET a su capter toute l’atmosphère de PARIS en un seul nu féminin, moi en revanche ,je peux montrer PARIS dans une carcasse de bœuf.
Et pour ELIE FAURE : « En fait REMBRANDT est son maître , au moins l’un des maîtres auquel il puise presque sans cesse , il est aussi tout à fait justifié de dire que depuis REMBRANDT, SOUTINE est certainement le peintre chez qui la poésie de la matière est la plus profondément enracinée, sans aucune tentative d’imposer par d’autres moyens que la matière elle-même, l’expression surnaturelle de la vie visible ce qui est leur principal objectif »
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Ce que SOUTINE peint ce sont les entrailles, de ces entrailles qui révélaient le mystère de la destinée humaine et dont le sens reste à déchiffrer
On peut faire le rapprochement entre « BŒUF ECORCHE » de REMBRANDT, « CARCASSE DE BŒUF » de SOUTINE mais aussi chez DE KOONING ou la dynamique de la touche et la richesse des couleurs écarlates et orange semblent préfigurer les peintures des « WOMAN »
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est aussi de cet ordre, le tableau à la verticale , la forme biomorphique est comme la « carcasse de bœuf » suspendu dans les airs , couleur rouge sang sur le corps .
La tête est rouge orangée ou du sang frais rouge vif dégouline ( vers le haut de façon surréaliste). La partie écorchée ventre ouvert n’est pas visible car elle se trouve sur le côté et elle est cachée par ce monstre indéterminé de couleur noire qui lui dévore la partie ventrale. Le fond est aussi faite de diagonales , d’obliques qui ici représentent les surfaces aquatiques de marais et mer.
Comme les bœufs « écorchés » , la forme biomorphique représente la mort mais contrairement aux carcasses de bœufs ou « bœufs écorchés » de SOUTINE où le regardeur voit le ventre ouvert de l’animal , dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE on ne voit pas ce ventre car caché par le monstre, on ne sait donc pas si la forme biomorphique est morte ou encore vivante. Derrière le tableau sur un dessin c’est la renaissance d’une nouvelle vie pour l’amour de Emilie KILGORE
Comme « LA CARCASSE DE BŒUF de SOUTINE » La forme biomorphique présente du sang, des éclaboussures ,des salissures
On peut aussi comparer les paysages de SOUTINE comme ses bœufs écorchés car la chair s’enfle en collines , le nerf creuse un sillon bourbeux, les caillots éclatent comme une flaque épaisse, frappée sous les sabots de bois, glougloutis obscènes de quelques ruisseaux ou la fange de déchets, d’écume poisseuse, infecte la bouche altérée.
Ombre et soleil glissant sur la carcasse de terre et de boue, d’herbes et de routes de rocs et de cours d’eau.
Cette carcasse ouverte , cette viande rougeâtre et sombre accrochée à l’os, ce ventre gigantesque ,impudique et donné comme un paysage vu d’en haut, vu de loin, sont des réminiscences de paysages archaïques tramés à même la fibre. Topographie d’un ventre immonde ( Clarisse NICOIDSKI)
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LES POISSONS
Les formes allongées des poissons de SOUTINE ressemblent à la forme biomorphique de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE sur une vue horizontale du tableau, c’est dans cette position que probablement le peintre a crée ce tableau .
Dans son tableau du « SAUMON » , SOUTINE s’est peut être inspiré de « la TRUITE » encore attaché à l’hameçon de Gustave COURBET dans ses peintures « POISSONS « en 1933 et « SAUMON » en 1933
Le saumon est calmement étendue sur un lit de feuille au fond verdâtre, il y a du sang dans les ouies, la queue est tombante. Le poisson semble résigné à son propre sort. Tout ce qui cerne le saumon, végétaux, bois, taches vertes et brunes est si vague, si mouvant à l’arrière plan que la vie est contenu dans un affolement
Le peintre de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, s’est peut être inspiré inconsciemment aussi du « saumon » de SOUTINE en considérant le tableau non plus vertical mais horizontal, la forme biomorphique parallèle au marais et à la mer. La forme biomorphique ressemble alors au « SAUMON » de SOUTINE avec sa forme de poisson allongée, terminant la jambe comme la queue tombante du SAUMON . Le sang dégoulinant sort de la tête rouge . Tout autour comme pour le SAUMON on remarque des coups de pinceaux vert et marrons gris, noirs en mouvement qui forment les vagues et les reflets de l’eau , des formes fantomatiques de tête de « WOMAN « et d’homme " semblable aux tête grises de GIACOMETTI" et de monstres qui sortent de l’eau , tout cela comme le tableau SAUMON » donnent aussi un sentiment d’affolement contenu dans le cadre du tableau
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LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE RAIE (SOUTINE)
Il tient surtout à l’aspect vivant et goguenard de la raie en imprimant à son cadavre éventrée un mouvement d’essor jubilatoire, il associe les entrailles sanguinolentes du poisson à la bouche souriante presque humaine et fait revivre presque métaphoriquement la raie morte en suggérant par une touche épaisse et fluide, la chair visqueuse de son ventre.
une sorte de bondissement au-dessus des accessoires de la nature morte non pas accroché au mur comme CHARDIN mais suspendu dans les airs transforme la dépouille sanguinolente en une apparition fabuleuse. La raie ainsi projeté échappe à l’alternative du pur et de l’impur , destiné ou non de l’animal mort destiné a être mangé pour rejoindre la catégorie paradoxale des êtres entre la vie et la mort ou momentanément vivant comme chez les juifs : la golem ( ici corps de raie à tête humaine). Ce poisson anthropographique remplace ici le veau du Talmud. Il s’émancipe de la nature morte et de l’apparence objective de poisson pour acquérir une dimension épique, réplique monstrueuse et triviale.
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On peut faire un comparatif également avec LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE.
Comme la raie de SOUTINE, la forme biomorphique est suspendue dans les airs , essaye de prendre son essor mais est retenu au bas du corps par un monstre en forme de reptile qui le ceinture et l’empêche de fuir. Cette forme est aussi entre la vie et la mort car elle est attaquée de toutes parts pour être dévorée. Sa forme est aussi anthropomorphique, Extrait de corps humain ( Jambe) avec tête d’animal (oiseau).
Comme la raie de SOUTINE éventrée et en suspension , le visage n’a pas l’air d’être atteint par la douleur. Ici dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « , la bouche est cachée par le bec plaqué sur le visage et les yeux, deux points noirs sont inexpressifs. Le visage parait serin même avec le sang qui dégouline. Une explication à cet état déjà évoqué dans l’étude est que la forme biomorphique ( auto portrait de DE KOONING) est déjà dans un état second de transmutation. La douleur est annihilée par un sentiment de bonheur de joie grâce à sa nouvelle muse qu’il vient de rencontrer et son cauchemar fini par se transformer en rêve d’amour. L’amour est plus fort que la douleur et la mort ( voir dessin au dos du tableau) .
De KOONING se regarde lui-même et assiste à la scène à travers un visage fantomatique à droite de la forme biomorphique a la ressemblance d’un dessin de tête grise de GIACOMETTI. Il se voit dans son état de métamorphose
Comme la raie de SOUTINE qui survole en riant, la forme biomorphique de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » à l’air d’être insensible à la douleur et n’essaye même pas de se défendre
Comme la raie qui semble avoir échappé déjà à l’instant de la mise à mort car elle est en phase de métamorphose écartelé et crucifié par sa forme même. La forme biomorphique le corps lié en bas et en cours d’être dévoré est également en phase de métamorphose grâce à l’amour
SOUTINE veut nous dire que dans sa vie malgré toutes les souffrances qu’il endure, les persécutions, les errances, une libération malgré tout semble se dessiner .
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Il reprendra les mêmes thèmes de la libération à la fin de sa vie quand il passera des tableaux aux paysages cataclysmiques aux tableaux bucoliques d’une mère et son fils au milieu des champs fleuris et verdoyant alors que dans sa vie tout va mal et que la maladie le rongera jusqu’à la mort
SOUTINE quand il peint des animaux morts que ça soit des bœufs écorchés, des raies, des saumons, des faisans, des lapins c’est sans doute parce que REMBRANDT, CHARDIN, mais aussi des peintres comme OUDRY, DESPORTES et les peintres de BODEGON espagnols l’ont fasciné pour leur façon de peindre et de mettre en scène les animaux morts , il n’en reste pas moins que pour SOUTINE ces sujets sont bien autre chose que de pittoresques tableaux de chasse dans un hommage à l’âge classique des natures mortes, à la noblesse de l’exercice . Pour les deux peintres , SOUTINE ET DE KOONING ce sont des symboles de la vie , de la mort
LES FEMMES « WOMAN » ET CHANGEMENT DE
PALETTES
La visite de WILLEM DE KOONING avec sa femme ELAINE a joué le rôle de catalyseur en aidant DE KOONING à mener à terme ses « WOMAN ».
« WOMAN 1 » a été un tournant important dans le travail de DE KOONING. C’est une période de passage entre l’abstraction et la Figuration ou plus précisément une cohabitation des deux dans les mêmes tableaux. C’est aussi une période clé de l’ascension vers la gloire mais en même temps, une pluie de critiques pour ceux qui voyaient en DE KOONING le digne remplaçant de POLLOCK après sa mort comme chef de file de l’expressionnisme abstrait. Cette gloire subite, n’a pas empêché son doute et son manque de confiance dans sa peinture
Une semaine après la visite, Elaine écrit à William THEO BROWN que BILL ( WILLEM DE KOONING) a fini deux de ses grandes « WOMAN » . Il s’agit sans doute de WOMAN II et WOMAN III et il continuera à travailler sur cet ensemble . Le pouvoir expressif de son imagination s’intensifie pour arriver à un point culminant avec l’hilarité féroce de « WOMAN AND BICYCLE » et de l’extraordinaire présence de WOMAN I qu’il a mis 2 ans à terminer et dont le calque de la jambe droite de l’étape 1 sera à la base du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
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Lors de son exposition des « WOMAN à la Janis SYDNEY GALLERY où il présente sa série , il provoque une tempête chez les critiques.
Les tableaux étaient tellement différents de ceux de leur époque que le peintre doutait de lui-même jusqu’à parfois les abandonner notamment « WOMAN1 » qui sans l’intervention de SHAPIRO pour l’encourager à continuer le tableau aurait peut-être été définitivement mis au rencard. On peut faire le parallèle pour le tableau les « DEMOISELLES D’AVIGNON « de PICASSO tellement différent de ce qui se faisait à PARIS qu’il ne voulait pas le montrer. Il a fallu l’intervention d’APOLINAIRE pour persuader le collectionneur DOUCET de l’acheter . Même des amis DERAIN, BRAQUE… s’étaient offusqués de cette œuvre .BRAQUE aurait dit du tableau à PICASSO que regarder ce tableau « C’est comme si tu voulais nous donner à boire du pétrole pour cracher du feu »
Par la suite,, dans ses peintures , DE KOONING doit une partie de son énergie et de la richesse évocatrice de l’extraordinaire découverte à MERION des tableaux de SOUTINE à la fin du printemps 1952. L’impact visuel des tableaux qu’il a vu restera présent dans sa mémoire pendant des décennies.
