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samedi, juin 25, 2022

 




                            




COMPARATIF ENTRE SOUTINE - LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

(WILLEM DE KOONING)





PARAGRAPHES

 

DESCRIPTIF DE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE…………………………….. Page 6

DESCRPTIF DES TABLEAUX DE SOUTINE DE PAYSAGES…………………………….14

ORIGINE ET PARCOURS DE VIE DES DEUX ARTISTES………………………………..16

-SOUTINE………………………………………………………………………………………..16

-WILLEM DE KOONING…………………………………………………………………  ….20

-SOUTINE-DE KOONING , Rapprochements et Eloignement…………………................…30

RAPPROCHEMENT DANS LA PERCEPTION DES TABLEAUX DE PAYSAGE…....... .40

LES DIVERGENCES QUI FINISSENT PAR ETRE DES RAPPROCHEMENTS……...…43

PERCEPTION DES DEUX ARTISTES……………………………………………     ……… 46

LE MONDE DE SOUTINE ,DE DE KOONING A TRAVERS LA PEINTURE……….....…50

PEINTURES FRUIT DU DOUTE, DE L’ANXIETE, DE LA DEPRESSION,…………...….56

 DES ALLER ET RETOUR,DU PARADOXE

LE CHAOS DANS LES PEINTURES DE PAYSAGES, LE HASARD………………… …..63

LES MOUVEMENTS DANS LES TABLEAUX DE SOUTINE …………………… ……….68

ET LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

SOUTINE-DE KOONING, LES MAITRES DU PASSE……........................................…   …71

DECOUVERTES DE SOUTINE-DE KOONING ET LEURS INFLUENCES………..… …78

SOUTINE-LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE-AUTOPORTRAITS……………....  …..85

AUTOFLAGELATIONS…………………………………………………………………   ……90

MANIPULATION VIGOUREUSE DE LA PEINTURE  SOUTINE ET DE KOONING………………………………………………………………………………..…    …92

LES ACCIDENTS, LES TRANSFORMATIONS QUI ONT FAIT LA REPUTATION DES DEUX ARTISTES…………………………………………………………………………………… …93

LE DESSIN, LES SUJETS,LA PEINTUR , LES CONTOURS, LES MOTIFS…………   ..94

 

SOUTINE-LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, PAYSAGES 

NATURES MORTES, PORTRAITS………………………………………………………    100

LES PAYSAGES DE SOUTINE, LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE…………   …..   101

LES PAYSAGES DE CERET,CAGNES ET LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE……………………………………………………………………………, …….109

LA SERIE CONTRE LES CYCLES………………………………………………………… 115

LE PAYSAGE, LE MOTIF, VISIONS INTERIEURES DESTABLEAUX,

 PERSPECTIVES …………………………………………………………………………..….124

SOUTINE-LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ,LE MILIEU AQUEUX………     …   128

QUE DECRIVENT LES PAYSAGES DE SOUTINE…………………………………………

LEG WOMAN IN TH LANDSCAPE………………………………………………………   .131

FRAGMENTATION DES CORPS……………………………………………………… …   135

MASSES INEXTRICABLES, CONTOURS,ESPACE………………………………………138

LA LUMIERE DES PAYSAGES…………………………………………………………  … .140

PLACE DU REGARDEUR ET DES CHOSERS DANS L’ESPACE DU TABLEAU… … .141

MANIERE DE PEINDRE ET COULEURS……………………………………… …………142

LA MATIERE , LES TACHES,LES METAMORPHOSES, LA VIE…………………   … .162

LES PEINTURES GESTUELLES………………………………………………………    ….166

LES FORMES,LES FONDS, …………………………………………………………………..169

LA VISION DE PROFONDEUR, VERTICALITE HORIZONTALITE DES TABLEAUX173

LES APPLICATIONS DANS LES TABLEAUX…………………………………………… ..179

LES MONSTRES DANS LE PAYSAGE DE SOUTINE ET LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE………………………………………………………………………………     …177

LA VIE ET LA MORT……………………………………………………………………    … .182

TRANSFIGURATION, TRANSMUTATION……………………………………………   …..188

LA PEUR DU VIDE, MYSTICISME SPIRITUALITE………………     ………………  …..188

LE VERTIGE………………………………………………………………………………    … .193

LE GROTESQUE,L’ESTHETIQUE DU LAID  CHEZ LES DEUX PEINTRES………  ….194

ENTRE ABSTRACTION ET FIGURATION………………………………………… …  … ..198

SLIPING GILMPER ( Vision fugitive)…………………………………………………      ….   202

ABSENCE VOLONTAIRE DE STYLE CHEZ DE KOONING ET SOUTINE………         ...205

DOUTE ABANDON,DESTRUCTION ,DECOMPOSITION………………………     …    ….208

IMPORTANCE DES ACCESSOIRES CHEZ SOUTINE ET DE KOONING…………   ……214

LA CHAIR………………………………………………………………………………………  …216

LE SANG………………………………………………………………………………………     ... 218

NATURES MORTES……………………………………………………………………………    ..220

ANIMAUX MORTS………………………………………………………………………  …  …  ..224

VOLAILLE…………………………………………………………………………………………   226

BŒUFS ECORCHES…………………………………………………………………………      ..  228

LES POISSONS…………………………………………………………………………………    …231

« WOMAN »…………………………………………………………………………………………..235

FIGURES PORTRAITS…………………………………………………………………………  ….244

LES PERSONNAGES…………………………………………………………………………       …256

LES FEMMES……………………………………………………………………………………   ..  258

EMILIE KILGORE………………………………………………………………………………     ..264

STATUES………………………………………………………………………………………………270

QUELQUES COMPARATIFS SOUTINE ,DE KOONING, LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE…………………………………………………………………………              …270 _280_

CONCLUSION…           ………………………………………………………………………………..285



Vous avez peut-être  eu la chance de voir une des deux expositions qui ont eu un grand très grand  succès. Celle de PARIS qui s’est terminé le 10 JANVIER 2022 qui a suivi celle des ETATS UNIS de la FONDATION BARNES et qui fait le rapprochement entre deux peintres MAJEURS de l’expressionisme  dit abstrait CHAIM SOUTINE et WILLEM DE KOONING. Ces deux expositions sont accompagnées de plusieurs catalogues d’exposition non moins intéressants signées de grands spécialistes des deux peintres en premiers lieux les commissaires Claire BERNARDI, Simonetta FRAQUELLI mais aussi la plus grande spécialiste actuellement au monde de WILLEM DE KOONING Judith ZILCZER et des universitaires, conservateurs et spécialistes comme Pierre WAT, Sylvie PATRY, LILLI DAVENAS . Il y a eu aussi de nombreux articles de spécialistes des deux peintres dans des revues d’art qui ont fait des comptes rendus de ces expositions et qui se sont félicités de son intérêt et son importance . Expositions qui feront dates pour ces deux peintres qui font parties de l’histoire de l’art du XXème siècle pour leurs « avant-garde ».

Cette étude est le 3eme volet d’un triptyque qui précise et affine  l’étude que j’avais réalisée précédemment et que vous trouverez sur mon BLOG dans la rubrique  «  archive », « résumé étude du  1er septembre 2021 » et « étude complète » à la date du 5 septembre 2021

BLOG : etudespeinturesinedites.blogspot.com

Cette nouvelle et dernière étude ne m’a fait que me conforter dans l’idée que  ce tableau devrait être de Willem DE KOONING  

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Ce comparatif entre le tableau  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »et les tableaux de SOUTINE   vient donc en conclusion donc des autres études de ce blog sur le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

 

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J’ai donc réalisé un comparatif entre Chaim SOUTINE  ET Willem DE KOONING à travers des tableaux de SOUTINE  notamment ses tableaux de CERET, ses natures mortes ( Bœufs écorchés, cadavres d’animaux), portraits et le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en considérant comme je l’ai dit au préambule dans mon étude détaillée que ce tableau serait de WILLEM DE KOONING.

Comme je l’ai déjà indiqué dans mes autres études situées dans mon BLOG   depuis septembre 2021 , ce tableau est inédit et n’a pas pu encore être expertisé car je n’ai trouvé jusqu’à présent aucun expert qui est habilité à attribuer des tableaux de WILLEM DE KOONING depuis que la fille de WILLEM DE KOONING , LISA, est décédé en 2012 et que la fondation WILLEM DE KOONING refuse  les expertises et les attributions de tous les tableaux qu’on lui présente. Alors je lance un appel, peut être que vous même ou dans votre entourage , connaissez vous des experts ou spécialistes qui seraient capables de donner un avis sur ce tableau je vous en serais très reconnaissant. Bien entendu certaines sociétés me propose de faire une étude de ce tableau par des procédés chimiques par l’étude des pigments ou d’expertiser ce tableau moyennant des sommes d’argent astronomiques qui ne sont pas dans mes moyens, je suis un retraité qui n’a pas de grands moyens financiers .

Je précise que ce tableau est à vendre que tous les experts que je connais de nom  et que j’ai consulté pour un avis soit ne veulent pas se prononcer, soit m’ont donné un avis positif mais informel  aucun m’a donné un avis négatif.

L’étude de ce tableau m’a demandé plusieurs années de recherche et d’études et au plus je m’avançais dans ces études au plus j’étais persuadé que ce tableau  est bien de WILLEM DE KOONING. Vous trouverez sans doute des imperfections dans la construction de cette  étude, des oublis, des redondances ..Je n’ai pas de dons particulier  pour l’écriture, la recherche, l’histoire de l’art je ne suis pas issu du monde de l’art  , je ne connais donc pas ce milieu très particulier, je suis retraité de l’industrie. Mes moyens de recherche sont dérisoires.. La qualité que je pense avoir dans l’étude de cette œuvre  , c’est la ténacité( J’ai commencé cette étude il y a maintenant 8ans) et je pense  que cette étude est déterminante pour son attribution à WILLEM DE KOONING . Que ça soit dans l’historique dans le style dans les matières utilisées dans les dessins si particuliers de DE KOONING, tout concorde a ce que cette œuvre soit de DE KOONING sans qu’il n’y ait rien de rédhibitoire ou d’incompatible de ce tableau dans l’œuvre de DE KOONING                                                                                                                  5                 


Bien sûr   dire que l’on possède un tableau de WILLEM DE KOONING , inédit  cela peut paraitre suspect  aux yeux des galeries , des musées vu la côte de ce peintre  et je pense que tout le monde de l’art a encore en tête les affaires  de faux tableaux des grands peintres expressionnistes dont WILLEM DE KOONING qui ont défrayé la chronique avec des affaires comme celle de la galerie KNOEDLER,de New york  .Pour défendre ce tableau vous verrez qu’il n’est pas possible qu’un copieur, ou un faussaire aurait pu faire ce tableau tellement il colle à la peau de WILLEM DE KOONING et à son être intérieur le plus profond comme j’ai essayé de le prouver  et qu’il n’est pas possible de le reproduire. Ce tableau c’est l’esprit même de WILLEM DE KOONING et l’expression de sa vie complexe de  ses plaies qui suppurent , de ses contradictions, ses angoisses, ses joies toute la vie de DE KOONING est dans ce tableau et en cela  sa vie est comparable à SOUTINE, d’où l’intérêt de cette exposition et l’intérêt pour moi de comparer ce tableau aux tableaux de SOUTINE qui est le meilleur soutient pour réaliser une expertise de ce tableau.

 

 

Comme vous pourrez le voir et le lire dans ce comparatif ,cette mise en parallèle de ces deux artistes est d’autant percutante , que ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est probablement un des tableaux qui aurait le plus de similitudes avec des tableaux de SOUTINE. La démonstration en sera faite dans les chapitres suivants.

Pour réaliser cette étude comparative je me suis bien entendu référé à l’exposition de l’ORANGERIE « La peinture incarnée » que j’ai visité , aux catalogues d’exposition de l’orangerie et de la fondation BARNES à travers les articles ainsi que tous les livres, écrivains , biographes dont la liste se trouve en fin d’étude

                                                                                                                      6

 

 

 

DESCRIPTIF DE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

Tout d’abord on peut remarquer que dans de nombreux tableaux de DE KOONING  tout au long de sa carrière , peuvent  être extrait  des   fragments de corps humain  que ce soit des jambes , des bras, des visages , des chaussures à hauts talons et donc difficile  de se représenter le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » si d’une part on ne connait pas  les fragments des  corps des « WOMAN », l’endroit où le peintre  habitait , c’est-à-dire  dans un environnement de l’océan Atlantique et des Marais de LONG ISLAND et d’autre part  sa vie avant 1970 et depuis qu’il venait de rencontrer sa nouvelle muse Emilie KILGORE

Voici un rapide descriptif du tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » qui sera détaillé tout au long de cette étude.

Ce tableau semble avoir été créé en 1971 à la même période que des tableaux de DE KOONING comme « RED MAN WITH MOUSTACHE » «  FLOWERS MARY’S TABLE » Cette année 1971 et  jusqu’à 1973 sont des années où il a peint peu de tableaux , son énergie étant  plutôt tournée vers la sculpture.

Contrairement aux tableaux qu’il a fait ou qu’il fera de « non environnement », sans thème, sans focalisation spécifique, sans schéma ( sans extérieur ni intérieur) bref sans thème universel, sans unité, les tableaux de cette période ont pour origine une image figurative , ce sont des personnages haut en couleur pour « RED MAN WITH MOUSTACHE » , «  LA GUARDIA IN A PAPER  HAT , 1972 «  MAN ACCABONAC » 1971 , ou une table entourée de fleurs pour « FLOWERS MARY’s TABLE » 1971 et ensuite complétés sans préparations préalables, il imagine ses tableaux  par la peinture seule sans contours , sans dessins, mais avec  des jeux de couleurs et de formes plus ou moins explicites         

 

« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Ce tableau avec une forme centrale  de haut en bas en hauteur   et qui fait le tiers  du tableau en surface , peut être qualifiée   de biomorphique , forme  qui a une signification déterminée(jambe de WOMAN1 étude1) mais qui a été transformée en être vivant humain (autoportrait de DE KOONING)

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Cette forme est partie d’un calque de la jambe droite de WOMAN1 ( étape1)  qui s’étale de haut en bas du tableau.  WOMAN 1  (étape ) 1  dont il ne reste plus que des photos prises par deux photographes, RUDY BURKKARDT et WALTER AUERBACH  . Ce calque a été retourné sur la toile pour ne laisser que des traces du charbon de bois qui a servi de contour  dans le tableau. Cette forme de la jambe droite de WOMAN 1 (étape1) a été placée au centre du tableau et a été recouverte de peinture rouge -orange- jaune -rose pour former une forme biomorphique, écorchée, ensanglantée, animale dotée d’ yeux d’un bec et d’un corps sans membres de poisson .Des taches de couleurs noires sont venues s’appliquer sur les bord gauches pénétrant à l’intérieur de la forme biomorphique. L’équilibre étant rompu, le peintre a élargi le coté droit laissant apparaitre le charbon de bois qui limitait ce coté de la forme. Il y a donc eu redimensionnement de la forme déportée vers la droite tout en gardant les mêmes proportions et le même équilibre

Il a déplacé, poussé et arrangé les choses conformément à la manière dont il se sentait à leur sujet. Tout en semblant chaotique rien n’est laissé au hasard.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

En bas du tableau des formes de peinture jaune orangées s’enroulent autour des pieds de la forme biomorphiques, d’autres glissent et remplissent de vert les bords droits incurvées de la forme biomorphique. Le reste du tableau semble doté de coups de pinceau qui donnent des mouvements à gauche qui se concentrent en direction de la forme biomorphique et à droite un mouvement de flux et de reflux.

La totalité de la surface en dehors de la forme biomorphique est recouverte par ces mouvements de coups de pinceaux serpentins, ondulés, qui se chevauchent, se superposent. Cette surface, paysage de marais et mer est fait de rides, de boursoufflures, de cisaillement de pliures, de flou qui donnent de la vie au tableau mais dans un aspect sombre, ténébreux de panique . Nous y trouvons disséminées dans cette surface des têtes fantomatiques d’homme, de « WOMAN », d’animaux ressemblants à des monstres. L’épaisseur des peintures varient fortement d’un côté ou d’un autre, cela va de la toile brute du tableau dont il ne reste que quelques points noirs dont la peinture a été grattée, jusqu’aux surépaisseurs rugueuses. 

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Si au premier regard ce tableau semble quelque peu abstrait, en y regardant de plus près avec ce que nous connaissons des peintures de DE KOONING , de son environnement  géographique en 1971, de ses anxiétés, de ses addictions , de ses terreurs et de la venue d’une nouvelle muse dans sa vie, nous verrons que ce tableau est d’un richesse picturale incroyable et  qu’il  grouille de vie mais aussi de terreur et de mort  et  l’on peut tout à fait le comparer aux tableaux  à la fois des paysages de CERET et CAGNES, des animaux morts et écorchés et des portraits de SOUTINE.

Dans ce tableau, le monde visible, réaliste des marais, de la mer côtoie le monde imaginaire des cauchemars de Willem De  KOONING.

 Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE le peintre décrypte le monde magique de l’inconscient mais ne se contente pas de cela car il sait que  «  l’inconscient est une réponse au vécu conscient aussi il ne veut pas aliéner son monde intérieur dans l’image mais vise à tenir ouvert le tableau comme lieu de rencontre de la réalité extérieure avec le monde intérieur de son moi » (jorn MERKETT).

Avec «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », d’un côté il remet en question  des conceptions plastiques traditionnelles à la façon des surréalistes comme par exemple le poète  DESNOS et ses poèmes sur les rêves  mis en tableau par certaines peintres surréalistes  comme ERNST, DE CHIRICO et de l’autre il cherche à conserver  cette compréhension traditionnelle de la peinture sans recourir  à des moyens d’expression inconnus, incontrôlés et donc chaotiques et contingent, comme l’écriture automatique des surréalistes  mais de recourir comme dans  «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » à des formes déjà connue dans sa réserve ( forme biomorphique   prise du calque de la jambe de WOMAN 1) et développé dans le processus de découverte de la forme qui se libère d’elle ( jambe transformée en forme biomorphique).

Ce tableau qui symbolise des cauchemars qu’il a subi, reflète des émotions, des terreurs, des agressions, des addictions ressenties dans sa vie de tous les jours . Ces cauchemars peuvent se rapprocher de certains paysages  de SOUTINE  ou la présence d’un personnage errant dans le paysage est suivi par une ombre noire qui ressemble plus à un démon qu’à sa propre ombre.  

De même on pourrait retranscrire dans ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme biomorphique rouge attaquée par des monstres démoniaques qui ne sont rien d’autres dans ses rêves que ses démons intérieurs que sont sa dépendance à l’alcool, ses doutes, ses peurs dans la vie et dont il n’arrive pas à se défaire .

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Chez DE KOONING   le tournant a été la rétrospective MOMA de 1950  et l’exposition de 1952 chez BARNES  qui ont coïncidé avec le tournant créatif crucial pour DE KOONING de travailler simultanément l’abstraction  et la figuration expressive. Il avait cherché et trouvé grâce à SOUTINE des solutions aux problèmes de la peinture moderne de son époque.

 Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique au centre du tableau est abstraite, elle ne correspond pas au réel tandis que l’arrière-plan est sur un fond figuratif de marais et mer qui sont l’environnement de DE KOONING à LONG ISLAND qu’il apprécie particulièrement

 

Ce tableau en partie figuratif et en partie abstrait veut exprimer la terreur du peintre qu’il subit dans ses cauchemars mais un évènement heureux fait que ce tableau reste inachevé, il fera un dessin au dos du tableau qui justifie cet arrêt subit, nous verrons la raison dans la suite de l’étude

Pour DE KOONING ce qui est important en définitive dans un tableau pour capter l’attention du regardeur, c’est d’abord comme a bien décrit et montré MATISSE dans ses tableaux  , de passer d’une étude poussée cérébrale  à une synthèse simplifiée au maximum pour laisser juste ressortir l’esprit du peintre  et il ne faut jamais que l’intelligence se voit . Ce qui doit se voir c’est l’intuition, la flamme et dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , cette flamme rouge ( à la manière de SOUTINE) c’est cette forme biomorphique qui retient d’abord l’attention  et tout le reste en découle par intuition

Ce tableau daterait de 1971 il avait alors près de 70 ans . A cet âge  il était encore en train d’inventer de nouvelles façons de mélanger la peinture , nouvelles façons de l’amener à sa volonté, nouvelles façons d’accommoder les poussées de la psyché » ( STEVENS,SWAN). Il est donc tout à fait dans cette lignée avec des mélanges de peinture qu’il expérimente ( peinture  huile+ huile de carthame+ eau+ essence de térébenthine+ acrylique  etc) pour donner des mouvements aux surfaces aqueuses, des effets de rides sur les surfaces monstrueuses ,des prédateurs sortant de l’eau, des effets de flou imprévus,  un visage fantomatique à la GIACOMETTI  ,  un autre de  «  WOMAN » des années 50, une chaussure haut talon obtenue par grattage, une certaine fluidité de la peinture etc .C’est le  «  punctum iconique » d’une survivance figurative, d’un conditionnement  archaïque à l’intérieur d’une peinture qui avale le  tout au point de nous faire tomber dans l’abstraction (JUAN PORRERO)

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Ce tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE annonce les tableaux du milieu des années 70, forts de touches courtes, lumineuses aux couleurs chatoyantes qui gagneront en textures et en épaisseur ( ce qui n’est pas encore tout à fait le cas dans ce tableau  avec  encore  beaucoup de fluidité) , il n’y a plus de dessins, plus de contours distincts, plus de lignes précises, c’est uniquement les  couleurs qui font les tableaux. Il y a dans ces années seventies, une forte ressemblance de famille entre eux , bien que la palette était différente de peinture en peinture comme était différent le « fitting in » et les coups de pinceaux  lâches ou comprimés, elles contenaient toutes des idées  empruntées à d’autres tableaux, ( STEVENS,SWAN)

Dans le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » les emprunts sont nombreux ,emprunt à la jambe droite de « WOMAN1 » ( étape 1) au visage terrifiant de « WOMAN AND BYCYCLE » à la tête  bec en pointe de « Judment day » à l’animal qui encercle le personnage de « RED MAN WITH MOUSTACHE » aux chaussures à hauts talons de  «  TWO WOMEN IN THE COUNTRY » aux monstres aquatiques de « EAST HAMPTON XXII » aux tableaux ridés de TWO FIGURES IN A LANDSCAPE » de 1967 à l’image terrifiante de «  UNTITLED  1970 » aux teintes roses de « PINK ANGELS »au dos du tableau ainsi qu’au dos du tableau également le visage de MARYLIN MONROE  de 1954 , et les nombreux  dessins untitled de 1964 à 1970, la couleur marron  du  foie de veau  de  «  MONTAUK HIGHWAY », la sculpture  N°10 de 1969 , les craquelures de   «  WAVES » , les marais de « MARSHE LANDSCAPE » et beaucoup d’autre choses encore qui sont évoqués dans l’étude

 Les perspectives, les espaces, les profondeurs, tout cela a disparu pour ne laisser places qu’à des couleurs entrelacées et qui se superposent

Mais le tableau a toujours des relents de peintures de Fin des années 50 et des années 60 par de vastes étendues de couleurs qui grâce à une dynamique des contrastes ( couleurs chaudes au premier plan et froides en arrière-plan), évoquent le proche et le lointain.

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La tension visuelle provoquée par la couleur est accentuée par l’arrivée du rouge, orange, jaune au premier plan qui définit la forme biomorphique. Les peintures chaudes du premier plan sont si proches qu’on a l’impression que cette forme cherche à sortir du tableau mais elle est empêché  par les formes des peintures du fond aux teintes froides de noir, marron, gris,vert foncé et aussi en bas avec des couleurs plus chaudes de rouge-orangée qui semblent vouloir retenir la forme biomorphique et l’empêcher de s’évader en s’interférant dans le premier plan et qui efface tout effet de profondeur .

Par rapport aux tableaux des années 50 comme ceux des « WOMAN » la peinture de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE devient plus fluide et sa gestuelle plus souple. On commence à voir des reflets de l’eau suggérées depuis que le peintre s’est installé au bord de la mer dans LONG ISLAND. Les peintures comme celles du tableau étudié sont beaucoup plus diluées en utilisant de l’huile de Carthame, de l’essence de térébenthine, et de l’eau. Les couches successives se mélangent, s’effacent mutuellement, les teintes s’interpénètrent et partagent leurs luminosités au premier plan  ( peintures chaudes) et leur aspect sombre dans le fond du tableau ( peintures froides). Dans cet aspect ténébreux du fond, le peintre a gratté la peinture pour laisser passer des puits de lumière et faire paraître malgré tout plus clair ce fond

Dans leur champ respectif de peintures chaudes et froides, les peintures ne se détachent pas vraiment les unes des autres ce qui donne pour effet quand on s’éloigne du tableau de ne plus voir que deux nuances de couleurs, le rouge et le noir.

Au plus on se rapproche au plus les nuances se découvrent au plus tous les fragments apparaissent et donnent vie au tableau dans des mouvements en tous sens et une vie foisonnante.

Avec du recul on peut avoir l’impression qu’une flamme rouge traverse de bas en haut le tableau dans toute sa longueur et consume le tableau à l’exemple des  toiles brulées de MIRO

C’est là qu’on s’aperçoit que l’artiste atteint un haut degré de virtuosité technique.

 

 Ce n’était pas la première fois avec WOMAN que DE KOONING utilisait  des fragments de corps avec des jambes ou des bras qui sont interchangeables pour les placer dans ses toiles . On en trouve avant la période WOMAN1 et après WOMAN1 beaucoup plus nombreux

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Le cas de « EXCAVATION » de 1950 est intéressant à ce sujet. Il représente une période de transition entre l’expressionnisme abstrait et la série des « WOMAN » figuratives qui vont venir juste après

WILLIAM F BIRDSALL dans une étude sur DE KOONING fait les remarques suivantes sur le tableau « EXCAVATION » un des chefs d’œuvre de DE KOONING réalisé en 1950 ,Il signale que Eric R KENDAL au terme d’une étude de la science du cerveau  et de l’expressionnisme abstrait  a vu dans « EXCAVATION »  la présence  des femmes figuratives  qui se profilaient à l’horizon . C’est essentiellement plat avec peu de perspectives mais connaissant  DE KOONING  et sa fascination  pour les formes féminines , notre imagination n’a pas besoin  de errer loin sur cette toile pour rencontrer des formes arrondies qui selon son humeur ou sa disposition rappelle un homme ou une femme ou un couple avec une autre personne

Selon WILLIAM F BIRDSALL en bas au centre du tableau il y a une porte et DEKOONING est passé à travers la porte  vers  l’avenir  emportant avec lui son doute et son anxiété et est retourné à la peinture figurative dont les figures seront  les « WOMAN » dans une imagerie stimulante  jamais crée auparavant par aucun artiste

D’autre part en y regardant de près il y a déjà des fragments prémonitoires qui annoncent ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de 1971, présents dans EXCAVATION de 1950 . D’abord au centre du tableau une forme rouge avec 2 yeux et un bec font penser à cette forme biomorphique de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » une autre vue de profil  et une autre réplique dans un losange  à droite de la porte évoquée par WILLEM F BIRDSALL avec au-dessus un toit de maison 


                                        





                EXCAVATION                                             TETE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE




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On peut faire l’analogie avec « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » En effet  de la même manière que DE KOONING s’échappe du tableau d’expressionnisme abstrait  EXCAVATION  par une porte dans le tableau pour aller vers des tableaux figuratifs avec les « WOMAN » qui viendront par la suite ,dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le peintre s’échappe du tableau en ne le finissant pas pour aller vers le dos du tableau ou il dessine et écrit  un hymne à l’amour pour sa nouvelle muse qui annonce des tableaux pleins de joie et de lumière  ( FLOWER’S MARY’S TABLE ).  Il a commencé son tableau avec un certain état d’esprit en corrélation avec ses cauchemars dans lesquels il se bat avec des monstres ( STEVENS-SWAN) que sont  ses démons intérieur mais il vient de rencontrer sa nouvelle muse EMILIE KILGORE qui change son état d’esprit  et il ne se sent plus du tout dans le tableau et le quitte avant de le terminer ( grattage et essuyage de peinture  laissé en l’état dans le haut du tableau à droite). Comme dans « EXCAVATION » qui fait le tampon entre  abstraction et figuration,   « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  c’est un tampon entre les peintures des années 60 des « WOMAN » ,qui suivent celles des années 50 , aux teintes couleurs de bord de mer brumeux de l’atlantique aux teintes plus luxuriantes de rouge incandescent , d’orange , jaune , vert  chaudes qui vont aboutir progressivement aux peintures d’après 1975 toujours plus lumineuses, plus abstraites faites de coups de peintures  dans des mouvements brefs et vifs ou la mer , les marais  en mouvements sont  toujours présents à l’exemple de  «  THE North  ATLANTIC LIGHT » de 1977 ou « WHOSE NAME WAS WRITE IN WATER de 1975 »  ou bien encore « MARSH LANDSCAPE »


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 DESCRIPTIF DES TABLEAUX DE SOUTINE DE PAYSAGES

 

Jamais SOUTINE inclura comme CHAGALL des imageries juives identifiables mais parfois des imageries chrétiennes ( ENFANT DE CHOEUR). Cela est peut être du à son intérêt pour COURBET ( Enterrement d’ORNANS)

Au sortir de la guerre de 14-18 , sa peinture se détermine plutôt  par rapport aux impressionnistes  et leurs prédécesseurs  qu’aux avants garde apparus au milieu de la décennie précédente mais ce leg impressionniste  ou les peintures claires jouent les premiers rôles seront remplacées par des peintures expressives de rouges vermillon, de verts morbides qu’il fera sienne jusqu’à la fin de sa vie . Alliant dans ses paysages le visuel et le ressenti, ils trouvent très vite leur originalité  à travers  la déformation des maison anthropomorphes «PAYSAGE AVEC MAISON BLANCHE »  , des tremblements de terre, des précipices au bord des villages , des chemins qui montent  sans issues «  LA ROUTE MONTANTE  » de1921  , des villages qui font bloc comme saucissonné tel  «  LES COLLINES DE CERET »  de 1921 ou qui s’élève dans le ciel « LE VILLAGE »  de 1923.

Dans ses paysages, il peint sur le motif mais reste avant tout intéressé par la reconstruction du motif pour réécrire en acte  sa reconstitution  et par l’expérience de  la peinture en train de se faire par la perception vécue des phénomènes

 

 Les paysages de SOUTINE engendrent un sentiment d’étrangeté du au bouleversement de la nature que le peintre nous donne à voir en renonçant à un point de vue unique. Les paysages de SOUTINE ne semblent pas habitables car ils sont en train de bouger et de brûler sous nos yeux. Les grandeurs des corps physiques, des paysages perçus par le regardeur  ne sont pas  seulement l’indice ou le signe de leur  éloignement spatial par rapport à notre corps mais une manière d’exprimer notre vision de la profondeur. Dans le cas des « MAISONS DANS LE PAYSAGE, » leurs grandeurs sont perçues comme la perception de celles-ci par le peintre.. Dans «  PAYSAGE AVEC LA RUE MONTANTE », les maisons semblent se trouver sur une colline mais elles ont des dimensions qu’elles pourraient avoir si elles étaient au premier plan. Ce trait poussé est poussé à l’extrême  dans « LA ROUTE DE CAGNES  » en 1923 qui atteint une dimension onirique à cause de cette disproportion .

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On retrouve la même chose dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », la forme biomorphique disproportionnée prend toute la place dans le paysage marécageux et maritime en dehors de toute profondeur et perspective.

 

Les tableaux de SOUTINE sont toujours intensément texturés. Une matière épaisse aux touches mouvementées d’une consistance inégale les recouvre. Il n’est pas d’exemple sans puissante épaisseur de peinture   ou alternance d’opacité et de glacis . Il pouvait emplir une forme, infléchir son contenu , lui donner  chaleur et vie  qu’avec la peinture elle-même avec cette manière qu’il torturait  en mélangeant finement les pâtes qu’il déversait à plein tube.

 De même dans   «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  les consistances des matières sont inégales cela va de puissante épaisseur en bas à gauche avec le portrait inspirant de la terreur d’une  «  WOMAN »  et dans les parties ridées à des couches très fluides au niveau de la forme biomorphique et au niveau de la tête de cette forme pour marquer sa fragilité et du fond pour  représenter la fluidité  de l’eau en mouvement le reste alterne avec des peintures mouvementées à consistances épaisses et inégales comme les tableaux de SOUTINE afin de représenter la force, la brutalité des formes monstrueuses à la quête de dévorer cette frêle forme biomorphique

Pour donner encore plus de fluidité, le peintre rajoute dans ses peintures à l’huile, de l’eau, de l’essence de térébenthine, de l’huile de Carthame, de la peinture acrylique

 

 Contrairement à DE KOONING  ,l’œuvre complète de SOUTINE comporte peu de dessins , de gouaches et d’aquarelles et encore moins de peintures sur papier. Il importe beaucoup pour SOUTINE de matérialiser son sujet avec le maximum d’intensité, comme si l’acte de peindre était lié à une manifestation générique  associant l’apparition frontale de la forme  et le maniement  d’une matière picturale  comparable  à de la chair ou de la glèbe. (xavier GIRARD)

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ORIGINE ET PARCOURS DE VIE DES DEUX ARTISTES 

SOUTINE ET DE KOONING

Une analyse attentive de leurs œuvres respectives  révéle de nombreuses correspondances dans leur démarche créative . Bien qu’ils ne se soient jamais rencontrés, les deux peintres ont , dans leur jeunesse  partagé un même désir  de quitter leur pays natal pour mener une carrière artistique dans un nouvel environnement

 

 

1-A SOUTINE

Si on devait définir SOUTINE en quelques mots, je pense qu’on pourrait dire que c’est le peintre de l’humanité souffrante

 

Soutine est né à SMILOVITCHI, en 1893 bourgade dans l’actuelle BIORUSSIE à quelques kilomètres de MINSK. Il passe une enfance dans la pauvreté et dans un pays soumis au régime politique défavorable à sa communauté juive . Sa famille n’est pas non plus une source de satisfaction et d’éducation pour le jeune SOUTINE, Il quitte sa ville et ses parents pour vivre à MINSK en 1907  et  VILMIUS en 1910   puis immigre à PARIS, capitale de l’art mondiale à cette époque . Ses compatriotes KIKOINE et KREMERGUE le suivent à PARIS. Il déménage plusieurs fois dont un séjour à la RUCHE, résidence d’artistes dont plusieurs feront partie de l’école de PARIS. Il va se prendre d’amitié notamment comme compagnon de beuverie pour MODIGLIANI . Ils vivront dans la pauvreté. SOUTINE vit à PARIS, il détruira beaucoup de toiles qui ont été notées défavorablement par les critiques d’art. Sa situation va lentement s’améliorer avec son marchand ZBOROWSKI jusqu’à ce qu’un riche collectionneur  BARNES  de Philadelphie lors de sa venue à PARIS en 1923 ,achète  une centaine d’œuvres de SOUTINE  pour sa fondation   . Celui-ci fait basculer le destin de SOUTINE qui du jour au lendemain devient un héros  et n’a plus de souci d’argent . S’il s’habille désormais en DANDY avec une grande collection de chapeaux, il  circule  en voiture avec chauffeur mais  il gardera la même vie de miséreux dont il n’arrive pas à se détacher restant toujours timide et inquiet. Ses rapports avec les femmes resteront toujours difficiles. Après la mort de ZBOROWSKI  en 1932 , il sera logé par un couple de mécènes ,les époux CASTAING  A partir de la 2eme guerre Mondiale il devra se cacher pour survivre étant juif et recherché par la gestapo et la police Française, Il mourra dans sa cavale par manque de soin en 1942

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Son état de santé s’est trouvé très tôt dans sa vie défaillante. Il subissait des douleurs extrêmes en raison d’un ulcère à l’estomac jamais soigné qui a fini par l’emporter en 1942 . Il est venu s’ajouter là-dessus des addictions à l’alcool qui n’a pas arrangé sa santé. Dans ses sorties de beuveries il était souvent accompagné de MODIGLIANI , compagnon d’infortune quand il a connu MODIGLIANI à son arrivée à PARIS  à partir des années 1911

En ce qui concerne sa notoriété de son vivant , il lui a fallu attendre le docteur BARNES pour que sa peinture soit reconnue en 1923 mais il n’était pas populaire et pendant la 2eme guerre mondiale persécuté et caché en tant que juif et en proie  à des douleurs atroces provoquées par un ulcère à l’estomac . C’est un artiste  qui a vécu globalement dans la souffrance et la persécution

 Pour le commun des mortels dans sa peinture il y avait quelque chose de grotesque, de grossier dans ses figures tordues. C’est justement ce qui a plu à DE KOONING qui savourait la maladresse juste apparente de SOUTINE et cette grossièreté des peintures flamandes qu’il appréciait et qui est essentiels dans les tableaux « WOMAN «  de DE KOONING ». Soutine a donné à DE KOONING la force de faire de l’art qui déçoit le gout et qui se tenait à l’écart de la mode du temps.

Sa fascination pour le grotesque, il le retrouve chez SOUTINE. Pour DE KOONING  le grotesque commence de la MESOPOTAMIE jusqu’à nos jours dans la tradition occidentale mais il aime se projeter dans la renaissance pour la vulgarité et la dimension charnue  qu’on retrouve en particulier dans ses  «  WOMAN «  des années 50 et la chair est aussi un aspect important des tableaux de SOUTINE que DE KOONING a trouvé particulièrement intéressant

 

L’intérêt pour SOUTINE aux Etats UNIS est qu’il est arrivé en même temps que le mouvement de l’expressionisme abstrait Américain et la tendance  à juger SOUTINE  à la lumière de la peinture américaine et malgré tout SOUTINE ET DE KOONING  se disaient  ne pas être adepte de l’expressionnisme abstrait


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Ceux qui l’ont connu ont remarqué son caractère antipathique et son coté suicidaire. Il tentait inconsciemment de provoquer l’irritation et le rejet et y répondait par la haine et s’enfermait dans le désespoir. En tout cas il a tout  fait pour ne pas être aimé et en souffrir » comme une bête » , c’est tout lui

Il a même fini par être désavoué par ses généreux Mécènes  les époux CASTAING mais cela était peut être la conséquence de la réalité quotidienne qui entrave SOUTINE, souffrance physique en proie  à des douleurs atroces  provoquée par un ulcère à l’estomac , persécution, caché en tant que fugitif, errance d’un lieu à l’autre et cependant une libération se dessine dans son œuvre. C’est un artiste qui a vécu globalement dans la souffrance et la persécution, on le voit dans son art, c’est quelque chose qui a beaucoup compté dans sa perception.

Soutine il est vrai s’est peu préoccupé d’écrire sur lui et sur son art qui aurait permis aux historiens de s’en faire une idée juste et non caricaturale comme c’est souvent le cas par manque de connaissance du personnage. Son silence a donné libre court à tous les malentendus.

DE SOUTINE il en ressort en priorité son œuvre de crucifié et de profanateur, des portraits et bœufs écorchés, des chairs en décomposition, des couleurs qui disent les tumultes de la vie et les acharnements de la mort .

SOUTINE qui avait tant d’admiration pour REMBRANDT était célébré pour ses bœufs écorchés comme REMBRANDT

 

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A la fin de sa vie, tout dans la réalité entrave sa vie dans des souffrances physiques. La persécution de son état juif pendant la guerre, l’errance d’un lieu à l’autre pour échapper aux allemands et cependant ses peintures deviennent plus douces notamment il peint des mères tenant leurs enfants dans des prairies vertes en fleurs dans des paysages ensoleillés et bucoliques ou enfants jouant dans les champs et non des paysages apocalyptiques comme précédemment. Il sent peut être que sa fin et proche et il est presque soulagé


                                                              SOUTINE 1942


2- Willem DE KOONING

Quand on regarde la vie de SOUTINE et la vie de DE KOONING on y trouve beaucoup de similitude comme dans sa peinture or au début DE KOONING était plutôt penché sur PICASSO, le basculement se fera surtout à partir des années 50 et surtout à partir des années 70  avec  SOUTINE , le traitement décomplexé de la matière de la peinture avait permis à  DE KOONING de débrider son travail. Le regard sur la peinture de SOUTINE, son individualité autant que sa vision picturale qui avaient gagné l’admiration sans fins de BIL( WILLEM DE KOONING)  lui a permis  de résoudre certaines tendances qu’il voulait donner à sa peinture 

Il est né en HOLLANDE en 1904, près de 10 ans après SOUTINE, à ROTTERDAM. Il passe une enfance difficile comme SOUTINE avec une mère très autoritaire, violente qui parfois même le battait. Il a subi le divorce de ces parents quand il avait 2 ans, tiraillé entre son père qui d’abord en a la garde puis repris par sa mère qui tenait un bar dans le quartier du port de ROTTERDAM. Il est resté sans contact pendant très longtemps avec sa mère. Il se sont vus seulement 2 fois depuis qu’il était aux ETAT UNIS, il blâmait souvent sa mère, il ne lui avait jamais pardonné ce qu’il avait subi dans son enfance. Ses conflits avec sa mère ont marqué ses relations avec les femmes de sa vie en une aversion intense pour les engagements

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 Après une formation et un enchainement de divers travaux comme peintre et décorateur en Hollande et en Belgique, il décide de quitter la Hollande en embarquant clandestinement dans un bateau en partance pour NEW YORK avec un ami Leo COHAN en 1926, il a alors 24 ans . Dans son souhait de partir aux Etats -UNIS, il n’avait pas en vue de devenir un artiste peintre malgré son admiration pour les peintres anciens comme RUBENS, REMBRANDT et modernes comme PICASSO, VANGOGH , d’ailleurs à cette époque les peintres ne venaient pas à NEW YORK pour faire carrière dans la peinture , c’était PARIS qui avait le vent en poupe. Après quelques temps à NEW PORT puis  à BOSTON il rejoint NEW YORK où il vit de petits boulots. C’est en fréquentant le quartier des artistes et les cafés de GRENWICH VILLAGE qu’il rencontre des artistes comme JOHN GRAHAMStart DAVISDavid SMITH  et surtout Arschil  GORKY qu’il décide  de se consacrer entièrement à la peinture. Il rencontre un marchand influent SIDNEY JANIS qui se chargera de vendre ses peintures. C’est pendant cette période qu’il découvre les peintures de SOUTINE qui  le fascinent. On le classe dans le groupe des expressionnistes abstraits de l’école de NEW YORK classement qui ne lui convient pas vraiment. En 1956 à la mort de POLLOCK on cherche même à le positionner comme leader des expressionnistes abstraits. En cela tout les deux se ressemblent, ils ne veulent pas être enfermés dans un groupe, une école, il veulent garder leur indépendance.

 

SOUTINE lui ne veut pas se trouver dans la case de l’école de PARIS de même Willem de KOOONING ne se retrouve pas dans les expressionnistes abstraits. Il passe de l’abstrait au figuratif et vice et versa et parfois les deux dans la même peinture .

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Malgré tout, l’un et l’autre ont accepté vis-à-vis de l’extérieur d’être catalogué comme expressionniste par dépit. De KOONING avait dit : «  On fait partie d’un groupe ou d’un mouvement parce que on ne peut pas faire autrement.

Ce n’est qu’au début des années 50 que l’œuvre de SOUTINE a été révélée au monde de l’art et que WILLEM DE KONNING a découvert toute sa portée. Cette deuxième découverte s’est produite en 2 temps.

-         Rétrospective SOUTINE au MOMA de New York en 1950

-         Visite à la fondation BARNES à MERION de la collection SOUTINE en 1952 qui fut la révélation pour DE KOONING dont il disait « 

Après ces deux visites ,De KOONING était à la fois exalté et troublé  par l’intensité des tableaux  de SOUTINE. Il ressentait une filiation entre SOUTINE et lui. Il retrouvait dans les paysages de CERET et CAGNES, la mobilité, la nervosité de ses propres coups de pinceau, l’arbitraire du geste qui donne à la touche picturale toute son autonomie. A ses yeux, les œuvres de SOUTINE sont le miroir de ses aspirations et des obsessions qui caractérisent alors ses recherches plastiques( Jérome BUISSON).  Ils ont en commun le traitement  de leurs tableaux  sur le motif pour SOUTINE , figuratif et imaginaire  pour   «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  »   « qu’ils ne peuvent s’empêcher de porter dans le traitement  qu’ils lui resservent , à  son   point de dissolution «   « jérome BUISSON »

L’impact de la visite à MERION a été immédiate et durable sur les tableaux de « WOMAN » qu’il avait en chantier ,en ceci que la distinction conventionnelle entre premier plan  et fond disparait des surfaces activées d’une peinture dominée par la surface très distinctive  d’une figure féminine massive .

De même pour  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » fait 20 ans plus tard , la  Forme biomorphique  qui domine le tableau fait corps avec le fond , il n’y a pas d’espaces , de perspectives , d’équilibre , tout est imbriqué, seules  les couleurs permettent de faire la distinction avec couleurs chaudes au premier plan ( rouge , orange, jaune,  rose au premier plan)  et couleurs froides sur le fond( noir, marron, gris, vert),


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L’intérêt pour SOUTINE aux ETATS UNIS est qu’il est arrivé en même temps que le mouvement expressionniste abstrait Américain et la tendance à juger SOUTINE à la lumière américaine malgré que l’un et l’autre ne veulent pas se ranger dans les cases où on les range 

 

En 1963,  De KOONING  déménage dans les LONG ISLAND , avec ses vastes étendues d’eau réfléchissant la lumière  , des rives sablonneuses où il s’est fait construire un atelier à SPRING , un petit hameau  de  EAST HAMPTON. Il y retrouve les mêmes paysages et la même luminosité du bord de mer Hollandais de son enfance. Il travaille à l’écart des peintres de son obédience, loin de NEW YORK et des expressionnistes abstraits de l’école de NEW YORK

 

Sa peinture devient plus fluide et plus lumineuse. Il retrouve la figuration après les années de 1957 -1960 où ses peintures penchaient plutôt vers l’abstraction des paysages. De son enfance aussi il essaye de retrouver certaines couleurs  comme le marron, couleur du foie qu’il mangeait étant enfant. Pour retrouver cette couleur, beaucoup d’efforts ont été nécessaires, il lui a fallu mélanger une dizaine de couleurs pour aboutir à un marron très particulier qui n’a pas d’équivalent chez d’autres peintres tout comme le rose de DE KOONING qui est aussi spécifique au peintre , le rose de PINK ANGEL. D’autres peintres se sont créés des couleurs spécifiques incopiables comme le bleu KLEIN ou le bleu MAJORELLE.

Au contraire de SOUTINE qui a tout fait pour occulter tout ce qui pouvait revenir de son enfance jusqu’à la religion juive qui a été absente de ses tableaux alors que d’autres juifs comme CHAGALL son compatriote ont peint très fréquemment des scènes comportant des références à la religion juive. Il voulait aussi oublier la vision des Pogroms, la misère, les légendes terrifiantes ou glorieuses racontées la nuit  à la flamme des bougies dans l’odeur de suif ou de suint

 Seule exception pour SOUTINE , ce sont les  portraits  qui ressemblent à certaines personnes qu’il avait connu  en LITHUANIE

Ce n’est que  dans les années 60 mais surtout 70 que l’influence de SOUTINE sera la plus marquée pour DE KOONING et que ses œuvres tardives  témoignent d’un intérêt  de plus en plus profond  pour les qualités picturales  qu’il appréciait  chez SOUTINE .Cette influence se situe vraiment dans l’acte de peindre , dans la gestuelle plus que la thématique. Il a regardé SOUTINE, il se  l’est approprié en donnant autre chose . Il disait : « Plus j’essaie d’être comme SOUTINE, plus originel je deviens » mais il n’avait pas de rapport quotidien avec sa peinture il disait : « Je suis fou de la peinture de SOUTINE » il a également rajouté qu’il n’aimerait pas en avoir. D’ailleurs il n’était pas collectionneur du tout , et dit-il :   «  je n’aurais jamais voulu collectionner des œuvres de SOUTINE mais il est tout pour moi » DE KOONING a accompagné SOUTINE dans son univers. Il disait aussi : « Faire comme SOUTINE, ce n’est pas faire du SOUTINE mais comme lui faire autre chose »

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Après la période des « WOMAN » des années 50 suivi de la période des paysages pastoraux, il revient aux tableaux « WOMAN » dans les années 60. Figures féminines dans un environnement d’eau . Ce sont des tableaux avec des personnages dans le paysage. Bien souvent les «  WOMAN » ont un air de terreur et de vengeance comme le tableau «  SAG HARBOR » De ce point de vues ils sont à rapprocher de  «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  avec d’une part un environnement de marais et de mer et à gauche en bas , une tête qui ressemble à le fois aux têtes des « WOMAN » de « WOMAN and BICYCLE » et aux têtes des années 60 comme « SAG HARBOR »





WOMAN AND BICYCLE        WOMAN DE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE



En 1977 dans un entretien , il continuait à dire son admiration  pour l’œuvre de SOUTINE  et  quand on demandait  à DE KOONING quel artiste a eu le plus d’influence sur sa peinture , il répondait «   Je pense que je choisirais SOUTINE, j’ai toujours été fou de  SOUTINE, de toutes ses peintures.. » 

Son Tableau UNTITLED V reflète ce qu’il disait des toiles de SOUTINE quand il disait en 1952 à la fondation BARNES ,alors qu’il  il avait vu les toiles de SOUTINE exposées ,que le rayonnement de la lumière provenait  de l’intérieur du tableau  et que c’était une autre lumière. On peut en dire autant de UNTITLED V

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Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » objet de cette étude est de ce point de vue un des tableaux dont l’influence de SOUTINE est la plus marquée par rapport aux paysages de CERET, aux  carcasses d’animaux et les bœufs écorchés.