Philip KENICOTT ( critique d’art) a lié les peintures « WOMAN » directement aux angoisses et mal être de DE KOONING affirmant qu’elles sont en quelque sorte des autoportraits de vives représentations de soi en travesti et il les montre tordues, étirées, tirées , cassées et fait ainsi état de sa misogynie. Les femmes qu’il a peinte dans les années 50 et plus tard dans les années 60 sont inutilement fortes et vulgaires avec un sourire effrayant, des seins énormes , des yeux béants et un sens carnavalesque du pouvoir sexuel et de la volatilité.
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Dans son analyse des peintures de « WOMAN » Janet HOBHOUSE veut dire que quelque chose est manifeste à la fois par l'élément expressionniste de l'art (il est clair qu'il est énervé par quelque chose, tous ces coups de pinceaux violents et jamais résolus, prouesses passionnées sur toile) et par le sujet répété de manière obsessionnelle (la présence constante de la « femme » dans son travail, provocateur pour toutes sortes de raisons, historique de l'art autant que personnel) (Hobhouse, 1988, 238).
Sur les peintures des « WOMAN» qui seront l'art définissant de Kooning, Précisément elles soulignent leur expressionnisme : « Ce sont des interprétations puissantes et hautement expressionnistes dans lesquelles la sauvagerie du coup de pinceau semble tout sauf sans conséquence liée aux images (Hobhouse, 1988, 244).Avec le temps, de Kooning finira par être un membre à succès de l’expressionnisme abstrait américain d’après guerre ( WILLIAM F BIRDSALL)
Au départ de WOMAN1 , DE DE KOONING a cherché à combiner et à unifier des sources aussi disparates que des sources anciennes avec de la publicité moderne pour les cigarettes ,découpée dans un magazine ou figurait les lèvres séduisantes d’un mannequin et il finit par se trouver dans une impasse.
Juan PORRERO qui a fait une étude sur DE KOONING signale que WOMAN I est le résultat d’une suite de ruptures avec des images que le peintre considérait comme stéréotypées et qui élevait le repentir à la catégorie d’images
Ayant commencé par placer la figure au milieu de la toile pour se débarrasser de toutes les contraintes de composition, le peintre tomba dans une situation presque absurde : il n’arrivait pas à saisir l’anatomie. La picturalité avait pris le dessus sur la description du corps et la forme lui échappait sans cesse.
Il abandonna le travail qui fut repris grâce à SHAPIRO et à sa visite à la fondation BARNES qui exposait les tableaux de SOUTINE. Pour lui le geste pictural tel qu’il l’a observé sur les surfaces d’œuvres luxuriantes comme « LE PETIT PATISSIER » LES PAYSAGES DU MIDI ou LES ANIMAUX MORTS , ANIMAUX ECORCHES s’est avéré décisif. Toutes ces œuvres de SOUTINE possédaient toute la sensualité qu’il recherchait et qu’il trouvait dans les peintures de SOUTINE.
C’est alors aussi qu’à la suite de sa visite à MERION en 1952 , il efface toute trace d’espace intérieur de telle sorte que la figure assise de WOMAN1 ne fasse plus qu’un avec l’espace environnemental.. La distinction conventionnelle entre 1er plan et fond disparait . 1er plan et fond sont étroitement imbriqués l’un dans l’autre et la surface animée par la présence d’une figure féminine s’impose
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D’autre part s’appuyant sur la matérialité expressive de la peinture, DE KOONING trouve également chez SOUTINE des idées de compositions.
Ainsi dans « WOMAN V »la pose frontale de la femme dans l’eau ressemble à la position de « la femme entrant dans l’eau » de SOUTINE, elle-même inspiré de « femme se baignant dans une rivière » de REMBRANDT »
Dans les six tableaux de « WOMAN »Les effets de déformations expressives du visage et du corps , les caricatures expressionnistes , les mouvements débridés de la touche très gestuelle sont aussi en partie le fruit de la profonde admiration que portait DE KOONING à SOUTINE. Il a atteint avec cette série un point de non-retour
Pour Eric R KANDEL, « WOMAN 1 » est considéré à ce jour comme une des images les plus dérangeantes de la femme dans l’histoire de l’art et pourtant dans ses études DE KOONING a voulu souvent exprimer son enchantement avec des filles américaines qui sont belles, lumineuses, charmantes. Certaines études ressemblent à sa femme Elaine mais en peignant, les femmes deviennent féroces en puisant dans ses sources expressionnistes et en particulier son héros SOUTINE ( WILLIAM F BIRDSALL)
Dans le New York moderniste, de Kooning a puisé son courage dans le dévouement constant de SOUTINE, un outsider emblématique, à la grande tradition de la peinture ancienne occidentale, notamment son regard pour les maîtres hollandais REMBRANDT et VAN GOGH .Dans ses peintures de carcasses d'animaux, une version contemporaine de la carcasse de bœuf de REMBRANDT ,SOUTINE semblait sonder…l'intestin de l’existence moderne. Pas moins que SOUTINE , DE KOONING, dans WOMAN espérait apporter un éclairage à l'art sans abandonner ce qui l'a précédé (Stevens et Swan)
Depuis la série des « WOMAN » des années 50, on remarque plusieurs changements de palettes. Elles sont caractérisées par des lignes dessinées au charbon de bois avec du noir enamel pour ancrer l’image et apporter de l’ordre à la couleur
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Dans les séries des « WOMAN » des années 60, il n’y a plus d’ancrage par les lignes qui ont disparues, ce qui restent ce sont les grands coups de peinture et il adopte des peintures pales de pêche ,de rose et de turquoise imagées par une phrase de HOWARD JOHNSON qui compare les couleurs des tableaux « WOMAN » des années 60 a une saveur de crème glacée qui fond dans une œuvre . La fin des années 60 et années 70 est un retour aux peintures chaudes de ROUGE ,VERT, ORANGE,JAUNE ou alternent peintures de joie comme «FLOWERS MARY’S TABLE » et de mélancolie de pessimisme comme LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
Pour WOMAN 1 il commence à travailler à partir de nombreux dessins et fragments de collage, il remplit la toile de multiples images d’une femme assise dans un intérieur puis il gratte la figure. Son épouse ELAINE dit plus tard que près de 200 images ont précédé l’état final de ce qui sera WOMAN1.De ses nombreuses étapes préalables dans un processus de reconstruction radical , séance après séance, il reprend inlassablement l’esquisse au fusain et procède par grattage et recouvrements successifs
il ne resta que quelques photographies prises par les deux photographes RUDY BURCKHARDT et WALTER AUERBACH et de nombreux calques de ces étapes intermédiaires
WOMAN 1 est un des tableaux du XXéme siècle qui a été le plus commenté et controversé par les critiques d’art et les écrivains
Pour Eric R KENDEL, WOMAN I c’est la mère de DE KOONING, violente qui a opprimé son fils mais c’est aussi l’éternelle femme dans la fertilité , la maternité au pouvoir sexuel agressif et dans la sauvagerie. Elle est à la fois Mère de la terre et femme fatale. Avec cette image marquée par des dents en forme de crocs et d’énormes yeux qui font écho à ses énormes seins. DE KOONING a donné naissance à une nouvelle synthèse du féminisme.
STEVENS ET SWAN rapportent les propos de DE KOONING dans une conversation il dit : « Je ne peux m’échapper de la femme, partout ou je regarde , je la trouve »
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Pour LAUTER, DE KOONING explore plusieurs types de pouvoir féminin y compris la référence habituelle, de la séductrice et quelques fois de la sorcière dangereuse, de la belle idole, de la folle et de la terrible mère
En 2011 Philip KENICOTT a lié les peintures « WOMAN » directement aux angoisses de DE KOONING affirmant » qu’ils sont en quelque sorte des autoportraits à vive représentation de soi en travesti d’un peintre soutient de son propre talent, comme sont les femmes en autant de directions comme sont ses femmes, tordues, étirées et cassées .Les peintures de DE KOONING renforcent le sentiment qu’il était probablement mysogine ou profondément en conflit au sujet des femmes. Les femmes qu’il a peinte dans les années 50 et plus tard dans les teintes de rose sont vulgaires avec des sourires sinistres , des seins énormes des yeux béants et un sens carnavalesque du pouvoir sexuel et de la votabilité
WILLIAM F BIRDSALL nous dit à propos des WOMAN 1 que la création et la réaction à WOMAN fait écho a des éléments du scénario de JOHN BERGER ( critique de PICASSO) quand il parle des demoiselles d’Avignon de PICASSO dont le but était de choquer et que c’était une attaque frontale furieuse non pas contre la sexualité et l’immoralité mais contre la vie telle que PICASSO la trouvait avec le gaspillage,, la maladie, la laideur et qu’il utilisait son sens du primitif pour violer et choquer le civilisé. Le motif et la matérialité sont le résultat d’une agression non d’une esthétique.
La création et la réaction de WOMAN1 reprennent le scénario de BERGER. Dans WOMAN 1 il y a de la rage avec l’image décousue de la femme contre la société de consommation américaine de l’après guerre fracturée. « WOMAN 1 » c’est aussi comme « Les demoiselles d’Avignon » l’image du primitif pour critiquer l’Amérique qui l’entoure .
Un critique de la rétrospective de DE KOONING de 2011 a observé que l’aspect agressive des WOMAN est aussi du à ses relations avec les femmes qui l’ont abandonné et que contrairement à PICASSO et sa domination sur les femmes , Les femmes de DE KOONING le domine et il ne leur échappera jamais
CYNTHIA FREELAND en 2011 nous dit que WOMAN 1 semble exprimer l’ambivalence et la complexité de l’artiste dans ses sentiments à l’égard des femmes qu’il considère à la fois séduisantes mais aussi effrayantes et dévorantes.
L’historienne d’art ROSALIND KRAUSS a conclu que WOMAN I était le fétiche de DE KOONING qui avait répliqué : « Je ne peux pas m’en sortir….. Partout ou je regarde , je la trouve)
En peignant , la femme féroce dans WOMAN 1, il s’était inspiré de ses sources expressionnistes et en particulier son héros : SOUTINE. Ce tableau l’a hanté toute sa vie jusqu’à en avoir des cauchemars ,
c’est tout le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » l’histoire d’un cauchemar morbide qui fini par se conclure dans la joie et l’amour ( dos du tableau
Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE contient au centre en rouge de bas en haut du tableau une forme biomorphique que le peintre a animé avec une tête, des yeux, un bec qui est un fragment de WOMAN1 ( étape 1) , la jambe droite que le peintre a détaché pour en recréer un nouvel être qui semble être un autoportrait du peintre dans son cauchemar qu’il a subit . Ce nouvel être biomorphique exprime également l’angoisse, le mal être et un sentiment de terreur ( dévoré par des monstres des marais et de la mer).mais en fin de compte c’est la délivrance la joie et l’amour qui est exprimé au dos du tableau dans un hymne à l’amour pour Emilie KILGORE
On peut y voir dans l’organisation de la toile des « WOMAN « et celle de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » des ressemblances .
Dans les toiles des « WOMAN » , les touches extérieures , chargées de couleur , remplissent deux fonctions : centrifuges, elle s’enroule autour de la figure de « WOMAN » en faisant des fonds , des éléments de contournement de la figure : agressives, elles attaquent par endroits les corps les liant au fond et provoquant une confusion visuelle. On peut voir que le fond et la figure se confondent dans un magma pictural empêchant une identification nette de la figure
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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE,des touches extérieures à la forme biomorphique remplissent les creux ,la concavité laissés par la forme biomorphique , certaines s’enroulent autour de la forme rouge centrale, d’autres font office de monstres des marais et de la mer aux formes imprécises qui laissent place à l’imagination . L’imbrication de ses touches de fond et de la forme biomorphique ont également comme résultat de lier le fond et la forme biomorphique et de supprimer toute perspective et espace entre le fond du tableau et la forme biomorphique.
Autre signe de WOMAN dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » , le peintre a fabriqué en plus des monstres des marais et de la mer , un monstre à partir de « WOMAN »c’est une tête fantomatique et démoniaque à la manière de la tête de WOMAN de « WOMAN AND BICYCLE » avec son échancrure au milieu de crane son nez en forme de triangle et des yeux glaçants, sa couleur est noire de terreur comme les autres formes noires qui sont les dévoreurs de la forme biomorphique, Ici c’est un être démoniaque qui d’un œil se délecte à le vue de la forme qui se fait dévorer et de l’autre regardant agressivement le spectateur de la scène . Les autres taches du fond sont là pour donner du mouvement à l’eau des marais et de la mer, centrifuge à gauche et reflétant les mouvements du flux et du reflux de la mer à droite. Cette forme biomorphique c’est donc une régénérescence de WOMAN1 par sa jambe droite . Le peintre a crée un nouvel être , lui a donné la vie . C’est comme Mary SHELLEY qui a crée son FRANKENSTEIN à partir de fragments de corps humain..
Cette scène de cauchemar a hanté les nuits du peintre , il en aurait fait ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ». Dans leur livre « DE KOONING , An American master » STEVENS et SWAN nous parlent des cauchemars de DE KOONING avec des monstres qu’il finira par maitriser. LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE relate sans doute cette maitrise et la fin de ses cauchemars grâce à sa rencontre avec Emilie KILGORE suggéré au dos du tableau
Dans d’autres tableaux il a crée d’autres formes organiques, vivantes, biomorphiques à partir de bras , de têtes, de yeux, de cranes , de seins , de bouches prélevés sur « WOMAN 1 « ou d’autres WOMAN pris avant ou après sa création de WOMAN1. Par exemple dans excavation produit avant WOMAN 1, on trouve de nombreux extraits de fragments humains plus ou moins reconnaissables.
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A propos de « WOMAN 1 « Robert ROSENBLUM écrivait que les énergies apparemment infinies dépensées par DE KOONING sur « WOMAN1 » ont donné naissance à une énorme proportion de frères et sœurs et de duplication de fragments du corps de WOMAN1 qu’on retrouve dans de nombreux tableaux, « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est certainement l’un de ceux dont parle Robert ROSENBLUM
Ce changement de palettes évoqué à partir des WOMAN des années 50 et plus tard à partir des années 70 suite à la rencontre avec Emilie KILGORE dont LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE pourrait être un des tableaux qui fait transition entre les tableaux de fin des années 60 tels que « the visit » « the man » avec leur parfum de terreur et de mort et à partir de 1970 -1971 ou les tableaux sont devenus des hymnes à la joie, à l’humour à la gaité , à la beauté des couleurs chatoyantes avec des tableaux comme « RED MAN WITH MOUSTACHE » , FLOWERS MAR’YS TABLE »
« WOMAN » de DE KOONING on le rencontre aussi chez SOUTINE qui est dans le pessimisme, la panique, la destruction, la morbidité avec les bœufs écorchés , les animaux morts et c’est quand la maladie le prend tout entier , qu’il est traqué comme juif durant la querre et qu’il sent que la fin est proche qu’il fait ses tableaux les plus paisibles, les plus doux avec ses toiles de mères et d’enfants dans des paysages verts et fleuris qui malheureusement seront stoppés par la mort du peintre en 1943
Avec LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, de plus en plus , le peintre se tourne vers l’intérieur à la recherche d’une pastorale. Dans ce tableau il y a le jeu de pinceau sur le corps de la forme biomorphique mais aussi le jeu de pinceau qui donne les reflets de la lumière sur l’eau des marais et de la mer, des endroits près de chez lui ou il aimait se promener et regarder longuement les variations des paysages aqueux.
Il préférait cet accouplement des paysages , des corps fragmentés et des aperçus plutôt que toute une description parfaite et ce qu’il recherchait avant tout , c’était l’instabilité. Il ne trouvait son inspiration que dans l’instabilité des choses et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE lui convenait parfaitement car il n’y a rien de plus instable que l’eau qui circule, la mer ou les marais.. Chaque seconde change la vue avec les courants et les reflets du ciel changeant sur l’eau.
Même dans ses tableaux qui respire la tranquillité , l’apaisement avec des couleurs comme des pastels à l’exemple de « FLOWERS MARY’S TABLE » l’instabilité est présente avec ses jeux de peinture rouge courts et la table en déséquilibre
FIGURES ,PORTRAITS
Tout d’abord il faut dire que DE KOONING a rarement représenté la figure masculine dans ses peintures après celles des années 30 et 40 , quelque fois la figure masculine est restée présente par la suite dans ses dessins. Quand il le faisait, l’image avait souvent une connotation autobiographique et typiquement comme sa crucifixion de dessins ( For santa Emilia- six tears for six saints ) de 1972 reflétait des sentiments de persécution et de souffrance.
Pour SOUTINE peindre des portraits, c’est amené à l’existence de l’image des inconnus, des anonymes, des malheureux pas pour rivaliser avec la peinture d’histoire, d’ailleurs des histoires il est incapable d’en raconter, aucun tableau en fait état. On ne connait de la sienne que ce que ses contemporains ont bien voulu en dire, le plus souvent dans la caricature
Dans la pratique SOUTINE ET DE KOONING conservent la figure organique ( humaine , animale) en cherchant à la défigurer, ils réalisent des visages tordus et des corps aux silhouettes déformées. Dans son autoportrait appelé aussi « GROTESQUE « , SOUTINE ne s’épargne pas, il se présente avec les lèvres charnues et protubérantes, un nez démesuré et un bras allongé . Il n’hésite pas non plus à accentuer la sinuosité des corps comme dans « LA FEMME EN ROUGE»
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le peintre se présente en auto -portrait dans une forme biomorphique à tête d’oiseau qui est un fragment de corps de sa création WOMAN1 , fragment détaché auquel il a donné la vie
Souvent les personnages de SOUTINE nous fixent intensément comme si ils nous sollicitaient une réponse ,réponse empêchée par la peinture , trop occupé que nous sommes à la fixer du regard à notre tour sans comprendre ce que ces yeux inégaux cherchent à voir
Les modèles de SOUTINE ouvrent des yeux énormes ou minuscules , brûlant d’une asymétrie éperdue. Des yeux mal appareillés taillés à le serpe et qui se disputent la place. Dans certains cas c’est le chas d’une aiguille à coudre, un trou d’homme à peine ouvert ou passe le trou de la folie, une découpure de rien , la fente inhabitée d’un masque de carnaval ( Xavier GIRARD).C’est le point fixe d’un tournoiement de tout le reste des peintures, c’est la jonction entre l’intérieur et l’extérieur.
Les mains comme les épaules et les bras ont leur vie propre mais restent solidaires du corps. Disproportionnés et vacants , de grosses mains jetées à la surface du regardeur pour le prévenir de la rudesse du monde. Des bras loin du corps amples et dégingandé, des vêtements auxquels il s’identifie et qui lui font une carapace en couleur ( Xavier GIRARD)
Quand il peint des portraits de domestiques dans une pose servile , c’est lui-même qui se découvre, lui-même qu’il hait et se frappe lui-même , qui se révèle à lui-même . Satisfait du succès présent, jouissant d’un confort financier nouveau et pourtant à jamais son masque de pauvre.
SOUTINE cherche à réduire la distance entre figure portraituré et regardeur, qui nous prend à témoin
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique est très simplifiée, tête d’oiseau , 2 yeux , 1 bec , un corps sans membres ‘ c’est à l’origine une jambe de « WOMAN 1 « stade 1.
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Cette forme est proche du regardeur et donne aussi comme les portraits de SOUTINE, un sentiment de gène chez le regardeur qui voit la forme attaquée de toute part et ne peut intervenir, impuissant devant la scène qui se déroule sous ses yeux . Cette forme est si proche du regardeur qu’elle semble nous regarder,nous demander de l’aide ,son pied est prisonnier d’un monstre et l’empêche de bouger et de s’échapper et sans pouvoir se défendre elle est attirée vers l’eau vers les ténèbres des marais qui abritent ces monstres et nous n’y pouvons rien. Sur la droite au niveau de la tête de la forme une tête fantomatique ressemblant à une tête des dessins de GIACOMETTI assiste également à la scène de dévoration et montre aussi son impuissance également ( c’est l’esprit, la conscience de DE KOONING dans son propre rêve qui se voit dévoré par des monstres.)
Dans son « AUTO PORTRAIT » de 1918 les yeux de SOUTINE ont peur . SOUTINE a peur de ses yeux, de ses yeux qui le dévisagent dans le miroir ou il s’observe. Et cette peur transforme la réalité du portrait en une illusion de présence démultipliée , peut être menaçante, Le visage qui préexiste à l’autoportrait est celui d’un écorché rouge avec deux trous noirs à la place des yeux , la bouche coupée
une toile dans la toile envahit le tableau, celle sur laquelle il va peindre son portrait mais le portrait de SOUTINE semble exister déjà sur la toile avant même qu’il ne commence à la peindre. Le portrait est sur le dos de la toile qu’il va peindre.
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Très étrangement on peut faire le rapprochement de ce double autoportrait du tableau de SOUTINE « autoportrait de 1918 » avec le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. En effet dans le même ordre ,la forme biomorphique peut être considéré comme l’autoportrait du rêve cauchemardesque de DE KOONING , sur le coté droit au niveau du visage de la forme biomorphique on remarque dans l’ombre ,un visage fantomatique tout en long à la GIACOMETTI , c’est aussi l’autoportrait , l’esprit de DE KOONING dans son sommeil qui se voit en forme biomorphique, et se voit écorché par des monstres au travers de leurs yeux liés respectifs, il y a donc démultiplication de la même façon que l’autoportrait de 1918.
TETE FANTOMATIQUE "LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE"
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Pour en revenir à SOUTINE, On dirait souvent que les yeux n’appartient pas tout à fait au visage avec lequel ils ont été assemblés inégalement comme les oreilles , le nez, la bouche . Dans le cas du « Maitre d’hotel » ses yeux louchent affreusement , son nez et sa bouche partent en coin, Ses yeux le font grimacer. Soutine peint une humanité qui a perdu l’équilibre dont la vie s’échappe, beaucoup d’entre eux ne semblent pas comprendre ce qui se passe , l’un des personnages a une épaule plus haute, l’autre les mains ballantes un autre encore est montré de traviole mais ses portraits ne sont pas des monstres. Tous ont l’air d’ignorer ce qui se passe de l’autre coté du miroir mais contrairement à PICASSO , SOUTINE ne disloque pas le visage , il se borne à faire apparaître les déséquilibres internes el les lignes de fuite, un œil se transforme en trou noir, il déplace les axes du nez de la bouche, les oreilles semblent démesurées, le nez ressemble à un nez d’ivrogne rouge et augmente en taille. Si MODIGLIANI a tendance à allonger les cou , SOUTINE lui donne le champs libre au grotesque.