Comme SOUTINE , La vie de DE KOONING sera marquée par la maladie beaucoup plus tardive que SOUTINE , il vivra les 10 dernières années de sa vie avec la maladie D’ALZHEIMER sans pouvoir peindre et il sera touché comme SOUTINE par une forte addiction à l’alcool  qui l’amènera à des cures de désintoxications nombreuses et des rechutes répétitives.

En 1970 DE KOONING  est en dépression . FOURCADE, ( son marchand et conseiller qui s’occupe de ses tableaux à la galerie KNOEDLER , qu’il  quittera pour créer sa propre galerie ou il  sera de nouveau de marchand de DE KOONING après une période de flottement ), une fois de plus essaye de créer une diversion pour palier à cette dépression et son addiction à l’alcool en organisant un voyage au japon  pour le salon mondial qui allait ouvrir en Mars 1971. DE KOONING promit d’être sobre et conciliant. Le but du voyage était de trouver de nouveaux collectionneurs en Asie. Il fut très impressionné par le Japon, son art de la calligraphie et le calme du peuple japonais. Suite à son voyage il va se mettre à la lithographie et à la gravure et continuera la sculpture qui l’intéressait depuis son voyage à ROME en 1969.

Comme indiqué ci-dessus FOURCADE a quitté KNOEDLER pour créer sa propre société et après une période de flottement il reprendra DE KOONING et sera de nouveau son marchand vers 1973. Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE se situerait donc dans la période creuse ou il n’y avait plus de marchand pour ses tableaux et sans doute aurait été tenté de vendre en direct. Il a aussi beaucoup donné de tableaux à cette époque, que ça soit à sa nouvelle muse Emilie KILGORE, a des amis ou des compagnons de bar parfois à l’issue de son plein gré pour ceux-ci quand il en ramenait chez lui ( STEVENS et SWAN  , An American master)

Son assistant de l’époque WRIGHT avait détesté de gérer ce flux croissant de personnes qui venaient voir DE KOONING pour obtenir quelque chose de lui. Il regardait régulièrement les visiteurs prendre des dessins au sol ou parfois le peintre le permettait quand il était ivre. WRIGHT ne pouvant supporter cela, le quitta (STEVENS, SWAN)


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 Après 5 ans de litige avec la galerie SIDNEY JANIS, il fut négocié un règlement extra judiciaire et personne n’en sorti vraiment vainqueur.

La période de 1971  ou il peint très peu  date de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est une période alcoolisée qui l’amènera un fois de plus en cure en 1973 et  la continuité de périodes de mal- être  provoquées par les critiques qui n’avaient pas accepté son retour à la figuration  avec ses « WOMAN » On commençait à se désintéresser de sa peinture avec un report d’intérêt porté sur le nouveau « POP ART »  qui faisait passer DE KOONING  comme un artiste « has been  «  et ringard car pensait t’on, il était trop  penché sur les peintures du passé et de l’Europe

 

 Cette année 1971 est une année importante car Il vient de rencontrer fin 1970 sa nouvelle muse Emilie KILGORE. En règle générale pour DE KOONING, les années 70 seront une période de joie accrue avec Emilie KILGORE et une période d’isolement, de mélancolie angoissante et d’anxiété qui découle en grande partie des exigences extraordinaires  qu’il a placé sur lui-même

1971, il découvre l’art de la SCULPTURE et de ce fait réalise très peu de tableaux, toute son énergie étant tournée vers ce nouvel art , la lithographie et la gravure

Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est un des rares tableaux qu’il aurait exécuté en 1971.

En ce qui concerne son rapport avec les femmes, comme SOUTINE, il était difficile . Ce qui a marqué SOUTINE comme DE KOONING ce sont les rapports avec leur mère respective, sources de conflits permanents et manque d’amour. Pour certains critiques d’art aussi bien de SOUTINE que de DE KOONING  ils  ont fait preuve  toute leur  vie de Misogynie, et dans les  « WOMAN » de DE KOONING aux allures de femmes qui inspirent  la peur des années 50 il y a quelque chose de CORNELIA DE KOONING, la mère de Willem De KOONING. Après l’avoir quitté pour les ETATS UNIS, il aura très peu de relation avec elle  . Il la verra quelques mois aux Etats UNIS ou il l’avait invité , mais les relations seront tendues ,ensuite il la rencontrera lors d’une dernière  visite en HOLLANDE à l’occasion  de la rétrospective DE KOONING en 1968, elle décédera l’année suivante à plus de 90 ans.


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D’autre part, marié en 1943  avec ELAINE FRIED, il s’en écartera pour des relations avec Joan Ward dont ils auront une fille LISA , avec  Ruth KLIGMANSusan BROCKMAN puis avec sa nouvelle muse EMILIE KILGORE à partir de fin 1970 . Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE » semble dater de 1971 ou il est encore en phase de dépression et de mal être

 C’est véritablement à partir de 1972 que ses relations avec MIMI ( Emilie KILGORE) apporta plus de bonheur à Willem De KOONING que ce qu’il avait connu auparavant avec une femme, malgré que chacun vivait séparément l’un à EAST HAMPTON l’autre à HOUSTON  mais sa vie avait maintenant une étoile sur laquelle il pouvait se fixer et rêver.

Dans une de ses nombreuses lettres écrites à Emilie KILGORE qui est mariée à John KILGORE  il écrivait «  tu es  moi- même plus que moi, tu es à l’intérieur de moi » ou  dans une lettre « santa Maria » il écrit une longue lettre  ou se moquant de son désespoir , il dessinait de petites images sur des  lettres de  flèches percées de cœurs ou de pleureuses de « santa emilia »Dans d’autres lettres « Je t’aime   ou que tu sois pour toujours » , « tu me fais me dépasser »,  «  tu es avec moi-même quand tu n’es pas là ». « je n’ai jamais eu une femme comme toi dans ma vie » «  tu fais de moi un homme romantique » «  tu m’a donné quelque chose que personne ne m’a jamais donné »  Il attendait  anxieusement  ses lettres  et il passait des heures à composer les siennes.

Il fera une déclaration qui pourrait passer pour extravagante mais qui s’avère vrai : « Je dédicace toutes mes peintures à toi » Dans la plupart des tableaux de fin 1971 et au-delà il fait effectivement des dédicaces des  tableaux à MIMI


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Par exemple, le tableau  « EAST HAMPTON, GARDEN PARTY » porte  l’inscription  « HAPPY BIRTHDAY » de Emilie KILGORE. Une série de dessins porte l’inscription «  For Santa EMILIA six tears «  en 1972




Un dessin au dos du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »ou les deux noms KILGORE et D KOONING  apparaissent imbriqués l’un dans l’autre et les deux visages de l’un et de l’autre  se répondent . Ce dessin est un message d’amour 


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La longue vie et l’art de DE KOONING était de son temps continuellement dans des états de stabilité et d’instabilité de contradiction et de continuité de colère et d’amour, C’est un artiste complexe qui vivait en permanence  dans un état d’anxiété et cela se reflète dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ou l’on retrouve à la fois la terreur ( un être vivant qui se fait dévorer par des monstres), l’amour ( message d’amour au dos du tableau)  ou dans sa peinture, la figuration ( extrait de membre de WOMAN1( étape1) ) côtoie  l’abstraction de taches informes que l’on peut transformer en monstres indéterminés, le grattage, l’essuyage de peinture avec du papier qui donne un aspect de flou  et de tableau non fini, les effets de rides de craquelures nous montrent que le peintre est toujours à la recherche d’effets nouveaux non conventionnels




  RIDES                               CRAQUELURES                                GRATTAGE




« Si la peinture de DE KOONING a été influencée par la peinture de de SOUTINE dans ce qui a été appelé l’expressionisme  dont il a été le précurseur pour les américains, dans la continuité  de ses recherches, il a ouvert la voie  à une vrai rédemption  de la peinture libre qui allait s’épanouir au-delà du POP ART   et du MINIMALISME   et qui osera même  prendre le nom de BAD PAINTING, c’est-à-dire une peinture  qui se démarque des apparences  pour mieux exhumer la chair palpitante du sujet » ( Geraldine BRETAULT)

En 1977 DE KOONING disait : «  j’ai toujours été fou de SOUTINE , peut être que c’est la luxure, il construit  une surface qui ressemble à un matériau comme une substance. Il y a une sorte de transfiguration, un certain charme dans son travail »

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Dans les années 70 , il était encore en train d’inventer de nouvelles façons de mélanger la peinture , de nouvelles façons de l’amener à sa volonté.

LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est un bon exemple ou il crée des effets de rides, des mélanges de peintures improbables avec de l’eau, des huiles diverses de l’essence de térébenthine et la jonction de peintures avec des couleurs qui semblent incompatibles .Ses peintures se heurtent, tremblent, frémissent  l’incendie comme la forme biomorphique centrale qui peut être vue aussi comme une flamme qui traverse de haut en bas le tableau.

KREMA observe que DE KOONING a interrogé la peinture de l’intérieur et  non  du dehors et le spectateur devient autant que l’artiste le créateur  du sens de l’œuvre

 

Paul RICHARD du WASHINGTON POST disait que DE KOONING n’avait jamais su avec précision et n’avait choisi de savoir où il allait. Ses peintures n’avaient pas de destinations certaines, leurs lignes étaient toujours changeantes, jamais immuables.

Quand il sentait qu’il allait dans une direction qu’il ne souhaitait plus, il abandonnait le tableau qui restait inachevé. C’est probablement ce qui s’est produit avec « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Son état d’esprit a changé en cours de création du tableau car il venait de rencontrer sa nouvelle muse Emilie KILGORE et delors  il ne se retrouvait plus dans la noirceur psychique  du tableau .


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 3-SOUTINE – DE KOONING, RAPPROCHEMENT ET ELOIGNEMENT

Nonobstant la peinture par elle-même qui sera développée dans les chapitres suivants entre le Tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et des tableaux de SOUTINE il existe dans leur vie de nombreuses convergences mais aussi des divergences notoires.

Pour les convergences,

-Tous les deux ont quitté leur pays, jeunes, pour émigrer l’un en France l’autre aux Etats Unis, dans l’inconnu sans un sou en poche

-L’un et l’autre avaient suivi des études artistiques dans leur pays d’origine

-Tous les deux avaient eu des problèmes relationnels avec leur famille

-Tous les deux ont commencé par la misère dans leur pays d’adoption et ont connu la gloire et la reconnaissance ensuite

-Tous les deux ont voulu se démarquer de leurs collègues peintres et personnellement n’ont pas suivi le chemin où on voulait les engager, école de Paris et expressionniste pour SOUTINE, Ecole de NEW -YORK  et expressionniste abstrait pour DE KOONING en étant anticonstitutionnels et en restant indépendants.  « Au cours de leur vie , les deux artistes ont acquis une réputation de franc- tireur expressionniste … tous les deux vont créer une peinture qui transcende les paramètres du modernisme de leur époque » ( Judith ZILCZER)

D’ailleurs artistiquement parlant, les expressionnistes abstraits Américains ne formaient pas un groupe homogène. Dans l’expressionnisme, SYLVESTER voyait plutôt une position qu’un style car il existe de nombreuses différences  entre  le Field Painting  de ROTKO et NEWMANN et la peinture gestuelle de DE KOONING ou KLINE sans parler du Dripping de POLLOCK. Conscient de ces divergences DE KOONING a reconnu un jour : « On fait parti d’un groupe parce que on ne peut faire autrement » De plus l’expressionnisme de DE KOONING plus figuratif qu’abstrait  était dans une tradition picturale  contrevenant sciemment au schéma GREENBERGIEN.

En comparaison avec d’autres artistes expressionnistes DE KOONING était plus un peintre figuratif qu’un peintre abstrait. Il était plus expérimental dans l’exploitation des motifs et matériaux avec lequel il avait créé son art , il a survécu aux autres


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D’un point de vue philosophique, la picturalité libre de SOUTINE représente pour DE KOONING la liberté même de la vocation artistique. Pour lui cette qualité est le fruit d’1 conviction intérieure plus qu’une forme d’expressionnisme stylistique. De KOONING disait :   « J’aime SOUTINE, tout ce qu’il faisait avec une sorte d’expressionnisme, il le faisait seul », .   « Je ne pense pas qu’il serait d’accord pour se dire expressionniste ou pour dire que sa peinture puisse relever de cette façon de peindre. Il était tout seul »

 

En effet bien qu’il soit le seul jugé expressionniste à PARIS parmi les CUBISTES ou DADAISTES, SOUTINE a ouvert la voie  aux avant-gardes ultérieures   et  a été présenté comme le précurseur de l’expressionnisme abstrait Américain par ses pairs et les critiques d’art .

POLLOCK et bien entendu DE KOONING  se sont rapprochés de SOUTINE en raison de son indépendance de tous les mouvements   Ils ont été subjugués par ses  peintures gestuelles présentes dans ses carcasses de BŒUF et ses paysages.

 

De même DE KOONING était tout seul dans son atelier de LONG ISLAND, travaillant sur un mode éminemment pictural. Il défie les tendances de l’avant-garde des années 60 et 70 du POP ART au minimalisme. De même SOUTINE était resté à l’écart des mouvements artistiques dominants de son époque. Des années plus tard, il restera à l’écart de tout groupe de mouvement.

Star à l’époque de NEW YORK, il s’est mis à l’écart de là où se passait l’art contemporain en quittant NEW YORK. A la mort de POLLOCK malgré tout il est devenu le leader de l’art expressionniste alors que sa position n’était pas claire

Les critiques l’ont souvent mis à l’écart car il passait du figuratif à l’abstraction ( les peintures noires et blanches) pour revenir ensuite  au figuratif ( WOMAN)  puis à partir des années 60 il s’est mis entre les deux ( pastorale 1963) LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE côtoie aussi le figuratif et l’abstraction

 Ils se sont donc toujours dérobés à toute tentative de classification tout en ayant une grande influence sur les différents développements artistiques Ils ne se sont pas pour autant mus dans une position comparable à l’anti-art de la négation permanente mais leur position marginale leur a souvent fermé les portes des expositions importantes à caractères thématiques. Cette indépendance leur a permis de développer de nouvelles inventions plastiques sans rupture avec les concepts stylistiques et la tradition de la grande peinture. Tous deux étaient conscient toute leur vie durant qu’il était dangereux pour un artiste de s’élaborer un style univoque car celui-ci tend constamment à exiger  un engagement  général  qui conduit par principe  à un engourdissement de sa propre créativité et tend vers une prison  qui se réduit à un pattern décoratif et superficiel.


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 De KOONING malgré la grande influence qu’a eu SOUTINE sur sa peinture n’a jamais voulu posséder un tableau de SOUTINE et il s’est inspiré çà et là des éléments de peinture, des inventions de peinture de SOUTINE  non pour copier son style mais pour les adapter à son propre courant de peinture. Il a suivi  ses  idées afin de les transformer, les redéfinir pour son propre travail. Il en est de même de  SOUTINE qui a été influencé des  grands classiques comme REMBRANDT, RUBENS, VERONESE mais aussi plus proche de VAN GOGH,  CEZANNE tout en les adaptant à sa propre sensibilité.

Son indépendance lui a permis de faire dans sa peinture des retournements de situation là où on ne l’attendait pas Dans les années 1947 à 1950 il avait  fait des tableaux  abstraits noir et blanc à la manière de Franz KLINE qui ont eu un franc succès auprès des critiques puis brusquement est revenu au figuratif avec la série des « WOMAN » à partir des années 50 . Ce changement fut perçu comme scandaleux par ces mêmes critiques. Ce changement n’était pas une anti-position à la mode ou des astuces pour faire sensation. Ces ruptures reflétaient son attitude fondamentale  vis à vis de l’art et de la vie qui pour DE KOONING était une éthique de se mettre en phase avec ses sentiments intérieurs . Les distinctions entre « abstrait » et « figuration » perdent ici toutes leur valeur, seul compte l’acte de peindre. Pour de tels procédés, il est compréhensible de travailler en séries ce qui autorise une répétition  changeante et permet de trouver par tâtonnements des solutions plastiques car on ne peut les trouver une bonne fois pour toutes. Chaque formulation fait face à une infinités d’autres possibilités non encore réalisées qui conviennent plus ou moins à DE KOONING. On comprend donc que dans ce processus ouvert, les séries elles-mêmes, rétrospectivement ne sont pas compréhensibles en tant que groupes d’œuvres, se suivant les unes des autres délimitables. Ainsi les inventions formelles, les solutions picturales les plus contradictoires se superposent comme dans des mouvements ondulatoires, s’interpénètrent. L’un est né de l’autre et l’autre se répercute réciproquement sur l’un qui n’est pas encore né. L’abstraction fait face à la figuration parfois simultanément. Le principe de base de ne reconnaitre aucune sorte de règle est déterminante pour DE KOONING et toutes les solutions plastiques sont considérées avec méfiance et remises en question ? L’incertitude est sa force picturale et les limites ne doivent pas être évitées mais dépassées et supprimées. Il refuse l’ordre car dit t’il «  l’ordre signifie pour moi que l’on est commandé et c’est une restriction » Pour lui  «  la seule certitude  aujourd’hui est que l’on doit être conscient  de soi-même »


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 C’est dans cette direction que se trouve la marginalité foncière de DE KOONING et la solitude de  la condition de base de son art ce qui ne contredit pas que son art a bénéficié d’une reconnaissance mondiale . DE KOONING s’est toujours dérobé à une telle adhésion collective et a surpris mais aussi choqué et agacé certains admirateurs par ses voltes faces permanentes car il était imprévisible et indéterminable .Le succès et la reconnaissance publique n’ont jamais pu vaincre  l’isolement de son existence qui n’était rompu que dans le dialogue avec le tableau

 

 

Dans  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ,on peut y relever différentes influences , bien entendu la plus remarquable est l’influence de SOUTINE avec l’utilisation de couleurs rouges incandescentes, la figure biomorphique dont on peut trouver des ressemblances  avec « les bœufs écorchés »de SOUTINE et beaucoup d’autres aspects développés dans cette étude mais on peut trouver aussi  l’influence  de GIACOMETTI avec la tête fantomatique  des têtes grises du peintre/sculpteur, on peut y voir aussi des références à GORKI, à Franz KLINE, à WARHOL ( chaussure de femme dans le tableau)à Hans HOFMANN, MOTHERWELL avec ses « ELEGY »




TETE A LA GIACOMETTI


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NOIR ET GRIS A LA KLINE OU MOTHERWELL



L’intérêt aussi Pour DE KOONING et c’est visible aussi de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », est de redéfinir son propre travail sans se référer à un style, il pouvait se  soustraire  à toute détermination stylistique , n’étant jamais univoque mais marqué par des ruptures, des ambiguïtés et des incompatibilités se contredisant les unes les autres .Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le figuratif se lie à l’abstraction  pour élargir  les  champs d’invention , de compréhension , d’’imagination.

 « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  semble faire partie d’une série de peinture de 1970 à 1972 à la fois semblables dans le pictural  mais très différents dans le ressenti ainsi autant « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »laisse un sentiment de peur , de terreur autant un tableau comme « FLOWERS  MARY’S TABLE inspire la joie, l’apaisement et RED MAN WITH MOUSTACHE, l’humour, le rire

La démarche de SOUTINE  dans son art est semblable à DE KOONING, dans son indépendance et son refus de participer à un mouvement ce qui lui valut aussi d’être marginalisé et peu représenté dans les grandes expositions thématiques . Son asociabilité, son isolement , son mauvais caractère  et son amour inconsidéré de la peinture comme DE KOONING ont fait que leur talent au lieu d’exploser immédiatement aux yeux du monde est venu bien tardivement mais ils ont toujours garder leur esprit marginal et secret.

 

- tous les deux ont donc connu le rejet et ensuite la reconnaissance

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- Tous les deux manifestent parfois à l’égard du tableau lui-même  une indifférence car ils se passionnent non pas pour le tableau en tant qu’objet mais pour le processus créatif, le tableau n’est pas une fin en soi. Le tableau est censé avoir un impact sur l’âme et pas seulement sur le mur. Il est avant tout l’habit des pensées, des concepts et des émotions de l’artiste. Si le tableau a un moment donné dans son processus créatif ne correspond plus à ces critères  SOUTINE le détruit et DE KOONING l’abandonne en le laissant inachevé.

C’est sans doute le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » qui  ne correspondait plus à un moment donné à son état d’âme c’est  pour cela qu’il parait inachevé dans le haut de la toile. Emilie KILGORE venait d’apparaitre aux yeux de DE KOONING  et le tableau ne correspondait  car  la joie avait remplacé  ses pensées morbides et ses cauchemars de terreur et de monstres comme semble le montrer le tableau

 

- Tous les deux ont eu de graves problèmes de santé et une addiction lourde à l’alcool que SOUTINE partageait avec MODIGLIANI et que DE KOONING partageait avec POLLOCK.

SOUTINE était  très préoccupé  par la maladie qui le rongeait  de l’intérieur, les brulures insupportables qui lui rongeaient  l’abdomen et sa maladie  ont eu probablement des effets sur sa peinture .Les boursoufflements , les fissures, l’éclatement des fibres et des tissus internes , leurs colorations inquiétantes soigneusement rendus par le pinceau sont à l’image de son corps

De KOONING a multiplié les cures de désintoxication et les séjours à l’hôpital en raison de son addiction à l’alcool. Son pancréas était aussi sérieusement endommagé par ses excès à la boisson. Ses addictions à l’alcool sont visibles dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » probablement les conséquences du cauchemar morbide qui est imagé et relaté dans ce tableau où  dans son rêve il est dévoré par des monstres marins et des marais. Les dernières années des sixties et début seventies alternent entre distractions et éruptions douloureuses

 

- tous les deux ont été taxés de misogynie à cause d’une forme d’instabilité affective avec les femmes


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-Tous les deux ont connu des périodes d’autodestruction, de troubles compulsifs. Nombres de tableaux de SOUTINE ont subi des destructions même quand il avait du succès  Quand à DE KOONING  quand il ne se sentait plus à l’intérieur du tableau , il l’abandonnait  parfois pour un nouveau tableau sous une autre forme qui l’inspirait davantage.

 Il semble  que  le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE vu  le grattage en haut du tableau  et l’effet de flou en haut également sans doute dû à l’essuyage avec du papier , n’aurait pas été fini, pour la bonne raison qu’il n’était plus dans l’état d’esprit initial quand il a commencé à faire le tableau qui exprime la terreur, la mort alors qu’il venait de rencontrer sa nouvelle muse Emilie KILGORE ( voir dessin  dos du tableau ou il fait état de son nouvel amour dans un dessin )

 

- Tous les deux ont renié leur famille et la langue maternelle

 

- Tous les deux se sont fait remarquer par la profanation des corps dans leur peinture

 

- Tous les deux improvisaient leurs tableaux mais à partir, à l’origine, de quelque chose de figuratif.

 SOUTINE commençait par peindre ce qu’il voyait et ensuite il se laissait guider par son émotion en transfigurant le sujet qu’il voyait.

Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le peintre démarre d’une jambe de «  WOMAN I » et ensuite, improvise  et transforme cette jambe en forme biomorphique dans un milieu aqueux de marais et mer pour illustrer un cauchemar personnel.

 

-Tous les deux restaient à l’écart des mouvements stylistiques dominants, de leur époque.

DE KOONING admirait l’individualité  et la vision picturale de SOUTINE, sa dévotion à la primauté de la peinture symbolisant sa propre croyance en l’art comme mode de vie

 

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-Tous les deux avaient un tempérament nerveusement mélancolique

 

-Tous les deux portent l’empreinte dans leurs tableaux de l’énergie traversant la surface, créent l’image dense et serrée d’une immense gravité et grandeur sans aucun embellissement ni concession à la décoration quel que soit les avis des critiques, collectionneurs et des modes de l’époque et leur cheminement à contrecourant de la bienséance.  Les tableaux de paysage de SOUTINE et le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » sont formés d’éléments éparpillés, disloqués, ils ne forment  pas moins 1 tout et fait songer à un spectaculaire empilement d’énergie.

 

-Tous les deux se sont comportés comme des errants, ont fréquenté à la fois  les clochards et les plus grands maîtres , les directeurs de musée ,de galeries et les plus grands collectionneurs

Le secret de SOUTINE n’est sans doute que celui d’un immense amour, il ne peut supporter l’incommunicabilité des êtres dont il souffre si cruellement et contradictoirement il fait tout pour que les gens autour de lui se détachent de lui par ses comportements inconsidérés même vis-à-vis de ses amis proches les époux CAISTAING ,  les peintres  KIKOINE et Pinchus  KREMEGNE

 SOUTINE dans sa légende du juif errant , s’excluait  de toute communauté, reclus dans son atelier, ne trouvant jamais la paix, sans  compassion envers quiconque même ses amis, farouche et peu expansif, il a été marqué par 10 ans de misère à PARIS dans la solitude et cela même  plus tard quand il n’aura plus aucune gêne financière , il ne pourra jamais se défaire de cette vie d’anxiété d’autodestruction qu’il entretien avec ses excès de boisson  comme du temps où il accompagnait MODIGLIANI  jusqu’en 1920. Cette anxiété et autodestruction s’étendait aussi dans ses œuvres dont beaucoup ont été lacérées et détruites.

 

 De KOONING lui aussi à une certaine période de sa vie errait la nuit, vivait au contact des clochards dans NEW YORK . Il était tellement bien admis et intégré auprès de cette population qu’ils se sont inquiétés de son absence quand il a déménagé dans les LONG ISLAND  parfois comme il est dit dans le livre de STEVENS et SWAN  « an american master » ,DE KOONING amenait  cette population nocturne qu’il côtoyait dans les bars ou sous les ponts de NEW YORK dans son atelier. Etant bien éméché et sans s’en rendre compte et sans autorisation , certains repartaient  avec des œuvres de DE KOONINGsous le bras.

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 Peut- être que quelques années plus tard cette œuvre « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » aurait été donnée ou prise dans son atelier de  SPRING ( dans les années 70) suite à une soirée bien arrosée comme il en avait l’habitude ou autre possibilité elle aurait été donnée  en cadeau à un de ses amis . Il avait fait de nombreux cadeaux de toiles à ses amis comme Leo COHEN qui avait embarqué avec lui en 1926 pour les ETATS UNIS . Il avait donné également de nombreuses toiles à EMILIE KILGORE

-Tous les deux peignaient plus par sensation qu’avec leurs yeux.

 Même si SOUTINE peignait sur le motif, ce qu’il transcrivait sur la toile n’était en rien ce que pouvait reproduire une photographie car immédiatement c’était les sensations et le ressenti du sujet qui prenait la direction des choses et le résultat final était toujours surprenant  comme nous le verrons dans cette étude.

Dans une interview en 1959 DE KOONING disait que « lorsqu’il travaillait, il ne peignait pas ce qu’il voyait mais illustrait l’émotion d’1 expérience concrète, chaque peinture est un monde de mémoire, un record de banalité et de sensation sans importance de la vie de tous les jours ». 

«  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est un bon exemple , c’est  l’image d’un cauchemar qu’il a subi pendant son sommeil , la transcription de ce qu’il s’en rappelle »

Il adorait le JAZZ et particulièrement  Miles DAVIS. Il  se comparait souvent à un improvisateur de musique de JAZZ qui démarre un morceau de musique par une sorte de plateforme , ( un standard) à partir de laquelle on lance une invention spontanée, une improvisation.

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , la plateforme est la jambe de WOMAN1, tout le reste est improvisation  qui a rapport à la créativité du peintre dans l’instant où il a posé le calque de la jambe sur la toile.


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-Tous les deux ont exprimé leur fascination pour les images grotesques parfois gores de leurs ancêtres introduisant des éléments de distorsion et d’exagération dans leur propre peinture pour augmenter l’impact visuel

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « le peintre transforme une jambe calqué sur le tableau WOMAN 1 ( étape 1) pour en faire un être anthropomorphique  à tête d’oiseau sans membres comme un poisson  ,en train de se faire dévoré par des monstres marins et des marais

 

-Tous les deux ont voulu transmettre au regardeur, l’expérience sensuelle ou sensorielle de leur art par la touche gestuelle, l’intensité des couleurs , l’insistance parfois grotesque , les exagérations et les déformations sur certaines parties du corps ( Simonéta FRAQUELLI)

 

-Tous les deux avaient des emblèmes  .Pour SOUTINE  c’était  l’animal étranglé pendu par les pattes et écorché .

Pour DE KOONING c’est la chaussure à haut talon que l’on rencontre dans ses toiles , visibles ou sous-entendues  surtout à partir de ses séries cultes des « WOMAN » des années 50 ( présent dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

 

-Enfin tous les deux se nourrissent de leurs  œuvres respectives  dans leur sommeil.

 Pour SOUTINE ,des paysages de CERET sont  transformés pendant ses nuits , c’est là ou il est le plus créatif

Pour  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ce tableau c’est l’image de cauchemars qui lui reviennent souvent dans les marais de LONG ISLAND peuplés de monstres agressifs

 

Mais ce qui les relient le plus et c’est peut-être ce que DE KOONING a compris intuitivement en regardant SOUTINE, c’est leur approche commune de l’art lui-même et le désir mutuel de mettre en œuvre une conception de l’art . Cette conception de l’art n’est pas liée par des conventions de figuration ou d’abstraction mais par le désir de permettre au spectateur de vivre l’expérience de l’image qu’il a mis sous les yeux   et  d’y voir une évocation visuelle d’une expérience tactile ( Simonetta FRAQUELLI)



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Au-delà des gestes artistiques et des jeux d’influence, les deux peintres se sont aussi rejoints dans leurs trajectoires humaines d’écorchés vifs ( références  aux  bœufs écorchés de SOUTINE et à l’autoportrait d’écorché de DE KOONING dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE), d’enfant de l’exil  et de fers de lance malgré eux de deux moments clés de l’art moderne (Marie LOMBARD)

 

RAPPROCHENENTS DANS LA PERCEPTION DES TABLEAUX DE PAYSAGES

 

L’une des raisons pour lesquelles, les peintures de SOUTINE  ont paru si nouvelles  et si pertinentes pour DE KOONING, c’est qu’il n’a jamais adhéré à aucun des  «  ismes » ..fauvisme, impressionnisme, cubisme etc qui avaient cours à son époque et qu’il les a même ignorés. De KOONING aussi réfutaient tous les ismes et il ne pensait pas que l’artiste contemporain devait être lié par des conventions de temps, de style ou de sujet. De KOONING et SOUTINE se sentaient libres de peindre ce qu’ils ressentaient et ce qui leur plaisaient sans contraintes de qui et de quoi « Simoneta FRAQUELLI »

Lorsque DE KOONING défraie la chronique en présentant sa série « WOMAN » à la SIDNEY JANIS  Gallery  en 1953, il vient de subir de plein fouet  le choc de la peinture de SOUTINE.

 Dans leur approche de la figure, du paysage, les deux peintres montrent bien des ressemblances… mais aussi des divergeances

 

Il y a une filiation dans la façon  de peindre  et surtout dans la façon de penser la peinture comme quelque chose qui est vital de penser la peinture  comme une peinture de la chair ( Claire BERNARDI)

Les paysages de  DE KOONING dans les années 70 sont sans doute ses œuvres qui sont les plus proches des peintures de SOUTINE notamment des paysages de  CERET dans la pluralité de la matière et le regard sur l’originalité de la nature

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Dans la plupart des tableaux de paysages de 1920-1921 , SOUTINE peint d’après nature en se plaçant  de deux points de vues différents, l’un légèrement surélevé pour réduire la tension  entre les objets tridimensionnels et la surface picturale , l’autre à l’inverse  situé très bas  de façon à hisser le village en hauteur . Cette combinatoire de contraires juxtaposés est sa réponse au cubisme. Il s’agit pour lui d’expérimenter plusieurs points de vue non pour faire voler le motif en éclats mais de recréer les conditions d’une vision globale ( Xavier GIRARD- SOUTINE).

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , on peut aussi considérer  que le peintre peint selon deux points de vue différents pour ce tableau à la différence qu’il faut bouger le tableau à 90 degrés ou à plat pour une vision globale.

En effet, Ce tableau représente  un paysage vue du ciel comme une carte topographique  . Les surfaces aqueuses des marais et mer sont vues du ciel ainsi que la forme biomorphique horizontale à la surface dans les airs au-dessus de l’eau. Ce qui confirme cela dans le tableau c’est que les coulures de peintures rouges  qui représentent l’idée du sang, remontent vers  le haut du tableau  en contradiction avec les lois  de l’attraction terrestre .Le tableau pour être lu devrait donc être à plat horizontal et non présenté comme tableau classique sur chevalet ou accroché au mur dont la forme biomorphique parait alors verticale sur un fond sombre , mais c’est en mettant le tableau vertical dans sa forme d’accrochage que l’on peut observer les fragments de corps ( tête d’homme, tête de femme) les accessoires comme chaussure à haut talon  et les montres agressifs qui attaquent la forme biomorphique)

Il y a donc comme les tableaux de paysages de SOUTINE, deux points de vues pour regarder ce tableau « LEG WOMAN IN THE LA NDSCAPE » mais à la différence les 2 points de vues non à la façon des cubistes mais en bougeant le  champs visuel.

Sur le plan visuel, les peintures de SOUTINE et de DE KOONING suscitent chez le spectateur une réaction viscérale similaire. Peintes de manière gestuelle… avec une palette complexe, leurs œuvres sont percutantes, remplies d’émotions et profondément intuitives . Le spectateur est attiré par la matérialité de la peinture et la manière expressive dont ces deux artistes la manipulent et la maitrisent à différents niveaux de spontanéité, d’obsession, d’anxiété de désespoir et d’absurdité.


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La picturalité de SOUTINE et celle de DE KOONING se distinguent par la même approche de l’observation empirique mais aussi par un rapport comparable à l’art traditionnel, profondément  ancré dans la réalité

Dans le cas de SOUTINE, c’est la réalité de l’objet, du paysage ou de la personne qu’il a devant lui, pour DE KOONING, c’est ce qu’il pense être réel , autrement dit, sa peinture  reste liée au monde observable y compris  parfois à la figure humaine  ( judith ZILCZER),

Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le gestuel  et sa complexité est visible sur toute la surface de l’œuvre  que ça soit les taches, les grattages, les traces de brosses, des effets de flou,… les peintures qui dégoulines, les accidents qui donnent des effets de rides de craquelures.

Percutantes, remplies d’émotions et intuitives , elles le sont aussi par l’effet cauchemardesque qui vient de la mémoire du peintre qui a subi ces images de terreur et de mort dans son environnement  de marais et de mer  proche de chez lui. L’absurdité de la scène vient de cette forme biomorphique, anthropomorphe, jambe droite  de « WOMAN1 » ( étape1) qui détachée de sa forme primitive de WOMAN1 est devenue un être animé avec yeux et bec  que le peintre à crée  dans son délire comme son autoportrait.

Terreur , anxiété, désespoir tous ces sentiments sont réunis par la position de cette forme biomorphe attaquée de toutes parts, par des monstres des marais et mer, incapable de se défendre car ayant les pieds liés par le corps d’un monstre qui s’en enroulé sur lui  et terreur d’être dévoré par ces êtres monstrueux aux formes bizarres et gluantes.

Dans les tableaux de SOUTINE, et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE malgré les formes en mouvements, tordues avec des diagonales dans tous les sens , il y a recherche d’un certain équilibre. 

  «  LA MAISON SOUS LES ARBRES «  de SOUTINE,  menacée  se trouve penchée dangereusement et trouve son équilibre par la route qui la retient, l’équilibre du tableau est réalisée par les arbres qui sont penchées dans l’autre sens de la maison. Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » La forme qui a été calquée et posée au milieu du tableau  a été  mis en déséquilibre avec la forme noire à gauche sensé représenter le monstre des marais qui est plaqué sur la forme pour la dévorer  . Pour garder un certain équilibre, le peintre a élargit le coté droit de la forme biomorphique ainsi l’ensemble se trouve au milieu du tableau.

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Un autre déséquilibre du tableau est provoqué par la peinture de la forme biomorphique. Dans la partie haute de la tête, la peinture est d’une grande fluidité avec de la peinture de faible épaisseur et de faible saturation Au contraire du bas de la forme, la peinture est plus épaisse plus saturée de rouge vif. La forme noire accrochée à la forme en haut à gauche vient donc équilibrer la peinture ente le haut et le bas.

 

 

LES DIVERGENCES  , QUI FINISSENT PAR ETRE DES 

RAPPROCHEMENTS

SOUTINE ET DE KOONING  appartiennent  à deux époques artistiques différentes.

 Le premier est assimilé au modernisme (bien que sur le mode expressionniste du type Français de l’école de PARIS des années  1929-1930)

Le second, parti  pour les  ETATS UNIS en 1926 comme passager clandestin est considéré  pour sa part comme l’un des principaux représentant de l’expressionnisme abstrait de l’école de NEW YORK. Il appartient clairement au monde de l’art Américain de l’après-guerre. Son regard sur la peinture Européenne moderne avant la 2eme guerre mondiale était plutôt tourné vers le cubisme de PICASSO, c’est après la guerre vers 1950  que l’importance du peintre BIELORUSSE est devenu plus évident dans la façon de peindre de DE KOONING. Le peintre était subjugué par les couleurs, les distorsions des paysages, le grotesque, les rapports avec la vie avec  la mort présents dans les tableaux de SOUTINE ainsi que son individualisme à ne pas adhérer aux courants de peintures à la mode

 

SOUTINE n’aimait pas la lumière du soleil. Il sortait très peu de son atelier sombre avec peu de fenêtre alors qu’au contraire DE KOONING recherchait la lumière, son atelier était un puit de lumière avec de grandes vitres mais malgré cela, la  peinture de SOUTINE  était lumineuse . C’est ce qu’a vu tout de suite DE KOONING quand il a visité l’exposition BARNES en 1952, il avait été subjugué par la lumière qui venait de l’intérieur même des tableaux de SOUTINE.



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Dans la même optique de lumière ,DE KOONING a partir des années 60 , s’est installé au bord de l’océan Atlantique dans les LONG ISLAND  et il aimait faire des ballades en vélo au bord de la mer  alors que SOUTINE qui a été envoyé par son marchand  ZBOROWSKY  à CERET et à CAGNES reconnus pour leur luminosité et les couleurs fortes de la méditerranée n’a jamais apprécié cet environnement et s’est empressé aussitôt qu’il le pouvait de revenir à PARIS dans son environnement plutôt  sombre  mais SOUTINE comme DE KOONING aimaient la couleur dans leurs tableaux

Comme disait CHAGALL sur la couleur, « SOUTINE et moi sommes partis à cause de la couleur. J’étais très sombre en arrivant à PARIS, J’étais couleur de pomme de terre comme VANGOGH, Paris c’est clair »

En définitive ce qui rapproche les deux peintres c’est la lumière qui se dégagent à travers leur peinture, de l’intérieur

DE KOONING dans ses paysages cherche à retrouver les paysages de son enfance et c’est sans doute pour cela qu’il s’installe dans les LONG ISLAND près de l’Océan et des marais  et à retrouver aussi  une température  qui lui rappelle les paysages Hollandais au contraire de SOUTINE qui essaye de gommer tout ce qu’il a connu dans son enfance jusqu’à sa langue YIDDICH qu’il ne parle plus. Seuls les portraits ressemblent soit à lui-même soit des personnes qu’il a connu en LITHUANIE

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il y a aussi des références à son enfance par la mer et les marais du tableau de LONG ISLAND. Il y a aussi cette couleur marron bien particulière fait à partir d’un mélange, tout à fait particulier ,singulier et non reproductible hormis par lui-même, d’une dizaine de couleurs pour en arriver au marron du foie de son enfance  que sa mère lui donnait à manger.



COULEUR FOIE CUIT






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Dans ses paysages, SOUTINE ne s’intéresse pas particulièrement à la vie des lieux qu’il dépeint, les vies partielles ne l’intéressent  pas, ce qui l’intéresse  c’est la sensation  de la totalité, ce que l’on aperçoit dans le paysage et qu’on appréhende comme un tout sans hiérarchiser  les différents composants qui le composent. Ce qu’il cherche c’est une image globale. Il peint de la même façon le proche et le lointain, sans perspectives, sans horizon, le ciel est rarement présent, les personnages humains  dans le paysage sont insignifiants et anonymes

Dans les paysages de DE KOONING se détachent des fragments de corps, d’animaux.

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » il y a au centre un jambe de WOMAN 1 (étape 1) transformée en forme biomorphique, on y relève toute une faune de monstres marin et des marais , des têtes d’homme et de femme identifiables ( tête d’ homme  ressemble aux  tête grises de GIACOMETTI, Tête de femme de ses » WOMAN » des années 50) des accessoires comme une chaussure à haut talon , le tout dans un milieu aqueux sans profondeur de champs où   le ciel est présent dans les reflets dans l’eau , avec zones claires  ( ciel ensoleillé)  et  zones sombres ( ciel nuageux ).Tout est agglutiné et imbriqué comme les paysages  SOUTINE d’ailleurs sans perspectives

En revanche si nous prenons du recul pour examiner « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , Les couleurs chaudes du premier plan , et les couleurs froides du 2eme plan ,  sont si proches et imbriqués  que, de ce point de vue  on ne perçoit que globalement une masse rouge dans un fond sombre uniforme  et abstraits mais c’est un leurre car ce tableau est d’une grande richesse d’éléments figuratifs identifiables , ce qui me  permet de dire que les figures ne sont pas seulement dans le paysage mais qu’elles sont devenus le paysage, elles font corps avec lui, elles adoptent le même régime des gestes, les mêmes  rattachements des perspectives

Pour résumer. L’univers de SOUTINE, c’est la nature foncièrement continue et une mais pour DE KOONING c’est la fragmentation.  SOUTINE  privilégie l’inflexion sur le fractionnement de DE KOONING, c’est-à-dire  les plis  et le reflux  par rapport à la coupure de DE KOONING mais tous les deux mettent en avant  l’émanation sur les contours, la vibration sur la planéité, la couleur sur le trait


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« DE KOONING » se sent tellement proche de SOUTINE qu’il craint que sa propre peinture soit phagocyté par celle de SOUTINE et conscient du danger de se laisser absorber  il  exprime  dans un article au  magazine QUEST à MARGAREY STAATS et LUCAS MATTHHIESSEN sa réaction …   « Les gens que je préfére  sont peut  être précisément ceux qui font quelque chose  que je ne ferais jamais. Je suppose qu’avec de la persévérance, je pourrais peindre  des canards comme SOUTINE, mais ce serait un tour de force, il fait naturellement une chose et  je fais naturellement autre chose… »

 

 

PERCEPTION DES DEUX ARTISTES

 

SOUTINE sans être seul n’était pas sociable, ne s’assimilait pas facilement même au monde de l’art, il se fâchait même avec ses meilleurs amis. Selon Jacques LAMAIGNE, critique d’art, « c’était un personnage sensible et secret, il refusait systématiquement d’exposer ses œuvres. Son inquiétude le poussait à reprendre et à détruire des œuvres anciennes qui lui tombaient sous la main . Il ne montrait rien et détruisait le plus souvent » Il se sentait inconsciemment attiré par le drame. Ses sujets relevaient souvent d’une espèce de tristesse morbide exécuté d’après nature.

Quand il est arrivé à PARIS pour peindre et bien qu’il voulait tout oublier de son passé,   « l’expérience précoce de la persécution religieuse  a eu une grande influence tout au long de sa vie à la fois sur sa personnalité et sur son art mais il ne faisait jamais référence à ses origines juives  directement dans ses peintures. »

Son expérience personnelle de la discrimination a fourni le carburant pour son rendu expressif d’objets et des thèmes communs ou il a fixé son angoisse dans ses coups de pinceau et a pratiqué la peinture comme un acte de dévotion »( magasine des arts nov 2021)

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 Pierre BRUNE son voisin disait « Ceux qui ont connu le peintre à l’époque de CERET ont évoqué son caractère tout à fait inabordable, il vivait à peu près seul cachant soigneusement sa peinture comme d’habitude.

Ses peintures sont parties de ses transes, il y avait de la possession dans ses tableaux qui est révélée dans les secousses qui traversent les éléments dans l’exultation évidente de peintures à détruire , à profaner le paysage

Peut -on s’étonner alors que SOUTINE n’a pas réalisé ses œuvres par beau temps palette en main ?

« Les peintures de SOUTINE sont sans cesse en danger, je ne parle pas ici de la misère , de l’incompréhension  et autres difficultés d’existence , je parle de cette menace de mort qui est suspendu  au-dessus des  têtes lorsqu’elles  décident de s’attaquer à l’ordre universel » .

C’est la lumière d’avant l’aube que cherche SOUTINE .Il  travaillait dans son atelier fenêtres fermées .ZBOROWSKY son marchand  confiait à Michel GEORGES-MICHEL  «  La lumière ne vient ni du soupirail ni de la fenêtre ni de la lumière des lampes et des bougies, elle émane de ce qui le visite au fond du noir »

SOUTINE physiquement et mentalement crée ses tableaux dans des lieux sombres comme la ruche, les rues de PARIS derrière les abattoirs.

 Le soleil de CERET et CAGNES brule sa matière, lui fait mal. En effet le soleil de  ces paysages éblouissants ne conviennent  pas à cet homme dont la mémoire est habité par des paysages glacés et boueux. Les tableaux qu’il y peint à CERET à CAGNES, loin d’être illuminés par cette découverte de la lumière du midi pour CAGNES, sont des paysages qui deviennent fou. Les escaliers grimpent vers on ne sait quel ciel fournaise, les arbres se tordent comme des bras, les maisons s’effondrent. SOUTINE essaye de peindre cette nature qu’il sent hostile sous le soleil. C’est tout le contraire de DE KOONING qui a quitté NEW YORK pour les LONG ISLAND en 1963 pour retrouver les paysage maritimes et lumineux de son enfance et qu’il accapare pour s’en servir dans ses tableaux

 

Andrée COLLIN  rapporte au sujet de son travail :   « Soutine avait l’habitude morbide  de porter un jugement sur son passé. Il était incapable de chasser quelque chose de sa mémoire et il en  était obsédé non pas son passé en tant qu’homme  qu’il ignorait littéralement, il l’avait offert aux Dieux mais de son passé de peintre. Il se souvenait des paroles malveillantes qui avaient été prononcées sur ses tableaux et tout restait dans sa mémoire aussi il détruisait les œuvres mal jugées ou les rachetaient pour les détruire »


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Pour Raymond COGNIAT, critique d’art, «  dans son œuvre, il n’y a pas une image indulgente ou tendre comme il n’y a pas de détente dans son inquiétude même quand les circonstances  lui deviennent favorables, la laideur est son domaine ; l’inquiétude son élément, la passion …..son état permanent »

ZNYTTIA fait un portrait de SOUTINE sans indulgences pour ses comportements. Il fait états de plusieurs exemples ou il trompe la confiance que lui font ses amis MIATCHANINOFF ou KREMEGNE qui finiront par rompre toute relation.