Soutine ne peint pas un visage scrupuleusement reproduit mais donne libre cours au rictus d’une bouche, au décollement d’une oreille ou d’un nez de travers jusqu’à ce que le portrait du sujet en face de lui devient méconnaissable et se révèle à l’insu du modèle. En maltraitant ainsi manifestement la figure , en la montrant difforme et désaxée SOUTINE cherche t’il à obvier l’interdit de la représentation anthropomorphique .
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Cette représentation anthropomorphique que l’on retrouve dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » où une forme biomorphique , sujet principal du tableau semble être un être mi poisson, mi oiseau et dont il semble être l’autoportrait du peintre lui-même. Les yeux sont des trous noirs désaxés, le long bec en pointe tombe sur le visage et cache la bouche, il n’y a pas d’oreilles ni de membres et n’a rien d’humain ni d’un animal reconnaissable. Il est entouré de monstres agressifs
Les yeux dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » comme ceux des tableaux de SOUTINE ont aussi une importance non négligeables.Ceux de la forme biomorphique , des trous noirs désaxés tombant vers le bas comme le bec, inexpressifs, donnent bien l’idée de désarroi de découragement et de résignation face à l’adversité des monstres assoiffés de sang . Les yeux des monstres noirs à gauche sont des trous vides, habités par aucun sentiment sinon ceux de tuer. Les yeux de la tête de « WOMAN « en bas à gauche aussi désaxé , l’un regarde le spectateur à faire froid dans le dos , par la terreur qu’il exprime, l’autre regarde la scène de meurtre qui est en train de se produire sous les yeux et semble s’en délecter. Un autre paire d’yeux dans un visage en haut à droite qui ressemble aux dessins des têtes grise de GIACOMETTI. Les yeux comme tout le visage semble ici grands ouverts mais résignés , assistent à la scène sans pouvoir intervenir
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » nous pouvons percevoir un visage masculin fantomatique ( dans le style des figures grises de GIACOMETTI) , c’est l’esprit de DE KOONING dans son rêve qui se voit sous forme biomorphique a tête d’oiseau entrain de se faire dévorer par des monstres des marais et de la mer. Cela a donc comme ses autres figures dans ses tableaux une signification autobiographique
SOUTINE et DE KOONING ont tous les deux cherché à relever un défi majeur du XXeme siècle, peindre la figure du XXeme siècle, peindre la figure humaine.
Pour SOUTINE la figure porte le poids de l’histoire de l’art, tiraillé entre la nécessité de s’inspirer du passé et la nécessité de s’en défaire, il développera un style personnel ou la figure humaine est volontairement malmenée.
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Les relations du modèle et du paysage obéissent à une double contrainte.
Soit les figures réduites à un graffiti se perdent dans l’immensité de la vue ou se fondent dans la trame du paysage,
soit elles tendent à occuper la totalité du tableau et rejette le décor pour mieux coïncider avec lui.
Entre eux l’accord est impossible. S’il peint en 1917, « TROIS PAYSANS EN PLEIN « , c’est pour les plonger, dans l’embrasement général qui brouille leurs traits et qui ne retient des corps qu’une apparence vibratoire ( xavier GIRARD)ou bien les personnages sont dans le paysage juste par une silhouette fantomatique juste pour montrer que le paysage est habité et qu’il ne ressemble pas à une composition abstraite , que les habitants des villages ont un droit de passage dans les sentiers , aux bords des platanes etc . Les figures sont là pour donner au chaos , une apparence de normalité SOUTINE ne peint pas l’apocalypse, ne raconte aucune histoire
Ou bien au paysage SOUTINE substitue des effets de couleurs qu’il accorde à son sujet. Par exemple, l’idiot du village est immergé dans la pourpre d’un rideau.
SOUTINE ne sépare pas portrait et paysage pour sacrifier à un exigence stylistique. Leurs deux logiques figuratives, s’excluent inexorablement au nom d’une incompatibilité dont l’origine est à chercher en deçà des images, dans l’autorité du genre. Le paysage n’est pas le séjour des figures. Les corps sont étranger à leur lieu
DE KOONING n’a jamais abandonné la figure au profit de l’abstraction ou du paysage bien qu’il soit affilié à l’expressionnisme abstrait Américain
Chez les deux artistes , ce défi de la figuration est d’abord incarnée dans la tradition occidentale du portrait.
leurs corps sont étirés (à la manière d’un GRECO, D’un GIACOMETTO ou MODIGLIANI) et déformés ( Lili DAVENAS)
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tout comme les « WOMAN « de DE KOONING ou les tableaux « LA FIANCEE » ou « L’HOMME DANS UN MANTEAU VERT » de SOUTINE
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE La figure dans le paysage qu’est la forme biomorphique anthropomorphe est à rapprocher des figures de SOUTINE comme « LA FIANCEE » par la disposition centrale du sujet et sa position dans la toile qui fait toute la longueur du tableau. Similitude également dans l’étirement de la forme et surtout du visage( qui sont pourtant un simple calque de la jambe droite de WOMAN 1 ( etape 1) avec très peu de retouches) , les yeux légèrement décalés, la rougeur de la figure couleur sang, rapprochement aussi par rapport au fond entremêlé de couleurs froides de vert foncé marron avec des coups de pinceau courts qui remplissent les espaces en creux tout autour de la figure et dont l’aspect courbé donne du mouvement au tableau
La FIANCEE SOUTINE
« Si un certain gout de la caricature semble réunir les deux peintres, les modèles de SOUTINE conservent néanmoins leur identité malgré leur anonymat. Ce sont de simples connaissances par leur étrangeté partagé avec eux et il en fait des personnages comme s’il s’agissait de grands hommes de ce monde par leur apparence, leur gestuel et leur habillement . Soutine ne brosse pas le portrait d’une communauté ne dresse aucun constat, il fait des portraits comme il peint des natures mortes et des arbres dans le but de réaliser des tableaux qui suspendent pour un temps l’errance des formes…….. » ( Xavier GIRARD)
tandis que pour DE KOONING c’est l’anonymat et aucune identité singulière, hormis une poignée de figures comme , « MARYLIN MONROE » de 1954 , Les figures interrogent leur présence au monde, dans une approche résolument plus existentialiste. Les traits révulsés des WOMAN ont parfois alimenté la rumeur autour d’une misogynie prétendue du peintre, révélatrice d’une terreur sexuelle masculine qui serait le propre de l’époque »(Géraldine BRETAULT) qui s’ajoute à l’image de sa mère qui a terrorisé l’enfant WILLEM DE KOONING. Il n’avait pas revu sa mère pendant plus de 30 ans et ensuite seulement à deux reprises car il avait gardé d’elle une image de peur et de terreur qu’on peut retrouver dans ses « WOMAN »
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est un peu différent car sans reconnaitre les figures qui sont totalement une vue de l’esprit , l’idée générale du tableau qui semble représenter un cauchemar vécu par le peintre ( il parle de ses cauchemars peuplés de monstres relaté dans le livre De STEVENS/SWAN, An american master) nous montre un être au centre du tableau totalement inventé qui n’a aucun lien avec la réalité sauf que c’est un fragment de corps de WOMAN 1 ( étape1 ) et dont le peintre l’a extrait pour un faire un être vivant qui serait un autoportrait de DE KOONING et sur la droite un tête fantomatique c’est l’esprit du peintre se regardant dévoré par des montres
Pour en revenir plus précisément aux portraits de SOUTINE, il peint les figures horrifiques ou burlesques du monde dans lequel il vit « Les ignorants, les ouvriers , les artisans, les colporteurs, bref ceux que l’on groupe sous le nom de PROST (nom donné au SHTETL pour leur métier, leur état, leur formation sociale, leur lien d’origine ou leur caractère), la catégorie sociale du vulgaire , du pauvre juif sans éducation rangé dans une classe inférieure au boutiquier instruit qui pourra espérer accéder à la petite bourgeoisie du SHTETL. Le modèle de SOUTINE se caractérise par ses manières rudes, son humilité de manouvrier habitué à travailler sous le joug . Sans doute a-t-il à l’esprit, quand il peint ses portraits d’hommes ordinaires dans les vêtements de leurs métiers , les portraits de RAPHAEL, de Jean FOUQUET qui veulent hisser à la puissance du grand art , le peuple des anonymes ( xavier GIRARD) A la manière des maniéristes, SOUTINE peint son modèle dans ses plus beaux habits qui caractérise son état de groom de garçon boucher ou d’homme de prière, comme un prince souvent portant aussi un chapeau qui le caractérise mais celui-ci avec le regard du burlesque. Il recherchait ses modèles surtout parmi les personnes âgées malgré que celles-ci étaient rétissantes aux séances de pose . Il se faisait passer alors pour un personnage officiel envoyé par le commissaire de police pour faire un portrait !
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De KOONING lui ne peint pas ses figures , ses portraits à partir de modèles physiques. Il lui arrive de peindre des figures à partir de photos de magazines dont il colle des éléments de figures comme les yeux ou la bouche ,. Ses portraits sont féminins totalement sortis de l’imagination du peintre . On pourrait toutefois y voir des ressemblances avec certaines sculptures GORGONE mais aussi avec des portraits ressemblants aux personnage de PICASSO comme les « DEMOISELLES’ D’AVIGNON, portraits primitifs , minimalistes qui inspirent la répulsion, la peur la terreur mais aussi le grotesque , le laid
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, en bas à gauche on remarque un portrait ovale échancré tout en largeur,comme les visages de « WOMAN » des années 50 dans un environnement sombre, noir auprès des monstres des marais, de l’autre coté de la forme biomorphique, une tête fantomatique tout en longueur à la GIACOMETTI assiste à la scène de dépeçage sans pouvoir intervenir. Dans le tableau la figure biomorphique et les portraits se trouvent dans un paysage de marais et de mer.
Chez SOUTINE, les relations du modèle , de la figure, du portrait obéissent à une double contrainte. Soit les figures réduites à un graffiti se perdent dans l’immensité de la vue ou se fondent dans la trame du paysage, soit elles tendent à occuper la totalité du tableau et rejette le décor pour mieux coïncider avec lui. Entre eux l’accord est impossible ( Xavier GIRARD).Soutine ne sépare pas portrait et paysage pour sacrifier à une exigence stylistique. Le paysage n’est pas séjour des figures, les corps sont étrangers à un lieu . Les figures sont uniquement là pour donner au chaos général une apparence de normalité
C’est tout autre dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , les figures ont une importance centrale et ont chacune un rôle essentiel dans le paysage aqueux, il y a la forme biomorphique qui se fait dévorer par des figures de monstres sous le regard malveillant de la Figure de « WOMAN» et l’impuissance fantomatique de la Figure à la GIACOMETTI. Dans les tableaux de paysages de DE KOONING les corps sont fragmentés ( Têtes , jambes dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE) alors que dans les paysages de SOUTINE c’est le corps en entier qui marque sa présence mais sans importance véritable
Dans les portraits de SOUTINE , Le portrait au premier plan se détache du fond. Les contours sont nets entre le personnage et le fond , il n’y a en général pas d’intrusion entre les deux
Dans les tableaux de DE KOONING en particulier les « WOMAN » des années, 60 et les tableaux des années 70 , il n’y a pas de contours, de profondeur, d’espaces entre les personnages et le fond du tableau , d’autant plus que les corps sont fragmentés et semblent se balader entre le fond et le premier plan. Fond et 1er plan se confondent dans des enchevêtrements inextricables à l’exemple des tableaux comme « La GUARDIA IN A PAPER » de 1972, « RED MAN WITH MOUSTACHE» de 1971,TWO FIGURES « de 1964
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le sujet principal « la forme biomorphe n’a pas de contours distincts, c’est la peinture elle-même ou l’épaisseur de la peinture qui fait contours, il n’y a pas de lignes de démarcation. Des intrusions existent entre le fond et le premiers plan . Des coups de pinceaux noirs aux multiples ramifications pénètrent la forme biomorphique. En haut à droite , du grattage et de l’essuyage forment un flou ou fond et 1er pan se confondent dans les couleurs.
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Pour finir je reprendrais intégralement un article paru dans ART daily sur le processus de peinture de DE KOONING dont l’ensemble peut tout à fait s’accorder au tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
Le processus de DE KOONING pour construire une peinture était lié au mouvement qu’il dépeint pour travailler chaque peinture sur les 4 cotés. Il fait pivoter la peinture dans différentes directions. Une composition verticale devenant horizontale et vice et versa
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Les peintures mutaient constamment, rarement considérées comme terminées et une journée de travail était souvent grattée pour recommencer sur les traces des pigments qui l’avaient précédées
DE KOONING a travaillé sur plusieurs peintures simultanément, il utilisait du papier calque pour inverser, refléter, reproduire un mouvement et transférer l’image d’une œuvre à l’autre ou pour étudier un mouvement des deux cotés, travaillant aussi bien au recto ou au verso de la page
En 1972 DE KOONING a réalisé plusieurs figures liées aux peintures qui ont immédiatement précédé son travail avec la sculpture…..
L’environnement de l’artiste est souvent attribué à la fécondité de cette période lorsqu’il avait déménagé à SPRING dans LONG ISLAND. DE KOONING avait apprécié le paysage unique de la région et cela à bien des égards était entré et avait influencé son travail, cependant au milieu des années 70, il s’est de plus en plus préoccupé de son environnement immédiat, de sa lumière, de sa topographie ainsi qu’en particulier de l’eau du paysage autour d’un endroit appelé LOUISE POINT
A Louise POINT, DE KOONING a passé des heures à observer l’eau et ses reflets. Il est devenu captivé par la surface scintillante de l’eau et sa capacité à refléter et à fusionner l’imagerie de la terre, du ciel, des figures et de lui-même dans une surface abstraite de couleurs et de formes en constante évolution. C’est cet effet mercuriel qu’il a commencé à essayer d’imiter dans ses peintures, essayer de traduire ces relations dans le medium tout aussi fluide mais plus matériellement substantiel et plastique de la peinture .
« UNTITLED XXV » est une expression picturale joyeuse et fortement matérielle. Couche après couche, les formes et les couleurs peintes sont accumulées et superposées dans la toile carrée pour maintenir un équilibre dynamique et tenu .D’une certaine manière enracinée dans la nature mais apparemment absente de toute apparence figurative
En le rapportant à « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on peut tout a fait transposer cet article de ART DAILY pour ce tableau. Dans l’ordre de cet article,
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE aurait été travaillé sur 3 cotés, Le coté vertical qui correspond à l’accrochage, le côté opposé à 180 degré dans le sens du dégoulinage de la peinture rouge , dans le sens horizontal pour être parallèle au marécage et à la mer de chaque côté de la forme biomorphique
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A plusieurs endroits du tableau on remarque du grattage. Certains grattages ont une fonction utilitaire comme le grattage dans les parties sombres du fond pour éclaircir cette partie du tableau. D’autres grattages au niveau du haut de la tête biomorphique montre que celui-ci devait servir pour enlever la partie peinte et retravailler ensuite sur cette partie mais qui a été abandonnée par le peintre, on peut dire que ce tableau est resté inachevé . Sur le même plan plus à droite ,de la peinture a été enlevée et essuyée avec du papier pour repeindre dessus sauf qu’ici le peintre n’a pas repeint ce qui donne un effet de flou , cette partie est resté aussi inachevée.
La figure biomorphique anthropomorphique du tableau a été précédée par une sculpture N°10 faite en plâtre à ROME en 1969 puis transformée en bronze . Cette sculpture est comparable à la figure biomorphique du tableau avec sa forme de la jambe droite de WOMAN1 (étape 1), ses 2 yeux légèrement décalées, 1 bec d’oiseau. « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE « fait partie d’une nouvelle série de fin des années 60 début des années 70 aux formes figuratives, aux couleurs chatoyantes de rouge, orange, jaune
L’environnement de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est conforme aux tableaux de cette époque faits à LONG ISLAND dans un milieu aqueux de mer
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et marais. On y trouve dans cette toile, les effets de l’eau des marais et de la mer imagés par des rides à la surface ( conséquence du vent et des marées maritimes) les effets du ciel qui se reflètent dans la surface des marais et de la mer( couleurs sombres pour ciel nuageux, puits de lumières qui éclaircissent le tableau pour ciel ensoleillé)
LES PERSONNAGES
Dans les paysages de SOUTINE, les personnages sont secondaires peu reconnaissables , uniquement présents pour monter que le paysage est habité. Les personnages dominés par le paysage sont comme aspirés par celui-ci, dans lequel ils plongent pour s’y perdre, Le chemin que le personnage prend dans le paysage n’a souvent pas d’issue, pas de profondeur, il se trouve dans un monde de panique dont partout le sol se dérobe Des monstres ,des démons ça et là sont sur son passage. Leurs présences sont souvent signalées par un chapeau rouge, une tête cramoisie, une robe rouge coquelicot, parfois ils sont sont démesurément agrandis comme des diables ou rapetissés distendus. Dans d’autres tableaux SOUTINE peint seulement des ombres sans personnages qu’il a rendu plus vives par un peu de rouge
Les personnages dans les portraits de SOUTINE semblent étirés comme ceux de MODIGLIANI, GIACOMETTI ou LE GRECO à l’exemple de « LE VIEILLARD », « LA FIANCEE » « L’ENFANT DE CHOEUR » et donnent un effet de dramatisation , les têtes sont ovales en hauteur comme des œufs
Autant les personnages de SOUTINE dans le paysage semblent lointain et perdus , autant dans les portraits ils semblent si proches , si proches qu’ils semblent sortir du tableau
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On peut rapprocher ces personnages dans le paysage de SOUTINE ou les portraits avec ceux de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE dont la forme biomorphique est aspiré par les marais et la mer. Les monstres ne permettent pas à la forme de s’échapper, son pied étant ceinturé par un monstre qui l’entraine vers l’eau où un autre monstre sur le côté est entrain de le dévorer . La forme biomorphique faite à partir du calque de la jambe de WOMAN 1 , étape1 a également un aspect étiré qui traverse la toile de bas en haut avec une tête ovale en hauteur tout comme les portraits de SOUTINE évoqués ci-dessus. D’autres têtes de personnages se signalent dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE sous formes d’ombres mais têtes significatives que les amateurs du peintre de DE KOONING peuvent reconnaitre au premier coup d’œil en s’approchant très près du tableau . En bas à gauche dans la pénombre une tête de « WOMAN » des années 50 reconnaissable au haut du crâne échancré et les yeux glaçants et à droite en haut le visage étiré fantomatique d’une tête grise à la GIACOMETTI
LES FEMMES
Soutine a toujours eu des relations difficiles avec les femmes. Les récits sur SOUTINE et les femmes sont extrêmement contradictoires. On sait ce qu’il en dit en les poignants : jamais il n’a désigné leurs corps comme un élément de sensualité
D’après Clarisse NICOIDSKI ( SOUTINE ou la profanation) , il se montrait souvent lâche et sans scrupule avec les femmes et plus généralement envers les plus vulnérables que lui
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Les relations de DE KOONIG avec les femmes sont à l’origine des relations conflictuelles de DE KOONING avec sa mère ce qui s’est traduit dans sa vie par une aversion intense pour les engagements ( STEVENS, SWAN). Une expérience profonde, durable était un objectif inaccessible pour DE KOONING soutiennent STEVENS et SWAN même avec Emilie KILGORE , sa dernière muse dont il a montré sa fougue et son amour dans les années 70. Cette relation difficile avec les femmes sont transmise dans ses » WOMAN « des années 50.
DE KOONING disait des femmes dans sa peinture : « J’ai voulu peindre une fois la Madone ,parce que tous les artistes l’on fait à un moment donné , alors j’ai commencé à peindre des femmes. Certaines parmi les premières sont violentes, elle m’effrayaient même, mais je ne suis pas mysorine, je n’ai pas de mépris ni d’amertume envers les femmes ». « Dans les années 60 , les femmes que je peins sont très sympathiques et pastorales comme un paysage. Les femmes sont peut-être mon coté féminin mais avec de larges épaules, je ne suis pas très grand mais très masculin et cette masculinité mélangée à la féminité ressort sur la toile » Nous verrons dans des observations ci-dessous que ces propos ne sont pas totalement partagés par les critiques
WOMAN 1 deviendra le point de pivot auquel DE KOONING est revenu à des pratiques antérieures souvent liées à l’imagerie féminine
KROWN percevait « WOMAN » comme le fétiche de DE KOONING , l’enregistrement de l’étrange ouverture sur 1 doute impossible qui a fourni des répétitions sans fins
L’influence de SOUTINE est apparente dans le traitement de « WOMAN V ». La pose frontale de cette figure ressemble étroitement à « FEMME A LA PATAUGEOIRE » de SOUTINE qui a son tour se base sur le REMBRANDT « FEMME SE BAIGNANT DANS UNE RIVIERE »
On retrouve également des ressemblances avec « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » avec le personnage couleur rouge sang sur un fond sombre
De KOONING décrit souvent la transformation incontrôlable de la belle femme qu’il avait voulu peindre comme création d’un monstre. En cela l’influence de son héros envahissant « SOUTINE « était déterminant pour créer un être féroce
Cette femme monstre incontrôlable, on la retrouve dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « en bas à gauche en couleur noire avec sommet de la tête échancrée et des yeux qui vous glace le sang, elle se trouve en compagnie des monstres dont semble t’il elle donne les ordres d’attaquer la forme biomorphique .Cette tête féroce est très ressemblante à la Tête de « WOMAN WITH BICYCLE » de 1952
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Contrairement aux femmes de PICASSO qui sont dominées par le maitre, les femmes de DE KOONING le dominent , il ne leur échappe jamais
David SYLVESTER place « WOMAN 1 » parmi les légendaires chefs d’œuvres du XXeme siècle avec les œuvres de PICASSO « Les demoiselles d’Avignon » et GUERNICA » C’est l’image emblématique de l’homme et de l’artiste et marque un tournant important dans sa vie et son travail. WOMAN 1 a été un élément décisif à son ascension vers la gloire, c’est aussi un indice de son doute persistant. Il a commencé à travailler sur ce sujet en 1950 jusqu’au début 1952 ou après 1,5 ans il a arrêté cette peinture et l’abandonne dans son atelier . D’apès ELAINE DE KOONING , elle estime qu’avant le stade final , il a fallu 200 images . De ces étapes il ne reste que 6 photos prises par RUDY BUCKHARDT et WALTER AURERBACH qui ne représentent qu’une partie infime du travail réalisé.