 

 Alors que DE KOONING était reconnu pour sa sociabilité notamment dans les bars ou il était un magnifique conteur d’histoire. Il a fait de nombreux interview et entretiens sur sa vie et sa peinture contrairement à SOUTINE dont on connait peu de choses sur lui. Il était généreux avec ses œuvres, il en a fait cadeau d’un certain nombre, que ce soit à ses compagnes, à ses amis, à ses collectionneurs et aussi à son insu, souvent quand il buvait dans les bars locaux, les gens se  rapprochaient de lui dans le but d’être  invité  au studio ou ils espéraient récupérer des œuvres de DE KOONING . Le tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est probablement un tableau donné en cadeau ou sans autorisation en toute conscience  car il ne semble pas avoir été identifié dans des galeries ou chez des collectionneurs . En 1971 il n’avait plus de marchand officiel, Il s’était retiré du marchand KNOEDLER et son représentant, FOURCADE qui s’occupait de la vente  de ses tableaux . Fourcade reprendra DE KOONING quand il aura créé sa nouvelle structure en 1973

Comme SOUTINE , DE KOONING était toujours gagné  par des angoisses , des inquiétudes et cela se voit dans ses tableaux notamment  les séries des « WOMAN » des tableaux comme «  The VISIT  » « MAN » et bien entendu dans «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » dont la forme biomorphique centrale du tableau pourrait être un autoportrait de DE KOONING qui se voit dans un cauchemar qu’il aurait subi, dévoré par des monstres des marais et de la mer sous l’œil  malveillant d’une de ses « WOMAN » qui supervise ces groupes de monstres. Du sang coule de sa tête. Le fond du tableau sombre ou sont entremêles des couleurs de vert morbide, de noir, de marron, de gris ne font qu’accentuer cette vision cauchemardesque.

 

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Le description qu’on a fait de SOUTINE à Paris a sans doute été très exagéré, il était considéré comme l’archétype du juif errant au comportement erratique et à l’éducation grossière

De KOONING au contraire a toujours essayé de s’intégrer à la communauté de NEW YORK, aux expressionnistes abstraits  avant son déménagement  pour  EAST  HAMPTON ,LONG ISLAND mais n’a jamais réussi vraiment .Son aventure était plutôt solitaire, il passait pour un peintre maudit qui était prisonnier de l’alcool et qui côtoyait les vagabonds dans la rue.

 Souvent il errait la nuit ou disparaissait plusieurs jours sous les ponts en compagnie des SDF qui étaient tellement habitués à le voir qu’ils se sont inquiétés de son absence quand il a quitté NEW YORK pour LONG ISLAND

Même parmi ses amis fidèles il était resté l’étranger car il ne pouvait s’empêcher de se referrer en permanence à son héritage Européen. Il n’est devenu Américain qu’en 1961 après avoir vécu 35 ans en Amérique

Mais tous les deux jusqu’à la fin de leur vie se sentaient différents de leurs compatriotes jusque dans leur peinture ou ils avaient une approche libre et une conception de la peinture différente de leurs collègues .Peintre du pays d’adoption pour ne pas être lié par des conventions de figurations ou d’abstraction, Ils réfutaient tous les imes et ne pensaient pas qu’un artiste contemporain devait être lié par des conventions régissant une époque, un style, un sujet. Ils se sentaient libre de creuser et de puiser de la matière ou bon leur semblait et pour eux l’ancien et le nouveau étaient la même chose et pour cela ils se ressemblaient parfaitement

 

Le but de cette étude est de faire des comparaisons sur la peinture de DE KOONING  par rapport à celle DE SOUTINE.

SOUTINE n’ayant pas connu WILLEM DEKOONING, la comparaison ne se fait donc que dans un seul sens, l’influence de SOUTINE sur DE KOONING, en prenant le cas précis du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et des tableaux de SOUTINE qui se rapprochent le plus de «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  dans les 3 genres de peintures utilisées par SOUTINE  et  De KOONING et que l’on retrouve tous les 3 dans ce tableau  « LEG WOMAN IN THE LANSDSCAPE », le paysage, les natures mortes et le portrait.


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Au-delà de cette congruence de fond et de la propension stylistique, l’engagement de DE KOONING  avec SOUTINE s’est avéré au cœur  de son engagement  de toute une vie envers l’art en tant que mode de vie

 

 

 

LE MONDE DE SOUTINE ET DE KOONING , LEURS 

GOUTS A TRAVERS LEUR PEINTURE  ET LES 

PARADOXES

 

Commençons par faire une comparaison entre l’art de CEZANNE et celui de SOUTINE.  Chez CEZANNE, Son œuvre  s’appuie sur le drame, représente l’intensité des objets qui durent éternellement  comme les montagnes, son angoisse personnelle  se manifestant  dans le feu  qui est à l’intérieur  de la montagne . Reliant des pièces non figuratives qui s’expriment en tant qu’objets , son monde d’organisation  fait penser à une structure atomique.

L’art de SOUTINE renvoie au drame des blocs individuels de CEZANNE, il met de la chair sur ses os  ( jack TWORKOW)

L’art de CEZANNE est essentiellement spatial, celui de SOUTINE est dans le mouvement, ses paysages pris sur le motif il les triture, les déforme selon sa propre vision intérieure et sa rage cataclysmique de destruction

 

Selon ses biographes  DE KOONING a illuminé les grands thèmes américains mais intimement de l’intérieur ,  ce sont les espaces américains de  sa propre création que ce soit les  « WOMAN » du début des années 50 »  dont il prend des exemples et découpe des bouches pulpeuses dans les magazines de mode américain  et les colle dans sa peinture. De la mode il passe aussi aux vedettes de cinéma avec sa peinture sur  Marylin MONROE en 1954 . Dans les années 55 à 60 il peint les grandes plaines américaines près de NEW YORK  et les autoroutes . Dans le milieu des années 60 et les années 70  ce sont les paysages américains de LONG ISLAND  avec l’océan Atlantique et les marais environnants


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SOUTINE lui ce sont  des paysages réels pris sur le motif  ceux de CERET et de CAGNES notamment et comme DE KOONING ils les triture, les déforme

 

Les univers respectifs des deux peintres dans leurs peintures peuvent être différents. Chez SOUTINE son univers est de nature foncièrement continue, il privilégie l’inflexion alors que DE KOONING c’est plutôt le fractionnement, la fragmentation des choses qui se placent parfois de façon désordonnées dans les tableaux.  SOUTINE  favorise plutôt les plis pour placer les choses en entier dans les tableaux , par exemple une table si elle ne se place pas entièrement dans le tableau , elle sera pliée ou vrillé ou étirée  pour remplir un vide , il favorise les flux , les énergies  , en reprenant l’exemple de la table , elle n’est plus  un support statique , permanent et solide , localisé , obéissant  à un ordre perspectif immuable  mais un champ d’énergies déjetées  alors que DE KOONING c’est plutôt la rupture   par la fragmentation .

D’autres univers sont privilégiés et communs pour les deux peintres  comme l’émanation des formes par la peinture plutôt que les contours ,ils  privilégient  aussi la couleur plutôt que le trait

Dans LEG WOMAN IN THE LANDCAPE nous voyons une jambe droite de WOMAN 1 (étape 1), une chaussure haut talon , des têtes d’homme et de femmes qui au premier abord ne semblent pas avoir de relations entre eux et qui en y regardant de plus près sont intimement liés, Comme vous pouvez le lire dans cette étude.

Les contours sont déterminées par l’épaisseur de la peinture pour la forme biomorphe, les montres , la figure   «  WOMAN » Dans le tableau il y a bien  des  traits apparents  mais  il sont sous-jacents comme vestiges du calque qui a été appliqué

 

MERLEAU PONTY ( philosophe) nous donne une vision opératoire du monde , elle réduit  le système visible selon une géométrie qui fait apparaitre  les lignes des objets comme les contours définis ,elle manipule les objets selon une vision désincarnée, elle pense les objets en général séparé de toute dimension spatiale et temporelle concrètement vécu. Le tableau en revanche ne peut correspondre à cette vision opératoire mais à une modulation de l’espace en train de se faire, le peintre comme le dit MERLEAU- PONTY  cherche une vision qui puisse correspondre au mystère du réel et le transcrit dans sa propre vision du monde , ce qui sollicite son regard et cela n’est pas visible  dans le contexte ordinaire . le peintre  renonce à un point de vue unique

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SOUTINE était triste et attiré par le tragique. Dans son art qu’il a développé il n’a trouvé aucune distraction à ses angoisses, à ses animosités, aux reproches qu’il se faisait- aucune échappatoire. Non pas qu’il ait voulu mettre de l’autobiographie dans son œuvre mais dès son plus jeune âge, il s’est servi de ses difficultés, de son pessimisme et de sa ténacité pour donner un ton tragique à sa peinture ( MONROE WHEELER)

 

SOUTINE comme DEKOONING transmettaient le monde tel qu’il était et tel qu’ils le voyaient autour d’eux avec désirs d’exprimer des sensations personnelles et leurs angoisses directement sur la toile

SOUTINE quand il peint les paysages du ROUSSILLON, il ne peint pas les beaux paysages mais les falaises abruptes, les profonds canyons des Pyrénées de manière presque apocalyptique dans des couleurs fortes à l’image de sa vie affective déchirée et malade

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  de même il ne peint pas les marais tranquilles ou la mer Atlantique de LONG ISLAND  dans un ciel lumineux mais dans  des couleurs sombres , ténébreuses ou habitent  dans l’imagination de DE KOONING des monstres agressifs qui attaquent  les promeneurs et le peintre en particulier dans ce tableau . Comme SOUTINE , il peint ce paysage cauchemardesque à l’image  de ses angoisses , de ses démons intérieurs., de son état parfois dépressif

 

Grace en partie à SOUTINE les toiles de DE KOONING sont devenues une pierre angulaire pour les artistes explorant les concepts qui définissent la nouvelle peinture Américaine. Il est le seul de sa génération à avoir saisi toute la signification de la peinture expressive de SOUTINE

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Le monde  peint de SOUTINE est un monde terrible en train de se consummer sous nos yeux et qui n’est plus habitable car il est en train de bouger et de bruler sous nos yeux, démantibulé par un pinceau instinct devenu dans la main du peintre un objet ivre de fureur, un instrument de torture. Il transcrit ses hallucinations par des maisons qui penchent en défiant le bon sens, les portraits présentent des déformations expressives parfois proches du délire. Délire aussi  sa vision passionnée et tourmentée de l’univers. Selon LIMBOURG Soutine n’est pas pleinement expressionniste mais expressif et il a donné à DE KOONING les bases de l’expressionnisme

SOUTINE a comme emblème l’animal  ( Le coq, le lièvre, le faisan, le bœuf) écorché , étranglé, pendu par les pattes

Le monde de DE KOONING  est un monde fragmenté , les corps sont démantibulés  se composent se décomposent d’une manière désordonnée, des bras à la place des jambes , des yeux à la place des seins , des bras, des jambes, des seins, des yeux ,des visages  détachés des corps , Tout est entremêlé : les figures, le paysage et on arrive plus à faire la distinction entre les différents plans

DE KOONING a comme emblème la  « WOMAN » qui est déformée, au regard glaçant  avec des membres isolées du corps

 

« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  fait bien partie de ces mondes  décrit  par SOUTINE  et  DE KOONING . Le ton est tragique, la forme centrale biomorphique se fait dévorer par des monstres, il semble que dans l’état des choses , il n’y a aucune échappatoire. De KOONING nous livre ses angoisses existentielles , la violence de la nature

Le tableau est parti d’une fragmentation de corps, la jambe  droite de WOMAN1 ( étape 1), calquée, affublé d’une paire d’yeux désaxés , d’un bec , le tête du femur de la jambe, ovale, faisant office de tête que  le peintre sort de son contexte et il donne une vie indépendante du corps de WOMAN à cette jambe  . Cette forme biomorphique  au dessus des marais et mer de LONG ISLAND tourmentée  dans les ténèbres est attaquée par des monstres pour être dévoré mais il n’est pas montré comme «  les bœufs écorchés » SOUTINE des entrailles ouvertes de cet être mi animal mi homme  crée par le peintre et qui se veut un autoportrait. Le tableau semble inachevé  car l’état d’esprit du peintre avait changé en cours de création du tableau  . Cette mort annoncée semble transformée en renaissance comme on peut l’imaginer par le dessin au dos du tableau.

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Géographiquement pour certains critiques ( GREENBERG ….) et des artistes Américains, DE KOONING était psychologiquement toujours relié à ses racines Européennes et pour les critiques il ne devait pas occuper la place centrale  dans l’art Américain car il n’était pas assez américain ( sa  nationalité Américaine ne fut validé qu’en 1963). Il pensait qu’il était plus EUROPEEN  qu’américain dans sa peinture, proche de SOUTINE et de l’école de PARIS, qu’il avait crée un art avec des effets savoureux et originaux  mais manquait  de la force brute et visionnaire  car il n’avait pas selon eux  les convictions  du véritable art Américain (STEVENS-SWAN). Par ailleurs il avait signé un contrat avec KNOEDLER, la plus ancienne galerie de New YORK »avec comme art dealer un Français ,Xavier FOURCADE chargé de vendre ses toiles ( le contrat KNOEDLER  sera dénoncé quelques années plus tard au profit de Xavier FOURCADE,  qui montera sa propre galerie)

Beaucoup de questions se posaient sur DE KOONING tant il était vu comme paradoxal. Était -il Américain ou Européen, spontané ou calculé, admirateur de la culture haute (peinture) ou basse (publicité, affichage) , consacré au présent ou au  passé, radical ou conservateur, haineux ou amoureux des femmes, homme de la ville ou de la campagne.

Quoi qu’on dise de DE KOONING, le contraire ne semblait pas moins vrai ( STEVENS-SWAN)

 DE KOONING incarnait les deux pôles de ces paradoxes

Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, des paradoxes sont aussi présents notamment le recto aux idées noires de DE KOONING, aux formes ensanglantées, aux monstres tueurs et le verso du tableau ou presque caché  sur  sa couleur exclusive de ROSE sont entremêlés les noms de DE KOONING et KILGORE avec leurs visages qui se font face à face dans la joie et l’amour.

Dans le tableau au recto on remarque le portrait d’une « WOMAN » dans un noir ténébreux  dans un aspect d’épouvante , glacial,  dans l’agressivité  et en face le portrait allongé d’un homme fantomatique qui semble apeuré , tapis dans l’ombre et résigné. D’un coté des monstres angulaires aux couleurs noires la gueule ouverte pour dévorer la forme biomorphique et de l’autre, d’autres animaux qui glissent sur la forme biomorphique, aux formes plus arrondies et qui semblent plus doux


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En ce qui concerne les gouts de l’un et de l’autre , ils sont foncièrement différents.

Le gout de SOUTINE n’a jamais été éclectique, sa pensée sur l’art n’a aucune complexité. Dans de nombreuses œuvres , on ne décèle aucune intention  de mener la parodie ou le paradoxe ni de faire preuve d’érudition. Le sujet du tableau n’est jamais théâtral, jamais il ne raconte et ne dépeint une situation ou il serait le témoin fictif, le monde ne connait d’autres événements que ceux que le tableau à fomenté en regard d’autres tableaux au contraire  de DE KOONING

 

.Dans , LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le peintre est en recherche continuelle sur les effets de sa peinture, d’inventer de nouvelles façons de peindre  nouveaux procédées, il utilise des mélanges improbables de peintures, d’eau, d’essence de térébenthine, d’huile de carthame. Il fait des références à GIACOMETTI, à WOMAN 1, à BOSCH  et BRUEGEL fabrique des êtres  anthropomorphiques . De son cauchemar, il en fait un scénario parfois pour aboutir à une impasse comme ce tableau dont il s’aperçoit à la fin qu’il ne correspond plus à son état d’esprit de fin 1971

 

 

 

PEINTURES FRUIT DU DOUTE,DU DRAME , DE 

L’ANXIETE, DE LA DEPRESSION, DES ALLER ET 

RETOUR,  DES PARADOXES

 

Le critique d’art ASTON souligne  une réflexion de PICASSO au sujet des artistes : «  ce n’est pas ce que fait l’artiste qui compte mais ce qu’il est , CEZANNE ne m’aurait jamais interessé un peu s’il avait vécu et pensé comme Jacques Emile BLANCHE même si la pomme qu’il aurait peinte avait été dix fois plus belle . Ce qui force notre intérêt c’est l’angoisse de CEZANNE, les tourments de VAN GOGH, c’est le drame réel de l’homme, le reste est une imposture.

En ce qui concerne SOUTINE et DE KOONING , chacun a eu son lot de tourments de doutes de drames exprimés qui ont transpiré dans leurs peintures.

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Doute, aliénation, paradoxe, ambiguïté, désespoir, panique étaient les thèmes privilégiés qui en ont fait le souffle même de leur art. Il était de plus en plus admis que c’était exactement le doute de DE KOONING qui donnait à ses peintures beaucoup de leur pouvoir. Joan LEVY  , une jeune peintre que DE KOONING avait pris sous son aile et qui avait suivi sa façon de travailler   avait remarqué que le doute tourmentait son processus de travail. Un petit changement de couleur ou de lignes pouvait changer la forme si une autre image apparaissait mais dès que cette image apparaissait il fallait faire un nouveau choix ce qui augmentait son anxiété, c’était l’angoisse des possibilités

De KOONING croyait que depuis la renaissance le doute est devenu un défi intrinsèque de l’artiste

Le doute de DE KOONING n’était pas seulement intrinsèque à l’art, il était  profondément enraciné dans le traumatisme du début de sa vie qui l’a conduit dans un autre pays mais dont il ne pouvait pas s’échapper .

Les tableaux de DE KOONING ne transmettent jamais le sentiment de la maitrise de soi généré par une confiance en le destin de l’homme comme les chefs d’œuvre du passé qu’il aimait tant.

A ce sentiment de doute venait s’ajouter le mélodrame qui lui collait comme une ombre. Dans son discours sur l’art il disait « L’art ne semble jamais me rendre pacifique… J’ai toujours l’impression d’être enveloppé dans le mélodrame ». Que ce soit à l’extérieur à l’intérieur de lui ou dans son art, il n’était jamais en situation de confort. Quand il recherchait ou trouvait ce confort momentanément, il disait « je ressens un sentiment d'apathie et j'ai envie de m'allonger et je vais  dormir »

Les traces d’innombrables révisions sur la toile indiquent la longue lutte pour compléter ou perfectionner ce qui néanmoins reste pourtant inachevé comme sujet à d’autres modifications

 

Le Doute est particulièrement significatif dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Il semble qu’entre le moment ou il a commencé le tableau et ou le termine le doute s’est installé ainsi que son état d’esprit. Ceci est visible en plusieurs signes dans le tableau.

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Tout d’abord DE KOONING pose sur la toile vierge en son milieu , le tracé fait au charbon de bois du calque de la jambe droite de WOMAN 1 ( étape 1) et sans doute il  improvise  tout autour dans un esprit de terreur , de mort, d’autoflagellation avec la forme de la jambe transformé en autoportrait qui se fait agresser à mort par des monstres des marais et de la mer sous ses propres yeux d’un cauchemar , cauchemars qui lui rendent la vie difficile et qui sont relatés dans le livre de  ( STEVENS-SWAN, An American Master). Le doute lui fait faire de nombreux grattages qui ne seront pas repris en peinture. Il avait probablement posé un papier en  haut de tableau à droite comme il le faisait régulièrement pour éviter à la peinture de sécher et pour  pouvoir faire des reprise, ce qu’il n’a pas fait pour ce tableau  . Le papier à été retiré sans modification et pendant le retrait  le papier a probablement bougé sur la peinture ce qui a provoqué cet effet de flou sur la toile en haut à droite.

 Et il finira par abandonner le tableau tout entier car un élément est venu bouleverser son pessimisme ambiant du moment qui l’avait conduit a faire ce tableau. En effet Il venait de rencontrer sa nouvelle idylle, Emilie KILGORE, et il ne se sentait sans doute incapable de continuer son tableau si déprimant. Il le termine donc par une pirouette au dos du tableau, par un dessin complexe tout en mystère qui affiche son amour pour sa nouvelle muse en imbriquant l’un dans l’autre les deux noms : D KOONING et KILGORE et dessinant les deux visages des amoureux. Cela lui redonne confiance en lui  et éloigne provisoirement ses doutes.

Le résultat du manque d’exhaustivité au travail de DE KOONING se manifeste par un manque d’unité de l’ensemble de ses peintures réalisées tout au long de  sa vie

 

 

Pour SOUTINE la panique, le doute de ses paysages est double

Tout d’abord, c’est l’expérience précoce de la persécution religieuse qui a eu une grande influence tout au long de sa vie , à la fois sur sa personnalité et son art. Son expérience personnelle de la discrimination a fourni le carburant pour son rendu expressif d’objets et de thèmes communs. Il a filtré son angoisse  dans ses coups de pinceau et pratiquait  la peinture  comme un acte de dévotion. C’est aussi la peur de la vengeance de Dieu suite à la transgression dans sa vie quotidienne ( les portraits, les animaux morts exposés ensanglantés, le sang frais injecté sur les animaux morts etc) de tous les principes religieux qui  lui ont été inculquées dans son enfance qu’il individualise dans les paysages de CERET et CAGNES . Ce sont  les maisons en feu ou qui se détachent du sol , c’est les cataclysmes, les tremblements de terre, les terres qui s’ouvrent dans le vide , les arbres transformés en soldats, les chemins sans issues, les sorcières , les démons qui investissent les paysages .


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Même quand SOUTINE aura du succès, il devra se battre contre ses démons intérieurs. Dans une lettre à ZBOROWSKY alors qu’il était à CAGNES pour peindre il disait  « C’est la première fois de ma vie  que je me sens incapable  de fournir quoi que ce soit, je suis dans un état de santé psychologique pitoyable et démoralisé et cela m’affecte…. Je ne supporte plus CAGNES, j’ai du effacer les quelques toiles et recommence à ZERO » et aussi sa fureur semble s’être accrue après que BARNES  a commencé à s’intéresser à lui, il brûle beaucoup de ses tableaux peints à CERET et cela chez ZBOROWSKY lui même

 

 

Le doute c’est aussi l’avis des critiques d’art contre sa peinture qui finit par l’affecter jusqu’à détruire ses œuvres, ne pas vouloir ni les exposer, ni les montrer ni en parler à qui que ce soit

C’est justement ce doute qui plaisait chez DE KOONING dans les œuvres de SOUTINE et qu’il admirait par-dessus tout. Même les toiles les plus sombres et tourmentés de SOUTINE lui semblaient luire d’un rayonnement intérieur qu’il a longtemps cherché à atteindre à travers sa peinture. LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est un bon exemple.

 Dans son essai sur SOUTINE Clarisse NICOIDSKI disait que   «  SOUTINE éprouvait des moments de dépression et d’anxiété comme s’il savait qu’il avait empêché l’âme étrangère et intime de revenir en lui, comme s’il l’avait capturé pour la tenir prisonnière de la représentation, comme s’il y avait de la transgression dans la manière d’enfermer cette voyageuse autrement légère et riche dans la prison laide d’un visage meurtri, d’un corps atrophié »

En transposant la même idée de l’âme chez DE KOONING celle -ci   ne s’enferme pas dans son tableau. Quand il sent que le tableau ne se termine pas comme il le souhaite, ou qu’il  engendre une nouvelle idée qui ne correspond plus au tableau en cours, il sort du tableau, l’âme en sort également  et laisse la toile  inachevé et ouverte . C’est ce qui se passe dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  ou l’âme pourrait être prisonnière dans un tableau qui laisse planer la noirceur, la terreur qui ne correspond plus à son état d’âme aussi il le laisse inachevé pour probablement passer au dos du tableau dans le dessin sur fond rose de joie et pour  créer un autre tableau plus léger, plus optimiste qui correspond à son état d’âme du moment avec la joie que lui procure la rencontre avec sa nouvelle muse Emilie KILGORE.

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Pour les biographes de DE KOONING , celui-ci  «était   anxieux et le doute incarnait la pensée existentielle rependue à cette époque  par les expressionnistes abstraits. La frénésie de DE KOONING au début des années 70 était rare mais dévastatrice… Il écrivait à MIMI( Emilie KILGORE)à ce sujet « Un étrange sentiment planait sur moi ,  parfois je sentais que je devais marcher sur l’autre côté de moi-même, qu’une panique existentielle me prenait »

 

 Doute, aliénation, paradoxe, ambiguïté, désespoir, ces thèmes privilégiés du moment étaient le souffle même de son art. Il était accepté que c’était exactement le doute de DE KOONING qui avait donné à ses peintures une grande partie de leur pouvoir ( WILLIAM F BIRDSALL)

L’art de DE KOONING était continuellement dans des états de paradoxes  de stabilité et d’instabilité  ,de contradiction, et de continuité, de colère et d’amour  était t-il  cruel ou gentil, spontané ou calculé, un admirateur de  faible culture ( publicité) ou haute culture ( REMBRANDT), consacré au passé ou au présent, un radical ou un conservateur, un misogyne ou un admirateur des femmes, un homme de la ville ( NEW YORK) ou de de la campagne ( LONG ISLAND)

C’est-à-dire tous les effets d’un artiste complexe dans son  art et la lutte anxieuse dans laquelle il vivait. Quoi qu’on ait dit sur DE KOONING le contraire semble néanmoins vrai ( STEVEN S et SWAN)

On qualifiait  ses peintures  ‘d’aperçu glissant «  et de manque de permanence dans son travail qui aboutissait à des changements constants dans son motif .

Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » en est un bon exemple . En effet  le tableau exprime dans un premier temps un cauchemar qu’il aurait subi dans un environnement de monstres dévorants, de « WOMAN » en  connivence avec ces monstres , de terreur. Il fini par abandonner ce tableau car son état d’esprit avait changé depuis qu’il avait rencontré sa nouvelle muse. Il nous montre sa nouvelle idylle par un dessin au dos du tableau sur un fond rose en contradiction avec le tableau qui exprimait de la terreur de la peur de la mort avec des peintures rouges sang et sombres de noir de gris et de vert morbide.


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Comme toujours l’anxiété de DE KOONING découle en grande partie des exigences extraordinaires qu’il avait placé sur lui même

Son doute était aussi une anxiété omniprésente sous jacent à son art et à sa vie. Dans un discours il déclarait : « L’art ne semble jamais me rendre paisible , j’ai toujours l’impression d’être enveloppé dans un mélodrame »

L’influence de SOUTINE  sur l’expressionnisme  de DE KOONING  a été décisive  sur un point de vue de la vie de ce dernier mais la fondation de sa sensibilité  expressionniste a été parée par des années  d’angoisse qui est restée avec lui toute sa vie  et a contribué pendant de nombreuses années à son alcoolisme

 

Ce doute est présent dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le tableau étant resté inachevé par des zones de grattage et essuyage de la peinture au papier, le peintre n’étant plus dans l’état d’esprit de terminer le tableau . La raison en est le dessin sur fond rose situé au dos du tableau qui est un hymne à l’amour de sa nouvelle muse Emilie KILGORE alors que le tableau tout au contraire exprime la noirceur , la terreur, la mort

 

En  effet  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » a ceci de remarquable qu’au verso du tableau se présente sur la barre transversale de l’encadrement type américan  en bois et sur une peinture rose, le fameux rose DE KOONING que l’on trouve dans son tableau «  PINK ANGELS «  de 1945, un dessin qui se lit différemment sur chacun des cotés en tournant le tableau de 90 degrés en 90 degrés. Sur le côté d’accrochage au verso   horizontalement, une sorte d’hiéroglyphe entremêlé des deux noms D.KOONING et KILGORE et en tournant  se détache un tête de femme ressemblant à la tête du tableau MARYLIN MONROE de 1954 qui est probablement Emilie KILGORE et tournant de l’autre côté se détache la tête d’un homme qui est sans doute DE KOONING lui-même


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 DOS  LEG WOMAN U


LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE   (dos)                                              PINK ANGELS


Au doute, il y avait aussi l’angoisse qui était perceptible chez DE KOONING. C’est souvent la nuit que DE KOONING était parfois submergé par l’angoisse et la tristesse. Le tableau image d’un cauchemar en est un exemple.   L’assistant de DE KOONING relate que parfois il était réveillé par DE KOONING et en se plaçant dans l’embrasure d’une porte «  il  le voyait pleurer »   ( STEVENS, SWANN )

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C’est bizarrement lorsque tout va mal pour SOUTINE, sa maladie progresse et devient insoutenable, qu’il doit se cacher d’endroit en endroit, de maison en maison pour échapper à la gestapo pendant la guerre  que ses tableaux deviennent plus apaisants, il n’y a plus de tremblements de terre , de ravins, de maisons et d’arbres qui se tordent , de monstres qui veulent tout écraser , tout respire la tranquillité dans un paysage ou  se promène dans une nature luxuriante fleurie des mères et leurs enfant ou des enfants jouent en toute quiétude  ou respire l’amour maternel loin de tout le tintamarre des années de guerre et de l’état de santé mortifère qui l’accable et qu’il sent que la fin est proche mais alterne aussi pendant la même période le tableau «  Maternité », une  femme, assise a le visage hagard, les traits jeunes et terrifiés par ce qu’ils voient et que nous ignorons : dans ses bras l’enfant endormi, comme mort. Le tableau, qui représente l’enfant endormi et clos au monde, ouvre sur le mystère de la mort, du retour à cet état d’innocence mêlé d’effroi qui la précède, de cet appel à la tendresse et au secours qui l’accompagne et la suit.

 

Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE a la particularité également d’alterner  des états d’âme diamétralement opposés

Au recto dans des couleurs de rouges  de  noir et toute la palette des orange, vert, marron, gris, noir, jaune, une forme biomorphique se fait dévorer par des monstres des marais et la mer  dans la terreur des lieux au contraire au verso dans un fond de rose ( le rose DE KOONING) c’est un hymne à l’amour à la joie grâce à sa nouvelle muse Emilie KILGORE

 

 

 

 

LE CHAOS DANS LES PEINTURES DE PAYSAGES,  LE 

HASARD

 Pour des critiques, les paysages de SOUTINE sont sous le signe  des éléments déchainés et  du chaos universel  pour d’autres c’est la résolution des contraires juxtaposés, l’unité d’un trop plein qui déborde .Mark ZBOROWSKY voit les paysage de SOUTINE à l’exemple  du SHTETL ( quartier juif  en europe de l’est avant la 2eme  guerre mondiale) dont leurs habitants pensaient  que l’univers est un ensemble dédié, conçus et gouverné par le tout puissant qui le créa à partir du chaos originel .Dans l’univers du SHTETL le moindre chose  possède  son TAKHLES, son but, son sens.


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Des images filmées d’un documentaire consacré à SOUTINE montre des paysages réels qui ont été peints par l’artiste, les paysages comportent des bâtiments où se situent une présence humaine et la possibilité par nature d’être habité alors que dans les tableaux tout apparait brouillé comme un monde en train de disparaitre sous nos yeux

Comme les critiques au peintre l’ont souligné, SOUTINE reste imperméable au calme des villes catalanes ou il travaille et il produit une vision apocalyptique des paysages , un chaos qui paraitraient rassurants dans une photographie.

SACHS nous parle des paysages de SOUTINE » Les maisons quittent la terre , les arbres semblent voler »

Pourtant il souhaite laisser apparaitre dans ses tableaux une réalité, la réalité de la sensation sans la supposition d’un ordre humain préalable d’où l’impossibilité de voir dans tout ses tableaux une présence humaine qui puisse s’emparer du monde. il se référe à un ordre bouleversant des choses simplement donnés à une organisation qui passe par le rythme de la syncope d’une genèse de destruction. Il souhaite  restituer un ordre qui puisse correspondre au mouvement du réel  sans le fixer d’après un seul point de vue  ou une sensation unique . La peinture en l’absence d’un discours mimétique et en l’absence de toute vision scientifique opératoire conduit vers une nouvelle distribution  de la capacité d’inhérence  du peintre au monde et à sa capacité à nous montrer  ce qui sollicite ainsi son regard

 

SOUTINE est résistant à l’ordre des années 20, c’est-à-dire à la clarté de la ligne, à l’équilibre de la composition Française. C’est la période du retour à l’ordre prôné par PICASSO , BRAQUE, DERAIN après les années fauves et cubistes . Pour la critique de l’époque l’ordre ne peut être que Français et le chaos la part de l’autre, l’étranger, le sauvage, le juif, l’apatride.

SOUTINE trouve sa cohérence  dans le tableau. L’ordre rationnel y est bouleversé par l’émotion, la peur ,la panique  qui se confrontent avec des forces  qui échappent  à la forme classique : la couleur, le mouvement , les distorsions de l’espace  . Il se cramponne à ce que la peinture avec ses contradictions apporte de trouble irréductible.


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Le monde visible côtoie le monde invisible tout en restant dans les catégories du paysage, de la nature morte ou du portrait ». ( xavier GIRARD) et pourtant ses œuvres  ne sont pas seulement un chaos, il souhaite  restituer un ordre qui puisse correspondre  au mouvement du réel  sans le fixer d’après un seul point de vue ou une sensation unique

 David SYLVESTER , C’est le premier qui détaille  chez SOUTINE les façons de plier le paysage à la logique de la surface peinte, relevant ici des mouvements de rotation, là des titubations  ou des balancements, ici encore des ascensions , des descentes, des glissements, des chevauchements ou des poussées  . il est tentant d’ajouter à cette liste toutes sortes d’autres actions  de cisaillement, d’ondulation, de renversement, d’entassement, de froissement, de pliures etc qui donne une impression de panique, de cataclysme, de tremblements de terre

Ses paysages tourmentés ont été commentés par SACHS en ces termes «  les maisons quittent la terre,les arbres, et semblent voler.

Quand il peint les paysage de CERET, CAGNES dans les années 1920-1921  , son ami MODIGLIANI et sa femme viennent de mourir à quelques jours d’intervalle  et il en est très affecté, cela se voit dans sa peinture de paysage  qui est pessimiste . Il sait que dans sa vie et dans sa peinture il enfreint les lois juives qui lui ont été inculquées dans son enfance ( le rapport avec les animaux morts, le sang , les portraits etc) et il fait part de sa crainte ,de la réaction divine dans ses peintures par le  chaos, et  la destruction. Sa vie , sa peinture  ne sont qu’une douloureuse cohabition avec lui-même , cela se voit aussi dans son caractère, il ne pouvait s’empêcher de détruire ce qu’il aimait  que ce soit avec MODIGLIANI qu’il aimait mais qu’il ne pouvait faire autrement que critiquer  et ne pas lui  rendre le respect que celui-ci lui avait donné en admiration et en affection. De même avec ses mécènes, les époux CASTAING  qui lui ont acheté des œuvres , hébergé  dans leur maison . il a tout fait dans son comportement pour que ceux-ci s’éloignent définitivement de lui . Il lui arrivait aussi très souvent de détruire ses œuvres ou de les récupérer chez les collectionneurs, les galeries quand les critiques étaient mauvaises sur celles-ci

Par exemple dans le cas de « MISTRAL, PAYSAGE AUX FIGURES » de 1920-1921 , le paysage montre  des personnages  devant leur maison dont on a peine à reconnaitre  une véritable présence humaine. C’est plutôt une vision d’un séisme, d’un cataclysme auquel le tableau fait penser et qui ne correspond pas à la réalité de la petite ville CATALANE paisible aux maisons blanches  avec facettes ombragées. C’est le mistral ou la tramontane qui laisse présager le chaos et cela lui convenait pour sa peinture pour y suggérer le chaos.

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Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ce n’est pas non plus le calme réel des marais et de la mer , leur aspect reposant qu’il peint. Le peintre  nous donne une image très différente des lieux. C’est le réel dans l’imaginaire du peintre vu par ses cauchemars dans le chaos, la terreur et la mort

  le calme , la beauté des paysages  de LONG ISLAND  ses marais aux eaux peu profondes  et verdoyantes et l’océan atlantique balayée par la lumière et les eaux claires passent avec le peintre aux ténèbres produits par les sensations du peintre à la vue de ces pièces d’eau cauchemardesques

Tout cela donne un sentiment de vertige relatif et d’instabilité de la nature accentuée encore par le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  avec une ubiquité qui  se décline  sur 3 cotés . Le coté accrochage qui n’est pas sa position appropriée car le dégoulinage de la peinture à l’huile, rouge  sur la tête de la  forme biomorphique va vers le haut au lieu du bas, le coté tête en bas dans le sens de la coulure de la peinture rouge  et le coté horizontal qui correspond à l’image du tableau , le regardeur se situe au dessus de  le forme biomorphique et du marais et de la mer

OU se situe l’origine du chaos, et du sentiment d’étrangeté donné par les peintres ?

Pourquoi les peintre nous donnent t’ils  une vision qui est si différente de la vision ordinaire du même lieu ?

D’abord le caractère de DE KOONING, il pense que tout va toujours aller très mal. Quand il peint le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » en 1971, c’est une année difficile pour DE KOONING. C’est la période de litige  aux tribunaux avec un ancien marchand  JANIS SYDNEY, période aussi de difficultés avec sa fille LISA et ses mauvaises fréquentations et  toujours ses addictions à l’alcool qui ne s’arrangent pas et il n’a plus de marchand  actif FOURCADE a quitté KNOEDLER . De plus  ses nuits sont perturbées par des cauchemars habités par des monstres , la terreur et la mort.


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Comme  SOUTINE , DE KOONING pense que tout va toujours aller très mal. Sa vie , ses peintures ne sont aussi qu’une douloureuse cohabitions avec lui-même. C’est aussi le peintre du déchirant, des corps souffrants et écartelés ( LA VISIT).

 

De même dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE,la forme biomorphique   centrale  déchirée , ensanglantée pourrait   être l’autoportrait de DE KOONING  mis en valeur par des  couleurs chaudes de rouge incandescent , de orange et jaune   qui se démarquent  d’un fond sombre aux multiples variantes de couleurs noires , marron , vertes, grises qui représentent le monde des monstres marins et des marais qui sortent de l’eau pour dévorer les humains à l’image des RUSALKES , êtres mi-femmes mi -poissons qui attaquent les humains  à mort pour les transformer eux-mêmes en nouveau RUSALKES. Le sang qui coule de la tête de la forme biomorphique montre que la lutte n’est pas encore terminée, la forme est encore vivante. Lueur d’espoir en l’avenir car DE KOONING vient de rencontrer sa muse Emilie KILGORE

 

 

Chez SOUTINE   comme chez DE KOONING même si on semble voir le chaos et bien que le danger soit constamment introduit  par l’artiste afin d’évaluer toutes les permutations possibles de formes , de peinture , le chaos n’empêche pas l’ordre, rien n’est laissé au hasard

De KOONING a défié la mentalité américaine « can do » affirmant que « l’attitude de la nature est chaotique et que l’artiste y met de l’ordre » lui dit « c’est absurde je pense, ce que nous pouvons espérer c’est mettre de l’ordre en nous »

De KOONING comme SOUTINE ont le souci de l’environnement. SOUTINE démarre toujours ses tableaux sur le motif et DE KOONING quand il était à NEW YORK aimait marcher dans les rues et observer autour de lui. De même plus tard dans  les LONG  ISLAND, il aimait partir en bicyclette  le long de la mer, s’arrêter quand un endroit lui plaisait et observer pendant des heures la mer, les reflets du ciel sur la mer et le sable. Il s’est beaucoup inspiré des paysages maritimes dans les années 60 et 70. Il avait dit « pour moi un seul point rentre en ligne de compte : le champs de vision qui devient parfois très clair, je ne l’ai pas inventé. C’était déjà là. Tout ce qui se passe devant moi, je n’en vois qu’un peu mais je cherche toujours et j’en vois énormément parfois ».

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Avec DE KOONING, pas de logique philosophique, spirituelle  ou politique systématique, il se laisse aller à des sentiments intérieurs qui sont souvent remplis d’anxiété, de doute, de peur et cela transpire dans sa peinture . Ses tableaux qu’ils soient figuratifs ou abstraits, l’imagerie de DE KOONING s’est inspirée de formes capturées dans la réalité perçue

LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  n’est pas en reste, la scène du tableau se situe dans un paysage réel de marais et mer  de LONG ISLAND même si la transformation ensuite n’a plus à voir avec la réalité du paysage mais vient de l’intérieur  ( ses cauchemars peuplés de monstres)ce n’est pas parti d’un vide chaotique ou uniquement  d’une réalité picturale


 LES MOUVEMENTS DANS LES TABLEAUX DE SOUTINE ET LEG WOMAN IN THE LANSDCAPE

Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, La figure centrale biomorphique verticale traverse le tableau de haut en bas dans le milieu de la toile et divise le paysage de part et d’autre en 2 mouvements opposés. Dans la partie gauche qui correspond à un paysage de marais (situé dans les LONG ISLAND) ,les coups de peintures vont dans la même direction, vers le centre ou se trouve la forme biomorphique. De l’autre côté de la forme, les coups de peintures vont à contrario vers l’extérieur du tableau. Le paysage est ici maritime et suit les mouvement du flux et du reflux de la mer dans un courant ellipsoïdal .

Dans ces deux paysages se détachent des coups de pinceau serpentins qui représentent des monstres marins et monstres des marais qui agressent la forme biomorphique. La forme biomorphique a elle-même  un mouvement ondulatoire  ou vient  se loger dans ses  creux, de la peinture  elle-même en mouvements ondulatoires et en  enroulant autour de la forme centrale . En dehors de tout mimétisme et de toute version scientifique, dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le peintre nous montre ce qui sollicite son regard. Le peintre renonce à un point de vue unique en nous montrant d’un côté une vue sur les marais et de l’autre une vue sur la mer, La forme biomorphique centrale  faisant attraction et reflux provoquant des mouvements aqueux qui entrainent  des monstres. Dans cet espace du tableau sans profondeurs , sans perspectives , sans grandeurs équilibrées tout semble imbriqué l’un dans l’autre  et en mouvement . Tout ce monde imbriqué en mouvement avec des couleurs très proches les unes des autres entre couleurs chaudes et couleurs froides qui se chevauchent donnent malgré tout  un aspect indéchiffrable et indistinct

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En ce qui concerne SOUTINE, les toiles de paysages sont généralement entourées par des faisceaux de mouvements vers  la droite à l’exemple  « paysage de CERET de1921 » Comme LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE les éléments du paysage ou des natures morte de SOUTINE  créent des courbes et des contrecourbes onduleuses  à en attraper le tournis

Au lieu d’architectures, d’objets de la tradition ,DE KOONING et SOUTINE  développent  le mouvement, le flux, la trajectoire oscillante d’un monde en perpétuel déséquilibre

Dans certains tableaux de CERET, les maisons quittent la terre, les arbres volent. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique est en lévitation au-dessus  de l’eau.

Dans les natures mortes de SOUTINE comme « NATURE MORTE AUX HARENGS » « de 1923, la table est inclinée et recourbée sur laquelle sont posés un hareng, une serviette rouge, un pichet , une cuillère, un bol. L’espace s’incurve. Les choses sont emportées par un flux ondoyant qui les projettent en désordre vers le bord inférieur droit de la table ou les vrille sur place. Un courant ellipsoïdal traverse l’espace qui redonne vie aux objets. La table n’est plus un support statique, permanent et solide mais un champ d’énergies déjetés. La juxtaposition des objets importent moins à SOUTINE que leur place dans le mouvement de propagation, même le rouge de l’étoffe est un corps ondulatoire

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 NATURE MORTE AUX  HARENGS


De même dans   ,LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE tout est mouvement et en mouvement perpétuel comme les reflets des nuages dans l’eau qui circulent  avec ces puits  de lumière ( grattage de la peinture) dans la masse sombre du fond du tableau

Autres mouvements intéressants entre les peintures de SOUTINE et « LEG  WOMAN IN THE LANDSCAPE » est le mouvement en tourbillon .

Chez SOUTINE dans « Paysage à l’âne rouge » il y a d’abord le rouge que l’on trouve sur le toit de la maison et le rouge de l’âne similaire au rouge de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  mais on remarque un  mouvement de tourbillon des arbres autour de la maison de « paysage à l’âne rouge » qui semble la rendre prisonnière de son environnement . Ce tourbillonnement on le retrouve aussi autour de l’église de CAGNES avec toujours ce rouge dans la robe de la femme au pieds de l’église et cette verdure qui entoure l’église et qui semble l’isoler et la rendre également prisonnière de son environnement.

Dans » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » au bas de la forme biomorphique une sorte d’animal monstrueux d’un rouge plus moins vif que la forme biomorphique entoure les pieds dans un mouvement de tourbillon pour l’empêcher de bouger



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SOUTINE -DE KOONING  et LES MAITRES DU PASSE

Ni SOUTINE ni DE KOONING ont nié leur dette au passé, ils l’ont au contraire reconnu sans réserves

Le conservateur Monroe  WHEELER écrit   « SOUTINE  n’a jamais oublié qu’il était  venu à PARIS pour peindre  à la façon des maîtres qu’il idolâtrait »  De KOONING  avait de son coté affirmé  clairement  ses positions «  je pense  qu’aucun artiste moderne : CEZANNE, MATISSE ,PICASSO et les autres aient été aussi grand  que les plus grands du passé :RUBENS, VELASQUEZ et REMBANDT ». SOUTINE et DE KOONING ont été attirés par certains artistes classiques mais pas forcément les mêmes.

De KOONING quand il pense à sa peinture, il se projette dans la peinture de la Renaissance non par regret mais pour la vulgarité au sens pictural et la partie charnue de celle-ci qui semble le rendre plus occidental que ses pairs de l’expressionnisme abstrait

Tous les deux ont étudié les grands maîtres classiques notamment TITIEN ,RUBENS ,  REMBRANDT, Le GRECO, TINTORET

REMBRANDT était l’artiste préféré de SOUTINE. Plusieurs fois il a fait des déplacements au musée d’Amsterdam pour voir et étudier des tableaux de REMBRANDT. Il appréciait particulièrement «  LA FIANCEE JUIVE »  de 1666 » et «  BAIN DANS LE RUISSEAU » dont il s’est inspiré pour son tableau   FEMME ENTRANT DANS L’EAU  » de 1931 lui-même très proche du tableau de DE KOONING  «  WOMAN SAG HARBOR »de 1964 avec les reflets dans l’eau.

Ce que SOUTINE appréciait chez REMBRANDT, c’était une certaine conjugaison  d’empâtements  transparente de glacis et cette manière  de donner une consistance tridimensionnelle  aux personnages à l’aide de moyens picturaux apparemment grossiers avec des touches visibles, des couleurs épaisses, des textures inégales qui attirent le regard vers les accidents de surface peintes et les vibrations de la texture. Tout cela donne des qualités d’ordres tactiles, les registres de la vue et du toucher s’en trouvent réunis en un couple qu’il ne cessera de solidariser .


                                                                                                                                         71

SOUTINE n’a jamais travaillé à partir directement des tableaux de REMBRANDT qu’il admirait, il préférait travailler à partir de recréation de vie. Par exemple pour sa désormais série de peintures à carcasse, il a apporté un morceau de bœuf à l’atelier et a aspergé la carcasse de sang frais afin de maintenir les tons de chairs en vie . Les images vives de SOUTINE avec leurs arrangements de couleurs saisissantes et leurs qualités grotesques sont clairement redevables au bœuf de REMBRANDT, bien qu’il ai offert sa propre interprétation.

 

SOUTINE avait tant d’admiration pour REMBRANDT que Henri MILLER disait : «  il est obnubilé  par REMBRANDT qu’il idolâtrait » Dans de nombreux  tableaux  natures mortes  ou portraits,  matières et fonds  font penser à REMBRANDT comme   «  BŒUF ECORCHE » ou « jan SIX » avec des portraits  riches en  couleurs et chairs et avec un fond très sombre

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on retrouve ce même duo avec forme biomorphique luxuriante et fond également très sombre. L’admiration de DE KOONING est aussi importante, il regarde son lointain compatriote et lui rend hommage dans ses toiles.

 

Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »l’ombre de REMBRANDT est aussi présente avec les irrégularités, les accidents, la luxuriance de la matière, le contraste des couleurs Rouges et noires

Un autre REMBRANDT proche de «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » : «  portrait de Jan SIX » de 1654  avec en premier plan un rouge vermillon  bardé de orange sur les bords qui forment la cape du personnage et le fond sombre  du tableau  en rapport avec le rouge , orange  du premier plan du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE » et le fond sombre.


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Autre tableau de REMBRANDT très proches des deux peintres «  Le bœuf écorché  » de 1655 du LOUVRE  par rapport au  «  bœuf écorché de SOUTINE » et  ce qui est inédit , ces deux tableaux sont également proches du tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  qui sera développé dans un chapitre ci- après.

Il y a aussi  le tableau « FEMME ENTRANT DANS L’EAU » de SOUTINE  et « WOMAN V » de DE KOONING  qui sont proches du tableau de REMBRANDT «  FEMME SE BAIGNANT DANS UNE RIVIERE» Les trois tableaux évoquent une femme peinte  frontalement entrant dans l’eau  à mi-cuisse  et le jeu des reflets dans l’eau en mouvement.