Il continuera a travailler sur une série de peinture de « WOMAN » quand SHAPIRO le plus éminent des historiens d’art a visité son atelier et après avoir examiné la peinture « WOMAN 1 » , il l’encourage à la reprendre pour la terminer. Dans cette peinture, il avait compris DE KOONING l’homme et l’artiste ,Et comme VAN GOGH dont SHAPIRO était un admirateur inconditionnel cette peinture lui révélait que DE KOONING luttait contre ses démons et créait des tempêtes en peintures. . SHAPIRO se méfiait des approches hautement esthétiques préférant les artistes dont le travail «était d’éclater les formes dans un choix très personnel .DE KOONING repris le travail de « WOMAN 1 » et l’acheva à la mi 1952
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Thomas HESS décrit le travail de DE KOONING sur WOMAN 1 , deux ans de travail sur 1 rectangle de toile après avoir peint des centaines de fois . Il peignait vite et pouvait recouvrir la surface d’une toile en quelques heures mais venaient des semaines d’analyse, de dissections, de dessins de fragments de figures, de déplacements de dessins, de superpositions sur une autre ZONE.
Dans ses études DE KOONING a souvent exprimé son enchantement des filles américaines, belles, lumineuses, charmantes et pourtant dans ses « WOMAN » elles sont féroces, monstrueuses, démoniaques. En peignant la femme féroce , il s’était inspiré de ses sources expressionnistes en particulier son héros envahisseur SOUTINE
Dans le New-York moderniste De KOONING a puisé son courage dans le dévouement constant de SOUTINE, un outsider emblématique à la grande tradition de la peinture ancienne occidentale en particulier son regard pour les maîtres Néerlandais REMBRANDT et VAN GOGH
Pas moins que SOUTINE, DE KOONING dans WOMAN 1 espère apporter un éclairage moderne de l’art sans abandonner ce qui précède ( STEVENS, SWAN)
Pour BERGER, WOMAN 1 utilise son sens du primitif pour violer et choquer le civilisé. Le motif ,la manière , ses dislocations sont le résultat d’une agression non d’une esthétique dans une peinture de l’indignation qui représente la rage de DE KOONING
WOMAN 1 c’est aussi la critique de la femme américaine culturellement et socialement consommatrice. C’est l’utilisation du primitif pour critiquer l’amérique qui l’entoure
Ce tableau exprime donc toute la complexité, l’ambivalence des sentiments de DE KOONING avec les femmes à la fois sentiments de séduction mais aussi effrayantes et dévorantes et sources d’angoisse et de contradictions
Pour STEVENS et SWAN WOMAN1 , c’est aussi DE KOONING qui a été opprimé par une mère violente, difficiles relations entre DE KOONING et sa mère et donc la façon dont il voit sa mère
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POUR LAUTER, DE KOONING explore plusieurs types de pouvoir féminin y comprisla référence à sa mère,pouvoir de séduction et de dangereuse sorcière, d’idole et de folle
Pour Philip KENNICOT, il lie les peintures de « WOMAN » directement aux angoisses de DE KOONING et considère que les « WOMAN « sont en quelques sorte des autoportraits de DE KOONING, de représentation de soi , tordu , étiré et brisé.
Les peintures de « WOMAN » renforcent aussi le sentiment qu’il était probablement misogyne ou du moins profondément en conflit avec les femmes
Les femmes qu’il peint dans les années 50 sont fortes, vulgaires, criardes avec des seins énormes, des yeux béants et un sens carnavalesque du pouvoir sexuel et de la volatilité ( KENNICOOT)
Accompagnant WOMAN I , DE KOONING a continué à explorer le thème de la femme
Ces « WOMAN » aux multiples qualificatifs on les retrouve dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » sous différents aspects qui sont en corrélations avec ce qui est dit ci-dessus
Tout d’abord et ceci est répété à différents endroits de cette étude, ce tableau a pour origine la jambe droite de WOMAN 1 de son étape 1 dont il ne reste plus aujourd’hui que des photos prises durant l’exécution de cette étape qui a été suivi par des dizaines d’autres étapes avant de finir le tableau deux ans plus tard. De ces étapes DE KOONING en a fait des calques de différents fragments pour les replacer dans d’autres tableaux si l’occasion pouvait se présenter. La jambe droite de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est donc probablement l’un de ces fragments
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Il a crée cette forme biomorphique vivante en un autoportrait pour faire revivre son cauchemar en images dans un environnement de monstres de marais et en exprimant la terreur , la morbidité, les peurs ,les angoisses que lui ont fait vivre ses cauchemars . Comme tous ses cauchemars il était le spectateur qui est représenté ici par cette forme fantomatique à la droite de la forme qui ressemble aux figures grise de GIACOMETTI
Il existe une autre évocation dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » aux « WOMAN « des années 50, il s’agit de la tête noire en bas à gauche du tableau , ovale en largeur , une échancrure en haut du crane et des yeux qui vous glace le sang comme dans le visage de « WOMAN AND BICYCLE ». Cette figure se trouve dans le marais au milieu des monstres qui dévorent la forme biomorphique
La présence d’EMILIE KILGORE est essentielle pour la compréhension du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »
DE KOONING avait rencontré Emilie KILGORE pour la première fois au milieu de l’année 1970 et ils se virent plusieurs fois à la fin de l’été 1970 . De KOONING était totalement subjugué par MIMI ( Emilie KILGORE) et lui écrivait des lettres enflammées malgré que MIMI était mariée et qu’elle était plus réservée pour une relation avec DE KOONING
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Quelques mois avant de rencontrer MIMI ( EMILIE KILGORE)alors que DE KOONING était en pleine phase de dépression et était très affecté par ses cinq années de souleries précédentes, ses amis très préoccupés par son état organisèrent sous l’égide de son marchand FOURCADE un voyage au japon pour créer une diversion. Le japon l’intéressa et l’inspira et au retour il se mit à faire des lithographies et des gravures pendant plus d’un an . une de ses gravures « The MARSHES représentait un environnement de marais avec roseaux , des bulles suggéraient l’eau du marais
Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE a la particularité d'être une représentation de ses deux états d’âme du moment qui sont opposés qui s’entrechoquent et se bousculent : pessimisme sur la toile ( image des cauchemars du peintre avec monstres des marais qui dévorent la figure centrale) et optimisme inscrit et dessiné sur le dos du tableau ( hymne d'amour pour sa muse) par un enlacement des lettres des deux noms et les deux portraits qui se font faces de haut en bas dans la couleur de fond rose si particulière à WILLEM DE KOONING , ce rose que l'on retrouve dans" PINK LADY". Le dessin qui est probablement le portrait de Emilie KILGORE a une ressemblance avec le visage du tableau « MARYLIN MONROE » de 1954
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Quand on pose la question à DE KOONING pourquoi il l’avait peinte alors qu’à l’ époque pas très connue , elle avait peu d’admirateur ,il répondit « je ne sais pas , je peignais un tableau et un jour elle m’est apparu » Une apparition qui s’est imposé à lui pendant l’acte de création d’une nouvelle WOMAN. Peut être par analogie il fait référence à MARYLIN dont EMILE KILGORE lui est apparu aussi soudainement pour embelir sa vie.
C’est à Partir de fin 1970 que DE KOONING rencontre Emilie KILGORE au cours d’un Diner et que se nouera une amitié durable et productive jusqu’à la fin de sa vie . A propos de son amitié amoureuse pour Emilie il lui avait écrit : « Je vous dédie toutes mes peintures"
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DE KOONING lui offrit pendant toute la durée de leur relation de nombreux tableaux mais elle, ne demandait rien, pas d’argent, pas de toiles, pas de mariage, elle n’a même pas demandé plus de temps et ne le traitait pas comme un vieux, De KOONING se sentait plus jeune avec elle, réveillant une fois de plus ses rêves de jeunesse et la passion de ses jeunes années. Son enthousiasme balaya sa retraite chez lui ou il ne bougeait plus , seul quelques amis se déplaçaient pour venir le voir. Il sortait avec Emilie KILGORE au théâtre , aux concerts, aux musées , retournait dans des galeries, visitait les expositions etc
le motif de leur amour était établi. Ils pouvaient se voir dans Long Island pendant les vacances et des jours à NEW YORK et à Est HAMPTON, le reste du temps MIMI habitait à HOUSTON. Il disait que ses relations avec MIMI apportait plus de bonheur que ce qu’il avait connu avant et il lui dédie toutes ses peintures. De KOONING se sentait devenir plus jeune avec elle ,réveillant une fois de plus ses rêves de jeunesse et à la passion
Quant à Emilie KILGORE , elle était naturellement flattée par l’attention d’un homme qu’elle considérait comme un génie et qui ne pouvait manquer de répondre à son ardeur. Elle était aussi mobilisée par son intensité intérieure. Il combattait habituellement ses démons, dans un état de désespoir au sujet de son travail.
Dans beaucoup d’autres tableaux des années 70 de WILLEM DE KOONING on retrouve des signes , des références à Emilie KILGORE
A l’exemple du tableau « EAST HAMPTON GARDEN PARTY »portant une inscription « Happy BIRTHDAY » affectueuse au dos du tableau , lui dédiant à l’occasion de son anniversaire .
Dans une série de 6 dessins huiles et encres au titre de « FOR SANTA EMILIA-SIX TEARS FOR SIX SAINTS » en 1972.
Il est probable que le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » qui date de ce début de relation avec Emilie KIGORE est resté inachevé car il n’était plus en accord mentalement avec le tableau , le dessin du dos du tableau démontre que c’est la joie qui à remplacé son désespoir .le tableau LEG WOMAN IN THE LANSCAPE et d’autres tableaux comme les dessins de crucifixion de la même époque, DE KOONING il se met dans des personnages qui meurent pour ressusciter dans un être nouveau qui efface son passé pour être tout entier libre , pénétré par MIMI et retrouver sa jeunesse. Dans une lettre il disait : « Tu est moi-même plus que moi, tu es à l’intérieur de moi »
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De nombreuses lettres de DE KOONING à Emilie KILGORE nous renseigne sur l’état d’esprit De DE KOONING au début de leur relation. Il disait : « elle était l’ange qui m’a fait surpasser » Ces lettres exprimaient le sentiment d’urgence d’un être viellissant qui se désespérait de se renouveler lui-même comme artiste et que sa relation avec MIMI le faisait renaître dans son amour. A la fin des lettres il rajoutais quelque fois un petit dessin avec une annotation comme « Et je t’aime »
1971 c’est aussi la période ou DE KOONING n’a plus de marchand officiel, c’est une période de transition, Son marchand qui le représentait FOURCADE avait quitté la société KNOEDLER qui l’employait pour créer sa société FOURCADE DROLL en 1972. Sans marchand, il a peut être vendu ou offert LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE sans être enregistré nulle part ni par un marchand, ni par une galerie d’où l’inédit de ce tableau
1971 c’est aussi une année difficile pour DE KOONING. C’est la période de litige aux tribunaux avec un ancien marchand JANIS SIDNEY, période aussi de difficultés avec sa fille LISA et ses mauvaises fréquentations et toujours ses addictions à l’alcool qui ne s’arrangent pas. Le grand bonheur qui rend sa vie supportable, c’est sa rencontre avec Emilie KILGORE
Dans les années 70 nombre de peintures continuaient à augmenter sans titres, se distinguant uniquement par un nombre. Les peintures avaient un fort air de famille entre eux bien que la palette de DE KOONING étaient différentes de peinture en peinture. Elles contenaient toutes des idées empruntées à d’autres tableaux, L’eau est présente dans la plupart des tableaux, des figures similaires se retrouvent dans tous les sens, toutes les tailles, disparaissent et reviennent à l’exemple des chaussures hauts talons, des « WOMAN »des bras, des jambes, des yeux , des animaux difformes etc
Mais cela n’empêchait pas d’avoir toujours ses périodes de doute, ses périodes d’angoisse . Ses démons intérieurs étaient toujours présents. Son addiction à l’alcool ne s’arrêta pas . En 1973 son état de santé était tel que son entourage et lui- même décidèrent une nieme cure de désintoxication
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STATUES
SOUTINE n’était pas sculpteur, il n’a pas fait de sculpture mais ses peintures de portraits dans leur positions statiques d’immobilités ressemblent souvent à des statues de chair que ce soit les séries des pâtissiers, grooms, hommes de prière et lui même dans ses autoportraits s’est figuré en statue comme des bustes à l’ancienne
DE KOONING s’est fait sculpteur à partir de 1969 à ROME et ensuite dans son atelier au début des années 70. La forme principale biomorphique du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE semble une réplique d’une petite statue N°10 conçue en 1969 à ROME dans l’atelier de SCULPTURE de son ami HERZL lors de son voyage à ROME, une des 13 sculptures fabriquées dans cet atelier. Toutes ces sculptures sont des fragments de corps humain, La N°10 correspond à une jambe , C’est aussi probablement la jambe droite du tableau WOMAN 1 étape 1. Sur un certain angle de la sculpture on peut remarquer des yeux et un bec en V comme pour la peinture LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE.
QUELQUES COMPARAISONS AVEC DES TABLEAUX DE SOUTINE
LE VIADUC ROUGE
La couleur rouge est chez SOUTINE un outil de traversée, d’enjambement spectaculaire comme ce viaduc de 1919. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique rouge orange traverse de haut en bas le tableau et sépare d’un coté les marais et de l’autre la mer
LA COLLINE DE CERET
Hess en décrivant « LA COLLINE DE CERET »fait littéralement vivre cette peinture dont il loue précisément le fait qu’elle semble animée d’un souffle de vie. Appelant à notre imagination , il reconnait une profusion de détails dans des formes presque abstraites qui composent la crète de la colline ( CLAIRE BERNARDI)
Pour Xavier GIRARD, « la colline de CERET » rappelle la genèse avec cette sorte de pâte des origines pliée et repliée, travaillée en strates que la peinture englobe comme un tas, une allure d’ile des morts annoncée par de hauts cyprès, tumulus, montagne sacrée, pyramide primitive , montjoie, il est à la fois un vulgaire amoncellement de couches picturales et un Sinaï brûlant
COLLINE DE CERET
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Les maisons semblent se trouver sur une colline mais elles ont des dimensions qu’elles pourraient avoir si elles étaient au premier plan . ce trait est poussé à l’extrême dans la route de CAGNES de 1923 qui atteint des dimensions oniriques à cause de cette disproportion. La profondeur des maisons est donc rendu par le peintre d’après son expérience perceptible de la grandeur apparente en tant que grandeur variable de la même chose différemment situé par rapport à lui
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphe semble également disproportionné par rapport au reste du tableau et prend le 1/3 du tableau verticalement. Les monstres qui l’attaquent ont l’air disproportionnés. Il reproduit les choses probablement telles qu’elles lui sont apparus dans son cauchemar
ROUTE FOLLE A CAGNES ( 1924)
Elle s’élève soudainement , lassé d’être à terre et décollle vers un horizon inatteignable.
Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, on retrouve cette lévitation contre la pesanteur la forme biomorphique tente d’échapper à ses prédateurs qui l’entrainent vers les marais et la mer pour le dévorer
LA FEMME EN ROUGE
Cette peinture n’était pas présente à la fondation BARNES en 1952 mais au MOMA en 1950, DE KOONING l’avait probablement remarqué
On retrouve la marque dans son tableau WOMAN IN THE LANDSCAPE en 1971 et dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE dans l’étirement des personnages des deux peintures qui fait toute la longueur de la toile , la dominante de rouge dans un fond de couleur froide de vert foncé et de marron dans les deux toiles ; Le corps de la femme en rouge étirée est courbée avec un étranglement au niveau de la taille comme la forme biomorphique qui présente également des courbures avec un étirement au bas de la forme . De brefs coups de peinture entourent les formes des deux peintures enfin les visages ovales en hauteur de couleurs chair accompagnes de traits rouges de veines apparentes dans la femme en rouge et la figure ensanglantée de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
LA FEMME EN ROUGE
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LA FIANCEE DE 1923
Le personnage central traverse le tableau de bas en haut comme LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
Comme LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la lumière est concentrée sur la forme vue de très près , prend toute la longueur du tableau et une grosse partie de la surface et semble jaillir du tableau comme un diable de sa boîte
également tout autour du personnage par petites touches et dans le fond les couleurs sont froides de marron, de vert foncé
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LA FEMME ETENDUE SUR L’HERBE
Ici la tourmente se déchaine, qui fait trembler souterrainement le fond du tableau de SOUTINE. La femme qui est endormie dans l’herbe est dans un environnement menaçant comme si les herbes allaient ramper sur son corps abandonné au sommeil et l’amener à disparaitre . Les pieds perdent leur forme réelle, la main est déjà confondue avec la végétation. Vulnérable elle pourrait être morte. Autour de la dormeuse un tournoiement végétal se déchaine jusqu’à entrainer le corps sous les herbes
Ce tableau est a rapprocher de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. Positionnons le tableau horizontalement comme il a sans doute été conçu et l’analogie est remarquable . Ici l’herbe a été remplacée par une surface aqueuse tourmentée également et agressive , Des monstres des marais et de la mer rampent sur le corps pour l’entrainer vers l’eau pour dévorerla forme biomorphique et la faire disparaitre .
La scène à aussi un rapport avec le sommeil , ici le sommeil est remplacée par le cauchemar du peintre représente par la forme biomorphique
LES GLAIEULS
La série des glaïeuls est toute entière consacrée à la majesté du rouge. La couleur des fleurs se détache de la fleur réelle pour apparaitre comme une modalité triomphale de l’émanation féminine des pourpres. Pour accentuer cet effet d’apparition flamboyante SOUTINE fait surgir le bouquet sous fonds de ténèbres, les fleurs sont suspendues dans l’obscurité portés par la sorcellerie des tiges , pure puissance de diffusions colorées, épanchement irrésistible du rouge ardent de l’ombre de l’atelier , couleur magnétique dont la peinture s’est employé à capter l’émanation sidérante hors du vase , ne tenant que d’elle-même
Comme Glaieuls de SOUTINE Rouge sur fonds de ténèbres, la forme biomorphique de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »comporte ce rouge incandescent sur fond sombre ténébreux, forme en suspension dans les airs comme les glaïeuls qui tiennent dans leur vase minuscule ce qui peut paraître de la sorcellerie comme peut paraître sorcellerie également le sang qui dégouline vers le haut de la tête de la forme biomorphique parfaitement contraire à la réalité.
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Dans ces glaïeuls qui devraient se dresser glorieusement et ne parviennent qu’à de douloureuses et grotesques torsions dont les tiges semblent aussi tortueuses que les arbres de ses paysages ressemblent à des reptiles qui tentent de s’échapper à des attaques et les pétales qui se tordent dans un rouge qui fait penser à la couleur du sang et les fleurs à des lèvres boursoufflées . On croit voir l’image que se donnait SOUTINE lui-même ( Clarisse NICOIDSKI)
De ce point de vue on peut mettre en parallèle LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ou la forme biomorphique serait également le peintre lui-même qui essaye de s’échapper blessé et en passe d’être dévoré par des monstres et dont le sang se propage sur la toile.
De manière récurrent chez SOUTINE et dans ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE on retrouve des traces de d’agression, de monstres maléfiques et de mort
LE NAIN
Soutine dit de son nain rouge : C’est un monstre au visage d’homme , au corps d’homme , rapetissé, brimé dans sa nature, ses bras ballants, les mains, bien dessinées presque crochues s’agrippant au pantalon . Le rouge carnivore a tant mangé, grignoté le corps que le buste reste courbé , ne parvient pas à se redresser. Le nain a la posture de qui veut se ruer sur ce qui l’observe.
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Le nain c’est SOUTINE lui même qui nous hait comme il haïssait les hommes et les femmes , qui le voyaient laid, les oreilles décollées , le corps malingre.
C’est aussi un face à face entre le nain et SOUTINE,le peintre qui ose le saisir ainsi dans son humiliation. Précision du trait du visage et des mains comme un bonheur pervers . Quel fut l’exaltation de SOUTINE à peindre cette forme d’autoportrait ou il se livre à une sorte d’émasculation sur lui-même ?
Quelle peur pouvait ‘il éprouver avec cette cruauté avec laquelle MODIGLIANI l’encourageait. Le nain c’est SOUTINE comme la Forme biomorphique de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE c’est DE KOONING qu’il a crée à partir d’une jambe de WOMAN1avec des handicaps sans membres, comme le handicap du nain et sa petite taille
LA ROUTE FOLLLE DE CAGNES
Cette route lasse d’être à terre s’élève soudainement et décolle vers un horizon inatteignable. Le paysage est traité avec une dominante de vert particulier qui donne une mobidité à l’ensemble du tableau.
De la même manière Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, La forme biomorphique en suspension dans l’air essaye de s’échapper de la surface aqueuse mais dans ce cas elle n’y arrive pas car les monstres au contraire essaye de l’entrainer vers l’eau pour la dévorer. On retrouve ce même vert morbide de la route folle de CAGNES
Les PLATANES A CERET
Cette ombre en bas à droite est t’elle celle d’un habitant, d’une âme errant ou d’un coup de pinceau
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De la même manière dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE » on se demande que peut être ce visage fantomatique qui ressemble à un un portrait gris de GIACOMETTI. Pour ma part je pense qu’il s’agit de l’esprit de DE KOONING qui se regarde être dévoré par les monstres dans son cauchemar.
La Forme noire imbriquée dans la forme biomorphique qui semble un monstre en train de la dévorer , n’est t’elle un démon intérieur du peintre, l’alcool, les angoisses, les doutes ( monstre des marais) en train de le dévorer
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QUELQUES COMPARAISONS ENTRE TABLEAU DE KOONING ET LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
EXCAVATION
Dans de nombreux dessins on remarque un couplage de personnages homme femme ainsi que dans le tableau EXAVATION ;.Dans ce tableau que l’on considère comme un tableau abstrait , des bribes d’éléments de figuration commencent à reconstituer la forme humaine ou animale.En effet , y regardant de près on peut imaginer une multitude de fragments de corps humain .