 C’est précisément ce REMBRANDT-là  qui semble être la source des « WOMAN » dans le paysage des années 50 de WILLEM DE KOONING. DE KOONING regarde l’œuvre de son lointain compatriote et lui rend hommage de ses toiles

Quand à SOUTINE  , DRIEU DE LA ROCHELLE ( écrivain antisémite) dans sa comparaison de SOUTINE et REMBRAND il dit pourtant « Il est le plus grand peintre d’aujourd’hui, le seul dont l’œuvre placé près de celle de REMBRANDT supporte d’être  comparé. Cette ascension incomparable, il faut en chercher les causes dans la compréhension qu’à SOUTINE de la matière, dans l’excellente influence que la mesure Française a eu sur son tempérament fougueux, enfin ce que nous appelons le génie d’un homme, le feu sacré dont il brule »

 

 

Chez RUBENS , SOUTINE ET DE KOONING appréciaient  particulièrement les tableaux dominés par le rythme, l’énergie et les couleurs, par les femmes voluptueuses bien en chair  et sensuelles et la picturalité qui préfigurent chez DE KOONING les tableaux des années 60 . Il disait : «  La chair est la raison pour laquelle la peinture à l’huile  a été inventée »

 

Pour DE KOONING , RUBENS  c’était l’exubérance , la vitalité grossière  trouvé dans des Pays-Bas, c’était l’approche occidentale de l’art occidental, les images pleines d’actions dramatiques , les contours luxuriants et la sensualité. Chez RUBENS  il admirait les chairs et ses chefs d’œuvres flamboyants. Il disait : «  Je suis fou de RUBENS de toutes les femmes voluptueuses, Il était l’ultra de la période Baroque » , Il disait aussi après avoir vu RUBENS : « La chair  était la raison  pourquoi  la peinture à l’huile a été inventée »

                                                                                                                                       73

 

SOUTINE  a regardé aussi les peintures de  CHARDIN  et DE KOONING était plus attiré par des compositions fantastiques de ses  compatriotes   JEROME BOSCH et BRUEGEL  .

 Dans l’ensemble , ils ont recherché des qualités similaires dans les pratiques des deux artistes Ils appréciaient  notamment la picturalité  d’un peintre comme RUBENS et , dans  leurs œuvres respectives  et leurs styles personnels , avec des coups de pinceau dynamiques et viscéraux. Ils ont cherché à donner cette matière picturale a leurs formes et leurs figures. Les deux hommes ont également exprimés  une fascination  commune pour le grotesque à l’œuvre  dans certaines images  de leurs prédécesseurs Jérome BOSCHBRUGGLE, introduisant  dans leurs peintures des éléments de distorsion et d’exagération qui renforcent l’impact visuel ( SIMONETTA FRAQUELLI)

 

 

Irvin SANDLER ( critique d’art) a noté que  les liens de DE KOONING avec la tradition étaient évidents dans ses techniques de peinture, son utilisation de l’image humaine mais il n’avait aucun intérêt culturel, spirituel , politique, système de croyance ou autre que son engagement  envers son art 

Par-dessus tout, SOUTINE et DE KOONING possédaient chacun une approche libre de l’art du passé. Ils se sentaient libre de prendre des références de l’histoire de l’art. Soutine s’alignait plus ou moins sur le patrimoine antique de la France  mais aussi de la Hollande et Belgique, Il a fait plusieurs voyages dans les 2 pays pour visiter les grands musées  afin de s’inspirer de certaines œuvres exposées comme REMBRANDT, RUBENS alors que DE KOONING plutôt sur le patrimoine la  HOLLANDE son pays d’origine

Si les deux peintres avaient une affection particulière et commune pour RUBENS et REMBRANDT,  DE KOONING  était aussi influencé par BRUEGLE ET BOSCH. Dans beaucoup de tableaux on trouve des signes qui font ref à des tableaux  comme   «  le triomphe de la mort » , « la parabole  des aveugles »de BRUEGLE L’ANCIEN ou « Le  jardin des délices » de BOSCH


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Dans  «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on peut trouver une certaine ressemblance  avec un dessin de personnage sur pied dont la posture des pieds , des mains et de l’instrument qu’il tient dans les mains ressemble à un personnage du tableau «  LE TROMPHE DE LA MORT »qui se trouve dans l’encadrement d’un drapé blanc. Ce dessin de DE KOONING sans titre de 1971 ( la même année que le tableau LEG WOMAN IN THEE LANDSCAPE)  a un visage qui est repris simplifié à l’extrême  dans les traits du nez et de la forme du visage  dans le dessin de l’homme que l’on retrouve au dos du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et ce n’est pas un hasard car ce titre de BRUEGLE « LE TRIOMPHE DE LA MORT  » » correspond tout à fait à ce dessin qui contrairement au recto du tableau est une représentation de la mort ( forme biomorphique dévoré par des monstres) le dos du tableau est une resurrrection grâce à l’amour qu’il a découvert avec sa nouvelle muse Emilie KILGORE que l’on retrouve également dans le dessin du dos du tableau sous le signe de MARYLIN MONROE  .

Selon la femme de DE KOONING , Elaine , BOSCH a été très tôt l’un des peintres préférés de son mari, qui a la fin  des années 60 a aussi exécuté des dessins de BRUEGLE ( Simonetta FRAQUELLI) . le dessin sans titre de 1971 est probablement un de ceux dont parle Elaine

Autres tableaux de DE KOONING ( SEATMAN -CLOWN).l’historien d’art  David AFAM a suggéré que SEATED MAN  paraphrase  les démons dévorant l’homme en bas à droite au « jardin des délices » de BOSCH .

Pour Harry  F GAUGH un autre tableau reprend également cette scène  de démon dévorant l’homme , il s’agit  du tableau «  MAN » de 1967  par rapport également  au « JARDIN DES DELICES »

 LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE serait aussi du même ordre que « SEATED MAN » et  «  MAN » . En effet on retrouve un démon sous  forme de monstre aquatique  de couleur noire à gauche qui dévore la forme biomorphique.

Dans cette optique  de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on peut aussi faire le rapprochement avec «  the VISIT » ou le personnage masculin jambes écartées se fait attaqué sur le coté gauche par un monstre la gueule ouverte prêt à dévorer l’homme


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La manière de peindre de ces deux peintres DE KOONING et SOUTINE étaient hors des sentiers battus, elle est contradictoire avec ce qui est enseigné, pour SOUTINE : figures tordues, paysages déséquilibrés ou le sol se dérobe , villages qui se soulèvent  dans les airs , maisons anthropomorphes et prédominance de la couleur  .






Pour DE KOONING, mélange de peintures rapides et lentes , effets de rides, de craquelures, grattage, effets suite aux excès d’huile, d’eau, d’essences, peintures sans horizon, sans profondeur, sans perspectives ou le fond et les peintures du premier plan se rejoignent, peintures inachevées comme dans «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Ses tableaux  se prêtent pour le spectateur à l’ambiguïté des  contradictions, à la confusion des intentions. IRVIN SANLER  a perçu avec acuité ce dilemme auquel DE KOONING était compromis tout en reconnaissant  que DE KOONING  était surement  le plus grand peintre virtuose de son temps . SANDLER a conclu avec perspicacité «  peu importe  si  un tableau de DE KOONING est bien fait à la manière  des chefs d’ouvres du passé   s’il ne transmet pas une confiance  dans le destin de l’homme »

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, on retrouve aussi le rouge de RUBENS  des tuniques , le fond sombre des portraits de  REMBRANDT et plus récemment les portraits  gris fantomatiques de GIACOMETTI


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 Dans les paysages de CERET de SOUTINE, avec leurs gestuelles et leurs distorsions fascinantes rappellent les dramatiques tourbillons et les touches apparemment spontanées des grands tableaux de TINTORET sans parler des formes allongées et tortueuses des derniers tableaux du GRECO

 

Chez ces deux peintres il y a aussi une approche de la mythologie dans la peinture du déchirant et des corps souffrants comme dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE avec cette forme biomorphique en train de se faire dévorer par des monstres. Ainsi on peut évoquer OSIRIS dilacéré, Orphée démembré par les femmes thraces, Dionysos dévoré et recomposé , Marsyas écorché  , Toutes ces démesures  qui ont sombré dans l’art de ces deux peintres.

Mais LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  d’un autre coté  et en définitif  se différencie de cette mythologie dans son aspect sombre évoqués chez les deux peintres. Ce tableau est à rapprocher d’autres œuvres de DE KOONING du même ordre , il s’agit  de 6 dessins  de crucifixion réalisés à la même époque que  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, 1971-1972  sous le nom « For santa Emilia-six Tears for six saints » Cela fait penser à la crucifixion du christ  avant sa résurrection  pour sauver les hommes de leurs pêchés . N’y a-t-il pas une allusion dans ces dessins à un autoportrait du peintre crucifié pour ressusciter d’un nouvel homme lavé de tous ses démons intérieurs pour vivre un nouvel amour avec sa nouvelle muse Emilie KILGORE. D’ailleurs accompagné de ces 6 dessins il y a une note manuscrite : «  For SANTA EMILIA » qui s’adresse visiblement à Emilie KILGORE.



                                               FOR SANTA EMILIA                                                77



De la même manière dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme Biomorphique centrale qui pourrait être  un autoportrait de DE KOONING se laisserait  dévorer par des monstres aquatiques  pour mieux renaitre   d’un homme neuf pour l’amour qu’il porte a Emilie KILGORE .Ceci est évoqué dans le dos du tableau  ou un dessin complexe représente  les deux portraits de DE KOONING et KILGORE  et les deux noms imbriqués l’un dans l’autre.

 

DECOUVERTES DE SOUTINE POUR DE KOONING ET SON INFLUENCE

 

Au début DE KOONING était plutôt penché sur l’œuvre de PICASSO, La bascule  se fait plus tard  quand il se confronte à l’œuvre de SOUTINE et alors loin  d’illustrer les dominantes masculines à la PICASSO les sujets féminins  gagnent en puissance… ( SCHIJELDAHL 2011)

 La première fois que DE KOONING a rencontré des tableaux de SOUTINE c’est probablement dans des galeries de NEW YORK dans les années 30-40  de manière tout à fait confidentielle mais ce n’est véritablement qu’au début des années 50  que l’œuvre de SOUTINE a été révélée au monde de l’art et que DE KOONING a découvert toute sa portée  .ll défraie la chronique  en présentant à la SIDNEY JANIS GALLERY , sa série  des « WOMAN » en 1953 après avoir subi de plein fouet , le choc de la peinture de SOUTINE

 Cette deuxième découverte s’est produite en 2 temps. D’abord la rétrospective de l’œuvre de SOUTINE au MOMA en 1950 et l’exposition des SOUTINE à la fondation BARNES en 1952 qui a marqué profondément DE KOONING .   «  C’est juste à la même période quand il peint WOMAN1 entre 1950 et 1952 qu’il rencontre donc l’œuvre de SOUTINE et cela le conforte dans ses choix et déclenche en lui  un vent d’audace et de liberté qui débride  définitivement sa pratique » ( jerome BUISSON)

                                                                                                   



                                                                                                                                78


Si c’est principalement les tableaux de SOUTINE , vus chez BARNES qui ont influencé DE KOONING  dans ses œuvres  à venir, il ne faut pas oublier que d’autres tableaux de SOUTINE  venu d’ailleurs ont pu également l’influencer .Ainsi  « LA FEMME EN ROUGE »Ce célèbre portrait de la période de CAGNES dont on peut trouver la marque dans le DE KOONING «  WOMAN IN A GARDEN » de 1971 et dont on peut trouver un certain rapport également avec » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de la même année .On y retrouve les mêmes couleurs chatoyantes de vert, orange, jaune, rouge ainsi que les formes , les coups de pinceau  aux courbes sinusoïdales  qui glissent dans les tableaux  comme des serpents. Autre exemple avec la version réalisé par SOUTINE en  1931 de « LA FEMME DE BEIGNANT DANS UN RUISSEAU » de REMBRANDT nommée «  FEMME ENTRANT DANS L’EAU » dont on trouve l’écho  dans « WOMAN III » mais d’une certaine manière aussi avec « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » dont le pendant de la jambe gauche   de WOMAN III  mis en symétrie horizontale  du au calque  comme dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » correspond dans la forme à la forme biomorphique du tableau  munies des 2 yeux et du bec en pointe . Les mains de WOMAN III sur le coté correspondent à ce qui parait un monstre dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »                                                                           

                                                                                                                             79

 

   LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE                                     WOMAN III
                                                                                                    
                                                                                                                                                        


PICASSO s’était fait le porte-parole  de toute une génération à l’aube du XXeme siècle en déclarant «  CEZANNE  c’est notre père à tous ». Avec CHAIM SOUTINE, DE KOONING vient de trouver le sien  ( Jérome BUISSON)

A l’exemple du PETIT PATISSIER  » de SOUTINE de 1927  , les mains sur les hanches , les yeux dans les nôtres ,le « GROOM »au visage déformé écarlate et fond sombre  à la REMBRANDT ,  « L’ENFANT DE CHŒUR » à l’allure et visage allongé ovale, « LA FIANCEE »qui prend toute la longueur de la toile  et le fond  avec une palette de vert de marron

« C’est exactement cette présence animée au spectateur  et au monde, du personnage et de la peinture  que De KOONING  veut capturer dans ses nouveaux travaux »( Jérome BUISSON)

Dans LEG IN THE LANDSCAPE nous retrouvons la figure ovale de la forme biomorphique, sa forme allongée qui va d’un bout à l’autre de la longueur de la toile, le fond sombre aux couleurs froides de noir de vert de marron, le tout dans un signe de mélancolie, de désespoir, de résignation

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DE KOONING s’est vraiment nourri de la peinture de SOUTTNE à partir de ces deux expositions de SOUTINE mais c’est   dans les années 60 et 70   à EAST HAMPTON, lieu de résidence de DE KOONING que l’influence de SOUTINE est la plus forte et se remarque dans ses tableaux. Je vous rappelle ce que disait DE KOONING de SOUTINE dans une interview en 1977 qui demandait quel peintre avait eu la plus forte influence sur lui  : « Je pense que je choisirais SOUTINE ,  j’ai toujours été fou de SOUTINE, de toutes ses peintures. Est-ce la luxuriance de la peinture. Il construit une surface qui ressemble à une matière, comme une substance, il y a une sorte de transfiguration, un certain empâtement de  chair dans son travail. » Pour lui le geste pictural de SOUTINE tel qu’il l’a observé sur les surfaces luxuriantes d’œuvres comme , »LE PETIT PATISSIER », « PAYSAGE DU MIDI »ou « LAPIN ECORCHE »s’est avéré décisif

mais il dit dans le même entretien « Il ne m’est jamais venu à l’idée de posséder un SOUTINE, en fait , je ne voudrais pas en posséder 1, être influencé par certains artistes, ne signifie pas que j’éprouve  le besoin de vivre  avec leurs peintures »

D’après Elaine DE KOONING, WILLEM DE KOONING adorait particulièrement l’image de SOUTINE, il disait à ses propos : «  le plus j’aimais d’être comme SOUTINE, au plus original , je deviens. »

Cette remarque comme la fascination que le peintre manifestait pour toutes les anecdotes portant sur la vie de son devancier contribue à montrer à quel point Soutine l’aspire autant comme figure que comme œuvre mais il souligne  ne pas vouloir peindre comme SOUTINE , il donne cet exemple : «  je pourrais être influencé  par RUBENS mais je ne voudrais pas peindre comme RUBENS »

                                                                                                                                 81                                                                                                                                           


La relation active et réciproque entre les deux artistes ne saurait donc se réduire à un simple inventaire des ressemblances. Si DE KOONING revendique haut et fort  ses influences , c’est bien parce qu’il pense ce type de relation sur un autre monde. Il puise dans SOUTINE  la force, l’énergie afin d’avoir la capacité de s’approprier ce que SOUTINE a peint  pour en faire à son tour quelque chose afin de maintenir la vitalité de l’échange

C’est SOUTINE qui a donné à DE KOONING  la liberté de poursuivre le cours de son expérimentation artistique personnelle  plutôt que se lier à la domination croissante du mouvement expressionniste abstrait

 

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, l’influence de SOUTINE se remarque dans l’utilisation des peintures rouges couleur sang, du fond sombre, de la présence de la forme biomorphique écorchée comme les  bœufs écorchés de SOUTINE , de l’enchevêtrement des couleurs et des figures, de la concentration du tableau sans espace , sans profondeur mais tout cela fait d’une façon originale propre au peintre sans pour cela être un plagiat de SOUTINE

 

 

Ce que DE KOONING dit admirer le plus, par-dessus tout, c’est combien même les toiles les plus sombres et tourmentées de SOUTINE semblent pourtant  luire d’un rayonnement  intérieur qu’il a longtemps cherché à atteindre  à travers sa peinture. Ainsi dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  au fond sombre, ténébreux peuplé de monstres ,troué de puits de lumières qui correspondent à la réflexion du ciel alternant ciel dégagé , ciel nuageux et lumière sur la surface de l’eau  s’oppose une forme biomorphique rouge incandescente  de sang dont la lumière semble provenir de l’intérieur. C’est après sa visite à MERION , à la fondation BARNES  que la distinction conventionnelle entre le premier plan et le fond disparait, tout est imbriqué , il n’y a plus d’espace. 

DANS LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE il n’y a pas d’espace, la forme biomorphique , les marais, la mer , les monstres, les accessoires comme la chaussure à haut talon , la tête de WOMAN , la tête d’homme à la GIACOMETTI, les puits de lumières tout cela ne fait qu’un , tout est relié , imbriqué .


                                                                                                                                     82


Il ne peignait pas nécessairement de la même manière que SOUTINE, nous l’avons vu ci-dessus ( chez SOUTINE, il n’y a  pas de fragments de corps, de tableaux non finis , de tableaux aqueux  , de grattage apparent

Dans une conversation en 1975 , DE KOONING disait qu’il ne pouvait pas  simplement imiter  le travail de SOUTINE et les autres peintres qu’il affectionnait mais plutôt y parvenir par d’autres moyens que l’imitation et la ressemblance stylistique. Son engagement avec l’art de SOUTINE provient de ses propres besoins créatifs et trouve son expression à travers sa propre vision unique comme il l’avait dit un jour à Harold ROSENBERG : » je suis un de ces artistes  qui aime  être influencé, cela m’apporte une autre façon de voir les choses. Je découvre des choses qui me donnent un coup de fouet, qui m’attirent et si je suis attiré, cela veut dire qu’il y a quelque chose pour moi là dedans »

 

De KOONING s’appuyait sur la matérialité expressive de SOUTINE pour trouver des idées de composition. Ainsi dans « WOMAN V », la pose frontale de la femme dans l’eau ressemble beaucoup à la position de  «  LA FEMME ENTRANT DFANS L’EAU» de SOUTINE » elle-même inspirée  de « FEMME SE BAIGNANT DANS UNE RIVIERE» de REMBRANDT. Dans les « WOMAN » les distorsions du visage et du corps dans ses séries doivent quelque chose de leur impact à l’admiration profonde de DE KOONING sur l’art de SOUTINE.

L’œuvre des autres n’est pas une opportunité d’imitation mais l’émancipation et l’affirmation de soi. DE KOONING n’est pas plus infidèle à SOUTINE que celui-ci ne l’était vis-à-vis de REMBRANDT. L’un comme l’autre font de celui qu’ils admirent comme ressources, le support du développement de leur propre manière, contrairement au lien de servitudes instaurés par  certains obscurs suiveur à certains grands artistes.

 

Aussi important que l’émulation et la ressemblance stylistique de  SOUTINE sur DE KOONING, la dévotion de DE KOONING pour SOUTINE a la primauté à  sa croyance infinie en l’art comme mode de vie et  cela justifie  en premier lieu  son affirmation  sur SOUTINE  «  Je suis fou de SOUTINE »


                                                                                                                                    83


Soutine d’un tableau à l’autre avait la même volonté de déstabiliser le regard, de dépasser les formes naturelles, de donner à voir la peinture dans ce qu’elle a de plus organique. De KOONING a été troublé et exalté de ce qu’il a vu de SOUTINE, il ressent une filiation entre SOUTINE et lui, il retrouve dans les paysages de CERET et CAGNES la mobilité et la nervosité de ses propres coups de pinceau, l’arbitraire du geste qui donne à la touche picturale toute son autonomie

 

Sur le plan visuel, les peintures de SOUTINE et de DE KOONING suscitent une réponse viscérale similaire chez le spectateur

Leur peinture est essentiellement gestuelle, c’est le geste spontané, doux , saccadé, violent ou minutieux  et non le sujet qui induit chez les deux peintres un sentiment, une émotion , un caractère et font naître ainsi l’anxiété, le désespoir ; l’absurdité, la peur, la terreur, l’amour etc

Pour SOUTINE , il transmet sur ses peinture la réalité devant lui   de l’objet non pas que les autres peuvent voir mais que lui seul voit

Pour DE KOONING  ce qu’il transmet sur la toile c’est la réalité connecté à son imagination

D’après Elaine DE KOONING , WILLEM adorait particulièrement l’image de SOUTINE  , il disait à son propos « plus j’essaie d’être comme SOUTINE, le plus original je deviens » SOUTINE l’inspire aussi bien comme figure physique que comme œuvre   mais s’il peut être influencé par SOUTINE, il ne veut pas peindre come SOUTINE  de même il aime RUBENS mais ne veut pas peindre comme lui.

 Autant l’œuvre qui l’influence c’est aussi le mythe de SOUTINE auquel il s’identifie, la même indépendance vis-à-vis de la communauté artistique qui veut l’absorber . Faire son SOUTINE c’est une façon de se tenir dans l’histoire, dedans mais libre et seul

Les influences lui permettent l’éclectisme qui est la plus sûre protection contre l’asservissement. Sa devise c’est rester soi en restant ouvert à toutes les influences   et il dit : «  Les gens que je préfère sont peut-être  précisément ceux qui font quelque chose que je ne ferais jamais… Il fait naturellement une chose  et je fais naturellement autre chose » Faire comme SOUTINE, ça n’est pas faire du SOUTINE, mais comme lui, faire autre chose

                                                                                                                                   84                                                    

Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » semble être un des tableaux qui a plus de rapports avec ceux de SOUTINE aussi bien avec les paysages de CERET qu’avec les natures mortes comme les bœufs écorchés, cela sera détaillé dans cette étude.

 

Quant à l’influence des critiques, les conséquences n’étaient pas identiques pour les deux peintres.

Pour SOUTINE si une critique était mauvaise et féroce sur un de ses tableaux et qu’il en avait vent, il supprimait, détruisait le tableau et s’il était vendu il allait même jusqu’à le racheter pour le détruire ou le remplacer par un autre tableau

DE KOONING étant très fort d’esprit, il n’était pas influencé par les critiques de l’époque où les uns et les autres. Il faisait ce qu’il devait faire peu importe que ce soit des succès ou échecs. Les critiques des années 60 étaient pour la plupart mauvaises notamment ceux de Clement GREENBERG qui l’avait adulé quand ses tableaux étaient plus abstraits mais il n’a rien changé dans sa nouvelle façon de peindre pour autant. Pour certains critiques de l’époque tout ce qu’il avait fait depuis son déménagement au SPRING était un échec et les collectionneurs étaient d’accord avec eux . Cela n’a fait que le renforcer dans son idée qu’il était sur la bonne voie dans sa façon de peindre

 

 D’un point de vue philosophique, la picturalité libre  de SOUTINE représente pour DE KOONING, la liberté même de la vocation artistique. Pour lui cette qualité est le fruit d’une conviction intérieure plus qu’une forme expressionniste stylistique, Il disait «  J’aime SOUTINE, tout ce qu’il faisait avec une sorte d’expressionnisme, il le faisait seul, je ne pense pas qu’il serait d’accord pour se dire expressionniste, ou pour dire que sa peinture puisse relever de cette façon de peindre, il était tour seul » (  judith ZILCZER)

 

Pour Pierre WAT (professeur d’histoire de l’art), « Le SOUTINE de DE KOONING n’est pas et ne peut pas être tout SOUTINE. Il procède d’un choix sur soi, ce qui implique des refus »  Nous le voyons dans cette étude en faisant des comparatifs entre les deux peintres qui sont parfois antinomiques dans certaines façons de peindre, toujours d’après des motifs pour SOUTINE et jamais selon DE KOONING. De KOONING aime peindre à la lumière flamboyante du jour, SOUTINE à besoin du minimum de lumière naturelle pour peindre, cela ne le dérange pas de peindre sous la pluie


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Il a parfois aussi un aveuglement délibéré qui laissera, lui aussi sa trace dans la peinture après le choc de 1950 .Peignant d’après SOUTINE, il se pose comme son successeur dans l’histoire tout à la fois  en s’approchant de son œuvre qu’en s’en éloignant.  DE KOONING  dit : « je ne sais pas ce que je suis, mais je ne suis pas les autres »

Ca sert à ça l’autre, on inscrit son nom dans la généalogie afin de s’en éloigner , pour mieux se trouver ( Pierre WAT)

Lorsqu’il s’exclame «  La chair est la raison pour laquelle la peinture à l’huile a été inventée »DE KOONING  révèle ce qu’il a en partage avec SOUTINE, ils ont la chair en commun, ils ont aussi le gout  de l’empâtement   mais chacun a sa palette. SOUTINE montre la chair en blanc, DE KOONING la montre en rose- rouge. Ils ont une admiration sans limites pour REMBRANDT etc

 

 

SOUTINE-DE KOONING ( LEG WOMAN IN THE 

LANDSCAPE) AUTOPORTRAITS

 

SOUTINE comme DE KOONING nous montre des personnages déformés , bouches à la place des seins, oreilles agrandies , yeux décalés   dans des positions grotesques ou  choquantes

Ils ne cherchent pas à plaire dans leurs peintures mais à peindre.

 Leurs personnages nous montrent le tragique de l’univers. Les personnages ils sont là tels qu’ils les voient, les ressentent, tourmentés comme DE KOONING et SOUTINE sont eux-mêmes tourmentés.

Leurs personnages sont pour la plupart  des autoportraits. Dans leurs pratiques SOUTINE et DE KOONING conservent la figure humaine en cherchant paradoxalement à la défigurer. Ils réalisent des visages tordus et des corps aux silhouettes déformées.

 SOUTINE dans ses autoportraits comme celui qu’il nomme au titre de grotesque, il ne s’épargne pas lui-même ;Pâtissiers , grooms grotesques, portraits d’hommes et de femmes divers déformés ou autoportraits de SOUTINE lui-même présentés de façons grotesques, vus sous un jour défavorable comme si l’artiste explorait ses défauts de caractère les plus sombres écrits en grand sur son visage, comme si des démons avaient pris possession du peintre en se lovant dans son autoportrait. Il en rit lui-même , se moque de lui-même et des démons qui l’habitaient. Il se hait lui-même, se frappe lui-même, se révèle à lui même


                                                                                                                               86  

Les autoportraits de SOUTINE des années 1915-1918 aux aspects dramatisants sont si proches du spectateur qu’ils semblent jaillir du fond comme un diable de sa boite. Dans son autoportrait « grotesque » SOUTINE ne s’épargne pas,il se présente avec des lèvres charnues et protubérantes, un nez démesuré et un bras allongé, SOUTINE  n’hésite pas non plus à accentuer la sinuosité des corps

Dans son  « auto portrait » de 1918 , , Le visage  qui préexiste à l’autoportrait est celui d’un écorché rouge avec  deux trous noirs à la place des yeux , la bouche coupée .Les yeux de SOUTINE ont peur, SOUTINE a peur de ses yeux, de ses yeux qui le dévisagent dans le miroir ou il s’observe. Et cette peur transforme la réalité du portrait en une illusion de présence démultipliée, peut être menaçante, une toile dans la toile envahit le tableau, celle sur laquelle il  va peindre son portrait mais  le portrait de SOUTINE semble exister déjà sur la toile  avant même  qu’il  ne commence à le peindre. Le portrait est sur le dos de la toile qu’il va peindre.

 

Très étrangement  on peut faire le rapprochement de ce double autoportrait  du tableau de SOUTINE « autoportrait de 1918 »  avec le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. En effet dans le même ordre ,la forme biomorphique peut être considéré comme l’autoportrait  de DE KOONING dans son  rêve cauchemardesque  , sur le coté droit au niveau du visage de la forme biomorphique  on remarque dans l’ombre ,un visage  fantomatique tout en long à  la GIACOMETTI , c’est aussi  un autoportrait , l’esprit de DE KOONING dans son sommeil qui se voit en forme biomorphique, et se voit écorché par des monstres au travers de leurs yeux liés respectifs, il y a donc démultiplication de la même façon que l’autoportrait de 1918.


                                                                                                                               87



                                                                              

                                                  DOUBLE AUTOPORTRAIT

Dans « LEG WOMAN in the LANDSCAPE » le peintre se joue aussi à l’effet de l’autoportrait  comme dans de nombreuses œuvres  de DE KOONING. Dans cette œuvre il se fait tellement peur que la peinture semble restée inachevée. En effet il est menacé de perdre la vie en se jouant à l’effet du portrait mais le dos du tableau montre que l’issue est heureuse .C’est son amour pour KILGORE qui le sauve

Cette  forme biomorphique  qui peut être aussi considéré comme un autoportrait, tout aussi proche du spectateur semble vouloir sortir du tableau mais en est empêché par les formes aux allures de monstres  qui l’empêchent de bouger, cette forme est malmenée par les monstres qui commencent à la dévorer, le visage est déjà ensanglanté , le sang coule du visage. Comme les portraits de SOUTINE qui accentuent la sinuosité des corps, la forme biomorphique présente une sinuosité naturelle car il s’agit du calque de la jambe droite de WOMAN1 (étape 1)

 

Chez  SOUTINE , Ses portraits de femme lui ressemblent en fin de compte plus que les portraits d’homme. Chez lui malgré sa rusticité et sa sauvagerie  , il y avait en lui un aspect féminin, il avait les mains aussi fines que celles d’une femme, il  avait une séduction difficile à définir mélange de fureur et de détresse, un sourire désarmant, il savait entretenir une coquetterie. On retrouve une intensité de séduction du regard dans ses portraits féminins qui lui ressemblent mais quand bien même  ce passage  homme-femme s’accompli sans la moindre indulgence à ce travestissement, on retrouve les mêmes déformations du visage que dans ses autoportraits en  dépit de cette séduction


                                                                                                                                   88

Dans ses autoportraits femme, peut être aussi cherche t’il à retrouver l’image d’une mère laissé derrière lui qu’il ne retrouve, en miroir, que par son propre visage. C’est peut être aussi la transgression de l’interdit lointain qui se retourne aussi contre lui et fait que lorsqu’il peint une femme, celle qui engendre, il lui donne ses propres traits d’homme .

Ses portraits de femme sont comme des DYBOUK ( de la mythologie juive) qui l’habitent  et modifient  et s’approprient  ses propres traits (  Clarisse NICOIDSKI)

 

 Pour DE KOONING, les «  WOMAN » peuvent être considérés aussi comme des autoportraits en plus de toutes les interprétations qu’on  a bien pu leur donner.

De KOONING disait lui- même pour ses « WOMAN» que c’était lui- même avec ce qu’il avait de féminité car disait t’il , dans chaque homme il y a une part de femme

Cette approche psychologique de la femme de DE KOONING a été étudiée par la spécialiste de la culture Estella LAUTER en adoptant le concept de Carl JUNG de l’inconscient coté féminin des hommes comme cadre d’analyse aux peintures des « WOMAN » de DE KOONING

En 2011 Philip KENNICOTT a lié les »WOMAN » directement aux angoisses  de DE KOONING affirmant qu'ils "sont en quelque sorte des autoportraits, de vives représentations de soi en travesti d'un peintre qui peut bien avoir senti qu'il était proxénète  de son propre talent dans autant de directions que ses femmes sont tordu, tiré, étiré »

De KOONING a rarement représenté la figure masculine mais quand il le faisait, l’image avait souvent une connotation autobiographique et typiquement comme sa crucifixion de dessins , reflétait  les sentiments de persécution et de souffrance

Dans « LEG WOMAN in the LANDSCAPE » , la forme centrale qui est une jambe de WOMAN 1 ( stade 1)  calquée sur la toile et transformée en forme biomorphique d’un animal inconnu  avec tête d’oiseau et corps sans membres, c’est un autoportrait de  DE KOONING vu par lui-même  (  dans le tableau a droite  en haut, la tête fantomatique de DE KOONING à la GIACOMETTI), c’est DE KOONING dans son songe qui se voit en cette forme biomorphique dans un cauchemar ou il en passe d’être  dévoré par les monstres des marais et de la mer.

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TETE PHANTOMATIQUE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE








Cette forme biomorphique face au peintre, c’est le peintre lui-même, menacé de perdre la vie en se prenant au jeu du portrait, c’est le peintre dans son rêve de cauchemar mais qui réagit, ne veut pas mourir car au dos du tableau il y a l’espoir d’un amour. C’est Emilie KILGORE qui le sauve. Dans le tableau malgré toutes les agressions, la forme semble toujours vivante, elle n’a pas les entrailles ouvertes comme les bœufs écorchés de SOUTINE. Il disait d’ailleurs que dans ses cauchemars, il avait fini par déjouer leurs attaques mortelles ( STEVENS- SWAN  2004) et qu’il finissait désormais à les neutraliser  par son désir de vivre pour Emilie KILGORE dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE.

Il en est de même sans doute des 6 dessins « Crucifixion » de l’année 1972 » six  tears for six saints » qui sont dédiés à Emilie KILGORE sans doute pour dire à Emilie KILGORE que la crucifixtion va lui permettre une nouvelle naissance, une résurrection  grâce à l’amour qu’il porte à Emilie KILGORE, c’est peut-être une métaphore du  christ qui est mort et ressuscité pour sauver le monde

D’une certaine manière aussi , dans les auto portraits de SOUTINE ou « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » les deux peintres se moquent d’eux-mêmes et                       90

des démons qui les habitent, ces démons qui ont  gonflé les lèvres, aplati le front , ridiculisé le nez et les oreilles chez SOUTINE et  dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ce corps sans membres à l’allure de reptile  , cette tête démesurée aux petits yeux noirs décalés et bec en pointe qui cache la bouche. Ces êtres qui semblent faire bon ménage avec les 2 peintres en quête de fureur, de démesure , de violence et de persécution.

Dans certains cas chez SOUTINE il se rend compte que ses excès vont au-delà  de ses souhaits dans la dérision et la violence et il lacère de fureur ses toiles comme si il voulait se lacérer lui-même et se débarrasse de ses œuvres. Il est arrivé à maintes reprises que certaines personnes de son entourage les récupèrent en les restaurant ce qui rendait SOUTINE furieux.

Quand à DE KOONING et il semble que c’est le cas pour «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE» il abandonnait la toile pour passer à autre chose  quand il sentait qu’il sortait lui-même de sa toile

 

 

AUTOFLAGELATION

Il y a un côté suicidaire chez SOUTINE, il tente inconsciemment  de provoquer  l’irritation , le rejet, la haine et s’enferme dans son désespoir. Il fait ce qu’il faut faire pour ne pas être aimé et en souffrir comme un bête, C’est tout lui et  il le retransmet dans ses toiles. Les lièvres, les faisans pendus , les poulets morts ce sont des autoportraits . Il se rappelle le traumatise laissé par le boucher de son enfance ou il avait assisté à la mort cruelle des volailles qui se débattaient et  dont le sang giclait de tous les côtés jusqu’à leur trépas . Il tient lui-même le crochet, le couteau et se lacère. Suicidaire SOUTINE accepte sa mort dans sa peinture mais avec un sursaut de terreur , il dit : «  je ne veux pas me noyer dans mon sang », le sang est suggéré par le rouge mais on ne le voit pas couler dans ses peintures comme  dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  et contradictoirement , sa peinture qui dit la mort ou s’en  approche est un acte de vie, impérieux, exigeant.

 De même s’il interroge des visages inertes, il n’hésite pas à leur insuffler sa propre vie, à se pencher sur des chairs décomposés, bœufs écorchés, volailles mortes, c’est pour y retrouver les germes du renouveau et de la résurrection


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Ce coté suicidaire, cet autoflagellation on le retrouve aussi dans   «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ». La forme biomorphique c’est aussi l’autoportrait du peintre qui assiste à son attaque à mort par des monstres des marais et de la mer sans pouvoir se défendre, il a le pied lié par un monstre qui l’empêche de bouger . Son esprit imagé par une tête fantomatique à la GIACOMETTI à la droite de la forme biomorphique regarde la scène sans réagir. Mais comme SOUTINE, cette mort ou son approche est aussi un acte de vie. C’est pour ressusciter vers  une nouvelle vie qu’il veut offrir à sa nouvelle muse de 1971 , Emilie KILGORE  dont le dessin au dos du tableau est très significatif.

 

Certaines réflexions de DE KOONING nous montrent qu’il  a besoin de s’auto flageller  pour être créatif dans ses peintures , c’est un besoin indispensable  pour lui  d’être mal . Il dit : « je suis dans mon élément  quand je suis un peu hors du monde alors je suis dans le monde réel… Quand je tombe je me porte bien. Quand je glisse je dis HEY.  Quand je suis debout, droit , ça me dérange  car je ne suis pas si bon, je suis rigide. En réalité je suis entrain de glisser la plupart du temps » ( STEVENS et SWAN- DE KOONING-An american master)

 

MANIPULATION VIGOUREUSE DE LA PEINTURE de SOUTINE VERS DE KOONING

 DE KOONING comparait sa manipulation de la peinture à la façon dont MILES DAVIS le célébre musicien de Jazz faisait de la musique.   «  Il ne jouait pas les notes il les tordait, je tords la peinture »

 

La facture née de la manipulation vigoureuse de la peinture dans les toiles de DE KOONING aux thèmes de la femme correspond aux gestes débridés du pinceau sur la toile qui donnent ces distorsions expressives du visage et des corps dans les séries « WOMAN » qui doivent quelque chose de leur impact  à l’admiration profonde  de N » qui doivent quelque chose de leur impact  à l’admiration profonde  de SOUTINE sur l’art de DE KOONING

Il en est de même dans les paysages apocalyptiques de CERET de SOUTINE et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE SOUTINE sur l’art de DE KOONING


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SOUTINE ne peint pas les beaux paysages de CERET mais les canyons, les falaises abruptes aux aspects apocalyptiques, les chemins qui montent à l’aspect monstrueux qui entrainent le promeneur vers un endroit inconnu  qui donne la chair de poule

Dans LEG WOMAN in the LANDSCAPE, le promeneur est entrainé vers les marais ou l’attendent des monstres prêts  à le dévorer

Ces images qui se présentent au regardeur ne sont pas formés de sujets avec des contours distincts mais seulement par la manipulation de la peinture

Pour les deux peintres leurs peintures n’est pas une représentation de la scène sous leurs yeux, c’est un art de la sensation pure ,un art qui est ressenti face au motif placé devant leurs yeux pour SOUTINE et une représentation mentale à partir de paysages vus par DE KOONING pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

Les formes de l’un et l’autre qui en résultent sur la toile sont ambiguës , elles peuvent être interprétées et nommées  de multiples façons  car souvent les peintres ne leur donne aucun nom ou des noms qui n’ont pas de lien direct avec les tableaux pour laisser libre cours à l’interprétation.

 

LES ACCIDENTS, LES TRANSFORMATIONS QUI ONT 

FAITS LA REPUTATION DES CDEUX ARTISTES

DE KOONING  à partir d’une forme quelconque ou d’une forme reprise d’un tableau précédent( ce qui est le cas de LEG WOMAN IN THE LANSCAPE qui est un calque de la jambe droite de WOMAN 1 étape 1), ne sait jamais comment il va remplir son tableau, ni ce que peut donner ses mélanges de peinture d’huile diverses, d’acrylique, de pigments divers, de  Kérosène, d’eau etc. C’est une découverte à chaque fois ,que ce soit des rides, des boursouffluURE, LES CONTOURS, LES MOTIFS

 

De KOONING Hormis ses dessins dont certains sont faits à l’ aveugle  et les calques qu’il introduit à l’origine de nouvelles peintures comme « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », il ne fait pas de dessins préparatoires pour travaux à huile  sur toile ou sur Papier au sens traditionnel dans les années 70. C’est par la couleur de la peinture, l’épaisseur plus ou moins importante de la matière que parvient le sujet, que se voit la figuration

 Irvin SANDLER disait d’ailleurs à ce propos :  « DE KOONING, dessine les couleurs au pinceau de sorte que sa ligne est à la fois peinte et dessinée » En revanche s’il n’y a pas de dessins dans ses toiles peintes à l’huile ou de dessins préparatoires DE KOONING est un très grand dessinateur et il dessinait même les yeux fermés à l’aveugle. Ses dessins sont originaux et inimitables ( comme le dessin au dos du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

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 « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » a ceci de remarquable qu’au verso du tableau se présente sur la barre transversale de l’encadrement type Américain  en bois et sur une peinture rose, le fameux rose DE KOONING ,que l’on trouve dans son tableau «  PINK ANGELS «  de 1945, un dessin qui se lit différemment sur chacun des cotés en tournant le tableau de 90 degrés en 90 degrés. Sur le côté d’accrochage au recto horizontalement , une sorte d’hiéroglyphe qui si on y regarde de près est un enchevêtrement des deux noms D KOONING et KILGORE . En tournant à 90 ° dans le sens des aiguilles d’une montre se présente une tête féminine qui ressemble à la tête de Marylin MONROE par DE KOONING en 1954 et qui pourrait être Emilie KILGORE. En tournant à -90 degrés dans le sens contraire apparait une tête d’homme qui pourrait représenter WILLEM DE KOONING. Ce dessin apparait comme un message d’amour secret à sa nouvelle muse Emilie KILGORE

De KOONING avait déjà fait des dessins de femmes jumelées  avec des dessins d’hommes  quand les relations de DE KOONING avec ELAINE  FRIED  ,qui sera sa femme  ,  s’étaient intensifiées

 

 

Avec cette période de l’expressionnisme abstrait, les peintures expressionnistes et celles DE KOONING   en particulier   ne sont pas classées par cycles, par périodes mais par séries, il y a la série des « WOMAN », la série des peintures noir et blanc, la série des peintures des paysages abstraits.

La peinture « LEG WOMAN THE LANDSCAPE » fait partie des peintures à dominante de couleurs rouges qui vont de fin des années 60 à début 70 qui sont mixtes, abstraites et figuratives

 

De même chez SOUTINE , précurseur des expressionnistes ; ses peintures se classent aussi par séries, série des peintures de CERET, série des animaux morts pendus, série des portraits

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Il ne dessinait pas au sens traditionnel du terme non plus, l’esquisse et le dessin n’avaient pas leur place, le dessin préparatoire étaient quasi inexistant. Pour SOUTINE, il était important de ne rien montrer de la fabrication de l’œuvre et n’en pas parler pour le protéger du regard inquisiteur. Pour lui il n’appartient pas au peintre de montrer la genèse du tableau, ce n’est pas un secret qu’on dévoile

 

DE KOONING disait de SOUTINE «  D’ailleurs , savez vous que SOUTINE que j’admire, n’a jamais fait de dessins- LE GRECO non plus. Il dessinait avec le pinceau dans la peinture…. »

 

 il se bornait  a faire de rapides mises en plan , charpentes au fusain  et non délimitation de l’œuvre à venir qui n’avait de sens que pour lui. Il ne pouvait emplir une forme, infléchir son contenu  lui donner chaleur et vie  qu’avec la peinture elle-même, avec cette matière qu’il triturait  en mêlant furieusement les pates  déversées à plein tube. Le paysage  de CERET est un champs de bataille et peindre ce paysage est  une sorte de corps à corps, le pinceau est  une arme et la peinture est  une substance magique qui a le pouvoir d’effacer ou de transformer les contours  de leur ligne de peinture . Chez SOUTINE, le motif du paysage est moins important que les forces qu’il a déchainé

 

Dans «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  la seule délimitation , le seul contour d’une forme est celle qui a été établie par le charbon de  bois par retournement  du calque de la jambe droite de WOMAN1 ( étape 1), tout le reste n’est que peinture dont les figures se déterminent par les épaisseurs des peintures, des couches, des coups de pinceaux , des compositions et mélanges plus ou moins complexes  de peintures lentes ou rapides mêlant huile,eau, essence de térébenthine, , acrylique qui donnent  des aspects plus ou moins fluides ou rugueux, des effets de rides, de craquelures, de peaux de crocodiles.


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Cette façon d’occulter les contours au dessin  font que les figures ont l’air de sortir des profondeurs de la peinture sans que l’on puisse accorder au peintre la pleine conscience du processus. Cela lui permet aussi de faire de constantes modifications sans les prévoir et sans retouches que ce soit accidentel  ou dans un état d’hystérie picturale par des superpositions de peintures ou des mélanges improbables.

 

Pour SOUTINE ce qui l’a inspiré c’est sa contribution au monde extérieur mais aucun détail réel ne l’a véritablement inspiré. Dans une célébration exubérante de formes naturelles avec des textures rugueuses, arbitraires, il a poussé si loin l’ensemble du motif que nous ne savons plus ce qu’il représente ,on en arrive à chercher le motif alors que l’artiste  a toujours été attaché  à la représentation du sujet  mais on a l’impression que cela importe peu  alors qu’ il exprime ce qui l’a inspiré avec une intense force d’émotion

 

Dans les sujets traités de SOUTINE, il n’y a pas de complexité, pas de parodie ou preuve d’érudition. Il peint ses paysages, ses portraits comme  il  les voit  . Ils lui sont dictés par ses sentiments par son état d’esprit mais il ne voit pas la même chose que le commun des mortels. Ses sentiments son état d’esprit inspirent souvent la violence mais il ne la  peint pas dans l’horreur mais la réalité quotidienne du sacrifice. Il ne lui viendrait pas à l’idée contrairement à des peintres comme Edvard MUNCH de peindre la scène de crime, le cri, le duel , la guerre, la maladie ou la mort au travail.

Au sens littéral du terme , la violence de l’œuvre réside toute entière dans le face à face du peintre et de son sujet et n’a de sens que dans l’acte de peindre . Par exemple pour «  le bœuf écorché »  c’est la somptuosité compacte de la viande que le peintre sanctifie. Toute autre action est presque absente. … Le sujet du tableau n’est jamais théâtral, jamais il ne raconte ou ne dépeint une situation dont il serait le témoin fictif. Le monde ne connait d’autres événements que ceux que le tableau a fomenté en regard d’autres tableaux.

 

 Principalement dans ses sujets de paysages ,c’est  la force de l’action qui l’intéresse, ce n’est pas une peinture qui cherche à rendre une certaine  atmosphère bien qu’il y a toujours de la mélancolie et de la tension dans ses toiles, nul besoin pour montrer la violence du monde  de la représenter en peine action.


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Le sujet néanmoins déborde du cadre du motif car si  une grande fièvre était en lui, elle déformait  tout à l’excès, les maisons quittaient la terre , les arbres semblaient voler, son désir effréné de peindre  se jetait furieusement sur la toile,

SOUTINE  dans ses natures mortes d’animaux morts ne montrent  pas le dépouillement des animaux, les animaux qui saignent , les lapins et poulets égorgés , toute cette violence avant la mort, la seule puissance du motif suffit pour SOUTINE

. Il ne cherche pas non plus à faire une peinture rétinienne, agréable à regarder ou décorative. Il cherche à exprimer de l’émotion par la force des actions qu’elle évoque. L’impact émotionnel est produit par sa séance  de peinture  perçue sur le motif.

Le sujet est certes déformé mais le vrai sujet est l’invisibilité de ces forces, les formes ne sont que les cicatrices de ces forces qui vibrent dans les formes.

 

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  ces forces sont également essentielles dans le tableau. C’est la jambe droite de WOMAN 1 à qui on a donné vie avec tête, yeux, bec dans une forme simpliste qui se bat contre des monstres. C’est toute l’énergie   donné par DE KOONING  dans ses cauchemars et dans sa vie pour lutter contre ses propres démons que sont ses addictions à l’alcool .

Si chez SOUTINE il n’y a pas d’histoires dans ses tableaux , dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il y a en a une, l’histoire  de  cauchemars qu’il subit et dont  ses propos à ce sujet ont été rapportés dans le livre  « An american master «  de STEVENS et SWAN »  Ici il met en scène  dans ce tableau la forme biomorphique (auto portrait) dont la tête est ensanglantée mais d’une manière irréelle, le sang coule vers le haut en contradiction avec l’attraction terrestre  , son esprit sous un portrait fantomatique à la GIACOMETTI ( qui est son propre spectateur),mise en scène dans  un environnement de marais et mer  qui abrite des monstres qui terrorisent  et  cherchent à dévorer la forme biomorphique anthropomorphique , Sur la gauche un tête de « WOMAN » d’aspect  non accueillante   a un œil sur la scène et un œil sur le spectateur de la scène .


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« Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  comme dans les tableaux de DE KOONING tout est suggéré sans montrer de manière brute  une agressivité  visuelle qui se déroule dans les faits. Nous ne voyons pas les entrailles ouvertes par les agresseurs ni la bouche qui exprime la souffrance par des cris

 

 

De KOONING dans ses tableaux introduit aussi des références à découvrir par le regardeur qui ont rapport à la publicité ( collage de bouche d’affiche publicitaires) , à des peintres qu’il apprécie  (REMBRANDT), à des objets particulier ( bateaux) ,a des animaux ( reptiles),a des situations particulières, a des artistes du cinéma ( Marylin MONROE) , des poètes (John KEATS) , à des parodies( RED MAN WITH MOUSTACHE) etc . « The slipping glimpses » ( aperçu glissant » qui défini DE KOONING dans ses tableaux et le manque de permanence dans son travail a abouti à des changements constants dans  ses motifs . Il peint des femmes au début des années 50 , le série des  « WOMAN »   qui disparaissent pour revenir dans les années 60. Il expérimente la sculpture pendant seulement quelques années de 1969 à 1974 de manière aussi provocatrice que sa peinture.  Il lui arrive de peindre des tableaux sur plusieurs cotés et il a peint sur divers formats et matériaux, Toile , cartons, portes, papier journal, sculpture, lithographie, gravure. Il expérimente avec le fusain et divers composés de peinture (huiles diverses et huiles de maisons, eau, acrylique, essences diverses dont essence de térébenthine).

 

 

 LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE n’est pas en reste avec ref à la légende  des RUSALKES des MARAIS, ref à tête grise de GIACOMETTI, à la chaussure haut talon de WARHOL, les couleurs qu’il a crée ( rose spécifique DE KOONING  , marron couleur du foie).

Le peintre a  peint « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » au moins sur 3 cotés différents : le coté d’accrochage à la verticale de la forme biomorphique,, le coté opposé  qui explique que de la peinture rouge  dégouline vers le haut et le coté horizontal, c’est-à-dire tableau à plat  d’où se situe la vue du regardeur du ciel , forme biomorphique au-dessus de l’eau , attaqué par les monstres qui la ramène vers l’eau. Dans la position horizontale, on remarque une chaussure à haut talon à plat

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Les motifs de DE KOONING sont souvent récurrents, ils se sont inspirés de formes capturées, aperçues dans d’autres tableaux.  On remarque des fragmentations de corps des bras, des jambes des têtes de ses WOMAN » des têtes ovales d’œuf, des pieds, des chaussures hauts talons , des seins etc  que l’on transfère soit dans l’abstraction soit pour être la base d’un sujet tout autre.

HESS ( en 1959)  remarque que   «  l’œuf apparait dans les premières peintures  en tant qu’objet de nature morte dont les ovales pouvaient remplir une peinture, puis quand il perd son identité d’œuf, l’ovale reste avec insistance dans les visages, les yeux , les seins, une ampoule sur une table, une forme pure qui pourrait être un globe de lampe ou le haut d’un verre vu d’un angle ou une pomme » 

C’est le cas de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ou le sujet principal central dans le tableau est une jambe sous forme de calque de la jambe droite de WOMAN 1 ( étape 1) que le peintre a transformé en forme biomorphique anthropomorphe  à laquelle il a rajouté des yeux , un bec qui peut être vu comme un autoportrait du peintre tel qu’il s’imagine dans un cauchemar qu’il a subi et qui est relaté dans le livre de  STEVENS-SWAN ( DE KOONING , an American master)

La tète ovale ( tête  de jambe fémorale) de la forme biomorphique ressemble effectivement à un œuf.



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Il y a aussi autre chose qui fait de SOUTINE un peintre moderne, c’est sa tendance à peindre le motif en gros plan. La femme se baignant dans un ruisseau de REMBRANDT est agrandie par SOUTINE dans (femme entrant dans l’eau) de telle façon qu’elle remplit toute la toile comme si elle se dressait vers le spectateur. De même les carcasses de SOUTINE prennent toute la place du tableau. ROSENBERG disait même qu’en regardant les tableaux  en gros plan de SOUTINE avec un microscope pourrait on pourrait voir  l’abstraction   de SOUTINE

De même dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le motif  principal  qui est la forme biomorphique prend   une grosse partie de la place du tableau

 

 

 

 

SOUTINE -DE KOONING- PAYSAGES, NATURES MORTES, PORTRAITS ( LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE)

 

Les 3 genres de peintures ou SOUTINE s’est illustré sont : Les paysages, les natures mortes et les portraits dans un style entre figuratif et abstraction mais le réel est toujours présent car il ne peint que ce qu’il voit à travers ses sentiments   ( ce qu’il voit n’est pas forcément ce que voit le commun des mortels) .

« Regarder un paysage de CERET est une tout autre expérience que de contempler  un paysage.   Soutine devait avoir sous les yeux ce qu’il était en train de peindre. Il était exclu qu’il invente. Il n’aurait pas voulu peindre de mémoire  même s’il avait en tête le motif qu’il peignait jour après jour ,il n’aurait pas voulu peindre d’après des dessins ou des photographies ou d’après une peinture antérieure d’après motif » Il peint ce qu’il voit à travers ce qu’il  ressent On est en face d’une véritable jungle de couleurs, faite de couches de peintures superposées formant un enchevêtrement impénétrable, qui n’est pas sombre  mais d’une obscurité luxuriante, la lumière  y étant comme  enchâssée dans du porphyre ou du jaspe , c’est  une lumière  qui fait partie intégrante des formes, elle n’est pas projetée sur elles »( David SYLVESTRE)

 DE KONNING, ses paysages sont aussi figuratifs mais à la différence de SOUTINE, il ne peint pas sur le motif. C’est souvent un paysage qu’il a vu, qu’il apprécie et qu’il représente, transforme  mentalement suivant son état d’esprit du moment, et le transpose  sur la toile


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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il part des marais aux eaux tranquilles et peu profondes et de l’atlantique de LONG ISLAND , mer reposante  aux couleurs chaudes qu’il affectionne de regarder pendant de longs moments pour les transformer en marais sombres  de couleurs froides  qui expriment la peur , la terreur,  habités par des monstres qui dévorent les passants

. Comme SOUTINE il emploi une jungle de couleurs  en couches  superposées  dans un enchevêtrement inextricable. Premier plan et fond sont présentés sans espaces sans perspectives, sans échelles de grandeur. Tout est lié

 

 

 

Les PAYSAGES de SOUTINE , DE KOONING ( LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE)

Les paysages de DE KOONING  dans les années 70 sont sans doute ses œuvres  qui sont les plus proches de SOUTINE ( LEG WOMAN IN THE LANDSDCAPE daterait de 1971) notamment les paysages de CERET dans la fluidité  de la matière  et le regard sur l’organicité de la nature (  CLAIRE BENARDI)

 

Si les paysage de SOUTINE sont facilement reconnaissables car même s’ils sont déformés et disproportionnés de leurs éléments  par le peintre  , ils sont pris sur le motif et la structure du tableau est basée sur la réalité. Et ce qui retient l’attention des expressionnistes abstraits qui le reconnaissent comme leur pair, c’est sa grande intensité gestuelle

Ceux de DE KOONING ne sont pas immédiatement reconnaissables. Il regarde le paysage autour de lui, l’emmagasine dans son moi intérieur pour le ressortir de mémoire selon ses propres sentiments et la perception est plus abstraite, fragmentée et non pris sur le motif notamment les paysages des series Abstract parkway ( bien que certains de ceux-ci sont le reflet de paysages pris à bord d’une voiture en marche le long des autoroutes  entre NEW YORK et LONG ISLAND).  Dans UNTITLED X de 1976 toutes les situations de proximité, d’éloignement simultanément sont mélangées , ciel, lumière, soleil, terre ,végétation deviennent  un ,tout semble lié. La vue extérieure est l’expression d’un travail créatif sur le monde extérieur dans lequel la réalisation est composé autrement et ainsi nouvellement définie. Mais comme le  dit  le critique SYLVESTER , il ne conteste pas l’influence   que  les paysages de CERET  de SOUTINE ont eu sur le propre travail de DE KOONING, Notamment il aurait pu influencé ses « WOMAN »  et des peintures plus tardives comme « FEBRUARY » mais c’est plus tard dans les années 70 que l’influence de SOUTINE est la plus flagrante                                

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LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE a visiblement été influencé par SOUTINE, nous le voyons dans toute cette étude. , la figure centrale qui peut être considéré comme une forme biomorphique dans un paysage de marais et de mer, il est plus  difficile de se représenter la situation car  les éléments du tableau ressemblent parfois à des fragments sans perspectives  avec des vues  simultanées  de très près et de très loin  dissociées   qui  laissent  la réalité se décomposer. Il n’y a pas de profondeur et d’espace entre les éléments du tableau , tout semble  lié et imbriqué

Comme la plupart des tableau de paysage de DE KOONING de 1965 à environ 1972, LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le paysage (marais et mer) est physiquement incorporé dans la représentation humaine (Ici la  forme biomorphique  et anthropomorphique)

 

Dans ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE) Le corps et la nature des marais et mer et de ses monstres aquatiques  à l’intérieur d’une structure artistique  étroitement liée se métamorphosent et se décomposent les uns les autres pour se mettre en mouvement et installer leur climat de terreur et de mort. les parties inachevées , grattées, éclaircies sont comme des ouvertures qui permettent aux éléments de voyager dans le tableau, d’apparaître ou de disparaitre à leur gré. L’eau agitée ( par les rides provoquées) en mouvement rencontrent  les reflets changeants de la lumière sur l’eau ( par les trou de lumière dans le paysage sombre des marais) . Tout cela donne au tableau une atmosphère inquiétante et anxieuse qui disparaitra dans d’autres tableaux de la même époque comme « FLOWERS MARY’S TABLE ». Dans ce tableau La façon de peindre est la même que « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »mais entre les deux ,la muse Emilie KILGORE est passée par là et la terreur, l’anxiété à laissé place au bonheur de vivre, à la joie à la nonchalance : fini les tableaux cauchemardesques de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE place à la joie.

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    FGLOWERS  MARY'S TABLE



contradictions dans la simultanéité chez DE KOONING. Pour DE KOONING , la vie, la réalité sont  pleines  de contradictions , ce qui explique que ses tableaux sont souvent inachevés . Dans le cas de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , il s’est passé quelque chose en lui ( la présence de Emilie KILGORE). Il a poussé si loin son sujet sur la terreur, la mort qu’il exige maintenant son contraire avec « FLOWERS MARY’'S TABLE » tableau joyeux plein de vie.

Ce qui fait l’intérêt des tableaux de DE KOONING c’est qu’ils ne sont pas uniformes, « ils se transforment toujours en quelque chose d’inopinément autre. C’est justement parce que les contradictions sont maintenues, mise en évidence dans des tableaux complètement différents que sa peinture tient, d’un point de vue sensuel et spirituel , de la réalité d’ici-bas »  ( JORN MERKERT)


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A partir des années 60, l’œuvre de DE KOONING est de plus en plus liée aux paysages et à la nature parce que pour lui, la nature c’est la vie et peindre est sa façon de vivre dans cette nature

 

Dans les tableaux de paysages de SOUTINE et dans ceux des fonds, paysage de DE KOONING et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, les vues deviennent manifestement aperspectives, expression d’un travail créatif sur le monde extérieur dans lequel la réalité est composée autrement et nouvellement. définies.

Pour SOUTINE dans ses tableaux, l’extérieur, les paysages sont réels mais transformées . Ses paysages sont définis sur le motif et ensuite sont transformé selon sa sensibilité de l’instant présent. On a toujours l’impression que les paysages sont sur le point de tomber dans le gouffre que la terre s’ouvre d’'un tremblement de terre ou que les maisons sont soufflées par une tornade mais malgré tout, tout se tient en équilibre

 Alors que pour DE KOONING et le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE la réalité du tableau est celle qui est dans sa mémoire , la réalité dont il se rappelle et qui est forcément soustractifs par rapport à la réalité sur le motif ensuite c’est l’imagination , la sensibilité, le hasard  qui disposent les formes, les éléments constitutifs du paysage  pour  construire   le tableau

 

 Pour cela il faut un regard qui reconnaisse le merveilleux et le surprenant dans le banal. Ils permettent de mettre en corrélation l’incohérence  de la pensée , de l’imagination de l’intériorité et de la réalité banale pour en faire un ensemble vraisemblable et construit malgré les contradictions. Derrière cette sorte de confrontation avec le monde se tient l’idée que le tableau n’est pas seulement une forme de la description  de la réalité mais que l’acte même de peindre peut être compris comme  la possibilité de trouver son identité, que l’art est un instrument de la connaissance de soi. Le fait de peindre pour les deux peintres est une façon de vivre

Pour le critique SYLVESTER qui avait étudié en détail et en profondeur le travail  des  deux peintres,  suggérait que les vues de CERET  comme « LELCLOCHER  ST PIERRE’ «  à CERET  auraient pu très bien influencé les peintures de « WOMAN » et les peintures ultérieures comme « FEVRIER »

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Nous choisirons pour cette étude de paysages chez SOUTINE , ceux qu’il a peint entre 1920 et 1930 , c’est-à-dire principalement ceux de CERET  et de CAGNES par  rapport au tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

Selon le témoignage de Mikhail KIKOINE ( ami de SOUTINE , peintre qui a immigré en même temps que SOUTINE , LITHUANIEN comme SOUTINE), SOUTINE était un brillant étudiant . Ses esquisses relevaient toujours d’une espèce de tristesse morbide exécutés d’après nature, attiré par le drame. Il gardera toute sa vie d’artiste cette vision.

DE KOONING est de plus en plus attiré par le  SOUTINE fin des années 60 et tout début des années 70, son état d’esprit est similaire à SOUTINE par la tristesse et le drame qui se dégagent  des  tableaux comme «  Man » de  1967, « visit » de 1966  ou UNTITLED 170 ( comparable à GOYA, devourogone of his children)

 

Pour SOUTINE, Peindre c’est amener à l’existence de l’image des inconnus, des anonymes, des malchanceux, des paysages non identifiables ( Vue de CERET 1920-1921) avec des personnages fantomatiques écrasés dans la nature ou des monstres de chair ou organiques ( La route montante vers GREOLIRES) non plus   identifiables  dans ces paysages malgré qu’ils ont été pris  sur le motif et  pas de rivaliser avec la peinture de l’histoire. D’ailleurs, des histoires il est incapable d’en raconter. Si les personnages de LEG WOMAN IN THE LANDCAPE sont aussi non identifiables ( forme biomorphique, visage fantomatique de WOMAN, de portraits à la GIACOMETTI mais à la différence de SOUTINE le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE raconte l’histoire d’un  cauchemar dont DE KOONING se rappelle.)

 Nous verrons en faisant certains comparatifs de tableaux de CERET et CAGNES  avec LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « qu’il y a des points communs récurrents comme :

Les multiples diagonales ascensionnelles à larges coups de pinceaux qui souvent se superposent ( collines de CERET, Paysage avec maison blanche, vue de CERET 1920-1921). Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » diagonales ascendantes de part et d’autre de la forme biomorphique.


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  Les paysages des deux peintres ne sont pas statiques mais en mouvements Dans les paysages de CERET comme ceux  de DE KOONING ( LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE) de tous côtés les peintures entrent en action avec une grande liberté, les façons de faire changent instantanément, les instruments, les gestes, les vitesses aussi, toutes sortes de pinceaux , brosses sont utilisées du plus petit au plus grand, toutes sortes d’épaisseurs sont visibles sur les toiles de la couche presque transparente aux superpositions de couches parfois encore humides qui rendent rugueuses la peinture. La peinture s’allie avec l’eau et dans le cas de DE KOONING avec des essences, de l’acrylique pour donner un désordre, un déséquilibre permanent

Chez SOUTINE  dans ses paysage de CERET ,  certaines maisons ont l’air de basculer dans le vide, de se soulever, les arbres, les murs s’inclinent. Certains paysages semblent subir instantanément un séisme , un cataclysme cosmique, les maisons sont en feu. La terre parfois semble se soulever et les villages montent vers le ciel entrainés par ces soulèvements, les montagnes sont renversées sur elles-mêmes.

 

Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le mouvement est aussi de tous les côtés du tableau. Pour s’en rendre compte le regardeur doit se placer au-dessus  de la scène . La forme biomorphique au centre du tableau se situe en suspension en l’air, position horizontale à l’eau du fond du tableau  à l’intersection à gauche des marais de LONG ISLAND, à droite de  l’océan atlantique .La forme est attaquée par des monstres des marais et de la mer qui sont en train de le dévorer, le sang jaillit de la tête et des flancs, visibles par la couleur rouge vermillon qui couvre une grande partie du corps de la forme animale biomorphique . A droite on remarque le flux et le reflux de la mer à gauche les marais éclaircis à certains endroits par la luminosité du ciel ensoleillé  entre les nuages qui assombrissent quand a eux la surface marécageuse. Tout cela aussi dans un mouvement de grande confusion.

 

Ces paysages de SOUTINE et de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE nous restituent donc un climat de terreur non pas de la réalité visible  mais inhérent à leur intériorité , à leurs démons intérieurs. Ils sont faits pour choquer, c’est le résultat des angoisses personnelles de l’un et de l’autre

                                                                                                                                 107


Pour SOUTINE ses paysages sans le montrer explicitement ont des connotations religieuses , la présence de DIEU  en rapport avec  la religion juive et la bible de son enfance. Ses paysages sont là pour nous montrer ce que peut être la colère divine si nous ne prenons pas garde à respecter la bible et SOUTINE est conscient  d’avoir dans beaucoup de domaines avoir enfreint la loi juive de son enfance ( peintures de portraits, manipulation et exposition des animaux morts , du sang frais )

Comme le souligne MARC GIRARD , avant d’être un phénomène géologique, le séisme exprime l’idée de choc, le changement radical, le bouleversement brutal qui a frappé le peuple du point de vue social et politique. Il exprime le sentiment d’être rejeté, démoli, brisé, de passer une dure secousse, de chanceler comme un ivrogne. Une autre idée peut aussi justifier ces paysages cataclysmiques qui n’échappent pas complètement au symbolisme divin par un effet dans le paysage de la colère du très haut. Il a donc ici une connotation religieuse, un rapport avec la religion juive et la bible de son enfance, les montagnes sacrées menaçantes ,au-dessus des têtes, d’ensevelir ceux qui n’acceptaient pas la tora . Elles relèvent ici d’un symbolisme cosmique , à la fois protestation du cosmos devant le crime et le pêché de l’homme  et peur du cosmos   face à l’exécution du jugement de DIEU.

 

 Bien des tableaux peints à CERET ou à GAGNES peuvent ainsi être rapprochées des épiphanies divines

 Dans ce sens religieux TWORKOV dit des tableaux de SOUTINE « La peinture de SOUTINE contient la négation la plus farouche du principe selon lequel le tableau puisse être une fin en soi. Le tableau est censé avoir un effet sur l’âme et pas seulement sur le mur.

Si donc dans les paysages de SOUTINE, il y a l’idée sous-jacente de l’épiphanie divine ,pour DE KOONING  ses tableaux relatent plutôt la présence des démons, ses démons intérieurs( l’alcool, mal être, destruction) l’enfer  avec les monstres dévorant les êtres comme dans les tableaux de BRUEGHEL et de BOSCH (  Vision de l’enfer, dans la partie droite du «  jardin des délices »).ICI LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  nous fait état en images d’un cauchemar de DE KOONING qu’il vient d’avoir en 1971 . Ici le peintre nous montre la forme biomorphique attaquée mais qui ne semble pas morte ,  on ne sait pas si elle s’en sortira.

De KOONING nous dit en parlant de ses cauchemars très fréquents qu’il se bat avec ses démons qui  l’anéantissent  mais qui arrivera à  maitriser avec le temps et dont il se sortira vainqueur.


                                                                                                                                 108

Enfin  pour DAVID SYLVESTER ,SOUTINE  met ses paysages de CERET  en  position de défensive contre une attaque . Pour cela  les formes sont denses  et agglomérées et donc leur rapprochement  les fait se relever, dangereusement proches, même menaçant  de venir percer la surface  du tableau  et devant être maintenu à distance. Comme s’il craignait leurs attaques, Soutine  se jette sur elles :la toile devient un champ de bataille entre la force menaçante  de tout  ce à quoi il fait face et le bras de levier  que constitue la volonté du peintre. Et ceci devient la manière habituelle de procéder de SOUTINE ( qui d’ailleurs  correspond parfaitement à ce que nous savons de sa personnalité) se mettre  lui-même  dans une situation dans laquelle il sent que quelque chose le menace  et qu’il faut l’attaquer, se battre contre elle , la faire plier et lui tordre le cou . C’est comme si il lui fallait , pour entrer  en contact avec  le monde extérieur, faire acte de violence  et commettre une effraction. Pour lui peindre est une sorte de corps à corps , le pinceau est une arme et la peinture, une substance magique qui a le pouvoir d’effacer ou de transformer les contours et donc l’identité  de l’objet représenté. Celui-ci n’est pas tant maltraité qu’amoureusement anéanti. Il n’est plus une colline, un arbre ou une carcasse de bœuf ou un oiseau mort,Il est transformé par la peinture en un organisme sans nom qui se contorsionne, terrassé par l’amour, se débattant entre la vie et la mort. La peinture agit comme une substance miraculeuse qui fait jaillir la vie sous nos yeux. C’est comme si matière et énergie étaient continuellement régénérées. Comme si elles étaient renouvelées à jamais par la peinture

 

SYLVESTER  aurait pu dire la même chose pour le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE mais en situation inverse ici le paysage n’est plus défensif mais offensif  . En effet dans le tableau la forme biomorphique (autoportrait de DE KOONING) est attaqué par le paysage des marais et mer qui protège les monstres  pour  attaquer   la forme et pour la dévorer La forme se trouve bien seule et subit les attaques de toutes part et ne peut se défendre . Cette forme  se débat entre la vie et la mort mais comme les paysages de CERET  expliqués par SYLVESTER  ci-dessus ,  l’amour lui laisse une porte de sortie et la vie se régénèrsous nos yeux en passant au dos du tableau  grâce à sa nouvelle muse  Emilie KILGORE qui en fait  un  être neuf suite à sa résurrection .La peinture agit comme une substance miraculeuse , les peintures rouges du sang  de la mort et du fond qui inspire la terreur au recto du tableau  nous font passer au verso par la peinture rose symbole de la joie , de l’amour ( le fameux rose DE KOONING de PINK ANGELS) qui accueille l’entrelacement des deux noms KOONING et KILGORE

                                                                                                                                      109

PAYSAGES DE CAGNES (1919-1923) ,DE  CERET ( 1919-1922) 

et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE (1971)

SOUTINE  fut envoyé à CERET par ZBOROWSKY, au pied des Pyrénées, l’endroit même ou BRAQUE , PICASSO et JUAN GRIS passèrent leurs vacances  et découvrirent une grande partie  de leur inspiration pour le cubisme

.

Cette période de CERET sera la plus prolifique de sa vie , il peindra plus de 200 tableaux pendant ces 3 années mais il n’entretient  pas une relation très affectueuse  avec CERET ni avec CAGNES ou il se rendra également , il a rendu ses paysages  avec sa propre marque  d’anxiété et de morosité. Il ne représentait pas la nature telle qu’elle apparaissait objectivement  mais comme lui l’immigrant juif russe  en proie à la tristesse   la considérait , un mode de représentation typiquement moderne  et expressionniste.

Il ne peint pas les beaux paysages de CERET ou plus tard de CAGNES mais les falaises abruptes, les profonds canyons des Pyrénées de manière presque apocalyptique dans des couleurs fortes à l’image de sa vie affective déchirée et malade. Cette période de CERET est difficile pour le peintre, c’est une période de crise d’estomac, d’ulcère, probablement accentué par des difficultés financières , de dépendance à l’alcool  et de dépression avec tentative de suicide

De la même manière, dans le tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le peintre ne peint pas les marais proches de chez lui de manière apaisante , reposante au milieu de la verdure qui n’inspire pas de peur de méfiance  . Ils sont très peu profonds. Au contraire dans ses cauchemars, ils attirent les promeneurs vers les marécages sombres pour les attaquer et les dévorer

Bien des vues de CERET confèrent aux maisons une vue anthropomorphique qui transforme le village en une masse de soldats serrés les uns contre les autres dans l’attitude dégingandée de danseurs immobiles, le mur en façade percé de trous comme autant de visages ( Xavier GIRARD)


                                        MAISONS BLANCHES SOUTINE                              110


Il a peint également à CAGNES, envoyé aussi par ZBOROWSKY dans le midi baigné de la lumière du Sud de la France alors que mentalement ses tendances de peinture sont dirigés vers des lieux sombres comme SMILAVITCHY, VILNIUS, LA RUCHE, les rues de PARIS  derrière les abattoirs .Le soleil de CAGNES le brule, brule sa matière , lui fait mal et le rend dépressif, il en fait part dans une lettre à SBOROWSKY. Les paysages qu’il peint à CAGNES semblent devenir fou , les escaliers rouges grimpent vers le ciel en fournaise,  les routes  décollent vers un horizon inatteignable ,les arbres se tordent , les maisons s’effondrent  parce que son moral s’effondre, il peint une nature hostile . Le vert qu’il emploi dans ses paysages de CAGNES donnent une morbidité à l’ensemble du tableau. Le rouge qu’il emploi en petites quantités dans les paysages de CAGNES  semblent être une couleur de lien qui scelle le tout. A CAGNES il n’arrive pas à peindre , Il ajoute : «  je voudrais quitter GAGNES.. ce paysage  que je ne peux pas supporter » SOUTINE est dépaysé . Les paysages de CAGNES loin d’être illuminés par cette découverte de la lumière  du midi, sont des paysages qui deviennent fou, les escaliers grimpent vers on ne sait ( L’escalier rouge de CAGNES). ou, les arbres se tordent  comme des bras  mais il  ne renonce pas à peindre cette nature hostile à son regard.

 



« La route folle à GAGNES » la bien nommée, cette route qui lasse d’être à terre  s’élève soudainement  et décolle  vers un horizon inatteignable On peut rapprocher ce tableau de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE dans sa vue originelle, le  tableau à l’horizontale où la forme biomorphique se trouve flottant dans l’air essayant de s’échapper du marais mais qui est pris en étaux par les monstres sans pouvoir se dégager.

                                                                     
                                                                                                                                                        111 



« Les paysages de SOUTINE sont souvent comparés à des terres ravagées par les tremblements de terre.  Leur remuement chaotique annoncerait l’apocalypse, avec l’idée d’un paysage panique mis en déroute par l’affut de sensations, un paysage propre à déclencher les pires désordres émotifs , un paysage qui laisse pantois, abasourdi mais en même temps le sujet qui s’y aventure se délecte  d’une joie irraisonnée » ( Xavier GIRARD),

Dans certains paysages de CERET, ils confèrent aux maisons une allure anthropomorphe qui transforme le village en une masse de soldats serrés  les uns contre les autres dans une attitude dégingandée , sans doute prêts à recevoir un assaillant

Dans d’autres tableaux comme « les maisons de 1917 » 3 petits immeubles aux volets clos sont protégés par 3 barraques qui montent la garde au bord d’un talus  boueux, une longue coulée de glèbe d’où émerge mélangé aux ombres errantes un golem prêt à fondre sur elles mais le peintre lui interdit l’accès , barricadant leurs portes à la peinture noire ( Xavier GIRARD)

                                                                                                                                                    112   


C’est à rapprocher  de la forme allongée biomorphique anthropomorphique de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE fait d’un corps sans membres sans articulation avec 2 yeux et un bec en pointe qui se fait agressé à mort par une horde de monstres des mers et des marais et quand on a compris ce qu’a voulu dire DE KOONING ,on est pris de frayeur par tant de  terreur monstrueuse pour cette pauvre forme sans défense sous les yeux d’une part en bas à gauche  d’une tête de   «  WOMAN » non moins monstrueuse qui se délecte de la scène et en haut à droite  l’ombre d’une tête à la GIACOMETTI qui regarde la scène impuissante , qui est probablement le peintre lui-même qui se regarde dans son propre cauchemar.

Dans le cas de SOUTINE et tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ces tableaux inspirent la terreur, la panique  

Dans  ces deux tableaux précités de SOUTINE , les agressés sont protégés par des protecteurs près à défendre leurs protégés des monstres, ( GOLEM)

Mais dans le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » il semble  trop tard les agresseurs sont sur leur proie  et les personnes présentent  à la scène assistent impuissant au carnage que ce soit le spectateur ou l’ombre de la tête à la GIACOMETTI. Heureusement il semble  y avoir  un heureux dénouement .Dans  le « livre Américain master » les deux écrivains ( STEVENS et SWAN) relatent  ce que dit DE KOOONING au sujet de ses cauchemars ou il est attaqué par des monstres et qu’il finit par s’en sortir vivant


                                                                                                                                    113

A l’origine des tableaux de CERET, CAGNES et « LEG MOMAN IN THE LANDSCAPE » c’est la tranquillité, le calme .Sur le motif SOUTINE pose son nécessaire de peinture  devant un sujet à peindre ,ce sont  des sentiers, des chemins inoffensifs, des village tranquilles baignés de soleil ou à l’aube quand le soleil perce tout doucement ses rayons dans le paysage  mais quand SOUTINE commence sa peinture tout se met dans des mouvements inquiétants, les arbres se tordent , la terre remonte comme lors d’un tremblement  de terre et s’ouvre en précipice , le vent souffle en ouragan , les maisons décollent , les monstres , le golem apparaissent dans un but de destruction.

Quand il peint sur le motif des routes, des chemins, hormis  la topographie, dans les paysages ,on ne reconnait ni CERET ,ni CAGNES

De même LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , l’environnement part d’un milieu aqueux mer et marais peu profond  aux eaux claires  que DE KOONING  connait bien ,apprécie pour son calme, reposant aux couleurs chatoyantes qui rappelle son enfance en HOLLANDE . Dans sa palette, les eaux s’obscurcissent aux couleurs noires, grises, vert foncé, marron d’où sortent des monstres assoiffés de sang d’êtres humains

Quand au point de vue , chez SOUTINE il y a un sentiment de vertige  du à la fois à un point de vue panoramique , vu du dessus , très en hauteur  et à la fois dans le même tableau une vue en contrebas ce qui accentue ce sentiment de vertige entre le haut et le bas.

Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, on change de point de vue panoramique en changeant de coté, Dans le sens de l’accrochage  de la forme biomorphique  placée en hauteur, dans le sens inverse avec le sang qui coule vers le bas et non vers le haut ce qui est contraire  à l’attraction terrestre et le tableau placé à plat dans le sens horizontal du tableau ou le spectateur est placé en haut  et regarde la forme biomorphique au-dessus de l’eau dans l’espace . Dans la position horizontale, la chaussure haut talon est placée à plat ce qui est la vue qui correspond le mieux au tableau

 

« Du point de vue pictural, dans les paysages de CERET  on est en face d’une véritable jungle de couleurs forte de couches de peintures superposées formant un enchevêtrement impénétrable qui n’est pas sombre mais d’une obscurité luxuriante . La lumière étant comme enchâssée dans du porphyre ou du jaspe. C’est une lumière qui fait partie intégrante des formes, elle n’est pas projetée sur elles. Que ce soit plein midi ou la nuit tombante, qu’il pleuve ou qu’il vente cela n’a pas d’importance »(  DAVID SYLVESTER)


                                                                                                                                114      


Le critique d’art DAVID SYLVESTER aurait pu dire la même chose pour le tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » sauf que DE KOONING a besoin de la lumière extérieure pour peindre. Son atelier est largement ouvert à la lumière du dehors

Autre particularité entre les paysages de CERET et LEG WOMAN IN THE LANSCAPE, il n’y a pas de graduation entre les plans proches et lointains et l’ensemble du paysage est vu d’un seul coup d’œil , tout est concentré sans perspective. La forme biomorphique, les marais d’un côté, la mer de l’autre, les monstres , la tête de WOMAN,  la tête d’homme, la chaussure haut talon , les reflets des nuages du ciel  dans les marais tout cela est concentré sans espaces

En ce qui concerne les personnages dans le paysage De CERET ou de CAGNES, petites silhouettes frêles  ils sont là uniquement pour montrer que ses paysages sont habitables  mais ne sont qu’un simple accessoire sans importance. Ils sont écrasés par le paysage qui les entoure, ils sont dominés et comme aspirés dans le paysage dans lequel ils plongent pour s’y perdre, totalement dominés par la nature et les éléments qui se déchainent dans cette nature  que ce soit  les tremblements de terres , les monstres dévastateurs, les incendies, les tempêtes . Il a rendu ses paysages avec sa propre anxiété et morosité.

De toute évidence, il ne représentait pas la nature telle qu’elle apparaissait objectivement mais comme lui l’immigrant juif  russe en proie à la tristesse et la considérait comme un mode de représentation typiquement moderne et expressionniste.

Si on regarde la période de CERET , celle que l’on regarde le plus maintenant  et qui a été la plus remarquée dans les années 50 par les expressionnistes  , on voit que l’aboutissement de son expressionnisme est absolument incroyable . Pourtant SOUTINE lui considérait  les tableaux de CERET  comme des œuvres de jeunesse qu’il fallait éliminer . Il a détruit beaucoup d’œuvres de CERET  car il pensait que ce n’était pas abouti

 Si « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » contrairement à SOUTINE n’a pas pour base une vue prise sur le motif   mais une vue à partir de ses propres cauchemars dont ceux-ci se passent dans un milieu aqueux que  DE KOONING  connait bien , les personnages sont centraux et le paysage  uniquement pour servir de cadre à l’action qui se passe dans le tableau

                                                                                                                               115

La SERIE CONTRE LES CYCLES

La plupart des peintres classiques sont reconnaissables dans leurs biographies par des périodes de Cycles souvent par décades et quand ils passent à un nouveau cycle, ils ne reviennent plus par la suite aux  cycles précédents. Chez les peintres modernes c’est moins tranché mais il existe des cycles de repérage ainsi pour PICASSO on connait ses cycles de peintures bleues, peintures roses, cubistes, néoclassiques etc, pour MIRO ce sont les cycles détaillistes,,oniriques, l’assassinat de la peinture, les peintures sauvages , les collages , les constellations etc

Chez  SOUTINE et les expressionnistes abstraits et DE KOONING en particulier  ce sont les séries qui les déterminent

 Pour SOUTINE  ce sont les séries des paysages de CERET, de CAGNES, des portraits, des animaux morts. Rare sont les tableaux laissés sans répliques et qui n’appelleraient pas de retour , à une autre place  et selon une autre couleur des idées  du même tableau. Il s’agit d’insister, de creuser, de reprendre un travail en cours d’une autre façon  à quelque chose près , d’explorer un climat émotif , une lumière, une posture à peine différente, un cadrage plus ou moins resserré, bref de remettre en chantier  une première expérience sensible  d’après un sujet déjà traité et jugé inabouti, en présence ou non du même monde. Aussi   ne peut-on , chez SOUTINE , parler de série sans prendre en compte la multiplicité des situations dans lesquelles le peintre  s’est trouvé face à son modèle . Par exemple, « les maisons rouges »  de 1917 et les  «  maisons » de 1917  ou l’on remarque le même village sur la colline au bord du précipice vu sous des angles différents avec les mêmes couleurs des murs et la même couleur du ciel »  (Xavier GIRARD)

Autre exemple, les 3 autoportraits connus, réalisés autour de l’année 1917 expérimentent différentes solutions : le traditionnel autoportrait du peintre à son chevalet, l’autoportrait au rideau et l’autoportrait conçue à la façon d’une nature morte  au buste sculptée mais son autoportrait peut être aussi le peintre déguisé en pâtissier, en ancien militaire, en philosophe  etc


                                                                                                                             116

En règle générale dans les portraits de SOUTINE, la technique picturale  a quelques variations de couleurs près , d’un rouge au fond sombre, ne change pas. Mais le sujet étant posé ( Le portrait de M RACINE et sa mue en l’effigie d’un  « HOMME EN PRIERE », l’intérêt se déplace vers la matière des fonds, les plis de la veste, le traitement des mains jointes et de tête. Autant de contrées picturales que le spectateur parcoure sans fin comme un paysage mouvementé de traces de zébrures et de macules .

Chez DE KOONING il y a la série des peintures noires abstraites, des « WOMAN » qui reviennent à plusieurs périodes différentes entre 1948 et la fin des années 60, la série des peintures abstraites des paysages routiers etc.

 

Comme les portraits de SOUTINE, les «  WOMAN «  des années 50 sont très proches les unes des autres  et sont facilement reconnaissables de WOMAN 1 à WOMAN 6  , les différences se font au niveau des têtes , des mains, des couleurs du fond

 

Chez  DE KOONING,Il y a une petite série du début des années 70  avec les peintures à dominantes de couleurs rouges, vertes où les figures et fonds sont intimement liés . C’est une période où DE KOONING a réalisé très peu de peintures car toute son énergie était engagée pour la sculpture Dans cette série on y trouve les tableaux suivants de 1971 à 1973  « AMITYVILLE »,   « WOMAN IN THE WATER »,  « FLOWERS, MARY’S TABLE »,  « RED MAN WITH MOUSTACHE » «  LA GUARDIA IN PAPER HAT » «  MAN ACCABONAC » , « WOMAN IN A GARDEN » et « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de 1971 . Dans cette serie du début des années 70 il y a un air de famille entre eux , ils contiennent pour la plupart  des idées empruntées à d’autres tableaux . Le dénominateur commun c’est le rouge qui domine ces tableaux .

LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui semble être de cette famille , c’est aussi une reprise de la jambe droite  de l’equisse du  tableau WOMAN 1 ( étape1) Cette jambe ou bras des WOMAN  on les retrouve dans un nombre impressionnant de tableaux de lithographies, de gravures et de sculptures ( La N°10, 1969)  de WILLEM  DE KOONING

                                                                                                                                    117

Prenons un exemple d’idée de l’un à l’autre entre « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et  RED MAN WITH A MOUSTACHE » tous les  deux de 1971 nous trouvons dans les deux tableaux une originalité similaire qui est  un animal invertébré qui entoure le corps. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE c’est un animal  des mers indéterminé qui entoure le bas de la forme biomorphique pour l’empêcher de bouger, et dans RED MAN WITH MOUSTACHE, un animal  rudimentaire aux  contours de peinture  verts, lui entoure le  haut de corps et l’empêche de respirer et  le sang de circuler d’où cet aspect rouge du corps de ce personnage

 Bien que la palette de DE KOONING était différente de  peinture en peinture, comme était le degré dans lequel « le fitting in »  et les coups de pinceaux  qui pouvaient être  lâches ou comprimés  ces palettes contenaient toutes  des idées empruntées à d’autres tableaux.

 

La série la plus connue étant bien entendu la série de 6 « WOMAN » des années 50 avec son fer de lance la « WOMAN 1 » dont le calque de la jambe droite de l’étape 1 a probablement servi pour le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. Aux séries on peut rajouter aussi des reprises de figures dans les tableaux . L’exemple le plus frappant est bien entendue cette forme biomorphique anthropomorphique , qui sont à l’origine soit des bras ou des jambes comme «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » des « WOMAN » des années 50 que l’on retrouve dans de multiples tableaux, la liste est très longue, quelques exemples  sont illustrés ci-dessous . En 1969 , avant la création de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » DE KOONING  le peintre a fait une petite sculpture N°10, crée à ROME de cette même forme biomorphique.

 

 

 

 

Dans la rubrique des éléments communs à bon nombre de tableaux de DE KOO0NING quel que soient les époques   et dans  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE   on peut y trouver :

                                                                                                                                                   118
           



              TETE LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE





                                     TETES TABLEAUX  DE KOONING                                   119

                                                                  









LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE










JAMBES  "WOMAN" WOMAN 1950,SEATED MAN  LANDSCAPE  AT STANTON  STREET

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CHAUSSURE HAUT TALON  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE




                 

                               LES MARAIS, Tableaux de DE KOONING                               121






         LES RIDES
    LEG WOMANIN THE LANDSCAPE       DE KOONING " FOR JOE H"  





    


GRATTAGE
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE                   WOMAN RED HAIR ...1965

                                                                                                                                      122


    LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE    UNTITLED DE KOONING ( SOTHEBY'S                                            

EFFET DE FLOU




                      WILLEM DE KOONING       LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE   

       EFFET DE NOIR -GRIS   


                   LANDSCAPE X de 1968             LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE


                                            PEINTURE WET AND WET                                            123                            

Tout cela se mariait dans un dispositif de compositions les plus originaux dans la manière de varier la vitesse visuelle de son pinceau.

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE Son coup de pinceau conduisait à la vitesse de l’œil puis une brosse se déplaçait à un certain rythme tout en se mélangent. Rythme, vitesse, temps et non juste des corps entrent en équilibre visuel

 

Le PAYSAGE, LE MOTIF ET LA VISION INTERIEURE DES TABLEAUX, PERSPECTIVES

 

Si les tableaux de SOUTINE de CERET donne une impression de panique ou le sol se dérobe, selon  David SYLVESTER, il était exclu qu’il invente le paysage  ni qu’il peigne de mémoire même s’il avait le motif en tête ; Il fallait que la chose soit là et il peignait ce qu’il voyait lui de ce paysage  avec sa sensibilité. Il avait besoin d’avoir sous les yeux ce qu’il peignait, il n’inventait rien, il ne cherchait pas non plus à reprendre des images du passé comme CHAGALL avec ses images de son village ou de son pays d’origine , La BIELORUSSIE  ou MIRO le village  MONROIG  de son enfance  mais ce paysage qu’il avait sous les yeux ,   « il le fait bondir sur place, le froisse violemment, le tord, l’éventre , l’écorche comme ses bœufs écorchés , le plie en plusieurs endroits, le casse et le fait tourner et tanguer sur lui-même ,  là des balancements, ici  des ascensions, des descentes, des glissements, des chevauchements, des ondulations »  ( Xavier GIRARD), dans une sorte de totalité panique sous le signe de la dislocation du dégingandé ,tout en gardant un équilibre , une sorte de gravité  pour que les paysages prennent corps et se hissent  vers les hauteurs en convergeant d’une sorte d’unique brassée des forces . Homme , terre, ciel ,maisons, bêtes et univers végétal tout est enchevêtré

Dans le paysage de CERET, on est dans une véritable jungle de couleur faite de couches de peintures superposées formant un enchevêtrement impénétrable qui n’est pas sombre mais d’une obscurité luxuriante. C’est une lumière qui fait partie intégrante des formes, elle n’est pas projetée sur elles. Que ce soit le midi ou la nuit , qu’il pleuve ou qu’il vente ,cela n’a aucune importance, tout comme n’importe pas vraiment ,en fin de compte, ce que  les formes représentent , que ce soit  une colline , une maison ou un arbre . Le sujet du tableau est l’action, ce n’est pas une peinture qui cherche à rendre une certaine atmosphère, ce n’est pas non plus une peinture rétinienne. Les émotions qu’elles expriment sont celles susceptibles d’accompagner les actions qu’elles évoquent.


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TWORKOV dit des tableaux de SOUTINE « La peinture de SOUTINE  affirme t’il contient la négation la plus farouche du principe selon lequel le tableau  puisse être une fin en soi . Le tableau est censé avoir un effet sur l’âme  et pas seulement sur le mur »

Ces paysages qui semblent bouleversés par le séisme à la représentation pliée, concassée , disloquée à la manière du cubisme ou du fauvisme  associent les vues de CERET ou CAGNES aux tremblements de terre qui viennent de prendre fin avec l’armistice, images qui lui était permis aussi de rapprocher  du cataclysme cosmique  provoqué par le jugement de DIEU  le jour de YAHVE. La guerre de SOUTINE de ses tableaux comme celle de YAHVE  a transporté d’un endroit à l’autre  des paysages complets telles les montagnes du livre de JOB. Comme JAHVE  la guerre s’est manifesté  par le feu, la fumée, le tonnerre, les éclairs, le tremblement de la montagne …. (GIRARD)

 

Les paysages de SOUTINE portent la trace d’un ébranlement qui n’est pas seulement d’ordre plastique , ils répliquent aux bouleversements de l’histoire  contemporaine. Comme le souligne MARC GIRARD, « avant d’être un phénomène géologique, le changement radical , le bouleversement  brutal a frappé  le peuple du point de vie social  et politique… Il exprime le sentiment d’être rejeté, démoli, brisé. Il n’échappe pas au symbolisme divin puisqu’il passe tout spontanément pour un effet de la colère du très haut »

 

Bien des tableaux peints à CERET et CAGNES  peuvent être ainsi rapprocher des épiphanies divines , des signes  qui traversent les paysages de l’Alliance  et font trembler toute la terre devant DIEU. Elles relèvent d’un symbolisme cosmique, à la fois protestation  du cosmos devant le crime et le pêché de l’homme  et la peur du cosmos face à l’exécution du jugement de DIEU

A tout cela vient d’ajouter les états d’âme personnels du peintre à travers sa maladie, ses colères , ses transgressions à la religion de son enfance ,son rejet dont il semble être victime de ses congénères ,ses difficultés à s’intégrer dans la société .Ce qui donne ces tableaux pleins d’énergie  de bouleversements et  de rages dans ses peintures de paysages. Il disait à DEBORAH jeune polonaise avec qui il s’était lié vers 1910   «  quand je peins je trempe mon pinceau dans mon cerveau » il en a suivi les méandres , d’où une œuvre  à ce point physique et spirituelle, d’où une certaine confusion entre l’image qu’il donnait aux autres et celle de son for intérieur. Tout chez lui se situe dans des zones d’incertitude entre la haine et la tendresse, entre la foi et le blasphème entre la conviction et le doute


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Pour  De KOONING  et la peinture « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » , le peintre met en image  son cauchemar à travers  ce que dicte sa mémoire, il ne va pas sur le motif pour peindre ce tableau  mais fait référence à sa mémoire pour peintre les marais et la mer prêt de chez lui dans les LONG ISLAND à l’intérieur desquels il fait revivre les légendaires RUSALKES et reprend une forme resurgi des années 50 , une fragmentation du corps de WOMAN 1, sa jambe droite (‘WOMAN 1 , érape1) qui représente l’autoportrait de DE KOONING dans son cauchemar. Les surfaces aqueuses c’est aussi un retour aux paysages de HOLLANDE de son enfance. Dans ce tableau le monde visible des marais côtoie le monde imaginaire des monstres , des RUSALKES. C’est dans les ténèbres des marais et de la mer  des LONG ISLAND que des personnages, monstres se  confondent se  distinguent à peine de ces ténèbres qui les entourent et de cette lumière intérieure qui émerge de la forme biomorphique qui seule illumine ce tableau. Ces cauchemars subis par DE KOONING sont peut être le fruit de l’état d’âme de DE KOONING. Ses addictions à l’alcool qu’ il n’arrive pas à éliminer malgré toutes les cures de désintoxication et l’aide de ses proches . Addictions symbolisées dans ses cauchemars et sur la toile par des démons intérieurs qu’il n’arrive pas à combattre et dont il se sent petit à petit dévoré jusqu’à la mort. Comme SOUTINE il est pénétré par le doute mais pas de blasphème, de haine. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , l’amour finira par se substituer à la mort qui voulait l’engloutir dans les ténèbres monstrueux des marais .

 

Ce qui a marqué DE KOONING chez SOUTINE   c’est la couleur qui vient de l’intérieur des tableaux qui l’a profondément séduit lors de sa visite  à la fondation BARNES en 1952 .Dans une interview  en 1977 il  dit à ce sujet « Les SOUTINE avaient une lueur qui venait de l’intérieur des peintures, c’était une autre sorte de lumière, comparé aux MATISSE  qui étaient également exposé chez BARNES….. » C’est exactement ce que l’on ressent dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »


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Le peintre de  «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE s’est visiblement inspiré dans ces tableaux de ce type de lumière intérieure  où les  lumières chaudes du rouge incandescentes ,de  l’orange jaune semble venir de l’intérieur du tableau et nous éblouir . Le reste du tableau fait de peintures plus sombres et froides sont éclairées par des trous de lumière dus au grattage de la peinture   qui ont été établis pour faire ressortir les reflets du ciel sur l’eau des marais et de la mer.

 

 

Dans les paysages de SOUTINE, les maisons sont étirées comme des personnages de LE GRECO de GIACOMETTI ou de MODIGLIANI . De même dans » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme biomorphique étirée traverse en longueur toute la toile

Chez SOUTINE , le tableau se déplace  sur les bords en vagues de peintures centrifuges  qui emplissent la toile à ras bord ( Les grands arbres bleus, CERET , 1922)

Dans tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la partie droite du tableau  se déplace en vagues de peinture  de manière centrifuge ( flux et reflux de la mer) alors que la partie gauche des marais se déplace au contraire  en vagues vers le centre.

Certains éléments des tableaux de SOUTINE et « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » sont disposés contre les lois de la perspective. Cela a été interprété dans le cas de CEZANNE comme une volonté de se livrer au chaos de sensations sur le chavirement des objets dans l’illusion d’un mouvement.