Une forme a attiré particulièrement mon attention , il s’agit d’une forme qui ressemble étrangement à LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE mais vu de profil avec son bec penché vers le bas et sa forme allongée unijambiste
Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « au dos du tableau le couplage est double, d’une part le couplage des noms ou sont interférer les noms D KOONING et KILGORE avec les dessins d’un homme ( DE KOONING) et d’une femme ressemblant à Marylin MONROE et qui ne serait d’autre que KILGORE sa nouvelle muse
Dans exavation on peut y voir une imagerie comparée à celle de ses ancêtres Neerlandais en particulier des tableaux comme le triomphe de la mort de BRUEGEL, le jardin des délices de BOSCH
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WOMAN V
Judith ZILCZER souligne les similitudes entre la position de « WOMAN V » de DE KOONING et celle de SOUTINE dans « Femme entrant dans l’eau » mais aussi du célèbre tableau de REMBRANDT « femme se baignant dans une rivière » . De kooning ayant très tôt étudié Ce peintre du XVII -ème siècle. Il connaissait certainement ce lien entre la composition de SOUTINE et REMBRANDT.Il est à noter que SOUTINE n’a jamais travaillé à partir des tableaux de REMBRANDT q u’i admirait , préférant peindre à partie de véritables recréation de la bie comme il l’a fait également avec les bœufs écorchés dont il a récupéré des carcasses en y jetant du sang frais pour faire plus charnel
Dans LEG WOMAN qui se passe aussi dans un milieu acqueux, il y a un effet de rides sur l’eau suite à un mélange qui aurait pu paraître comme un accident mais qui est un mélange de peintures à l’huile, d’eau et probablement d’huile de CARTANE et essence de térébenthine dans des proportions tout à fait particulières et qui sont inappropriées dans la peinture qui est enseigné dans les écoles des beaux arts.
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WOMAN AND BICYCLE
Ce tableau de DE KOONING est très intéressant et la description que nous en fait JUAN PERRERO universitaitre sur certains éléments du tableau peut tout à fait se transposer au tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
« deux éléments du tableau Woman and Bicycle pourraient illustrer la dichotomie traditionnelle entre la figuration et l’abstraction, entre ce qu’on appelle les « signes plastiques » et les « signes iconiques »
. Le premier élément est le dédoublement ironique de la bouche : pastiche d’une reproductibilité de l’archétype « bouche » à deux endroits du tableau — l’un plus ou moins à sa place, l’autre dans un lieu insolite. Paradoxe de la figure, ce dédoublement engendre une équivoque iconique. La bouche inférieure juxtapose (oppose) une bouche à la bouche qui nous permet d’identifier le visage en écartant l’iconicité de la ressemblance pour la guider vers un plan où sa signification se trouve transformée. ….Le dédoublement de la bouche devient le punctum d’une sexualité agressive qui semble refléter la répétition de l’acte créateur comme une perversion dès lors que l’artiste se complait dans une transgression formelle sans s’accorder la distance suffisante pour contempler l’objet-tableau en marge du processus. Le dédoublement signale ici une répétition qui décale la représentation vers la stratégie « clone » de la reproduction « juan PERRERO »
Le deuxième élément, que l’on pourrait intégrer à première vue dans la catégorie des « signes plastiques », est un ensemble de taches pouvant représenter la bicyclette dont le titre fait mention. Cet « ensemble bicyclette » n’est pas dépeint comme la bouche, c’est-à-dire qu’il n’est pas à proprement parler un « signe iconique », car rien n’est ici plus éloigné d’une reconnaissance directe. Néanmoins, un graphisme circulaire situé à gauche de la figure — au niveau des « jambes » — établit la connexion mentale avec l’une des roues du vélo et permet d’imaginer le reste de la figure. Tenu par la main gauche de la femme, le guidon pourrait bien se trouver un peu plus haut, au milieu d’un gribouillis de marques. Bien sûr, tout cela n’est pas dépeint : c’est la peinture qui, en tant que peinture, fait image (possible) de bicyclette.
En prenant ce même résonnement que JUAN PERRERO ,de la dichotomie entre abstraction et figuration, signes plastiques et signes iconiques on peut le transférer au tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ». En effet,
Le premier élement est placé au centre du tableau c’est le dédoublement fait par calque d’une jambe qui se trouve sur un autre tableau WOMAN ( étape1). De la même manière que la duplication de la bouche represente le punctum d’une sexualité agressive, le bras de WOMAN 1 est transformé en une forme biomorphique organique vivante et autonome . WOMAN I qui est un être feminin entièrement crée de l’imagination de DE KOONING qui pour certains pourrait être un autoportrait du peintre , il fait une duplication, une reconstitution de son autoportrait à partir d’une jambe de WOMAN1 (étape1)
Les deuxièmes éléments, que l’on pourrait intégrer à première vue dans la catégorie des « signes plastiques », est un ensemble de taches tout autour de la forme centrale, jambe de WOMAN1( étape) ou forme biomorphique. Ces tâches ne ressemblent a rien de reconnaissable dans la réalité. Néanmoins, les unes et les autres avec leurs aspects de couleurs noires, et qui donnent le signes d’agressivité avec un genre de gueule ouverte préte à dévorer une proie et des yeux qui inspirent la terreur permettent de constituer des monstres des marais et marins se déplaçant dans l’eau comme des poissons mais qui n’ont aucune des formes existantes dans la réalité. Comme dans WOMAN AND BICYCLE pour la bicyclette cela n’est pas dépeint précisément, seule une forme circulaire fait penser à une roue de bicyclette , Dans LEG WOMAN IN THE LANSDSCAPE c’est la peinture en tant que peinture qui fait les images des monstres
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NORTH ATLANTIC 1977
La façon dont a été fabriqué ce tableau peut se rapprocher du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE et sa façon de l’appréhender
Prenons une conversation de ROSENBERG avec DE KOONING lors d’ une réunion de professeurs luniversité de KENTUCKY ROSENBERG noud dit :
Un jour, après une réunion avec des professeurs à l’université de Kentucky, nous étions devant un grand tableau représentant, vue de côté, une vache devant une maison. Une femme nous a demandé : dites-moi ce que vous voyez dans le tableau. Histoire de plaisanter, je me suis mis à découvrir toutes sortes d’images peintes dans la vache, de la tête à la queue. C’était devenu un tableau surréaliste. Plus on le regardait, plus on y découvrait quelque chose : ici un bosquet sur le flanc de la vache, là une rivière coulant sur son cou. Toutes ces figures apparaissaient comme si l’artiste les avait vraiment peintes.
- Ce n’était pas le cas ? demande Willem de Kooning.
- Non. C’était des effets accidentels qui apparaissaient lorsque vous regardiez le tableau d’une certaine façon — comme quand on observe les nuages. Un profil d’homme se détache, une cathédrale, un animal…
- Maintenant je comprends ce que vous voulez dire. J’utilise largement cela dans mon travail
North Atlantic Light, 1977. La toile figure clairement cette ambivalence représentative de la peinture.: Les dislocations graphiques en bribes de peinture permet d’imaginer des formes
Au centre, le graphisme nonchalant d’un petit bateau en 4 coups de pinceau et de son reflet. Bien sûr, ce bateau n’a pas été dépeint — du moins si l’on suit le raisonnement de Rosenberg. Mais il est là. Il pourrait être là. La peinture a produit cette possibilité. La tache est devenue forme et la forme est devenue contenu. Le contenu est une image qui glisse devant le regard … le contenu est une vision fugitive de quelque chose, une rencontre, comme un éclair
Ce que je vois dans cette tache, dans ce « rien plastique », c’est un bateau. Et, au-delà du bateau on peut imaginer d’autres formes de bateaux , certains retournés comme si il y avait eu une bataille navale mais on peut supposer voir aussi des monstres marins , la gueule ouverte tout cela dans des formes purement picturales grâce à des bribes de peinture. Serait ce les monstres qui attaquent les bateaux, dans cette mer qui paraissait pourtant si calme , une sensation lumineuse qui nous rappelle l’héritage hollandais du peintre : jaune et bleu, comme les peintures de Vermeer ou de Mondrian.
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De même dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » cette forme centrale qui ressemble à un fragment de corps , une jambe ,se retrouve transformé en un être organique dans un environnement de marais ou elle se trouve piègée et dévoré par des monstres des marais et de la mer et à partir de là on peut imaginer tout un scénario comme NORTH ATLANTIC avec bateaux attaqués par des monstres marins. Esct ce que le peintre lui-même avait imaginer ces scénarios quand il a commencé à peindre ces tableaux ?
Le spectateur devient autant que l’artiste le créateur du sens d’une œuvre
WHOSE NAME WAS WRIT 1975
Ce tableau fait référence au poète KEAT qui avait écrit l’épitaphe que DE KOONING n’avait jamais oublié « WHOSE NAME WAS WRITIN WATER « car il capte parfaitement le sens propre du peintre d’un monde momentané et en constante évolution comme un nom écrit dans l’eau qui disparait immédiatement
Quand il fait ce tableau, DE KOONING se voit déjà presque mort , il a 71 ans mais heureusement amoureux comme un jeune homme.
Ce tableau est imprégné de mélancolie mais aussi d’un lyrisme joyeux.Il ne comprenait pas de figures reconnaissables mais des tons chairs étincelant parmi les formes. Des coups de pinceaux luxuriants qui semblent vivre ensemble sans problèmes libres et spontanés sans contraintes, en mouvement dans le tableau.
Ce tableau est une réaction contre le monde statique de l’existence. Dans ce tableau il savoure les mouvements de la mer comme la mer de la conscience agitée sans cesse par des humeurs, des désirs, des souvenirs et des sensations
On assiste dans le coté gauche du tableau à ce qui se passe lorsque l’eau se recule contre un quai , au flux et au reflux ( STEVENS , SWAN)
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LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE se passe aussi dans un environnement aqueux de mer et de marais mais le lyrisme joyeux a laissé place à des sentiments de peur et de terreur, les formes sont indéterminées mais reconnaissables pour être des monstres qui s’attaquent à la forme biomorphique innocente dans un fond ténébreux le Rose de « WAS NAME WAS WRITE IN WATER « à laissé place a des noirs, des marrons, des verts morbides mais un changement a eu lieu avant de terminer le tableau qu’il abandonne car son état d’esprit a brusquement changé, d’un état de déprime, il passe à un état de joie, il vient de rencontrer sa muse Emilie KILGORE , ce qui justifie après « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE des tableaux comme « WAS NAME WAS WRITE IN WATER » de 1975 ou « FLOWERS MARY’S TABLE « de 1971
CONCLUSION
Reprenant le titre de l’exposition SOUTINE/DE KOONING, « la peinture incarnée » titre développé par « Mme Claire BERNARDI » qui est évoqué par Georges Didi Huberman dans un livre dans la recherche du geste magique pour transformer la matière picturale en un sujet vivant et organique. DE KOONING et SOUTINE ont les gestes et les démarches communs dans leur approche de l’art du passé, dans les tensions entre la figure et l’informe, dans les relations entre les figures et les paysages. Dans ces optiques on peut y inclure le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » qui s’y intègre parfaitement.
Ce tableau inédit a toute sa place dans l’œuvre de DE KOONING , il est un maillon indispensable de son œuvre et s’associe parfaitement dans la serie des œuvres de 1971à 1972, transition entre les œuvres plutôt figuratives des années 60 et les œuvres plutôt abstraites à partir de 1975 sans être totalement l’une ou l’autre
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