Dans Le tableau « nature morte au violon » de SOUTINE les objets en diagonales semblent vues à l’envers comme s’ils allaient  glisser les le bas du tableau

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  le tableau est disposé contre les lois de la perspective . D’une part la forme biomorphique semble se mouvoir dans les airs au dessus des surfaces aqueuses malgré qu’elle soit attrapé par les monstres qui l’empêchent de se mouvoir et qui essaye de l’entrainer vers l’eau pour la dévorer  et d’autre part du sang dégouline de sa tête vers le haut contre les lois de la pesanteur et de l’attraction terrestre. Cela donne au tableau  un sentiment  de vertige de tournoiement de perte d’équilibre , on ne situe plus très bien le haut  , la terre , l’air, le ciel tout cela est confus



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SOUTINE peint de la même façon le proche et le lointain, les gradations entre le proche et le lointain sont gommées, le sujet du 1er plan et la silhouette qui s’éloigne. Comme chez les primitifs, les différents plans et les temps de l’image coexistent. Les paysages du midi peints en 1918 accentuent encore cet effet avec les maisons, les jardins clos du hameau ramassés en paysage circulaire  qui forment une totalité. Le paysage est vu d’un seul coup ou en rafale de bas en haut

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE également , tout est vu d’un seul coup, il n’y a pas d’horizon , pas de graduation  entre proche et lointain pas de perspective à la manière  des peintres traditionnels de la Renaissance, les marais, la mer, les monstres, la forme biomorphique , tout semble dans le même plan,ce sont les couleurs qui déterminent la profondeur,  tout semble concentré, ramassé  dans le même plan sans espaces , il y a un effet de totalité ( la mer, les marais , mes monstres, les visages de WOMAN et homme et la forme biomorphique tout est enchevêtré pour faire une unité dans sa totalité.

Avec Cet effet de totalité de masses d’éléments enchevêtres le peintre de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  a assimilé les mécanismes de la perception. Selon la distance à laquelle on regarde le tableau , notre perception  est très différente. A une certaine distance notre œil ne distingue que deux couleurs, Une couleur rouge chatoyante et incandescente qui traverse le tableau de bas en haut comme une flamme qui brule dans le tableau  sur un fond sombre ténébreux qui semble d’une couleur noire. Il semble qu’il n’y ait rien d’autre dans le tableau et au plus on se rapproche , au plus certaines choses disparaissent alors que d’autres apparaissent, les choses semblent bouger  dans le tableau. Les choses ont l’air d’errer dans l’espace plastique, disparaissent refond surface à mesure qu’on se rapproche ou qu’on s’éloigne. Vu sur cet angle  on a l’impression que le tableau ne peut jamais être considéré comme terminé

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SOUTINE ET DE KOONING , LE MILIEU ACQUEUX

 

Autre différence de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et les peintures de CERET, est que SOUTINE n’est pas attiré par le milieu marin, les étendues d’eau marécageuses ou les lacs. Dans les paysages de SOUTINE très peu de  surfaces aqueuses  et  de  trace de ruissellement ou d’un quelconque cours-d ’eau  à l’exception  de quelques   tableaux  «  Femme entrant dans l’eau, femmes se baignant  ou marie aux bains) contrairement à DE KOONING ou la plupart des tableaux  depuis qu’il a élu domicile à SPRING  dans les  années 60 sont des paysages de mer ou de marais , son inspiration immédiate  se passe dans les milieux aqueux : les marais de LONG ISLAND et’ océan atlantique  de Long Island  à LOUISE POINT .

 

 Le tableau «  FEMME ENTRANT DANS L’EAU »de SOUTINE  est dérivée de la  «  FEMME SE BAIGNANT DANS LA RIVIERE » de REMBRANDT qu’il avait peut être vu  à la National Gallery de LONDRES à la fin des années 20. SOUTINE a puisé le brio de sa touche , la pose inhabituelle frontale du tableau  mais il renforce les effets expressionniste des rides sur l’eau et de la robe blanche chatoyante. JUDITH ZILCZER souligne les similitudes entre la pose de « WOMAN V » de DE KOONING  et celle de SOUTINE  « FEMME ENTRANT DANS L’EAU »

En ce qui concerne « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme biomorphique est en suspension au-dessus de l’eau en proie aux monstres » Comme le SOUTINE et le REMBRANDT la présence des rides de l’eau est visible

 

De KOONING est attiré par la luminosité du bord de mer  qui lui rappelle sa HOLLANDE. Des tableaux comme «  SCREAMS OF CHILDREN COME FROM SEAGULLS » où des figures ondulantes de rouge de bleu et blanc évoquent les vues et les sens du bord de mer. Il transforme magistralement son milieu d’huile bien aimé en un océan étincelant de peinture.

Ses mouvements de courbure lâches ont capturé le jeu libre de l’eau, de la lumière et du ciel. Il disait qu’il était réellement intrigué avec le chemin de toutes ces couleurs qui reflétaient la surface de l’eau et comment les formes émergeaient  et se dissolvaient avait t-il dit a Joan LEVY ( étudiante stagiaire  chez DE KOONING). Cela permettait une grande réserve de possibilités pour la peinture

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 « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  »  est dans la même lignée. Une brosse chargée glissant sur la surface crée des mouvements de courbures lâches, ondulantes capturant  le jeu de l’eau, de la lumière et du ciel avec les reflets sur l’eau. Ces mouvements ondulatoires autour de la forme biomorphique sont concaves à gauche, ils se dirigent vers le centre du tableau alors qu’à droite on peut remarquer un mouvement de flux et de reflux identiques aux mouvements de l’océan Atlantique .

On peut remarquer des effets de boursouflures, pliure de la peinture à certains endroits du tableau   qui ont pour incidences heureuses de créer des rides sur la surface de l’eau sous l’effet des conditions extérieures comme le vent . Le tout formant une masse inextricable. Le peintre a gratté la toile formant des trous de lumière dans le fond sombre laissant des traces de peintures derrière pour éclaircir ce fond en créant une sensation étonnante de ciel sur l’eau ou alterne ciel dégagé et nuageux. Ici dans le tableau l’eau n’a pas de limites, elle est partout


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Dans ce tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique semble se trouver en  parallèle au dessus de l’eau ou  à la limite flotter , difficile à dire, elle est attaquée par d’un coté les monstres des marais et de l’autre les monstres marins . La Forme biomorphique parait être la démarcation  entre les marais et la mer

Si pour DE KOONING la relation entre La figure et son environnement est l’eau ( mer,marais) , elle est parfois luxuriante   , dans « SCREAMS OF CHILDREN COME FROM SEAGULLS » aux couleurs claires et  joyeuses , elle est  monstrueuse  dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou les marais aux eaux sombres  habitent des monstres tueurs

De KOONING a fait de nombreux tableaux ou gravures en milieu de marais comme «  The MARSHES » gravure ou sont suggérés les marais, les roseaux et où s’agitent des bulles qui évoquent de l’eau ou des tableaux comme East -HAMPTON de 1968






THE MARSHES                                      EAST HAMPTON

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Ces paysages aquatiques étaient comme de l’argile humide rempli  de fronces, de bulles , de crêtes, de boursoufflures. L’eau n’avait pas de limite , l’eau reflétait la terre , le ciel , les figures dans une sorte de mélancolie  qui est devenue franchement peur et terreur dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE »

  Ces marais et mer de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  reflètent  donc la couleur du ciel et la terre environnante par ces couleurs noires , grises, marrons et des ilots dégagés de couleurs claires ( bleu du ciel) qui changent à chaque instant et donc justifie d’une certaine manière que ce tableau reste inachevé car il change continuellement

Pour SOUTINE  le lieu de peinture c’est la terre , souvent cataclysmique  avec tremblements de terre qui maltraitent  les maisons, les paysages  , les chemins et font  sortir à la surface  des êtres particuliers  de la religion juive ( GOLEM, DIBBOUCK)

 

 

QUE DECRIVENT LES PAYSAGES DE SOUTINE , DE KOONING , LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

 

Pour Xavier GIRARD, Souvent les seules  interprétations psychologiques faites sur SOUTINE et sa peinture font fausses routes, il y aussi autre chose

« La peinture de SOUTINE ne décrit pas seulement la réalité d’une situation. Elle ne peint pas la pauvreté, l’angoisse du lendemain ou la solitude. Les  natures mortes n’exposent pas la vie quotidienne  du peintre ou l’état de son estomac  ou de sa prétendue frustration  devant la nourriture prohibée par son régime sévère en raison de son ulcère. Il intégrait dans sa peinture les implications extrêmes  de ce qu’il avait à l’esprit, la violence de la nature et un mélange particulier d’enthousiasme et d’antipathie.

«  elle manifeste la puissance de l’art, elle donne sa chance à l’expression de l’idée créatrice » mais aussi on peut y déceler en plus des connotations religieuses »

Ces paysages de CERET et CAGNES bouleversés par des séismes représentés par des surfaces pliées et concassés des tableaux, n’objectent pas seulement leur version disloquée à la façon du cubisme ou du fauvisme qui avaient cours à l’époque de SOUTINE. Ils associent les vues de CERET et CAGNES au tremblement de terre  qui vient de prendre fin avec l’armistice . SOUTINE ne pouvait éviter de feuilleter, comme n’importe qui pendant la guerre , les périodiques comme « Le miroir » ou l’illustration » qui publiaient  des photographies du front. Images qui lui était permis de rapprocher  du cataclysme  cosmique  provoqué par le jugement de Dieu  le jour de « YAHVE ». La guerre de SOUTINE comme celle de « YAHVE » a transporté d’un endroit à l’autre  des paysages entiers, telles les montagnes  du livre de   «  JOB ».

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Ses collines « en partance » sont comparables au mont Sinaï  dont le texte biblique  raconte « qu’il se sépara  de la montagne du temple de Jérusalem et se transporta dans le désert » Comme « YAHVE «  la guerre s’est manifesté par le feu , le tonnerre, le tremblement des montagnes  « exode 18-19 » . les paysages de SOUTINE  portent la trace d’un éboulement  qui n’est pas seulement d’ordre plastique , ils répliquent  aux bouleversements de l’histoire contemporaine. Comme le souligne Marc GIRARD avant d’être  un phénomène géologique , le séisme exprime l’idée de choc , le changement radical , le bouleversement  brutal qui a frappé le peuple du point de vue social et politique. Il exprime le sentiment d’être rejeté, démoli, brisé…mais il n’échappe pas complètement au symbolisme divin, puisqu’il passe tout spontanément pour un effet de la colère inexplicable du très haut.

.Bien des tableaux peints à CERET ou CAGNES  peuvent être rapprochées des épiphanies divines, des signes qui font trembler toute la terre devant DIEU . Des manifestations de DIEU planent donc sur les paysages de CERET et CAGNES.

Alors que la maladie le gagne, que la souffrance devient intolérable  SOUTINE à la fin de sa vie de 1937 à 1942, peint des visages d’ enfants souriants , heureux de vivre, des enfants jouant dans les champs verdoyants garnis de fleurs multicolores, des enfants dormants du sommeil du brave dans les bras de leur mère. Ces tableaux sont en contradictions avec les tableaux de CERET et CAGNES précédents des années 20

 

Chez DE KOONING , on ne remarque pas de manifestations divines à la manière de SOUTINE. Il n’y a pas cette peur de DIEU , du jour de  « JAHVE » ou du jugement dernier  si présente chez SOUTINE , la peur est d’un autre ordre c’est la peur des démons et plus précisément de ses démons intérieurs ( alcoolisme, la peur du vide ,de la mort,  peur des femmes dans ses « WOMAN » etc. C’est  sous l’influence  des tableaux  de  BRUEGLE , BOSCH, GOYA  qu’avec des tableaux comme the MAN de 1967( « le jardin des délices » de BOSCH) ou UNTITLED 1970 (  « saturne dévorant  un de ses enfants »de GOYA) qu’il arrive à exprimer ses peurs dans ses tableaux mais ce  sentiment  de  peur est de plus en plus rare après  les années 70 ou DE KOONING nous présente plutôt  des tableaux aux peintures  luxuriantes 

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Untitled 1970                         MAN               THE VISIT




Le Tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE semble faire transition entre les tableaux dominés par la morosité, la peur, le grotesque la morbidité des années 67 à 70 avec des tableaux comme  « THE MAN », « THE VISIT», WOMAN IN THE WATER » ,  « WOMAN ON A SIGN » et des tableaux lumineux  et heureux comme «  FLOWERS MARY’S TABLE  » de 1971



                        FLOWERS MARY'S TABLE      
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Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de 1971 en complément de la description des mouvements terrifiants , des peurs,  qu’à  subi  DE KOONING  dans ses cauchemars et qu’il transcrit sur la toile ,c’est son  amour pour Emilie qui transforme son état d’esprit comme le montre le dos du tableau  où sous une couche de peinture rose apparait les visages de DE KOONING et KILGORE dont les noms sont entremêles l’un dans l’autre. C’est le déclic d’une vision plus positive de la vie . Comme SOUTINE à la fin de sa vie dans les années 40 à 42 , les années 70 de DE KOONING  nous montre un peintre  avec un regard plus positif plus optimiste , Emilie KILGORE y est sans doute pour beaucoup




DOS LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE


DE KOONING continue à faire des essais , des improvisations sur sa peinture avec ici la formation de rides par ses mélanges , ses dosages  d’huile, d’eau, d’essence Kérosène, de carthame et autres composants, des juxtapositions de taches et leurs effets de couleurs suivant la distance où l’on observe le tableau, les mélanges et effets de peintures lentes ou rapides etc. Rien n’est jamais établi et définitif avec DE KOONING , il est toujours à la recherche de nouveauté dans sa création


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Pour Paul RICHARD du Washington Post il disait que  «  DE KOONING n’avait jamais su avec précision, n’avait jamais choisi de savoir où il allait ». Ses peintures n’avaient pas de destination certaine, ses explorations étaient incessantes, son champs de tension  énergique, sa ligne toujours changeante, son art n’est jamais cool et immobile. Il redoutait de laisser le tableau en chantier inachevé et d’en sortir

Là encore ce que dit Paul RICHARD ,  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE «  est un bon exemple. Il a fait ce  tableau dans  un certain état d’esprit d’anxiété, de mal être , de violence Quand cet état de lui-même  avait  changé en un état plus positif il a laissé son tableau inachevé pour passer à autre chose . C’est probablement des tableaux comme «  FLOWERS, MARY’S TABLE » qui ont suivi aux motifs de fleurs et couleurs chatoyantes et de joie de vivre

 

 

FRAGMENTATION  DES CORPS

 

Dans les tableaux de paysages des deux peintres ,on peut remarquer que dans les personnages qui se situent à l’intérieur des paysages de SOUTINE  il n’y a pas de fragmentation des corps contrairement  aux tableaux de Willem De KOONING. Pour SOUTINE , il lui serait impossible  de consacrer un tableau d’un morceau de corps, mise en pièces comme le fait DE KOONING ou PICASSO.

Pour SOUTINE , il faut que les corps apparaissent  en entier mais les personnages n’ont qu’un aspect secondaire dans le paysage. Ils ne sont là que pour montrer qu’il s’agit d’un paysage habité par l’homme. Si l’objet ne rentre pas dans le tableau , au lieu de le fragmenter , le solution dans laquelle se range SOUTINE est la pliure, le froissement , la torsion. L’espace est une chose et les êtres sont une des composantes, il convient de les faire entrer complètement en évitant les lignes de fuite dans le plan du tableau

Dans les tableaux de personnages sans paysages, les mains, comme les épaules  et les bras souvent désaxés au bord de la dislocation ou disproportionnés   ont leur propre vie mais sont toujours solidaires  sont toujours un , forment un bloc qui ne peut être démantelé

Au contraire Chez DE KOONING, le corps n’est pas un, il peut être détaché et produire une vie indépendante . Dans des tableaux de DE KOONING on retrouve des mains, des bras , des jambes, des seins, des yeux etc. qui semblent vivre leur vie dans les tableaux (EXCAVATION , PINK ANGEL) ou parfois les membres sont complétement détachés des corps dans le tableau (SEATED )figure  de ,1941



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 Mais l’impact  d’un tableau de DE KOONING repose sur une réaction directe et presque physique à la peinture elle-même , si bien que la perception  d’une réalité extérieure à laquelle il renvoie……, n’est pas tant liée à la reconnaissance  de certains éléments dans un amas de perceptions qu’a une prise de conscience globale de la réalité envisagée comme un flux héraclitéen ou tout se confond (DAVID SYLVESTER)

« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Dans ce tableau tout repose à partir d’un fragment de corps , c’est  la forme et le sujet central du tableau .Cette  forme biomorphique centrale , c’est la jambe droite de WOMAN1 ( étape1) . Cette forme biomorphique semble étirée, fait toute la longueur du tableau comme des portraits de MODIGLIANI, des Sculptures de GIACOMETTI ou plus antérieurement LE GRECO.

Le surgissement de la forme biomorphique est telle au premier plan qu’elle semble vouloir sortir du tableau mais elle est liée au pied par un monstre qui l’empêche de bouger.

 Tout autour ,des taches qui deviennent formes et les formes deviennent contenus. Ces formes en mouvements d’êtres bizarres animées comme des monstres dans un environnement aqueux de marais et de mer dont les actions sont purement picturales

 En bas à gauche une tête de couleur noire fait penser à une tête de « WOMAN» des séries des « WOMAN » des années 50.il apparait également à droite en haut une tête d’homme fantomatique , ressemblant aux têtes grises de GIACOMETTI, De ci delà , sortent des têtes ou des corps incomplets de monstres marins et des marais, on remarque aussi dans ce paysage de terreur , de brutalité , une chaussure de femme en bas à droite, qui est un objet récurrent dans les tableaux de DE KOONING. Est-ce aussi un signe à sa muse qu’il vient de rencontrer et qui est porté également dans ce tableau ?

 

On distingue donc dans ce tableau, un grand nombre d’éléments en fragmentation , un presque quelque chose .   «  C’est un punctum iconique, d’une survivance figurative , d’un conditionnement archaïque à l’intérieur d’une peinture qui avale le tout au point de nous faire tomber dans l’abstraction » ( juan PORRERO) ou tout se confond


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Les yeux ont aussi leur importance. Ils donnent un sentiment de peur de détresse, de résignation pour celui qui les regarde chez ces deux peintres

Chez SOUTINE, les yeux ,c’est la peur que ce soit dans ses portraits où dans ses autoportraits, c’est la jonction  par ces trous noirs entre l’extérieur et l’intérieur. Les yeux sont toujours inégaux et bigleux , frappé de loucherie ou victime de la taie

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, les yeux expriment également des troubles. Deux yeux noirs tombants  qui expriment la fatigue la résignation, un appel au secours, une demande à l’aide

WOMAN1 montre l’un des aspects techniques et la manière dont  DE KOONING  emploie la fragmentation du tableau et la fusion de ces fragments pour faire surgir la forme sans pour autant l’avoir conçue au préalable comme une somme de petits « morceaux ». C’est le traitement local de chaque détail pictural qui met en évidence le plan dans son ensemble. Ce plan, construit selon une suite de corrections et de répétitions qui finissent par bâtir à l’unisson la figure et le tableau, empêche l’identification correcte de l’anatomie et propose en échange — dans l’échange de l’abstraction — une figure dont on ne peut plus saisir les limites spatiales ni temporelles

En comparaison  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE «  est un peu différent. Le tableau part d’un calque de la jambe droite de WOMAN1 ( étape1) placé au centre du tableau  qui a laissé les contours du charbon de bois du calque mais ce contour le peintre ne l’utilise pas comme contours il superpose des couleurs sur l’emplacement de la forme de la jambe, élargie la forme  du  coté droit pour l’équilibre du tableau dont la forme a été rogné à gauche   par une masse noire  qui est venu se superposer . D’autres coups de pinceau sont venus se superposer sur la forme du calque , en haut une partie de la forme du calque a été gratté. La peinture rouge qui a recouvert la jambe à l’origine ne s’est pas préoccupé des contours du calque  dont quelques bribes sont encore visibles en transparence des couches superposées  et c’est donc les épaisseurs de peintures qui délimitent les contours et permet les délimitations.

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MASSE INEXTRICABLE- CONTOURS- ESPACE

Dans certains Paysages de SOUTINE comme « La colline de CERET »,les arbres , les maisons, le chemins ne forment plus qu’une seule et même masse , un tas en mouvement  réduit en un amas saucissonné en mouvement entouré de faisceaux  erratiques  de mouvements souvent vers la droite. La juxtaposition est devenue assemblage inextricable. Il n’existe pas entre les figures l’espace de séparation pertinente mais ce tas est l’accumulation   de forces qui bouillonnent dans la matérialité déchainée de la colline de CERET


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COLLINE DE CERET

 De la même manière  , dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » La forme biomorphique , les monstres des marais, la mer, les marais tout cela est juxtaposé sans profondeur , sans espace et tout cela  forme aussi un assemblage inextricable et met à mal  l’ordonnancement académique., Tout se lie , entre cette forme biomorphique et les agresseurs ( monstres) il n’y a pas de logique, pas de distances, pas d’ajustements des plans, ils sont les uns dans les autres  dans un  tas d’accumulation de forces une accumulation d’énergie ,tout est plein ,seules les couleurs contrastées, chaudes ( rouge, orange, jaunes) du premier plan de la forme biomorphe permet de faire ressortir l’ensemble du tableau, c’est la conjonction des couleurs qui permet aux formes de se découvrir  Pour le reste du tableau qui forme un  fond de couleurs froides ( vert, noir, marron)  , les nuances de couleurs sont si proches les unes des autres  qu’il est difficile de les séparer .  A un certain niveau de recul pour regarder le tableau , seul reste à notre vue  , une masse rougeâtre-orangée  au milieu d’un espace sombre qui semble uniforme

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Ainsi que ca soit pour SOUTINE et pour  «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », l’espace est effroyablement compressé, les paysages mis en dessus dessous, les visages , les corps sont déformés  et tout s’y lient.. Le contour  des objets  et des êtres vivants n’est pas l’effet  d’une délimitation arbitraire mais des surfaces de contact entre deux puissances aux émanations  également animées  et vitales

David SYLVESTER dans un écrit de 1997 nous dit :   «  L’impact d’un tableau de DE KOONING »repose sur une réaction directe et presque physique à la peinture elle-même, si bien que la perception  d’une réalité extérieure à laquelle  il renvoie, par exemple, la présence immédiate, enveloppante, d’une chair rose ( La chair est la raison  pour laquelle  la peinture à l’huile a été inventée) ou l’omniprésence  des bouches aux dents menaçantes  ( des sourires de femmes, des gueules de requin, des vaginae dentatae) n’est pas tant liée à la reconnaissance de certains éléments  dans un amas  de perceptions qu’à une prise de conscience  globale de la réalité envisagée  comme un flux  héraclitéen  ou tout se confond

 

Chez SOUTINE comme Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, les formes s’enveloppent, se tordent  en tous sens, s’essorent, s’entrechoquent, se plient , s’enroulent ,se disloquent, s’allongent  comme des peaux élastiques qu’on étire à volonté. il n’y a pas de dessin , de lignes de contour. Seule la peinture délimite les choses, les personnages, les éléments du paysage. Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE il reste néanmoins les contours du calque au charbon de bois  qu’on devine  sur le tableau mais ce contour  ne joue pas son rôle car de la peinture a été appliquée  par-dessus pour pénétrer à l’intérieur de la forme délimitée par ce  calque

L’effet des paysages  de SOUTINE et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  crée  une image pleine et serrée sans aucun embellissement et concession à la décoration.

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LA LUMIERE DES PAYSAGES

 

Soutine avait comme une phobie de la lumière comme si la lumière lui faisait mal ainsi qu’à ses toiles. Cette phobie dont certains malades sont atteint. Jamais il s’est habitué à la clarté des paysages de CERET et CAGNES , il préférait PARIS , ses rues et  son atelier sombre et pourtant ce qui a retenu l’attention  de DE KOONING chez SOUTINE  ce sont  d’abord les lumières qui sortaient de l’intérieur de ses tableaux et offraient un éblouissement de rouge sang, de jaune éclatant

 

SOUTINE peignait sur le motif, que ce soit en plein midi ou la nuit tombante, qu’il pleuve ou qu’il vente n’avait aucune importance pour sa peinture mais sa préférence allait pour peindre la lumière d’avant l’aube, l’instant ou la nuit bascule dans le jour comme bascule les éléments du tableau.

« Les paysages de CERET avec leurs gestuelles et leurs distorsions rappellent les dramatiques tourbillons de couleur et les touches apparemment spontanées  des grands tableaux de TINTORET lumineux   sans parler des formes allongées et tortueuses des derniers tableaux de  GRECO » ( Simoneta FRAQUELLI). On peut en dire autant du tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » avec la forme biomorphique allongée à la GRECO

En 1952 Willem DE KOONING et Elaine DE KOONING avaient programmé une journée d’excursion pour visiter la collection BARNES à MERION en PENSYLVANIE qui exposait un grand nombre de tableaux DE SOUTINE .  DE KOONING a été tout de suite subjugué par ces tableaux, l’impact de  SOUTINE  sur DE KOONING a été immédiate et durable. 5 ans plus tard , De KOONING se souviendra toujours de cette rencontre avec ces œuvres et il avait dit que … «  Les SOUTINE avaient une « lueur qui venait de l’intérieur des peintures » c’était une autre sorte de lumière, comparé aux MATISSE  qui étaient également exposé chez BARNES.


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Cette lumière qui vient de l’intérieur même du tableau, cette qualité de lumière que DE KOONING trouvait si convaincante dans l’art de SOUTINE, on la retrouve dans la plupart des tableaux depuis qu’il s’est installé à EAST HAMPTON, notamment incarnant ce qu’il appelait  «  la chair » du style de la peinture de SOUTINE

Cette lumière on la retrouve dans « LEG WOMAN IN THE LANSDCAPE » Les couleurs chaudes de ROUGE- ORANGE-JAUNE-ROSE de la forme biomorphique sont comme un feu de lumière qui vient de l’intérieur et traverse le tableau de bas en haut, c’est aussi le sang qui dégouline de la forme biomorphique .. En opposition le fond de couleurs froides de marron, noir vert, gris semble rester dans l’obscurité des ténèbres

Ce contraste entre les tonalités sombres du fond et les tonalités claires de la forme biomorphique ( rouge, orange, jaune)renforcent l’effet de luminosité et l’on retrouve dans ce tableau une sensation lumineuse qui rappelle  l’héritage Hollandais de  peintres comme REMBRANDT  et de SOUTINE

Ce fond sombre de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » , le peintre l’a éclairé par des trous de lumière en grattant la peinture jusqu’à la toile, ne laissant que des points noirs de peintures. Ces trous de lumière sont justifiés aussi par les reflets du ciel sur ce fond qui représente des surfaces de MARAIS et de mer . Les parties claires grattées représentant le reflet d’un ciel dégagé alors que les parties sombres sont les reflets du ciel nuageux.

 

PLACE DU REGARDEUR ET DES CHOSES DANS L’ESPACE DU TABLEAU

 

Dans les paysage de SOUTINE , le regardeur se  trouve le plus souvent  au-dessus  du sol avec une vue topographique au lieu d’une vue classique en perspective et vu du haut dans certains tableaux les maisons ont l’air  de basculer dans le vide ou de se soulever, les murs, les arbres s’inclinent. Certains paysages ont l’air d’avoir subi un séisme, un cataclysme cosmique, des villages semblent être en feu . tout cela est vu en hauteur au- dessus du sol.

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De même « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE » le regardeur voit le tableau du ciel, topographiquement. Sous le regardeur, La forme biomorphique est  en suspension dans l’air au-dessus  et parallèlement aux étendues d’eau. Des monstres des marais et de la mer sortent de l’eau pour entrainer la forme biomorphique vers le milieu aquatique pour la dévorer




LA MANIERE DE PEINDRE,  LES COULEURS  »

 

Chez l’un et l’autre la manière de peindre sort des sentiers battus et passe pour contradictoire avec ce qui est enseigné.

De KOONING mélange les peintures rapides et lentes, il improvise des effets de rides , de craquelures  avancées, des effets de textures de  crocodile avec dans les peintures à huile  des excès d’eau , d’adjonction d’essence de térébenthine, d’huile de Carthame , de peintures acryliques etc qui donnent des effets particuliers à la peinture et dont il ne s’attendait peut être pas lui-même des résultats

SOUTINE qu’il s’agisse d’un paysage, d’une nature morte, ou d’un portrait, peint la chose existante qui est indispensable à son expression complète, il a toujours besoin de se confronter avec son modèle, tel est l’impératif premier. Ce qui s’impose à lui physiquement, c’est peindre le monde visible dans sa proximité dérangeante, c’est là que nait son désir de peindre ensuite son imagination, sa sensibilité , ses émotions à la vue du motif  font  le reste.

Il  ne perd jamais son but de vue  ne posant pas une touche  sur la toile  qu’il  ne l’ait confronté avec la précédente dans une tension de tout son être qui l’épuisait

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 Il triture, manipule les paysages pour en dégager un sentiment d’inquiétude avec une transgression des maisons, des arbres , des villages qui peuvent se transformer , d’organique de choses en espèces d’êtres vivants dans un monde chaotique en souffrance . Comme disait Andrée COLLIN « SOUTINE était vu comme le peintre d’une humanité souffrante »

 Tout est concentré sans espaces. Fond et premier plan sont enchevêtres par des accumulations, des superpositions de peinture comme le tableau  « Paysage à CERET » en 1920 . Il peint en pleine pâte directement sur la toile comme DE KOONING et sans esquisses préparatoires, il peint avec empressement sans quitter son motif de l’œil, possédé par la vision qui est la sienne, véritable peinture éruptive.

 

 Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » de même que les tableaux de paysage de  SOUTINE expriment  un sentiment de frayeur, d’inquiétude dans la figuration d’un paysage de Marais et maritime mais toute l’originalité du tableau se trouve dans le traitement de la toile fait de mélanges de peintures  rapides et lentes, de création d’effets de rides , de peintures craquelées, tous ces effets sont subit par des excès tout à fait particulier d’eau , d’essence de térébenthine , d’huiles dans la peinture  qui semblent contradictoire aux bons usages qui donnent également un effet de chaos .

C’est le travail d’un peintre compulsif   et toujours insatisfait qui ont poussé DE KOONING a rechercher des solutions pour répondre à ses besoins. Il utilisait donc des solvants pour retarder  le séchage de sa peinture afin d’avoir plus de temps de réflexion pour d’éventuelles modifications ou des retouches dans le frais

 

Pour de nombreux Critiques des années 70 , l’imagerie de  DE KOONING est représenté comme « Non environnement » qui consistait à peindre   conceptuellement sans localisation spécifique, sans schéma , sans intérieur ni extérieur, sans thème universel bref sans unité qui peut entrainer un manque de cohérence et entrainer une ambiguïté chez le spectateur


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Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Le tableau est partie d’un calque de la jambe droite de WOMAN 1 ( étape 1) et à partir de là, DE KOONING a crée au fur et à mesure de son inspiration une imagerie conceptualisée par ce que lui fait penser cette forme d’un fragment de WOMAN1.Arrivé à un certain stade du tableau , il se trouvait sans doute en dehors du tableau qui est resté inachevé .Ce tableau lui a sans doute donné l’idée d’un nouveau tableau qu’il a démarré par la suite. Cela aurait pu être «  FLOWERS  MARY’S TABLE » Il serait alors passé d’un changement radical du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » tableau de terreur et de mort  au tableau « FLOWERS MARY’TABLE « tableau de joie lumineuse, d’espoir , de vie . Entre les deux il y avait bien entendu la rencontre de sa nouvelle muse qui l’a changé radicalement jusque dans sa peinture.

 

Chez SOUTINE comme chez DE KOONING  et le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  l’idée d’hallucination et de rêve sont évoqués,  Dans beaucoup  de tableaux de DE KOONING et cela est vrai aussi pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la figure à l’air de sortir des profondeurs de la peinture sans que l’on puisse accorder au peintre la pleine conscience du processus. Il dit lui-même :  « Les constantes modifications que je fais sur une toile ,je ne les prévois pas, c’est bien souvent un état qui se rapproche de l’hystérie et c’est involontaire mais il dit aussi « je passe la plupart du temps assis à étudier le tableau et essayant de comprendre , savoir quoi faire ensuite ( KRAUSS , 2015).

Si le tableau  ne passe pas par des prémices ,par des préparations, il ne peut pas se passer  de l’étape laborieuse  de l’étude méticuleuse sans avoir de motif sous les yeux mais une fois dans le tableau parfois il improvise car il ne va pas toujours dans la direction qu’il avait prévu ou parfois  cela lui donne des idées pour un autre tableau dans une toute autre direction qu’il créera par la suite et soit il abandonne le tableau  en cours s’il trouve qu’il en sort trop  soit  il le laisse sur le côté pour le reprendre plus tard .

Dans le cas de WOMAN 1 il a commencé le tableau en 1950 pour le terminer en 1952 et était à deux doigts de l’abandonner si le critique SHAPIRO ne l’avait pas encouragé à le terminer.


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Je pense que le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est parti au départ d’un simple calque de WOMAN1 ( étape1) appliqué au centre du tableau et ensuite le peintre a étudié comment il pouvait l’habiller et en faire un tableau de peintures gestuelles et de mouvements  et  lui est venu l’idée d’un cauchemars dans l’inconscience du sommeil qu’il  a tenté de reproduire sur la toile  mais sans issue aussi il abandonne la toile avant de la terminer avec un dessin au dos . Il change totalement son état d’esprit avec un dessin qui se trouve sur le dos du tableau. De noir de terreur et de mort , il passe au  rose du bonheur pour sa nouvelle muse ( Emilie KILGORE) en 1970-1971

 

Une autre particularité dans la façon de peindre des deux peintres que l’on rencontre dans  certains tableaux est la position de la toile chez l’un et la position du peintre  par rapport au motif dans l’autre.

Chez SOUTINE certains tableaux sont  peints sur le motif en hauteur ou en contre bas ou parfois les deux sur la même toile .

En hauteur selon un point de vue panoramique d’où cette sensation de vertige qui nous saisit en dépit des premiers plans qui retiennent  de basculer dans l’espace réel.

En contre bas en sorte de laisser le paysage se déverser comme se déverser comme un éboulis vers le regardeur

 

Chez DE KOONING  , il lui arrive de travailler sur plusieurs cotés de la toile à la fois ,comme  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ,marais et mers  en suspension  dans l’air , les monstres sortent le l’eau pour attaquer  la forme biomorphique .

  Pour l’accrochage  la forme biomorphique est verticale tête en haut  mais pendant sa création il a été  aussi retourné à 180 degrés car nous remarquons de la peinture qui dégouline dans le sens contraire au sens de l’accrochage . Cela est aussi confirmé au dos du tableau par le dessin qui se décline dans le 4 cotés du tableau .

 Chaque coté  figure une représentation différente du dessin ( tête de femme, tête d’homme, les noms DE KOONING et KILGORE, OISEAU)

. Il faut dire également que DE KOONING dessine un chaussure à haut talon et pour la  voir à plat dans son utilisation normale, il faut mettre le tableau à l’horizontale.


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Comme support de peinture DE KOOONING peint directement sur la toile sans couche de fond. Il avait dit à son amie Emilie KILGORE «  Je peins directement sur la toile .. personne d’autre fait ça »,  et la peinture occupe la surface  comme une substance vivante qui bourgeonne et qui regorge de formes plus ou moins ambiguës.

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , A certains endroits  il a gratté la peinture de surface , on voit directement la toile brute

 En ce qui concerne les formes dans «  LEG WOMAN IN THE LANDCAPE «  comme les tableaux de DE KOONING en général, certaines sont reconnaissables, nous l’avons vu  dans cette étude  , pour d’autres on a l’impression de les reconnaitre  puis quand on regarde de nouveau le tableau après  avoir quitter le tableau on a l’impression que la forme qu’on pensait avoir reconnue a disparu  et ainsi de suite. La sinuosité des coups de pinceaux courts visibles donnent  l’impression de mouvements dans le tableau, le dégoulinage de la peinture rouge dans « LEG WOMAN IN THE LANSCAPE » donne l’illusion du sang qui coule du visage vers le haut ( voir ci-dessus) dans l’ambiguïté.

Dans les tableaux de SOUTINE, il n’y a pas  de prémices, pas de couches préparatoires, d’esquisses comme dans le tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ».

Dans cette œuvre présumée de DE KOONING   seule une forme importée d’un calque est à l’origine du tableau  et ensuite  c’est une création de peinture éruptive , c’est au regardeur de faire preuve d’imagination et   d’aller à la découverte des formes , a laisser  libre cours à son interprétation avec son propre univers mental, ses références , son système de pensée  et son tropisme avec  malgré tout une clé indispensable à posséder , il faut connaitre la biographie de DE KOONING en 1971 ,cela  nous donne des indices pour interpréter objectivement ce tableau et nous laisser entrainer dans cette  toile pleine de références, de signes pour nous aider à  l’interpréter sans être vraiment directif. Peut-être y a-t-il des interprétations auxquelles le peintre lui-même n’avait pas songé   mais qui sont  dans l’inconscient du peintre . Le peintre nous donne des indices mais ne donne jamais une explication de ses peintures tout comme SOUTINE


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 On constate la prédominance de la couleur . L’élément constitutif de la forme le plus important est la couleur. Aussi bien, pour SOUTINE que pour DE KOONING et ceci est aussi visible dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le contraste entre les teintes claires et les teintes sombres renforce l’effet de luminosité. On y voit pour les deux peintres l’influence des peintres Hollandais notamment REMBRANDT

 

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE, il n’y a pas de perspectives à la manière des peintres classiques après la renaissance, ce sont les couleurs qui déterminent la profondeur.

En premier plan des peintures de couleurs chaudes de la forme biomorphique rouge, orange jaune et rose)

En fond, peintures froides, vert foncé , marron , noir, gris qui s’interpénètrent avec le premier plan ce qui rend les relations spatiales ambiguës. Ces peintures de fond qui s’interpénètrent , se superposent , se mélangent sont si proches dans leurs couleurs froides qu’elles ont tendance à se confondre et être indistinctes . De même que pour le premier plan les peintures s’interpénètrent et se superposent dans des tons très proches si bien que si on prend du recul , arrivé à une certaine distance il n’apparait plus que 2 couleurs, un premier plan rouge et un fond noir.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        

On peut y voir aussi dans ce tableau  à la fois de l’horizontalité et de la verticalité

Dans l’horizontalité le fond, c’est la surface aqueuse, devant   la forme biomorphique, les marais et c’est la mer derrière. La forme biomorphique semble en suspension dans l’air

Dans la verticalité (sens de l’accrochage du tableau), la forme biomorphique est positionnée comme un portrait et regarde le spectateur avec détresse.

 Le fond semble vouloir l’entrainer vers ses ténèbres  et commence à l’envahir de tous les côtés. Le sang coule à contre-courant sur le visage de la forme ( la toile a été retournée à 180 degrés ou laissé horizontale avec légère pente  pour laisser couler la peinture rouge du sang). Les différentes positions dans lesquelles le peintre a travaillé le tableau est confirmé par le dessin du dos du tableau qui a une grille de lecture  dans chacun des 4 cotés.

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« Chez SOUTINE, s’il y a une couleur qui domine les autres c’est bien le rouge , que ce soit dans les paysages ( l’escalier rouge à CAGNES), les natures mortes ( la série de glaïeuls, le rouge des bœufs écorchés) ou les portraits( le groom, l’homme en prière,, la fille à la ferme),le rouge du sang  et des visages

S’il se rend 3 fois à AMSTERDAM pour voir «  la fiancée juive » de REMBRANDT  c’est à cause des visages, de la main , des étoffes mais surtout de tenter de comprendre  comment REMBRANDT a pioché le rouge de la robe de la fiancée qui s’évase au premier plan comme un estuaire de velours  et faire sienne absolument  cette splendeur écarlate. A la fois beauté supérieure, couleur de la vie et de la blessure, du sang, de la mort , du comble du plaisir et qui ravive  la carcasse pourrissante du bœuf d’un sang impur.

 

Dans les paysages de CERET ou de CAGNES le rouge est toujours là et l’emporte même en quelques soupçons mais qui enflamme le tableau tout entier. Il gagne du terrain , il atteint l’escalier de CAGNES de 1918, le clocher de CERET, les platanes et l’entrée du village de CERET de 1920, Dans l’église Rouge de CERET de 1919 qui présente un toit, des bordures de fenêtres et des chainages d’angle « au plus beau rouge brique, le dedans  du corps du bâtiment est exposé au dehors comme les entrailles de la raie dans la série des natures mortes en hommage à CHARDIN  ou aux carcasses écorchées en hommage à REMBRANDT. « Dans l’église de CAGNES »  c’est le rouge de la femme  qui semble enfermé dans un tourbillon autour de l’église et le rouge du toit de l’église  dans des couleurs dissonantes de rouge.

 

« Qu’il éclabousse un arbre , le gilet d’un garçon d’étage , la robe de la femme en rouge dans « l’église de CAGNES », un bœuf pendu à un croc, un bouquet de glaieuls, une rue en espalier, le rouge est d’abord pour SOUTINE une couleur souveraine , le représentant  de ce qu’il cherche en peinture » ( Xavier  GiRARD). L’émanation du rouge est l’une des plus puissante du spectre des couleurs.   «  Le mas à CERET ou paysage aux toits rouges »de 1919 est soumis  au feu croisé de 3 géologies  rougeoyantes : Le rouge igné qui éclate dans les branches du premier plan et flamboie derrière les tuiles, le rouge spiralé des branches et le rouge cristallin  de la maison incliné. Dans les mouvements paniques du paysage, c’est l’élément rouge qui les réunit

Dans « les platanes à CERET » de 1920   on peut y voir à la fois  des flammes rouges  et des corps déjetées vers direction ascensionnelle .

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De la même manière dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  si on regarde le tableau à une certaine distance on ne remarque au centre  qu’une sorte de flamme qui traverse tout le tableau de bas en haut . C’est quand on se rapproche que cette flamme se transforme en forme biomorphique avec des yeux un bec , une tête.

La puissance du rouge est telle que parfois  sa fonction  est d’éclairer  violemment   par sa seule couleur, l’ombre verte d’un sous-bois  ou les fonds d’un portrait. Dans  » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le rouge seul éclaire le tableau du fond sombre de terreur qui sinon serait  qu’un fond noir.

 

Le rouge peut être aussi chez SOUTINE, un outils de traversée, d’enjambement spectaculaire comme «  LE VIADUC ROUGE  » de 1919. Dans le même ordre d’esprit que «  LE VIADUC ROUGE », dans  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » la forme biomorphique rouge traverse le tableau de  bas en haut et sépare les marais à gauche de cette forme  et la mer à droite, c’est la jonction entre les deux surfaces aqueuses. Le rouge de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  est comme une flamme  qui traverse le tableau

La série des glaieuls peints en 1919 est tout entière consacrée à la majorité des rouges., la couleur des fleurs  se détache de la fleur réelle  pour apparaitre  comme une modalité  de l’émanation  féminine des pourpres. Pour accentuer cet effet d’apparition flamboyante, SOUTINE fait surgir  le bouquet du fond des ténèbres

Le rouge c’est aussi le sang, la marque du sacré, la marque du sacrifice  mais aussi  la couleur interdite à montrer dans les animaux morts de la religion juive et pour cela SOUTINE ne manquera pas de transgresser  l’interdit avec ses peintures sur les bœufs écorchés

Le rouge et le noir sont les accords fastes de l’œuvre de SOUTINE. Les exemples abondent ou ils jouent les premiers rôles ce qui en font un thème répétitif et sidérant. » L’IDIOT» porte un uniforme noir  sur un fond rouge et fixe  le ton général du tableau.  « LA FOLLE », « LE  GARCON BOUCHER » «  L’HOMME EN PRIERE  »rendent eux aussi  hommage au rouge et noir.

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Dans « LEG WOMEN IN THE LANDSCAPE «  en simplifiant ou en regardant le tableau à une certaine distance on ne perçoit vraiment que deux tons, le rouge au centre du tableau et le noir pour le fond »

 

SOUTINE utilise aussi une grande variété de teintes pures et une gamme variée de toutes les couleurs pour leurs fortes qualités sensuelles et la manière de les appliquer donne un sentiment d’intensité qui est la pierre de touche de sa puissance picturale. . Il utilise 1 pinceau par couleur ce qui l’oblige à avoir à disposition de 10 à 20 pinceaux par toile qu’il manipule et nettoie comme des instruments chirurgicaux.  

SOUTINE n’est pas un peintre de lignes ni de contours. Les figures ne sont pas enfermées dans un corps. Dans « deux personnages dans  paysage »  de 1919, deux hommes marchent vers le bord gauche du tableau en allongeant le pas, ils se distinguent à peine  des ténèbres qui les entourent . Comme dans les tableaux de DE KOONING, les figures ne sont pas seulement dans le paysage, elles sont devenues le paysage.

 SOUTINE fréquemment amène la puissance humaine à la vie végétale qui se confondent ou s’interfèrent. Dans « place de l’ormeau » à CERET de 1920, l’arbre et la silhouette humaine  ne font  plus qu’un , les figures végétales  dans le paysage ont parfois des allures anthropomorphiques : dans « les grands arbres bleus » de CERET en 1922, les arbres alignés ont l’air de soldats en marche à l’entrée du village. Anthropomorphiques également les maisons  dans « paysage avec maison blanche «  de 1920-1921 dont une maison toute en longueur est  doté de taches noires situées de telles façons que l’on peut imaginer 2 yeux, un nez une bouche et un long corps sans membres tout a fait comparable à la forme biomorphique du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

Dans les tableaux de SOUTINE , nous sommes habitués à débusquer des personnages dans l’enchevêtrement de la couleur et cherchons parfois à surprendre leur présence là ou SOUTINE  n’a pas songé à les faire entrer. Par exemple dans « Rue de Pierre BRUNE » à CERET en 1921 cet amas de formes sombres à côté d’un arbre mort n’est sans doute pas un tas de cadavres mais le tableau y fait songer imperceptiblement. 


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 Dans  «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ,  des coups de pinceau  à l’aspect  indéterminé ressemblent  à des formes de  monstres marins et des mers mais  ont bien été pensés par le peintre ? Comme dans beaucoup de tableaux de DE KOONING, les couleurs enchevêtrent les unes dans les autres permettent une grande réserve de possibilités de la peinture.

 

 Dans les années 50, des lignes de contour de DE KOONING étaient dessinées au charbon de bois .Il peignait  avec du noir  Enamel  pour encrer l’image et apporter  de l’ordre à la couleur. A partir des années 60, l’ancrage des lignes est parti et tout ce qui restait était des grands coups de peinture, des taches aux contours indéterminés.

La logique de l’œuvre de DE KOONING ne réside pas dans sa cohérence rationnelle  mais dans la lutts sans fin  avec la peinture et ses possibilités. Il a résisté à chaque espèce d’idéologie, d’esthétique sociale, de philosophie ( ROSENBERG ( 1966)

 

 Chez DE KOONING l’influence de SOUTINE est surtout visible dans la fin des  années 60 et  les années  70 et c’est à cette période que le rouge vif à une présence constante dans ses tableaux  à l’exemple de ( RED MAN with MOUSTACHE )de 1971, « WOMAN IN THE WATER »-FLOWERS MARY’S TABLE . 

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                                                                        RED MAN WITH MOUSTACHE


LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en fait partie avec sa masse rouge au milieu du tableau

Pour les deux artistes, Les couleurs possèdent des pouvoirs qui excédent  le seul partage visuel , ils appartiennent au monde des affects, leurs impacts symboliques les différencient absolument des couleurs du fauvisme, cubisme ou autres écoles de peintures. Ils sont à la fois un vecteur lumineux et un vecteur individuel de chacun des 2 peintres notamment pour DE KOONING

 le rouge c’est selon les tableaux de SOUTINE  et DE KOONING , la cruauté, la passion, l’énergie, la colère, la puissance.

Les mouvements paniques du paysage et la topographie  vibratoire des couleurs  qui entrent en action   ont un élément qui les réuni c’est le rouge

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Le Rouge c’est aussi  la fonction qui éclaire violemment  au seul moyen de la couleur la figure centrale du tableau à mettre en valeur contre un fond sombre  C’est le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » et comme l’avait remarqué DE KOONING pour les  tableaux de SOUTINE qu’il avait vu à la fondation BARNES en 1950  « la lumière semble sortir de l’intérieur du tableau même » Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » il l’a repris à son compte , en effet la forme biomorphique du centre du tableau dominé par un rouge couleur de feu semble illuminée par un feu intérieur incandescent.

Nous verrons les chapitres concernant les portraits el les natures mortes l’importance essentielle du rouge.et sa symbolique avec le sang chez les deux peintres et le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est très représentatif à ce sujet. Le rouge de la tête de la forme biomorphique c’est le sang qui jaillit des blessures faites par les monstres

Si les deux peintres subissent l’obsession du rouge ( DE KOONING comme indiquée ci-dessus à partir de la 2eme moitié des années 60), ils exécutent des œuvres qui sont de prestigieuses  variations  de cette couleur combinées avec d’autres .

Chez SOUTINE, le rouge est souvent associé au blanc de la miséricorde et de la paix comme tableau « NATURE MORTE AUX HARENGS » ou les harengs d’un blanc éclatant sont posés sur un chiffon rouge

Chez DE KOONING il y a deux couleurs symboliques et propre au peintre comme le sont le bleu de KLEIN ou de MAJORELLE ce sont : le marron ( couleur du foie) et le rose ( de pink engel)

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                              COULEURS SPECIFIQUES A  DE KOONING

                              DANS LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE


                     

               MARRON ( couleur foie)               ROSE ( PINK ANGELS)



Le marron ( couleur du foie) . De KOONING a recherché à reproduire le marron  couleur du foie de son enfance, cela lui a demandé des mélanges savants pour retrouver cette couleur( mélanges d’une dizaine de couleurs), c’est donc une couleur qu’on ne retrouve pas ailleurs que dans les peintures de DE KOONING et une autre couleur est spécifique  de KOONING c’est le rose  de PINK ENGELS que l’on retrouve dans un grand nombre de tableaux ,il  représente la joie, le calme, la beauté, la chair,  C’est aussi une teinte spécifique , introuvable chez tout autre peintre

Ces deux couleurs Marron et Rose ,on les retrouvent dans  «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Ce fameux rose est la couleur de fond ,du dessin au dos du tableau que l’on trouve aussi avec des taches de la même couleur  sur la toile au dos.  Ce Dessin qui est un hymne à l’amour pour sa nouvelle muse Emilie KILGORE .

Le marron spécifique  couleur de foie se retrouve aussi par petites touches de manière pures en bas à gauche superposé à la couleur verte et dans des mélanges de peinture à droite du tableau

Dans » LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », le noir, le vert, les pigments , les couleurs  «  subissent de multiples transformations en couches de fluidité, et de viscosité de transparence et d’opacité et laisse des visions de leur intervention.


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Opacité dans la masse noire à gauche de la tête de la biomorphique, fluidité des formes vertes en bas de la forme biomorphique, transparence de couleur jaune orangée au pied de la forme biomorphique, viscosité  au niveau des rides noires en bas à droites  et dans le coin gauche du tableau.

On remarque un effet de flou en haut à droite du tableau auquel s’ajoute un mélange de couleurs incontrôlées. c’est sans doute du à l’application d’un journal qu’il appliquait sur la peinture fraiche  lorsqu’il devait ré intervenir sur la peinture une nouvelle fois et ainsi éviter qu’elle sèche trop vite  sauf qu’il semble dans ce cas qu’il ait  enlevé le journal en le bougeant latéralement et qu’il a laissé probablement la peinture inachevé telle quelle ce qui donne cet effet de flou .

 Ce qui semble justifier cet abandon à ce niveau est que juste à coté de cette zone flou , il y a un grattage de la zone qui a aussi été laissé telle quelle sans modification de la peinture. Cet inachevé peut aussi être interprété comme une anticipation des procédés  qui seront traités et utilisés  un peu plus tard chez les peintres Américains et qui donne un aspect d’inachevé  avec RAUSCHENBERG du mouvement NEO DADA précurseur du POP ART , renforcé dans le tableau  par ce qui ressemble aussi a du collage ( les collages d’images de RAUSHENBERG). Le collage c’est un problème que l’on rencontre  souvent de la manière la plus différente dans la peinture «  WOMAN » de DE KOONING.

DE KOONING utilise aussi le système de calque dans ses peintures en calquant  des parties de tableau et en les recollant à d’autres endroits ou bien en les reprenant  pour les placer dans d’autres tableaux

 

Ce système de calque  est visible dans cette forme biomorphique  de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui est un calque de WOMAN 1 ( étape 1) appliquée sur le tableau

A ce collage sous forme de calque placé et   retiré qui a laissé des traces de charbon de bois visible

Il y a aussi dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE l’effet d’inachevé  qui met aussi en lumière l’incertitude désespéré devant le tableau et pourquoi il ne peut pas être considéré comme achevé.

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Cet effet d’inachevé visible en haut à gauche  du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est engendré d’une part, par un grattage  sur  le haut de la tête de la forme biomorphique laissé en l’état sans reprises de peintures et d’autre part l’état de la peinture dans la continuité du grattage montre que le peintre a utilisé une feuille  qui a été pressée sur la toile dans le but de retarder autant que possible le processus  de séchage de la couleur. Le retrait a été fait ensuite sans  continuer   à peindre à cet endroit . Le papier ayant quelque peu bouger pendant le retrait cela donne l’effet de flou qui apparait dans ce tableau

 Cela laisse aux choses d’errer à travers l’espace plastique, de les faires disparaitre et réapparaitre et de rendre infini les possibilités dans le processus plastique de  DE KOONING, Cette expression  est le fondement de la liberté illimitée de l’invention plastique

Ces différentes techniques utilisées, inventées par DE KOONING ont stimulé l’imagination artistique pour recommencer ou continuer à peindre comme ce fut la cas par exemple pour WOMAN 1

 

 

SOUTINE  utilise une voie humide, une brosse chargée de placer  les arbres environnants, les collines et les maisons de telle façon qu’ils ont rempli  chaque pouce de ses toiles.

Après avoir vu Soutine, les tableaux de DE KOONING deviennent plus humides plus souples, plus riches. Il a aussi appris que les éléments d’ondulation , de distorsions, de torsions dans 1 tableau pouvaient avoir des effets spectaculaires et nouveaux qui peuvent devenir des éléments de corps humain , ou d’animaux .Des ondulés peuvent rappeler des bras, des jambes, des torses et de KOONING ne se prive pas d’en placer dans ses tableaux Tout cela se voit dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

la plupart des couches appliquées   sont  humides WET ON WET, peintures à séchage lent. Au bas du tableau les couleurs vertes , jaunes , oranges sont soit superposées , soit mélangées et encore visqueuses .

Certaines parties visqueuses noires  aux excès d’eau et d’huile de CARTHAME ont provoqué les rides     caractéristiques . Les mouvements des pinceaux sont visibles avec leurs courbures, les applications de peinture plus ou moins chargées jusquà  presque la transparence.

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 Certaines parties du tableau ont été mélangées à la brosse et donnent ce mélange de jaune, orange , vert que l'on retrouve aussi dans beaucoup d’autres tableaux dont celui  « RED MAN WITH MOUSTACHE

Comme dans les tableaux de SOUTINE de paysages,  ceux de DE KOONING excellent à incorporer des silhouettes à l’arrière plan de ses toiles et crée ainsi des formes ambigues et déformées .

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il s’agit de portraits qui semblent être une tête de “WOMAN” ,une tête  d’homme  comme les têtes grises de GIACOMETTI ,une chaussure à  haut talon, des monstres des marais et de la  mer prêts à dévorer leur proie.

La période de 1971-1972 date présumé du tableau  de DE KOONING “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  ,Il  part d’images figuratives comme  “ RED MAN WITH MOUSTACHE” ou “FLOWERS MARY’S TABLE”et ensuite sans préparation préalable il imagine par la peinture seule sans contenu, sans dessin des jeux de couleurs et des formes plus ou moins explicites. C’est sans doute ainsi qu’a été construit “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” à partir d’un calque central il a construit tout autour le scénario de son cauchemar sans contours  et sans preparation .

Dans certains tableaux  ses coups de pinceaux l’emenanaient pas toujours où il voulait aller. “LEG WOMAN IN  the LANDSCAPE” l’a emmené  vers la terreur et la mort alors il abandonna le tableau car il ne correspondait sans doute plus à son état d’ême qui avait changé depuis sa rencontre avec Emilie KILGORE. D’ailleurs il disait à propos de ses cauchemars et ceci est relaté par Mark STEVENS et Annalyn SWAN  “ Il était térrorisé par ses cauchemars qui au fil du temps il arrivait à maitriser”

 

Ces formes ambigues viennent du fait que aussi bien SOUTINE que DE KOONING ne font pas de dessins préparatoires. Le premier coup de pinceau  n’est précédé  d’aucune étude préparatoire ou ébauche séparée

Hormis les calques posés sur la toile comme  pour “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” cela peut donner lieu  à plusieurs séances de dessins au crayon  ou au pinceau dans le fond de la toile avant qu’Il juge la figure suffisamment aboutie pour commencer à peindre


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Pour le reste c’est par la couleur, l’épaisseur plus ou  moins importante ou la matière que paraissent les sujets, la figuration . Pour LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, il s’agit  des monstres des marais, de la mer, des têtes de “woman” et d’homme “ à la GIACOMETTI, de chaussure haut talon”

 Les calques disposés par DE KOONING sur les toiles sont malgré tout très peu visibles car les couleurs ne respectent pas les contours de ceux-ci ils les traversent de part et d’autres , se superposent et donc ne tiennent aucun compte des delimitations. C’est le cas de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE où la forme biomorphique qui fait l’objet du calque de la jambe droite de WOMAN1 ( étape1) est rognée de toutes parts par la peinture venant de l’extérieur de la forme néanmoins les traces du calque restent apparentes en transparence.



Couleurs et espace ne sont pas à entendre comme un contenant des choses  car les contours des choses débordants  de l’espace n’est pas l’enveloppe qui vient limiter ce débordement. Dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE Il n’y a pas de contours précis des êtres et des objets , c’est la peinture  qui fait contour. A droite la peinture a débordé  les traces du calque au crayon de bois qui restent  visibles en transparence sous la peinture.

 

Il n’en reste pas moins que DE KOONING contrairement à SOUTINE qui a très peu déssiné est un très grand dessinateur , ses dessins sont très nombreux et souvent faits dans des conditions très particulières à l’aveugle

Dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE “ au dos du dessin  on remarque  un genre d’hiéroglyphe qui s’avere être un dessin complexe  à multiples facettes selon qu’on le tourne de 90 degrés en 90 degrés sur les 4 faces.  1 er face, ce  dessin représente un portrait féminin ( qui parait être Emilie KILGORE) , 2eme face , un portrait masculin ( qui parait être Willem De KOONING) , 3eme face les noms de D KOONING et KILGORE imbriqués l’un dans l’autre  et une autre face qui pourrait resembler à un oiseau. Ce genre de dessin aux multiples facettes est très courant chez DE KOONING et tout à fait propre à  ce peintre  Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, s’il n’est pas signé au recto, mais ce dessin au verso est plus identifiable qu’une signature

 

 

Quoi qu’en dise les critiques, De KOONING  souhaite préserver  ce que les effets inatendus peuvent être considéré comme des défauts (fait de  rides craquelures, effet de flou, de peinture humide, de mélange  de peintures inconsidérées, avec l’eau les huiles de carthame, essence de kerosene)  c’est à dire ceux que l’on retrouve dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, cela fait partie de son processus créatif , de même pour SOUTINE avec les peintures humides, les paysages déformés qui créent de l’effroi, les paysages au bord des cataclysme, des tremblements de terre, les paysages incandescent de feu et de sang à la difference que SOUTINE ne supporte pas les critiques et préfére quand celles-ci sont  trop acerbes  de récupérer les tableaux incriminés  et de les détruire comme ceux non vendus dans son atelier où la critique est dure.

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Comme DE KOONING , SOUTINE  ne fait pas de dessins préparatoires, il attaque directement son sujet avec les pinceaux. On sait qu’il lui fallait un grand nombre de pinceaux entre10 et 30 pour 1 toile et les couleurs. Chez SOUTINE c’est aussi  de la couleur de la teinte elle-même et l’épaisseur plus ou moins importante de la matière que parvient le sujet qui fait la figuration.

Cette absence de dessins préparatoires  et l’attaque direct de la peinture parfois en couches superposées chez les deux peintres provoquent ce qui dans l’élaboration du tableau est accidentel. C’est au prix de ce danger que naissent les révélations esthétiques de la forme , rencontre du geste et de la couleur.

Comme indiqué ci-dessus  et qui est confirmé par GERDA une compagne de SOUTINE dans son livre” ses couleurs préférées sont le rouge vermillon, le cinabre incandescent , le blanc d’argent à l’époque ou je vivais auprès de lui. Il me semble qu’il aimait le vert véronèse et la gamme des bleus-verts qu’il utilisait  pour peindre les feuillages des arbres” il utilisait aussi le vert vermillon qui tire sur l’orange.”

Chez DE KOONING  le rouge apparait en force à partir des années 60 sous l’influence de SOUTINE ( Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le rouge domine tout le tableau). Dès le début de sa carrière  sa peinture préférée  très reconnaissable est le rose couleur chair, celle du tableau “PINK ANGELS “ de 1945   dont  il disait :(la chair  a été la raison par  laquelle la peinture à l’huile a été inventée). Nous trouvons le teinte exacte du  fameux rose chair reconnaissable entre tous  au dos du tableau  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  qui sert de fond au dessin appliqué sur la traverse en bois,  ce  même rose est disposé aussi   en différents endroits sur le dos de la toile comme ci le peintre avait nettoyé son pinceau de rose sur le dos de cette toile. Ce rose appartient à DE KOONING comme certains bleus à MATISSE et d’autres à KLEIN et à MAJORELLE mais dont chacun est unique comme une carte d’identité du peintre


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Autre couleur reconnaissable entre tous car propre à DE KOONING est le marron couleur du foie dont  il a essayé de retrouver la couleur exacte du foie de son enfance qu’on lui servait en Hollande.C’est une couleur unique qui est le resultat de longs essais,  d’un mélange d’une dizaine de teintes dont lui seul connait la formule. Ce marron on le trouve dans “MONTAUK HIGHWAY” de 1958, du  stade B de “THE VISIT” de 1966 sous forme des filets  de peintures marron . dans “WOMAN SPRINGS” de 1966 .Ce marron  couleur de foie on le trouve aussi  dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE “ sous forme d’étroits filets de peintures en bas à gauche et en  mélange à la couleur de fond en haut à droite . De KOONING utilise aussi différentes couleurs de vert , le mêmes verts que  Chez SOUTINE que l’on peut qualifier de vert morbide  du paysage de cagnes de 1923 en haut à gauche  , chez DE KOONING “ Man “ de 1967 en haut à gauche que l’on retrouve aussi   dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” en haut à droite mélange avec le marron couleur de foie.Il existe une autre variété de vert, le vert Véronèse  type M que l’on retrouve chez SOUTINE dans des tableaux comme “PAYSAGE”de 1923-1924 et dans LEG WOMAN IN THLANDSCAPE en bas autour de la forme biomorphique  juxtaposé avec le jaune et un mélange de jaune et de orange, jaune et vert véronèse M que l’on retrouve aussi dans des tableaux  comme” 2 enfants à  CHAMPIGNY” tableaux de 1942-1943. Ce même Jaune et vert Véronèse present aussi dans les tableaux de”WOMAN” des annérs 50 notamment WOMAN1, Toujours cette même juxtaposition  de vert Véronèse M dans des portraits de SOUTINE comme “ l’homme au chapeau  ,de 1919-1920

 

Dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, comme dans des tableaux de SOUTINE comme “ paysage à CERET” de 1920-1921, les couleurs sont  posées si proches  les unes des autres qu’elles se chevauchent et rendent les toiles presque indéchiffrables, les passages chargés de demi teintes sont particulièrement complexes, le ciel est généralement absent ou visible par de rares trouées.

Ici dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  toutes les couleurs sont imbriquées les unes dans les autres, Seule la forme Biomorphique au centre se détache de l’ensemble par sa couleur rouge vive aggressive.En prenant du recul , on ne voit que deux tendances de couleurs , 1 premier plan rouge feu sur un fond surchargé de couleurs sombres  indéfinissables. C’est en s’approchant près du tableau que l’on découvre toute la richesse des couleurs, des teintes, des pigments mais qui sont si proches et se chevauchant qu’ils rendent une grande complexité pour extraire tous les elements figuratifs

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Le fond avec les marais,la mer, les monstres les têtes de WOMAN et d’ homme à la Giacometti, la chaussure haut talon apparait dans le même plan avec la forme biomorphique, il n’y a pas d’espace, et le fait de glisser  l’un dans l’autre   fait qu’il n’y a pas de profondeur,  pas de profondeur entre le fond et les formes

Il en est  de même avec des tableaux de SOUTINE comme “ les toits rouges “ à CERET en 1923, tout est sur le même plan sans profondeur.

Les paysages de SOUTINE et” LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ont d’autres similitudes. Ils sont dans un monde de panique. En effet, Chez SOUTINE, dans  les paysages , le sol partout se dérobe ,, les maisons tanguent au bord du precipice Dans les paysages avec des routes , les petites silhouettes de personages solitaires sur la route  sont comme aspirées  par le paysage dans lequel il plonge pour s’y perdre.

 

Monde panique aussi dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE”où la forme biomorphique est aussi aspiré par les monstres des marais qui veulent l’entrainer dans le marais pour selon la legende des marais prendre possession du corps pour le transformer à son tour en être  démoniaque.

 

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LA MATIERE, LES TACHES , LES METAMORPHOSES , LA VIE

SOUTINE COMME DE KOONING donnent la vie à la matière .A partir de taches informes il en fait des êtres vivants .

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE avant  toute interpretation, le tableau semble  rempli d’élements fragmentés et incohérents, de taches de couleurs dispersées, de coups de pinceau  interrompus, de directions  de mouvement inopinément opposés qui se superposent, auquels viennnent  s’ajouter la grattage de certaines Zones, l’aspect flou d’autres zones, la formation de rides, de craquelures et finalement un aspect d’inachevé .Toute cette inconstance apparente au premier regard lié directement aux moyens plastiques et non à l'objet de la representation peuvent expliquer que les tableaux qui semblent abstraits, n’en sont jamais. Ces moyens plastiques sont chargés de sentiments, d’expressions, d’états d’âme qui donnent corps à des contenus à des representations même avec des formes que nous ne trouvons pas dans la réalité ,à des êtres déformés, démoniaques  ( forme biomorphique, formes de monstres, de  tête de WOMAN 1). Ces élements complètement évanouis dans la peinture semblent  abstraits et gestuels jusqu’a ce que  le regard puisse les dechiffrer. Pour un très court instant les choses disparaissent de nouveau dans la transformation de la peinture

 

 

SOUTINE utilise de taches grasses ce qui est notoire dans ses tableaux d’animaux écorchés aux entrailles ouvertes.

 De ce point de vue des taches, on les remarque aussi dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »taches noires brillantes à gauche , taches informes suggérant des monstres des marais et la figure de « WOMAN » glaçante  ,taches rouge au niveau de la tête de la forme biomorphiques  avec des coulures suggérant le sang qui coule.

De KOONING est un grand peintre des lignes dans ses dessins et un grand peintre des taches dans ses peintures

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Dans “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE”   A partir d’une toile sans peinture de fond il place au centre dans toute la hauteur du tableau ,  les contours  du calque  fait au charbon de bois , d’un extrait de corps de WOMAN 1 ( étape1) qu’il retourne sur la toile . il en reste des residus de charbons de bois qui feront la trame du tableau . Tout autour viennent se greffer de taches de peintures  , les unes noires, les autres vertes , oranges…. Pour certaines il leur donne la vie. Des taches noires à gauche en bas il en fait des monstres des marais  sous le commandement   d’une “WOMAN” tête ressemblante aux WOMAN de DE KOONING des années 50. A droite de couleur verte et orange ,  des monstres des mer, sortes de reptiles, poissons. Tout le reste du tableau est rempli par d’un coté des peintures et coups de pinceau  suggérant  les eaux du marais  avec quelques  trous de lumière ( reflets du ciel) et de l’autre, peintures et coups de pinceau suggérant  le flux et le reflus de la mer.

Dans des tableaux de SOUTINE comme  “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” le point commun c’est le paysage qui inspire la  panique, la terreur dans l’action , ils sont sombres, , apocalyptiques, chaotiques , sismiques,   chez SOUTINE , démoniaque, terrorisant chez DE KOONING. Ce ne sont pas des peintures rétiniennes  mais des peintures qui déclenchent des émotions dans l’action

SOUTINE comme DE KOONING utilisent des  courbes  dans leurs tableaux pour donner de la vie ,du dynamisme avec de multiples balayages qui donnent à leurs paysages une beauté troublante

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , les courbes et les balayages sont utilisés pour montrer  les mouvements de flux et reflux de l’eau autour de la forme biomorphique  ainsi que pour animer tous ces monstres des marais et  la mer qui gravitent autour de la forme centrale pour la neutraliser


 

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 On retrouve ces mêmes mouvements de flux  et de reflux par l’emploi de courbes dans le tableau WHOSE NAME WAS WRITE IN WATER 1975”  



Les formes au potentiel métaphorique sont monnaie courante dans l’art modern. On en trouve chez PICASSO, BRAQUE, KLEE,MIRO , ARP et bien d’autres.Chez PICASSO ou BRAQUE , les formes ont une signification déterminée  mais ont été déformées de telles manières qu’elles en suggèrent une autre .soit de formes particulièrement indifférenciées comme les élements biomorphiques d’ARP, des formes à tout faire si l’on peut dire qui évoquent presque inévitablement plusieurs choses.

C’est ce genre de forme biomorphique que l’on trouve dans “ LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE Le depart du tableau est le calque de la jambe droite de “WOMAN 1” étape 1 qui a été transformée en une forme biomorphique anthropomorphe auquel a été rajoutée des yeux, un bec , un corps qui  reste sans membres  à la manière d’un reptile , d’un poisson.

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 Cette forme existait déjà chez DE KOONING sous la forme d’une petite  Sculpture numérotée 10 qui avait été effectuée d’abord en platre puis en bronze lors de sa visite chez son ami sculpteur Emanuel  HERZL à ROME


Chez SOUTINE  les formes métaphoriques peuvent découlées de différents éléments. Ce peut être comme dans le tableau “ LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE une forme déterminée au depart qui a été transformée, déformée, en un être vivant biomorphique anthropomorphe  comme les exemples des maisons blanches” PAYSAGE AVEC MAISON BLANCHE” “ Les maisons” aux allures fantasmagoriques  dotées d’yeux , de nez, de bouche et de  corps penchés qui semblent en mouvements avec des expressions de panique de peur comme si elles s’attendaient à un  cataclisme , un tremblement de terre




Les métaphores peuvent prendre aussi d’autres formes qui elles n’ont pas été transformées physiquement et qui ont une double signification à l’exemple des tableaux “ chiens aux fourchettes” ou “ lièvres aux fourchettes” où les fourchettes de natures mortes,  prennent la signification de mains

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PEINTURES GESTUELLES, TACTILES

SOUTINE et DE KOONING appartiennent à la lignée des peintres de la matière et  du geste par lesquels l’action technique  importe tout autant et parfois plus que le sujet. La peinture pour eux  est avant tout un geste créateur et physique.

C’est déjà avec les vénitiens du XV eme siècle  qui ont été les premiers  à rendre la touche visible en abandonnant la transparence du glacis mais les impressionnistes ont été les premiers à rejeter les principes  académiques pour que la touche devienne visible de manière  ostensible afin d’impliquer le spectateur dans le processus de fabrication , via la trace du geste qui en est l’origine. Qu’Il soit saccadé, violent ou minutieux le geste induit un sentiment , une émotion, un caractère

Harold ROSENBERG a qualifié DE KOONING de peintre gestuel, il voit le peintre

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La nature picturale commune à SOUTINE et DEKOONING  se distinguent par leur approche commune de l’observation empirique mais aussi leur rapport avec l’art traditionnel profondement ancré dans la réalité

Dans le cas de SOUTINE, c’est la réalité de l’objet, du paysage et du personage devant lui

Dans le cas de DE KOONING  c’est ce qu’il pense être reel et reste connecté au monde observable

Le geste pictural qui est avant tout un geste physique  qui  induit un sentiment, une émotion, un caractère

“SOUTINE dans les paysages de CERET avec leurs gestuelles  , leurs distorsions fascinantes rappellent les tourbillons et les touches spontanées  des grands tableaux de TINTORET sans parler des formes allongées  et tortuaires des derniers tableaux du GRECO “ ( Simonetta FRAQUELLI)

On peut en dire autant de “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” avec des couleurs qui rappellent aussi TINTORET avec personnages à tuniques rouges et fonds sombres , ces personnages de saintetés martyrisés ou de  jesus mis en croix  en rapport avec la forme biomorphique  de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ,pieds liés  et dévoré par des monstres en rapport aussi avec LE GRECO  par les formes allongées et tortuaires

SOUTINE comme DE KOONING ont toujours été des peintres tactiles. DE KOONING  dans les sixties  et seventies , ses mixtures  fouettées d’huile de CARTHAME d’eau et TURPENTINE ont donné  d’extraordinaires accentuations et il aimait dire “ je suis le plus grand mixer de peinture du monde

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE les effets tactiles se remarquent sur les rides  principalement qui donnent un aspect rugeux à la peinture et au niveau du grattage qui laisse apparaitre les différentes couches de peintures  qui sont soit superposées soit mélangées sans se dissoudre l’une dans l’autre

Le travail gestuel chez DE KOONING  se retrouve dans l’organisation de ses “WOMAN “ des années 50. La touche chargée de couleurs remplit 2 fonctions; Centrifuge , elle s’enroule autour de la figure, faisant du fond un élement de contournement de la figure , aggressive elle attaque par endroits le corps de la femme , la liant au fond et provoquant une confusion visuelle ( CLAIRE BERNARDI)


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On remarque un travail gestuel identique dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE . Autour de la forme biomorphique,  des mouvements s’animent   à la fois de touches chargées de couleurs qui   remplissent les creux resultant des sinuosités de la forme .Les touches à gauche de la forme sont  centrifuges et de l’autre à droite sont centripètes , d’autres encore  s’enroulent  autour de la forme biomorphique   liant le fond et la figure provoquant une masse inextricable et  ainsi  une confusion visuelle comme les “WOMAN

Il en est de même avec  SOUTINE, Dans certains Paysages de SOUTINE comme (La colline de CERET  ),les arbres , les maisons, les chemins ne forment plus qu’une seule et même masse en mouvement  réduite en un amas saucissonné en mouvement entourés de faisceaux  erratiques  de mouvements souvent vers la droite. La juxtaposition est devenue assemblage inextricable. Il n’existe pas entre les figures et l’espace de séparation pertinente

Ainsi L’usage de la touche chez SOUTINE lie inextricablement figure et fond comme dans le tableau LEG WOMAN IN  THE LANDSCAPE annulant toute profondeur  et toute perspective

C’est probablement  la transformation  de la matière picturale en matière organique qui fascine le plus DE KOONING, la magie du geste qui transforme la peinture en matière vivante

Le peintre  admire en SOUTINE , le peintre de la chair. Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » c’est la chair qui est au centre du tableau et qui est malmené, le sang dégouline sur la surface de la toile

 

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 LES FORMES, LES FONDS, LA VISION DE LA PROFONDEUR

Dans l’art moderne, les formes aux potentiels métamorphiques sont monnaie courante ,qu’il s’agit de BRAQUE, DE PICASSO ,DE ARP, DE KLEE ou de MIRO et bien d’autres. Il s’agit comme PICASSO de formes qui ont une signification déterminée mais qui ont été déformées de telles façon qu’elles en suggèrent une autre comme les significations du taureau  ou  du cheval dans GUERNICA  ou comme ARP de formes biomorphiques   particulièrement indifférentiées et qui peuvent évoquer inévitablement plusieurs choses.

Dans LEG WOMAN in the LANDSCAPE la forme principale est le calque de la jambe de WOMAN 1 (étape1) qui a été transformée en forme biomorphique qui dans le contexte du tableau pourrait  être un autoportrait de DE KOONING . On y trouve aussi une  tête  de “WOMAN” en  tête démoniaque  et une  tête . fantomatique à la GIACOMETTI c’est le peintre lui même qui se voit dans son cauchemar dévoré par des monstres des marais , c’est a dire dévoré par ses démons que sont ses addictions à l’alcool, ses maladies,  toutes ses déceptions qu’elles soient amoureuses ou en rapport avec sa peinture

DE KOONING  avait dit à son amie Emilie KILGOREla peinture occupe la surface comme une substance vivante qui bourgeonne et se décompose  et qui regorge de formes”.Certaines d’entre elles sont immédiatement reconnaissables, la plupart sont ambigues d’autres sont totalement inidentifiables

 

Chez DE KOONING certaines formes apparaissent  sans que l’on y voit  necessairement une utilité, une explication  dans le tableau. De KOONING s’en explique dans un entretien avec David SYLVESTER en prenant un exemple  “Je veux que le tableau tout entier  ressemble à une bouteille, a un tas de bouteilles….Si j’ai vraiment  en tête  l’image de cette bouteille, elle ressortira dans le tableau. Ca ne veut pas dire que les gens  y verront une bouteille, mais je sais que si je réussis, elle y sera. Ils pourront choisir leur propre interpretation.”

 “

Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la bouteille c’est la jambe droite extraite de  WOMAN1 ( stade1) que le peintre veut nous monter et qui est transformée en autoportrait de la même manière que pour certains critiques “WOMAN 1” dans son ensemble est aussi l’autoportrait de WILLEM DE KOONING.


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En bas à droite du tableau   , il semble y avoir un chaussure à haut talon que le peintre a placé là  parce qu’il l’avait en tête. Cette  chaussure  à haut talon  revient de façon récurrente dans ses tableaux sans que les critiques qui ont étudié l’oeuvre de DE KOONING y voit une raison évidente




De même pour SOUTINE, Les portraits déformés , ( GROOM,GARCON D’ETAGE, pourraient être des autoportraits , idem pour le lièvre mort, le faisan pendu “c’est lui, lui même par autoflagellation , il a remplacé par lui même  le boucher de son enfance qui  tient le crochet et le couteau et se menace, se lacère” ( Xavier GIRARD)

 les maisons qui deviennent animées d’un caractère anthropomorphique, les arbres qui se transformant en armée de soldats etc.

De toutes ces formes dans le paysage ce n’est pas le motif qui importe le plus  , la forme proprement dite ,mais les forces, l’énergie  qu’elle déchaine, les sentiments de désespoir, éventuellement de haine, de peur, de souffrance des deux peintres

Chez SOUTINE  ces métaphores, ce sont peut être aussi  les échos de la parole entendue de la religion juive  au temps de son enfance, qu’on lui avait enseigné  et qu’Il a continullement transgréssé et profané  dans sa manière de vivre , son rapport avec le sang, avec les animaux morts, avec la peinture, les portraits. Il exprime dans ses paysages ses peurs des reactions divines à ses transgressions. Dans ses peintures, ses coups de pinceau sont filtrés ses angoisses et il semble pratiquer la peinture comme un acte de dévotion.

Comme la bouteille  dont  parle DE KOONING , chez SOUTINE il existe aussi des formes qui semblent ressortir dans le tableau que certains verront ,d’autres ne verront pas ou même que certains verront à un moment donné pour ne plus le retrouver par la suite. Ainsi   “   HESS   “nous relatent qu’en regardant le tableau “ COLLINE DE CERET “ il y voit un sorcière  au nez crochu , un foulard noué dans les cheveux tenant au collet un dragon accroupi et qu’à d’autres moments quand son regard reste un long moment au même endroit , il ne retrouve plus la sorcière


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Cela fait penser aussi à  ce que disait DE KOONING à ROSENBERG dans un entretien: “Si vous regardez un REMBRANDT , par exemple, un homme se tient debout là-bas, ce qui rend celui-ci réaliste,ce n‘est rien d’autre qu’une association. A coté de lui il y a une silhouette  noire. Vous savez que c’est un homme aussi. Mais  si vous regardez l’endroit pendant lontemps, il n’y plus de raisons de penser que c’est un homme”

Dans le tableau “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE “ et la plupart des tableaux de paysages de CERET  ou de Portraits  de SOUTINE,les deux peintres ne séparent pas la figure ou  le portrait du fond. L’un et l’autre sont imbriqués et se confondent pour s’y perdre ,il n’y a pas de profondeur ni de perspectives,  seule la peinture  et les épaisseurs de peinture  font  le contournage des éléments figuratifs

Chez SOUTINE, l’espace est effroyablement compréssé, il n’y a pas de vide, il n’y a pas d’espace , tout s’y tient , pas de contours des objets et des êtres vivants comme délimitations Le meilleur exemple est “la colline de CERET

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ,les relations  de la figure centrale biomorphique obeissent à une double contrainte

D’un coté, Comme indiqué ci dessus , les figures sont imbriquées les unes dans les autres car dans le tableau il n’y a pas de profondeur , de perspectives et d’espace tout est concentré: formes biomorphiques, marais, mer, tête de  “WOMAN” tête d’homme , chaussure à haut talon, monstres, reflets du ciel sur l’eau, il n’y a pas d’espaces de perspectives entre les formes. La distinction conventionelle entre le premier plan et le fond disparait  des surfaces

Mais d’un autre coté l’accord entre toutes ces  formes est impossible car elles se rejettent Il y a incompatibilité entre la forme biomorphiques et les formes noires indeterminées ( monstres), entre les marais , la mer et la forme biomophiques qui se  repoussent dans leurs rôles figuratifs

Il en est de même dans les tableaux des paysages de SOUTINE comme “ la colline” de céret  ou tout est mis en  dessus-dessous ,concentré ,imbriqué, se tord, s’entrechoque , se disloque, s’enroule  mais pas forcement en accord les uns  avec les autres. Les figures de personnages, de sentiers, de maisons sont là  pour donner au chaos general une apparence de normalité,  l’ensemble  met en commun toutes les energies qui représentent  une puissance inouie  pour lutter contre les forces maléfiques que semble redouter le peintre alors que dans LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE “se sont les puissances du mal qui semblent  s’unir contre la pauvre forme biomophique qui est bien seule pour resister


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Les deux peintres, SOUTINE dans ses paysages de CERET et le peintre de “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” ne peignent pas l’apocalypse  en racontant une histoire mais saisissent au vol leur réalité divageante du quotidien

 

La vision de la profondeur chez les deux peintres montre que dans les paysages de CERET ou de CAGNES pour SOUTINE ou “LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” pour l’autre peintre,la grandeur apparante d’un corps physique percue  n’est pas seulement le signe de son éloignement spacial par rapport à notre corps mais une manière d’exprimer notre vision de la profondeur.

Chez SOUTINE,la disproportion de la grandeur d’une maison dans le paysage est alors comprehensible comme la perception de cette maison vue par le peintre. Autre exemple  avec “ la route montante “de 1921, les maisons semblent se trouver sur une colline mais ells ont les dimensions qu’elles pourraient avoir si elles étaient au premier plan. La profondeur des maisons est donc rendu par le peintre d’après son experience perceptive de la grandeur apparente en tant que grandeur  variable  de la même chose differemment situé par rapport à lui

Dans LEG WOMAN in the LANDSCAPE de la même manière  le forme biomorphique  prend toute la place du tableau de manière disproportonné par rapport  au paysage jusque dans les couleurs mêmes ou le rouge incandescent et la proportion de la forme rend Presque dérisoirte le reste du tableau  qui fourmille pourtant de multiples éléments . Le regard est donc destabilisé quand on regarde l’oeuvre au même titre que pour les oeuvres de SOUTINE.

En ce qui concerne l’aspect des fonds chez SOUTINE, les portraits ont un fond généralement plus sombre pour investir l’espace  que le 1er plan plus lumineux  mais dans les paysages de SOUTINE eDE KOONING  Profondeur et 1er plan disparaissent  tout semble enchevétré sans espaces. Les coups de pinceaux  se superposent, se chevauchent , s’entrechoquent .


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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , le fond est sombre fait de couleurs froides, noires, grises, marron, vertes alors que le 1er plan de couleurs chaudes faites de rouges , oranges, jaunes,roses mais Fond et premier plan sont imbriqués l’un dans l’autre  comme si le premier plan voulait se detacher du fond et sortir du tableau  mais que le fond l’en empechait  d’ou cet enchevétrement pour interdire tout mouvement du  premier plan. Pour être concret le premier plan , c’est la forme biomorphique , anthropomorphique, qui est tenu prisonnière des monstres  dans leur environnement de marais et mer des Long ISLAND

 

DOUBLE VISION ,VERTICALITE ET HORIZONTALITE DES TABLEAUX

Dans des natures  mortes de SOUTINE comme “nature morte aux harengs” ou “ plat ovale , les tableaux nous apparaissent dans la verticalité ce qui semble contre nature car le déséquilibre est tel que dans nature morte aux harengs les harengs glisseraient vers le sol. La position d’accrochage est donc verticale mais la position de lecture du tableau est horizontale.

Il en est de même  du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. Pour l’accrochage  le tableau nous montre la forme biomorphique en position verticale alors que la lecture se fait à l’horizontale. Dans cette position  horizontale  la forme biomorphique se situe au dessus des surfaces aqueuses de marais et mer en suspension dans l’air et est attaquée par des monstres des marais  et mer qui essayent d’entrainer cette forme dans leur milieu d’eau pour le dévorer.

En position verticale nous remarquons que le sang coule de la tête vers le haut  ce qui est contraire à l’attaction Terrestre et autre incompatibilité dans la position verticale , la chaussure  à haut talon se trouve dans une position également verticale  ce qui signifie que le tableau a été travaillé  dans une position horizontale  et verticale inverse pour laisse dégouliner le sang  en position  inverse de l’accrochage.

On a donc l’impression  que la verticalité et l’horizontalité sont traités de manière à faire douter de leur stabilité et que le haut et le bas ne sont pas des mesures selectives. La relation à l’espace est transcrite uniquement à travers l’emploi des couleurs et de leur vibrante résonance perceptive, un peu comme si William Turner était de retour parmi les expressionnistes « abstraits » ! Les teintes s’interpénètrent et partagent leur luminosité : le rose et le jaune, par exemple, tendent à se confondre ; le bleu et le marron semblent presque indistincts dans les profondeurs de l’image. On dirait que la palette a été atténuée, de sorte que les couleurs ne se détachent pas vraiment les unes des autres. La fragmentation des toiles précédentes disparaît et avec elle l’influence émotive de leur rythme saccadé. juan PORRERO)

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LES APPLICATIONS DANS LES TABLEAUX « LEG 

WOMAN IN THE LANDSCAPE »

Dans la plupart des tableaux de DE KOONING, les applications de peintures et autres matériaux induits sont extrêmement variées, superposés , intriqués  les uns sur les autres  et si petits qu’ils peuvent ne plus être aperçu par le spectateur.

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » avec du recul, l’œil ne voit qu’un premier plan rouge incandescent et des teintes chaudes de orange et jaune. Tout le reste est noyé dans l’obscurité du noir marron et gris. Seul se détache  quelques ilots de clarté dus au grattage de la peinture.

Au premier regard, le centre du tableau semble être une flamme traversant la hauteur du tableau de  bas en haut dans un fond noir

Cette sensation de verticalité d’une flamme en combinaison avec des diagonales crées par des coups de pinceaux donnent une impression de mouvements peut faire penser au tableau de VAN GOGH «  La nuit étoilée » ou sur la gauche des cipres peuvent être comparé aussi à de longues flammes s’élevant vers le haut.

Autre exemple chez POLLOCK avec le tableau  «   the flamme » ou des flammes  rouges incandescentes, jaunes remplissent le tableau

Enfin dernier exemple de MIRO ou les flammes ont consumé en réalité des tableaux de MIRO (Toile brulée II de 1973)

 

Pour LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE,Il faut se rapprocher pour voir toute la richesse du tableau ( Monstres des marais et de la mer, chaussure haut talon, tete d’homme similaire à tête grise de GIACOMETTI, Tete similaire au « WOMAN »des années 50, flux et reflux de la mer, reflets du ciel dans les marais,  rides dus au vent soufflant dans l’eau  , peinture dégoulinante de rouge  pour effet de sang coulant de la tête de la forme biomorphique et beaucoup d’autres choses encore. Ce qui est étonnant et qui a été remarqué par  Richard SHIFF , professeur de l’histoire de l’art et spécialiste de DE KOONING est que le spectateur des œuvres de DE KOONING » expérimente la prise de conscience paradoxale que l’observation d’un  détail implique de voir l’ensemble »


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  Ce tableau je l’observe depuis des années, je ne m’en lasse jamais et il m’arrive encore aujourd’hui de découvrir de nouvelles choses qui m’apparaissent pour la première fois et d’autres que je ne retrouve plus comme le critique Thomas HESS disait d’un tableau de SOUTINE  en 1951 « la colline de CERET »’ : «je vois la colline et la maison qui la surmonte et sur la gauche  une sorcière avec un nez crochu , un foulard noué dans les cheveux tenant au collet un dragon accroupi. Quelques minutes plus tard, j’ai quelques difficultés  à retrouver certaines de ces formes. Peut être le paysage va-t-il réapparaitre  avec les routes, ses rangées d’arbres , ses bandes de terre et ses nuages filants, mais c’est la façon dont il manipule  le pigment  qui a hissé son sujet de la représentation de la nature a une sensation intime de terreur de violence et de peinture »

L’exposition de 1950 au MOMA sur SOUTINE a montré à DE KOONING un artiste moderne qui utilisait des coups de brosse sans bordures plutôt que des lignes qui coupaient la peinture et qui délimitaient les surfaces.

De ce point de vue les tableaux de SOUTINE et DE KOONING sont assez ressemblants, les formes sont sans contours, il n’y a pas de dessin préparatoire, c’est la peinture, la couleur , l’épaisseur plus ou moins importante  qui font le sujet  et non les lignes qui font les contours et cela reste assez vague et fait dans la rapidité pour  laisser place à l’imagination, parfois les formes se superposent ce qui rend encore plus difficile leurs interprétations ou bien les formes sont abstraites , elles ne sont que des peintures pour mettre en valeur que des couleurs mais il y a toujours à l’origine une forme particulière. Il est important pour l’artiste que dans l’ambiguïté intentionnelle des formes abstraites se cachent des rappels de figures humaines, des animaux, des paysages. DE KOONING disait : «  les formes abstraites doivent avoir des ressemblances » et les représentations sont toujours très proches de ce que peut faire un pinceau. »

Pour SOUTINE comme pour le peintre de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le drame, l’amour, la vie, la couleur, la lumière, se placent dans leurs œuvres à travers les inventions de leurs pinceaux, non pas dans leur objet mais dans la façon dont ils sont peints.


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Pour les deux peintres leurs arts avaient été vus comme brutaux mais la sauvagerie de beaucoup de leurs tableaux n’était pas appliqués par les attitudes que les peintres exprimaient vis-à-vis de leurs sujets  mais de la manipulation des matériaux

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »l’agressivité, la brutalité, la mort, sont sous-jacentes, elle ne sont pas visibles  par des attitudes au contours déterminées mais par la peinture elle-même qui symbolise ces attitudes , la couleur rouge du sang, la couleur noire des monstres qui attaquent la forme biomorphique qui ne peut se défendre, l’ombre d’un visage incapable de réagir à la scène , une chaussure a haut talon dans le tableau qui est peut être la seule chose qui reste d’une attaque  précédente ?, La scène n’est pas agressive par les sujets qui ne sont pas déterminés et identifiés comme une photographie.

 

 

Il y a une anecdote d’une compagne de SOUTINE qui avait écrit un livre . Elle avait relaté que chez lui et dans son atelier il ne prenait aucun soin , tout trainait dans la saleté excepté ses pinceaux qui étaient d’une propreté extrême. Il en prenait le même soin  qu’un chirurgien pour ses instruments chirurgicaux. Cela montre bien l’importance pour SOUTINE de ses pinceaux

 

 Tout aussi soudainement  qu’une forme linéaire frappante de combinaison de couleurs apparait  dans l’œuvre tout ou partie ,peut s’éclipser et il y a toujours la possibilité que ça soit différent et donc pour DE KOONING comme SOUTINE  un tableau n’est jamais une fin en soi.

 

 

 Pour DE KOONING  parfois à partir d’une forme d’un tableau , celle-ci est reprise  pour créer l’origine d’une nouvelle  œuvre qui contient donc une image similaire. C’est le cas de LEG WOMAN IN THE LANDCAPE qui à partir d’une jambe de WOMAN de l’étape 1 réalise ce tableau en 1971

Ce tableau  comme ceux de SOUTINE  sont tout en suggestion  permettant  une imagination sans limites et chaque spectateur peut voir  dans ces tableau une chose qu’un autre n’a pas vu.

 

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Cela me fait penser à une phrase de MIRO qui disait :  « Dans un tableau  on doit découvrir de nouvelles choses à chaque fois qu’on le voit- on peut regarder un tableau pendant une semaine et ne jamais plus y penser ou regarder un tableau et y penser toute sa vie.. ce qui compte c’est ce qu’il répend, le tableau doit être fécond, il doit faire naître un monde, quelque chose de vivant.. »

Il existe malgré tout une différence dans les formes entre DE KOONING et SOUTINE. Les tableaux de DE KOONING contiennent des fragments de corps dans les paysages ou les tableaux divers. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ( Jambe de WOMAN1 , Tête de WOMAN, Tête d’homme, Tête d’animaux, corps serpentin de reptiles,  1 chaussure haut talon ) alors que dans les paysage de SOUTINE, il n’y a pas de fragmentations  que ce soit les humains, les animaux ou végétaux. Les éléments des paysages de SOUTINE  sont représentés dans leur unité entière.

 

 

LES MONSTRES DANS LE PAYSAGE  DE SOUTINE ET « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

 

On connait l’intérêt  de DE KOONING pour l’art du passé, la qualité grotesque de ses premiers portraits masculins ou les fragments figurant dans ses œuvres comme « EXAVATION » ont été comparés à l’imagerie de ses ancêtres néerlandais REMBRANDT, TITIEN mais aussi BRUEGLE, BOSCH. Il a utilisé des imageries de ces deux derniers, notamment, «  LE TRIOMPHE DE LA MORT » et « LE JARDIN DES DELICES » ou des monstres, des êtres diaboliques, dévorent, tuent des hommes. On en retrouve des signes dans des tableaux comme « VISIT » ou un monstre apparait sur la gauche, la gueule grande ouverte prêt a dévorer des humains ou « THE MAN »qui dérive de « WOMAN ON A SIGN 1 » Le personnage central dans une pose ambiguë de jambe écartée comme une grenouille, exprime la nature bestiale de l’animal humain . Il semble assis sur une chaise dévorant avec un plaisir charnel une forme semblable à de la chair et excrétant en même temps  ,une bande de peinture marron ,sur la tête est posé une masse brune jaunâtre comme la bouilloire renversée d’une image qu’on retrouve dans le panneau de « L’ENFER » de Hiéronymus BOSCH « LE JARDIN DES DELICES » En effet selon Harry F GAUGH , historien d’art, ce panneau est à rapprocher de« Man » ou un personnage à tête d’oiseau représenté comme Satan ,assis sur un haut tabouret dévore un pécheur tout en excrétant d’autres au fond de son trône dans une bulle gazeuse avec au  dessus de sa tête une bouilloire inversée.

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            MAN 1967                  EXTRAIT DU JARDIN DES DELICES( Huronimus BOSCH)

       (DE KOONING)

 

L’historien de l’art « David AFAM «  a fait valoir de façon convaincante que les traits agrandis er déformés de l’éblouissement des figures masculines des années 60  ou DE KOONING prend exemple sur les maîtres Hollandais avaient la fascination de DE KOONING par l’angoisse, la caricature, le désespoir, la distorsion corporelle, l’agitation, le jugement et la transcendance éthérée  avec les œuvres  de ses prédécesseurs. Il a suggéré que MAN de 1967paraphrase les démons dévorants  les humains en bas à droite  du « jardin des délices «  de BOSCH.

Pour de nombreux artistes, les représentations du peintre Néerlandais faisait état de créatures fantastiques et diaboliques souvent moralisateur, représentation du pêché et de la folie qui incarnaient aussi l’angoisse des temps modernes.

 

Si ce tableau “ LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE” lui a pu être été inspiré par ses cauchemars, il aurait pu l’être aussi par des tableaux de Hieronymus BOSCH,BRUEGEL,GOYA,SOUTINE ou BACON comme il aurait pu être inspiré pour d’autres de ses peintures à l’exemple de « MAN »de qui dérive de « WOMAN ON A SIGN 1

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En effet,Le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » semble avoir un rapport avec ses cauchemars  dont il était terrorisé ,qui se passent dans les marais de LONG ISLAND. Dans le livre de STEVENS/SWAN il est relaté ces paroles de DE KOONING :  «  J’ai  fait des cauchemars pendant longtemps, un monstre m’attaquait , un monstre énorme …..». Au fil de temps il arriva à maitriser ces monstres assoiffés de sang et de meurtres. Ses idées noires cauchemardesques ne sont t’elles pas dues aux angoisses qui habitaient DE KOONING, cette année de 1971 ou fin1970 avant qu’il ne rencontre sa muse Emilie KILGORE qui va le changer  totalement d’état d’esprit et sa vie

 

En effet c’est une année difficile pour DE KOONING. C’est la période de litige aux tribunaux avec un ancien marchand JANIS SIDNEY, période aussi  de difficultés avec sa fille LISA et ses mauvaises fréquentations , année ou il n’a plus de marchand officiel, FOURCADE qui le suivait  ayant quitté KNOEDLER et  toujours ses addictions à l’alcool qui ne s’arrangent pas

Il faut savoir aussi que DE KOONING avait la phobie des monstres , de l’eau et des bateaux. Il avait entendu cette légende qui concernait ces marais de LONG ISLAND ,Ces RUSALKES, êtres mi-femmes, mi-poissons qui vivent dans les marais et guette la nuit venue les voyageurs imprudents pour les attaquer à mort, intégrer leur personne pour devenir à leur tour des RUSALKES

Les cauchemars dont nous parlent DE KOONING n’auraient t’ils pas une rapport avec ces RUSALKES  qui sont repris dans ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Ici , la forme biomorphique qui se trouve à la lisière à gauche des marais et à droite de la mer est attaqué par tous les fronts de monstres des marais et de monstres des mers qui le dévorent  sur le flanc gauche. Dans son cauchemar cette forme biomorphique , anthropomorphe avec des yeux, une bouche serait le peintre lui-même qui se regarde  par la forme d’une ombre humaine qui ressemble à une tête grise  de GIACOMETTI en haut à droite du tableau

 

SOUTINE dès son enfance dans l’école Talmudique qu’il fréquenta   avait entendu parler du « GOLEM » et on évoquait terrifié le » DIBOUCK » ainsi que les démons qui sont là  et rodent partout parmi les humains et qui sont dangereux, la superstition  qui a inventé  mille et un moyen de se garder d’eux le sait  bien

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Ces démons, êtres maléfiques sont partout  on les retrouvent  dans les paysages  de CERET et CAGNES dans les portraits et autoportraits sous formes humaines , ce sont eux  qui gonflent les lèvres, aplatissent le front, ridiculisent le nez et les oreilles ,  dans les formes animales, organiques, biomorphiques , sous formes d’ombres diffuses ou sous formes d’esprits qui pénètrent l’âme de ces portraits qui sont en fait des autoportraits aux visages défigurés .

SOUTINE se moque de lui-même  et des démons qui l’habitent. Son travail devient  non seulement un  acte de transgression comme on peut l’attendre  de tout créateur inspiré mais un acte de profanation, blasphématoire

SZITTYA Emil  ( critique d’art) a écrit que l’esprit de SOUTINE se peupla de chimères fantastiques. Il faut prendre le mot dans tous ses sens et penser aux portraits qu’il fera : visages de chèvres, portraits de Lions rouges parfois comme  les flammes que crachent le dragon. Les êtres nés de ses pinceaux tiennent du monde animal qui se souviennent des terreurs de nos préhistoires

 

 .Dans des tableaux comme  «  LA ROUTE MONTANTE » de 1920 où la route qui monte  vers le village peut être vu comme un démon qui entraine le voyageur qui monte au village  . Dans une étude de B.HESS qui a bien étudié SOUTINE , il voit dans le tableau  « LA COLLINE DE CERET » une sorcière au nez crochu , un foulard noué dans les cheveux tenant au collet un dragon accroupi. Parfois les arbres eux-mêmes ont des aspects démoniques comme les « grands arbres bleus » de 1922 .

 

D’autre part  SOUTINE malade, dans les années de guerre il devait  se cacher parce que juif. Même si la célébrité qu’il a atteint et ses amis puissants semblent plus ou moins le protéger encore de loin  . Soutine souffre et le cercle d’amis se referme  . Malgré la présence de  Marie BERTHE  malgré la réussite matérielle apparente  il doit battre avec ses démons intérieurs, la peur, la misère,la crasse, la maladie, l’isolement, l’insociabilité


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Dans une lettre à ZBOROWSKI au cours d’une année de réussite, il écrit qu’il est dans un état psychologique pitoyable et démoralisé et que cela l’affecte dans sa peinture. Il veut quitter CAGNES, un paysage qu’il ne peut plus supporter, il demande à ZBOROWSKI de revenir à PARIS.

Démons intérieur aussi de DE KOONING avec son addiction  à l’alcool qui comme dans le tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE «  l’attaque , ne peut pas se défendre et le ronge de l’intérieur ( addiction , symbolisé dans le tableau par des monstres)

Si chez SOUTINE , il y a le coté obscur, démoniaque dans ses tableaux, il y a aussi l’aspect sacré et la profanation dans ceux-ci par rapport au sacré qu’on lui a inculqué dans son enfance à SMILOVITCHI et qui fini par le mettre en situation de détresse en lutte avec lui-même, profanation en jetant du sang frais sur des animaux morts, avec  des carcasses d’animaux à l’intérieur des maisons,  avec la peur que « le sang des victimes » retombe sur lui,  que  ses portraits  peints aux visages rouges de sang qui sont souvent des autoportraits aux visages déformés ,laissent  pénétrer les esprits  maléfiques et le DIBBOUK et que ce dédoublement dangereux ne l’affecte directement dans son âme par sa transgression aux règles  religieuses  qui lui ont été prodiguées dans son enfance en Biélorussie.

Le monde de SOUTINE  est un monde terrible  démantibulé par un pinceau comme celui de DE KOONINK qui  est un instrument de torture qui permet des déformations d’images parfois voisines du délire et des visions passionnées  et tourmentées de l’univers

 

En résumé  SOUTINE transgresse , blasphème  sur des interdits qui étaient celles des lois juives et plus encore va dans la profanation. Il provoque les démons

Pour De KOONING  avec LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE les démons ne sont pas une réalité  de la religion et montre dans sa peinture que  ses  démons sont intérieurs et qu’il les a lui-même crée  par ses additions et son mal être.

Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANSDSCAPE » ils sont nombreux et partout dans la toile, ils approchent  pour dévorer la forme biomorphique ( autoportrait de DE KOONING)

 

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LA VIE ET LA MORT

Si les tableaux de SOUTINE ont longtemps fait peur et continue à provoquer une forme de crainte ou de rejet ou de fascination, c’est qu’ils  traitent non  comme toute œuvre d’art de la vie de la mort mais qu’ils sont de la négation de la frontière qui sépare l’un et l’autre

Dans ses animaux, morts accrochés ou étalés sur des tables, SOUTINE ne nous montre jamais l’animal en train de mourir contrairement à MUNCH  qui nous montre des scènes de crime, de cris, de duels, de guerre  mais il nous montre l’animal après la mort .Certains animaux sont méconnaissables hormis ici ou là une aile, là un bec ouvert que l’éventail des plumes  ne permet plus de localiser. Cela montre que l’animal a été torturé. Pour rendre manifeste la cruauté de la scène SOUTINE dans certains tableaux comme   «  la volaille pendue «  de 1925 place au premier plan un couteau qui en dit long sur la violence du rite  (Xavier GIRARD)

 

 

Clarisse NICOIDSKY résume bien le dilemme entre la vie et la mort dans les tableaux de SOUTINE, elle dit dans son livre sur SOUTINE :   « SOUTINE se donne  une mort quotidienne dans ses peintures mais avec un sursaut de terreur »« Je ne veux pas me noyer dans mon sang » dit SOUTINE   et  contradictoirement  sa peinture qui dit la mort ou s’en approche  est un acte de vie impérieux exigeant .

 

En effet, chez SOUTINE, il n’y a autrechose qu’une répartition  des rôles entre portraits (vivants) et nature ( morte). Le paradoxe veut que soit attribué  à l’animal mort et écorché , une allure bondissante comme dans « LA RAIE »  surprise à voler en travers du tableau, entrailles dehors et au modèle  vivant une immobilité mortifiante. Cette alternance catégorique entre un corps assis capitonné par l’uniforme «  LE GARCON D’ETAGE », empêtré dans un monde d’objets qui a depuis longtemps empiété sur lui, et un corps suspendu  dans les airs, doué de mouvements et offert à la vue . Que cherchait à atteindre SOUTINE  à faire cohabiter ses deux représentations incompatibles ? ( Xavier GIRARD).

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Corrompu dans son corps par la maladie qui s’installe en lui et ronge ses tissus ; corrompu dans sa manière de vivre qui n’a rien respecté de ce qui lui fut enseigné au temps de l’enfance, Soutine semble avoir conscience d’avoir transgressé trop de lois : profanation des paysages, profanation des visages, des corps qu’il ne cesse de supplicier, de rendre à leur matière initiale et finale de larve et de décomposition. Lui reste un interdit : celui du rapport au sang. Il sait qu’il le viole dans ses rouges multiples, ceux des fleurs ou ceux des viandes. « J’ai nié ma famille, ma mère, ma langue. Avec son entourage, il se montre désagréable « 

Suicidaire, Soutine accepte sa mort quotidienne et contradictoirement , sa peinture qui dit la mort où son approche est un acte de vie, impérieux, exigeant.

 

Dans «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ,la forme biomorphique est en passe de se faire  dévorer  pour se purifier afin  de se libérer de tous ses maux pour être   prêt pour son nouvel amour Emilie KILGORE. N’est ce pas aussi un acte suicidaire dans son cauchemar ?, Il se jette dans la gueule du loup. Il s’est approché des marais dont la légende disait qu’il fallait s’en éloigner à cause des monstres qui y circulent. La forme fantomatique à droite qui ressemble a tête grise de GIACONETTI, c’est le peintre lui-même qui par dédoublement dans  son rêve se voit se faire dévorer par des monstres, il voit la mort qui s’approche, résigné mais dans un sursaut il y a arrêt sur image, un terme est mis à la scène  et on se retrouve au dos du tableau  dans un hymne à l’amour pour sa nouvelle muse . Son état d’âme s’est transformé , le desir suicidaire s’est transformé en amour de la vie

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le secret de SOUTINE est sans doute que celui d’un immense amour, il ne peut supporter l’incommunicabilité des êtres dont il supporte si cruellement l’immobilité, la vacuité de la mort. S’il interroge des visages inertes, il n’hésite pas à leur insuffler sa propre vie «  autoportraits ». Il se penche sur les chairs décomposées, bœufs écorchés, volailles mortes . C’est pour y retrouver les germes  du renouveau, de la résurrection.

En effet, on remarque dans les tableaux de SOUTINE  d’animaux morts encore une grande vitalité ainsi la raie morte  de SOUTINE fait preuve d’une grande vitalité, une allure bondissante, elle est surprise à voler en travers du tableau , entrailles dehors alors que des modèles vivants présentent une immobilité mortifiante

Le pinceau est une arme et la peinture une substance  magique  qui a le pouvoir  d’effacer ou de transformer les contours- et donc l’identité de l’objet représenté. Celui-ci n’est pas tant mal traité, qu’amoureusement anéanti. Il n’est plus une colline, un arbre , une carcasse de bœuf ou un oiseau mort. Il est transformé par la peinture en un organisme sans nom qui se contorsionne, terrassé par l’amour, se débattant entre la vie et la mort. La peinture agit comme une substance  miraculeuse  qui fait jaillir la vie sous nos yeux. C’est comme si  matière et énergie étaient continuellement régénérées comme si  elles étaient renouvelées à jamais par la peinture

 

 

Dans le tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE » C’est le combat de la forme avec la mort .La forme biomorphique bien mal en point, ensanglantée, écorché et en passe d’être dévoré par des monstres qui l’assaillent semble être dans les airs au dessus des marais et de la mer , il y a encore de la vitalité dans cet être moribond . Vitalité qui restera permanente au-delà de la mort  car le peintre abandonnera le tableau avant qu’il soit totalement terminé et avant que la mort de la forme biomorphe soit prononcé. Mon hypothèse comme indiqué dans cette étude est que cette forme (autoportrait de DE KOONING) va renaître  dans un nouvel être pour être totalement affranchi des maux qui l’obsède et le rende prisonnier pour être totalement  disponible à  l’amour qu’il porte à EMILIE KILGORE

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. Si les tableaux de  SOUTINE ont longtemps fait peur et continuent à provoquer  une forme de crainte ( ou de rejet ou de fascination) c’est qu’ils traitent non comme toute œuvre  d’art, de la vie ou de la mort  mais qu’ils sont  la négation de la frontière qui sépare l’un et l’autre. De son enfance de misères ou les nuits à SMILOVITCHI sont hantées de revenants, de volatils sacrifiés la veille de fêtes, de la vision des progrons  , des cranes  qu’on fracasse et de ventres qu’on vide, la mort est entrée  par ses yeux,le nez, les oreilles. Pour la défendre de cette mort insinuante qui veut le dévorer, CHAIM peint , l’absorbe à son tour, la broie comme un visage. La Mort n’est-elle pas une de ces figures interdites qu’il est impossible de saisir par le pinceau, le trait, la couleur ? Chaïm sait que franchir les limites d’un monde où la mort cohabite sans cesse avec la vie. Le monde de la représentation transfigurée ,se paie de blessures. La mort le gobe, envoie en lui ses démons, lui, se bat contre elle en la capturant dans ses tableaux comme «  NATURE MORTE AUX HARENGS »’ qui ressemble à un squelette, les éléments qui la composent étant des éléments d’un squelette ( (Clarisse NICOIDSKI , SOUTINE OU LA PROFANATION).

 

 Dans un paysage de CERET « PAYSAGE AVEC MAISON » DE 1918 » baigné de lumière jaune du soleil sur le chemin montant, qui est un jaune d’une couleur épaisse  plus proche de la  lave que de la clarté éblouissante ,la menace de submersion qui pèse sur le paysage est ainsi impalpable. Cette matière qui semble en fusion  qui descend du haut de la côte entraine ça at là , le vert  des paysages, s’épand sur le tableau en premier plan et laisse transparaitre des trainées rougeâtres dangereuses sous les pieds des marcheurs. De ce rouge nait la signature « C SOUTINE »  qui saigne plutôt qu’elle ne flamboie. A l’arrière-plan , les maisons, les fenêtres closes signalent le but à atteindre. Un personnage est coincé dans l’ascension de cette route et marche à contrecourant de cette lave à couleur épaisse. On voit Le personnage s’enliser lorsque la position de recul nous montre un homme en marche, la proximité de l’objectif  au contraire nous montre  un homme tombé sur la route, terrassé, les jambes excessivement  longues par rapport au reste du corps, les bras, la tête aussi dans la disproportion : c’est donc un mort qui passe  sur cette route ou la mort invisible si ce n’est dans  l’œil du peintre, une ombre porté par ce corps initial et les troncs d’arbres noirs courbés sont plus des signes  que des formes repérables . Ce corps c’est peut être celui de SOUTINE qui se voit  entrainé , d’une force irrésistible vers l’inconnu qui est en dehors du tableau

 

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Dans un autre paysage de CERET  « ROUTE PEU RASSURANTE » de 1919, la mort rode aussi dans le tableau. Par rapport au tableau précédent PAYSAGE AVEC MAISON  », l’ombre a disparu, le regard du peintre s’est rapproché mais la route est toujours inquiétante, sans doute le personnage de la mort est déjà passé. Dans ce paysage , les perspectives sont bousculées, des gouffres s’ouvrent sur la route, des trainées de couleurs s’entrelacent comme des corps en chute. Une certaine trépidation a été provoquée, un sentiment de danger maléfique respire dans cette peinture, elle intègre le rituel de la mise à mort.

Dans ces deux paysages de SOUTINE on ressent une douleur non seulement  spirituelle mais physique qui est ressenti par SOUTINE et qu’il exprime avec véhémence. Les lumières du chaos surgissent

 

De même, dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , c’est aussi la conséquence de la vie du peintre qui se bat aussi sans relâche  contre ses addictions  qui le ronge dans son corps  de même c’est un combat entre la vie et la mort par l’intermédiaire d’un cauchemar ( cauchemar qu’il dit subir souvent pendant son sommeil et qu’il met en image). Ses cauchemars morbides sont donc probablement du à ses anxiétés dans sa vie quotidienne, ses problèmes avec l’alcool ,les cures successives, son inquiétude pour sa fille, ses rapports avec les femmes de sa vie mais une personne par chance  est venu interrompe ce cercle infernal de l’anxiété, de la mort ,de la dépression , en 1971 date du tableau : c’est la venue de sa nouvelle muse qui hante ses journées et ses nuits  Emilie KILGORE. Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui évoque la mort violente est brusquement inachevé pour changer complètement de registre au dos du tableau pour évoquer un hymne à l’amour . On peut aussi comprendre le tableau comme une mort (dévoré par ses monstres du quotidien qui lui pourrissent la vie) pour renaitre dans un nouvel être totalement tourné  vers l’amour qu’il porte à Emilie KILGORE)

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Dans cette optique  psycho - religieuse , il est intéressant de comparer  le tableau, « LA VEUVE  « de SOUTINE  et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE.

 

«  LA VEUVE «  de SOUTINE semble allongée  dans une sorte de linceul rouge en attente d’un ailleurs qui l’appelle et la mutile. Son corps qui ne semble plus être celui d’une femme mais d’une ombre, Le visage  est ovale en longueur à la manière des têtes de MODIGLIANI ou LE GRECO, C’est le seul endroit où est présente la chair  avec une main dont les phalanges semblent usées ou coupées. Le visage tire sur le jaune orangé avec semble t’il du rouge  comme du sang qui dégouline de son front, le nez s’est allongé,les yeux ne regardent plus, la bouche est close, les lèvres ont disparu.

La veuve dans sa douleur voit s’accomplir sur celle même, le travail que la mort  a accompli sur son Mari, (Clarisse NICOIDSKI) elle attend  et semble résigné à son sort pour retrouver son mari .






Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. La forme biomorphique  ressemble étrangement à la veuve de SOUTINE :Tête ovale avec long bec plaqué, De la peinture rouge ( sang) dégouline de la tête. La tête est de couleur rouge-orange Le corps est allongé. Le linceul de la forme biomorphique   est aqueux. Cette forme comme « La VEUVE » semble résignée au sort qui  l’attend  afin  de renaitre pour l’amour DE EMILIE KILGORE.

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TRANSFIGURATION- TRANSMUTATION

 

Dans un article en 1977 publié dans la revue OUEST , DE KOONING exprime son profond engouement pour la peinture de SOUTINE il dit de SOUTINE « Il construit une surface  qui ressemble à une étoffe, une matière. Il y a une sorte de transfiguration, un certain empâtement  des chairs dans son œuvre ». Ce qu’admire DE KOONING  et qu’il  cherche à trouver dans son travail, c’est la qualité de surface des peintures de SOUTINE, la magie du geste qui transforme la peinture en matière vivante 

Le terme de transfiguration fait peut être référence  à la transmutation mystique de la chair en lumière évoqué dans l’évangile selon ST MATHIEU ( XVII, 1-5). Loin  pourtant d’inviter au dépassement de la  chair , DE KOONING  proposerait ici un renversement  de la formule biblique : la transfiguration à l’œuvre  ici serait  celle de la matière  picturale en matière organique

 

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , on y trouve les deux  aspects transmutation et transfiguration.

La  couleur rouge de la tête qui dégouline c’est le sang  suite à l’agression  qu’est en train de subir la forme biomorphique dans le tableau .la matière picturale  a donc été transformée en matière organique par transfiguration

Pour la transmutation,  la forme biomorphique qui est l’autoportrait  de DE KOONING dans son cauchemar  va se transformer en un nouvel être prêt  à accueillir sa nouvelle muse EMILIE KILGORE , c’est la mort de la forme biomorphique avec tous ses démons intérieurs  pour redonner  une nouvelle vie

 

LA PEUR DU VIDE , MYSTICISME SPIRITUEL,  LA 

RELIGION

Le spirituel ou le mystique n’a jamais tenu aucun rôle  chez DE KOONING, l’élément moteur étant l’anxiété qui se transformait souvent dans ses tableaux par la violence comme le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  qui relate un cauchemar ou   DE KOONING se voit dévorer par des monstres des mers et des marais et où le sang dégouline dans la toile.


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Thomas HESS concluait que les peintures des années 70 semblait refléter la peur du vide ( HORROR VACCUI), elles témoignaient  d’une abondance de formes véritablement baroques …Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE il n’y a ni espace , ni vide  tout est concentré, marais, mer , formes, accessoires, visages. Dans cette toile, il y a malgré tout l’image de DIEU mort et ressuscité qu’il s’applique à lui  même , c’est la forme biomorphique son autoportrait, transcendée par son amour  pour Emilie KILGORE pour se sauver lui-même. Sa croix  c’est son état dans le tableau prisonnier ( un monstre lui entoure le pied) et dévoré par des monstres pour renaitre  dans un nouvel être pour l’amour de Emilie KILGORE ( dos du tableau  qui est un hymne à l’amour). Cette même image symbolique  on  la retrouve dans les 6 dessins de DE KOONING en 1972 « FOR SANTA EMILIA-SIX TEARS for SIXSAINRS »  un personnage sur une croix. C’est peut être aussi l’auto portrait de DE KOONING qui meurt sur une  croix pour renaitre pour l’amour de  Emilie KILGORE (Ces dessins étaient dédiés à Emilie KILGORE)

 

Chez SOUTINE l’acte de peintre était sacré, il ne supportait pas qu’on le regarde peindre ou que l’on regarde sa peinture non terminée. Pour lui un peintre entrain de peindre est comme un homme en prière ou comme un mystique, c’est de l’ordre de la révélation, à l’instant  de ce moment de peindre , l’œuvre ne  peut souffrir d’être  vu par d’autres que celui qui reçoit la peinture en création . Si par malheur une personne le regardait peindre il détruisait l’œuvre en la piétinant car pour lui elle aurait été tuée par le regard de l’indiscret et ce qui est mort est corrompu  et n’a plus droit au respect selon la tradition juive.

Pourtant, il croyait depuis longtemps avoir oublié la tradition juive disait -on . Il l’avait déjà  transgressé   avec les quartiers de bœufs morts qu’il entreposait chez lui en les arrosant de sang frais. Une phrase énigmatique  lui revenait à l’esprit  «  Je ne veux pas me noyer dans mon sang »

Pour Xavier GIRARD , bien des tableaux peints à CERET et CAGNES peuvent être rapprochés des épiphanies divines, des signes qui traversent  les paysages de « L’Alliance » et font trembler toute la terre devant DIEU. Les montagnes renversées sur elles mêmes , tassées ou agitées furieusement , les chemins dérivants, les maisons ivres , titubantes ne peuvent s’échapper  à l’avertissement divin selon lequel , « lorsque les israélites se rendirent  au pied du sinai, DIEU  retourna  les montagnes  au dessus de leurs têtes et les menaça  s’ils refusaient d’accepter « La tora », de les ensevelir dessous car  leur survie en tant que peuple dépendait de leur vocation à devenir les porteurs de la révélation divine » Ces tableaux de CERET ou CAGNES  relèveraient d’un symbolisme cosmique à la fois protestation du cosmos  devant le crime et le péché de l’homme ( il faut se rappeler qu’on sort d’une guerre mondiale) et peur  du cosmos  face à l’exécution  d’un jugement de DIEU ( Xavier GIRARD)

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Quand SOUTINE peignait dans la douleur, douleur de son corps ( ulcère estomac, addiction à l’acool) dans son âme  , ça ne pouvait que s’exprimer dans la violence d’où les tableaux de CERET aux formes tordus , paysage de cataclysme , personnages grotesques ou monstrueux . Il était vu comme le peintre du déchirant et des images sans fins,  de corps souffrants et écartelés  ( natures mortes d’animaux morts et écorchés). C’est dans la mythologie ONIRIS dilacéré, ORPHEE démembré par les femmes THRACES, DYONYSOS dévoré et recomposé, MARSYAS écorché . C’est  Le christ indéfiniment cloué en croix ( Xavier GIRARD).

 

 

Pour DE KOONING , il est lui-même dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANSDSCAPE  c’est « DYONYSOS  dévoré pour être recomposé , recomposé  pour faire table rase de son passé de son vécu de ses états d’âme de ses addictions pour se présenter et s’offrir à sa nouvelle muse Emilie KILGORE lavé  et libre de tous ses démons,

 il est aussi MARSYAS cloué sur la croix comme le christ pour une renaissance pour les mêmes raisons. Il existe à ce sujet  une suite de tableaux qu’il a  dédié à Emilie KILGORE , il s’agit de 6 tableaux « For Santa Emilia- Six Tears for six saints » de 1972.

Le tableau  «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est un concentré des deux DYONYSOS  et MARSYAS  , La forme biomorphique alias DE KOONING est à la fois dévoré ( par des monstres des marais et de la mer) et lié comme cloué sur une croix ( pieds ceinturés par un monstre)  dans l’idée d’une régénérescence pour sa nouvelle  muse ( voir dos du tableau)

 

Toutes ces images on les retrouve aussi  dans les tableaux de SOUTINE. Ainsi  Dans « PAYSAGE DE 1920 » une figure se trouve  les bras en croix comme si elle appelait à l’aide au-dessus de l’incendie  qui s’est déclaré en contre bas  du tableau. Est-ce l’interprétation abusive d’une tache de peinture ou une figure  qui est un signe biblique porté par le peintre à la vue du feu  de Dieu ?

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Est-ce  le mysticisme irraisonné dans LES PLATANES  DE CERET «  ou on se demande si cette ombre au bas à droite est celle d’un habitant  ,d’une âme errante ou d’un simple coup de pinceau..

Le sacré lui-même parait hors d’atteinte. Les routes restent des voies ou sont couchés des ombres d’hommes. Ces routes démentes, ces vivants emmurés déclenchent la fureur , conduisent aux confins de la folie qui ne se maitrise que dans l’expression picturale. On atteint le sacré au travers de ce qu’il le désigne dans un emportement : la profanation.

 

Dans une vue de CERET (1921), 3 formes assises à demi allongées dans l’angle inférieur gauche du tableau assistent immobiles au déménagement du village emporté par les ailes d’un oiseau biblique dont les ailes sont d’une telle envergure que lorsqu’il vole,  ses ailes voilent le ciel

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Ce qui parait profanation  et sacré aux yeux des juifs  sont  partout dans l’œuvre de SOUTINE . Chez SOUTINE  ce  qui parait profanation du sacré n’est pas une provocation mais un acte de détresse, son mystère y est décelable.

Les animaux morts au sang dégoulinants de sang frais versés sur les carcasses signifie dans le livre de CLARISSE NCOIDSKI ( SOUTINE ou la profanation) que SOUTINE ne veut pas se noyer dans son sang et par une étrange substitution se plonge dans le sang d’une victime expiatoire. Ce sang qui est l’âme et, s’il ne meurt pas , c’est parce qu’il s’impose cette immersion. La création du tableau est ici  proche de l’acte religieux.

 

 

David SYLVESTER   a une autre approche des tableaux de SOUTINE et de sa manière de procéder dans ses paysages notamment de CERET et CAGNES.  Quand il se met dans une situation dans laquelle il sent que quelque chose le menace et qu’il lui faut l’attaquer, se battre contre elle, la faire  plier et lui battre le cou,il lui fallait pour entrer  en contact avec le monde extérieur faire acte de violence  et commettre une effraction.

 Pour lui, peindre c’est une espèce de corps à corps. Le pinceau est une arme et la peinture  une substance magique  qui a le pouvoir d’effacer  ou de transformer les contours, et donc l’identité, de l’objet représenté.Celui ci n’est pas tant maltraité qu’amoureusement anéanti. Il n’est plus une colline, un arbre, une carcasse de bœuf, ou un oiseau mort.Il est transformé par la peinture en un organisme sans nom qui se contorsionne, terrassé par l’ amour,, se débattant entre la vie et la mort. La peinture agit comme une substance miraculeuse qui fait jaillir la vie sous nos yeux. C’est comme si matière et énergie étaient continuellement régénérée. Comme si elles étaient renouvelées à jamais par la peinture.

Dans une certaine mesure on peut transposer cette manière de voir SOUTINE  par SYLVESTER au tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » Cette forme Biomorphique qui peut être vue comme un autoportrait du peintre , qui est une partie de sa création  ( jambe droite de  woman 1) régénéré dans sa peinture en être  à part entière  qui est lui-même , se met dans une situation de mort ( dévoré par des monstres) pour mieux renaitre pour l’amour qu’il porte à Emilie KILGORE  en effacant tout le reste de son existence passée.

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C’est comme une crucifixion , la forme biomorphique a les pieds liés par une des formes monstrueuses pour une mort qui  permettra la ressuscitation

C’est aussi comme  la vue de CERET avec les 3 fomes assises décrite ci-dessus  , l’analogie au tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ou la tête fantomatique  à droite du tableau regarde la scène de la forme biomorphique en train de se faire dévorer sans pouvoir intervenir

En résumé  Dans les paysages de SOUTINE de CERET et CAGNES , la présence de DIEU est souvent sous-jacente et souvent source de peur et de panique

Chez DE KOONING , ce n’est pas la peur de DIEU mais des démons  que sont ses démons intérieur qui le rongent et dont il n’arrive pas à se défaire mais la venue de Emilie KILGORE  semble être le meilleur moyen d’éloigner les démons qui lui pourrissent la vie, c’est le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE qui l’explique  à l’aide de métaphores

 

 

LE VERTIGE

Dans la vision des paysages de SOUTINE s’instaure  avec les mouvements des figures un sentiment de VERTIGE relatif à la nature. L’ubiquité, constitution de ce vertige structure aussi l’espace des tableaux qui représentent d’autres sujets que le paysage. Ce vertige est le même que l’on retrouve dans des tableaux de natures mortes de CEZANNE ou les objets sont déséquilibrés et qui selon la loi  naturelle  devraient glisser vers le sol

Ainsi dans SOUTINE « nature morte aux violons  pain et poisson  » de 1922 , les objets  placés côte à côte en diagonale  semblent vus à l’envers et glissent vers le bas du tableau

SOUTINE n’est pas animé par le désir , la volonté de se plier à la représentation classique du motif. Il reconstitue sa propre perception des phénomènes, sa propre reconstitution avec son expérience de la peinture . Le vrai sujet ce sont les forces invisibles qui vibrent dans les formes et les entrainent dans des mouvements parfois contre nature. Pour SOUTINE   «   il ne s’agit pas de reproduire et d’inventer des formes mais de capter des forces »( DELEUZE)

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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, ce sentiment de vertige est également visible . Au premier abord  il est difficile de se rendre compte de la position du tableau dans lequel il a été peint en raison des contradictions visuelles. Ce tableau nous est présenté avec une forme Biomorphique verticale où un monstre des marais dévore cette forme , le sang coule de la tête  mais  ce sang en toute logique devrait dégouliner vers le bas , dans le tableau il coule vers le haut d’où un vertige qui nous induit en erreur sur le sens du tableau. Dans la même logique, on aperçoit une chaussure à haut talon  en déséquilibre qui pointe le bout agrémenté d’un point rouge  vers le  haut .D’autre part les mouvements de l’eau en diagonale ont des mouvements ascendants . Le peintre nous présente le tableau à la verticale alors qu’en toute logique il devrait être placé à l’horizontale , Le monstre  noir au-dessus de la forme  et la chaussure à plat .

Le but de cette présentation illogique du tableau  par le peintre est peut être de représenter  des mouvements dans le chaos . A cette confusion il convient d’ajouter le manque de perspective du tableau où premier plan et fond du tableau sont liés sans espaces, sans profondeur de champs

 

LE GROTESQUE, L’ESTHETIQUE DU LAID CHEZ LES 

DEUX PEINTRES ET DANS LEG WOMAN IN THE 

LANDSCAPE

Les deux peintres ont exprimés  leur fascination commune pour le grotesque à l’œuvre dans certaines images  de leurs prédécesseurs introduisant dans leur peintures des éléments de distorsion  et d’exagération qui en renforcent leur impact visuel en défiant et ignorant les courants artistiques de leur temps . Tous les deux  étaient fascinés  et attirés par l’informe , partie intégrante de l’histoire de l’art (Simonetta FRAQUELLI).
DE KOONING a pu observer la fascination pour le grotesque  qui transparait  dans certains portraits de SOUTINE à l’exemple de son autoportrait , appelé aussi « grotesque de 1922-1925 ou il se caricature lui-même

Cette dimension caricaturale apparait aussi de manière brutale dans les « WOMAN  » de DE KOONING des années 50

 

 Pour SOUTINE , grotesque, ses portraits de gens dans leurs costumes de travail et aussi ses autoportraits ( grotesque 1922-1923),

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Pour DE KOONING , grotesque,ses séries de WOMAN des années 50

Pour Leg WOMAN IN THE LANDSCAPE cette forme anthropomorphique à tête d’oiseau ,sans membres , dégoullinant de sang au niveau de la tête mais dans un sens défiant les lois de l’attraction terrestre ( sang remontant sur le visage) peut aussi être considéré comme grotesque  dans cette jambe transformé en être vivant muni d’une tête ovale en longueur avec bec d’oiseau et 2 trous noirs en guise de YEUX  dans une couleur rouge criarde

 

 

Dans une interview avec David SYLVESTER en 1960,, DE KOONING dit :  « … Le problème pour moi ne s’est jamais posé en termes de : «  comment faire un bon tableau. Pendant des années cela ne m’a pas intéressé dans le sens ou l’on dit : Alors ça c’est un bon tableau  ou un travail parfait….Je ne voulais pas réduire la question à cela…J’ai découvert que cela n’était pas dans ma nature. Je n’ai donc pas travaillé sur un tableau  avec l’idée d’en faire une chose parfaite mais pour voir  jusqu’ou je pouvais aller avec l’ angoisse et le frayeur peut être .. mais sans vraiment penser le faire. »

Dans la même interview il faisait un rapprochement par rapport au beau avec CEZANNE : « J’imagine que CEZANNE devait paraître grotesque en son temps lorsqu’il peignait un pot rouge, des pommes ou des bouteilles de vin ordinaires ; une nature morte devait être composé de belles choses . Ca  n’est sûrement pas facile  de poser sur la table, par exemple, une canette de bière, deux verres et un paquet de Lucky Strike. Il y a des choses qu’on ne peut pas peindre à un moment donné et puis il faut une certaine attitude pour voir  ces choses en termee d’art.On les sent »

 

Une des caractéristique qui émerge des tableaux de DE KOONING est le double mouvement de fascination  et de répulsion par rapport à la beauté. La dimension grotesque chez DE KOONING on la trouve dans certains de ses portraits d’hommes ou de « WOMAN » dans certaines œuvres comme « EXAVATION »  qui a été comparée  à l’imagerie de ses ancêtres NEERLANDAIS avec des tableaux comme «  LE TRIOMPHE DE LA MORT » de BRUEGLE l’ANCIEN  ou «  LE JARDIN DES DELICES  » de BOSCH. Un tableau comme «  THE VISIT » utilise  du grotesque  dans la pose graphique du personnage 

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A en croire Raymond  COGNIAT , critique d’art , SOUTINE pratiquerait une « esthétique de la laideur », la laideur est son domaine. « Le laid est un domaine réservé  de   SOUTINE  et ne tient qu’une place restreinte chez les artistes qui l’on utilisé. Avec SOUTINE , la laideur est un état permanent et exclusif de toute autre expression. Dans son œuvre , pas une image indulgente ou tendre  comme il n’y a pas de détente dans son inquiétude même quand les circonstances  lui deviennent favorables

 

Pour Elie FAURE, « non sans un certain sadisme inconscient , SOUTINE s’adresse pour les peindre à des femmes  laides et grotesquement accoutrées, comme s’il avait voulu demander aux plus misérables choses d’approuver son désespoir. Même dans ses autoportraits ( autoportrait de 1918, grotesque 1922) il semble trouver un malin plaisir à se déformer  de manière grotesque et à se dévaloriser ,d’ailleurs il considère aussi tous ses portraits « le groom,l’enfant de chœur,le petit patissier  etc aux visages déformés, grandes oreilles , yeux décalés nez de travers etc comme aussi des autoportraits

Dans un autoportrait de 1922-1923 appelé aussi   «  GROTESQUE  »  SOUTINE  a exagéré ses propres traits et crée une caricature grotesque de lui-même. Cette dimension caricaturale apparait également de manière brutale dans les « WOMAN » du début des années 50

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » d’une certaine manière la forme biomorphique ensanglantée pourrait être l’auto portrait  grotesque de DE KOONING  avec tête d’oiseau  et corps sans membres comme il se voit dans ses cauchemars, attaqué par des monstres.

De même dans « The VISIT »le peintre présente une utilisation grotesque de la pose graphique du personnage

 

La technique de la laideur plait aussi à WILLEM DE KOONING  mais  il n’est pas un état permanent comme SOUTINE. Il avait une grande admiration pour les peintures de GOYA de BRUEGEL, de BOSH , de GRUNEWALD  qui étaient les maîtres en la matière. Des peintures comme «  The VISIT », « THE MAN »  en sont influencés de même ses « WOMAN » aux corps et visages déformés que l’on peut aussi considérer  et suggérer  par de nombreux critiques comme des autoportraits ou DE KOONING ou il  se déchaine, se libère de toutes ses contrariétés.

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Dans   «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  la laideur est aussi de mise pour entretenir l’aspect de peur et de terreur dans le tableau , on la trouve avec ses taches noires informes qui suggèrent des monstres des marais,  une tête noire en bas à gauche façon « WOMAN », la forme biomorphique mi poisson mi oiseau aux yeux décalés au bec en pointe, au visage ensanglanté  dont le haut du crane est  gratté et laissé en l’état. Comme SOUTINE, DE KOONING est toujours gagné par des angoisses , des inquiétudes et cela se voit dans ses tableaux  ( Les WOMAN) et bien entendu LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

 

 Le seul moment de douceur dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »  se trouve au dos du tableau sous un fond ROSE, le ROSE spécial de DE KOONING de « PINK ANGELS » qui marque l’amour de DE KOONING pour sa nouvelle muse Emilie KILGORE qui calme ses angoisses 


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ENTRE ABSTRACTION ET FIGURATION

C’est en prophète d’une nouvelle abstraction expressive que SOUTINE a été célébré dans le New- york  de l’après-guerre et est devenu de façon posthume un expressionniste abstrait sans le savoir.

 En 1950 quelques années après sa mort le temple de la modernité le MOMA lui a consacré une rétrospective qui est un tournant de la reconnaissance du peintre comme le père de l’expressionniste abstrait, cette exposition fait de lui un peintre dont l’aboutissement serait l’abstraction, l’autonomie du médium, le geste pictural. Elle fait de SOUTINE un visionnaire, un pionnier de cette nouvelle peinture américaine qu’on appelle l’expressionnisme abstrait.

Cette période était particulièrement bien choisi car elle correspondait à la montée en puissance de l’expressionnisme abstrait  et le déplacement de l’épicentre de l’art de Paris vers NEW-YORK. Artistes et critiques étaient donc ouverts à recevoir cette nouvelle peinture comme le précurseur d’artistes comme POLLOCK, ROTKO, Barnett NEWMAN ,Willem DE KOONING ….mais DE KOONING  était  t’il , déjà expressionniste abstrait sans le savoir ?

 Bien que les critiques l’avaient salué comme un peintre abstrait révolutionnaire, De KOONING avait rejeté , les catégories stylistiques telles que le réalisme ou l’abstraction. Il ne s’est jamais considéré comme un peintre abstrait et n’abandonnera pas non plus la figuration . Au contraire  même les œuvres abstraites étaient fondées sur l’imagerie figurative ,Il y avait toujours un point de réalité, de figuration

 

 Pour DE KOONING il n’y avait pas de distinction entre la forme abstraite et la figure humaine» ( judith ZILCZER).

 De l’art  de DE KOONING  Catherine MILLER formule ainsi : «  Le genie de De KOONING  a été  de se maintenir toute sa vie entre  figuration et abstraction, cequi s’oppose à la tendance dominante de l’époque , à savoir une prédilection pour la peinture non figurative ».

C’est surtout après ses « WOMAN » des années 50, que les critiques ont lâché leur venin sur les tableaux de DE KOONING qui se singularisait par rapport à la tendance générale des peintres expressionnistes  Américains qui prônaient l’abstraction. La peinture de DE KOONING était alors un pied de nez aux expressionnistes abstraits qui honnissaient la figure humaine et de surcroit il  se permettait de représenter une personnalité  issue d’une culture de masse hollywoodienne  comme celle de MARYLIN MONROE en 1954

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Pour Marc STEVENS   « ,DE KOONING  reste le peintre le plus difficile à capturer.il est trop vital, agité, jazzy,grossier, imprévisible  pour s’adapter  dans une trame  en particulier. Il a franchi de nombreuses frontières de l’art, débordant de l’abstraction et de la figuration, exprimant une grande variété de tendances sans soucis pour les conventions, les gouts, étant à la fois conservateur et radical  et aromantique » jusqu’à cette fameuse année 1970-1971 date du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou il s’est trouvé une nouvelle muse qui semble bousculer sa vie. Le dessin au dos du tableau en semble un témoignage ainsi que le tableau inachevé  car il n’était plus dans l’état d’esprit pour le terminer.

« De KOONING était une personne complexe mais non inhabituelle chez les artistes pourtant ce n’est pas quelque chose qui peut être ignoré de toute tentative  de comprendre  son art ou l’étendue de sa grandeur »

Le critique Dore ASTHOM en 1972, relève ce qu’a dit PICASSO dans une conversation   «…. Il n’y a pas que l’art qui compte. CEZANNE  ne m’aurait jamais intéressé s’il avait veçu et pensé comme Emile BLANCHE  même  si la pomme qu’il avait peint  avait été 10 fois plus belle. Ce qui nous intéresse c’est l’angoisse de CEZANNE, celle de la leçon de CEZANNE, les tourments de VAN GOGH, c’est le drame de l’homme, le reste est une imposture…. »

Dans ses tableaux abstraits ou figuratifs ou les deux réunis , DE KOONING exprime son mal être, ses addictions, son anxiété ses terreurs mais aussi ses joies, ses espoirs .

 « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  en est un merveilleux exemple avec d’un coté ses anxiétés, terreurs et de l’autre son amour pour Emilie KILGORE. C’est un tableau mi abstrait  mi figuratif, ce n’est pas un tableau décoratif, Il est sans perspectives , reste incomplet car abandonné avant de l’avoir terminé, des parties ont été grattées sans reprises, on remarque des traces de grattage, de craquelures, du flou en haut  du au papier journal appliqué et retiré. Il ne cherche pas à faire du beau et à se classer dans une école


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En ce qui concerne SOUTINE  l’expressionnisme abstrait de SOUTINE,Il y a quand même beaucoup de critiques qui en doute  comme Clément GREENBERG ou ROSENBERG qui affirment que la seule façon de voir l’abstraction de SOUTINE c’est de voir sa peinture sous le couvert d’un microscope en gros plan, un tableau de DE KOONING peut sembler dans une certaine mesure un détail agrandi d’une toile de SOUTINE, ainsi sont mis en valeur les tensions internes, le mouvement, le geste, la picturalité, la soudaineté , l’imaginaire, le déferlement de couleurs enfin la manière de peindre  qu’on peut trouver dans l’expressionnisme abstrait, alors que SOUTINE ne peignait jamais à l’origine d’un tableau  à l’atelier mais sur le motif, il lui fallait toujours un modèle sous les yeux comme la plupart des peintres figuratifs. Il fallait que la chose réelle soit là tel un bloc  d’intensité et que sa sensibilité émotionnelle  le réinvente

 C’est  sa façon de voir les choses, de les déformer par rapport  aux systèmes organiques, de les agrandir , de modifier l’échelle , d’exprimer l’émotion que lui inspire un motif, de son indépendance des signes picturaux , de transformer la matière   et celle de la retranscrire  sur la toile qui le rendait abstrait et proche des expressionnistes abstraits

 

Cette filiation est approuvée par WILLEM DE KOONING. Dans l’esprit de DE KOONING comme SOUTINE  , les choses ne sont jamais  toutes abstraites ou toutes figuratives mais une manière  d’être, abstraite  et référentiel à la fois . Entre abstraction et figuration DE KOONING ne cesse de pratiquer l’un, l’autre et tout en même temps tout au long de sa carrière. Dans les années 40  il peint simultanément  des « WOMAN » et  des œuvres abstraites en noir et blanc .

Ce qui était important chez DE KOONING c’était la peinture elle même

 

 Comme SOUTINE il y a toujours des éléments figuratif dans ses   peintures ( les paysages, les figures, les animaux morts, le bouquets de fleurs)

 Chez  DE KOONING se sont  souvent  des fragments de corps humain, des femmes ( les series des  «  WOMAN « ), des animaux. C’est la manière de peindre, de déformer, de disposer des couleurs, de changer les perspectives  qui  qualifient  ces deux peintres qu’on peut alors nommer  de peintres expressionnistes abstraits mais tous les deux ne se reconnaissaient pas  dans ce qualificatif de peintre expressionniste abstrait . Ils l’acceptaient uniquement par ce qu’il fallait bien les ranger dans une case pour le monde de l’art


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Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , cette dualité  des  aspects figuratifs et abstraits  sont présents dans le tableau

Figuratif, par le motif central du tableau  qui est une jambe de WOMAN 1 (étape1) ainsi que les têtes de « WOMAN », tête d’homme à la GIACOMETTI, chaussure  à haut talon, le sang qui coule de la tête de la forme biomorphique  créée par la jambe WOMAN à 2 yeux, 1 bec, un corps.

Abstraction, par la disposition des  coups de pinceaux contre et autour de la forme biomorphique  qui d’un coté  convergent vers la forme et de l’autre qui vont du centre et s’éloignent vers l’extérieur et qui laisse place à des interprétations imaginaires illustrés par ses cauchemars  ( Les marais et les monstres des marais qui convergent vers la forme, et de l’autre coté le  reflux de la mer vers l’extérieur du tableau), les déformations, la disparition des perspectives ,la superposition des couches de peinture ,des couleurs, de la peinture sans contours, la peinture humide, les rides, les craquelures, les innovations dans la préparation des peintures  ( rajout d’eau , d’essence de kérosène, d’huile de carthame )disposées  sur la toile  en contradiction avec les  bonne manières  recommandées des écoles de peintures  en font un peintre dont son alchimie lui permet de franchir la frontière excessivement rapide  qui sépare l’abstraction de la figuration. Il démontre à sa manière que toute peinture abstraite   est en fin de compte une abstraction figurative

 

« De KOONING est probablement le seul de sa génération à voir toute la signification de la peinture expressive de SOUTINE, le seul à percevoir aussi clairement qu’elle trouve son point d’équilibre dans une utilisation libre  et désinhibée  du geste pictural paradoxalement indissociable d’un attachement  fort et intime à la figure » , Il était fasciné par la recherche de l’informe chez SOUTINE tout en ayant des liens  avec l’histoire de l’art. Il a admiré et recherché chez SOUTINE cette alchimie qui lui permet de franchir cette frontière rigide qui sépare l’abstraction de la figuration. »(Claire Bernardi et Simonetta FRAQUELLI).

Je rappelle  qu’en 1977 quand on a demandé à DE KOONING qui avait 72 ans  de citer ses influences, un seul nom lui est venu à l’esprit : » Chaim SOUTINE » et chez SOUTINE ce qui capte  d’abord l’attention de DE KOONING  ce sont les paysages  de CERET et de CAGNES avec leurs grandes intensités gestuelles, c’est aussi ce qui retient l’attention des expressionnistes abstraits.

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LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est un exemple particulièrement représentatif avec à la fois comme dit ci-dessus des aspects figuratif et abstraits , des mouvements gestuels, des touches de couleur qui semblent abstraites mais qui répondent à l’intériorité du peintre dans la figuration ( cauchemar), qui laissent un sentiment de mélancolie , de peur, de terreur mais malgré tout de vie même dans la mort qui semble présente comme chez SOUTINE par  des paysage cataclysmique, de temblement de terre , de monstres , de végetaux transformés en humains ( arbres) des couleurs ensanglantées tout cela exprimés par la peinture, par des taches informes

HESS en décrivant «  la colline de CERET » de SOUTINE fait littéralement vivre cette peinture dont il loue précisément  le fait qu’elle semble animé d’un souffle de vie . Appelant à notre imagination, il reconnait une profusion de détails  dans les formes presque abstraites  qui composent la crête de la colline (Claire BERNARDI)

De même dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » autour de cette forme biomorphique , anthropomorphe au centre du tableau on imagine aussi une foule de détails que sont, des monstres aux formes indéterminées, une tête de WOMAN, un tête d’homme fantomatique, une chaussure à haut talon, des vagues maritime et de marais , du sang qui dégoulline du tableau

En, vérité ce qui liait les deux peintres c’était la conception de l’art. Cette conception de l’art  n’est pas lié à des conventions de figuration ou d’abstraction mais à un désir de permettre  au spectateur de vivre l’expérience de l’image qu’il y a sous les yeux et d’y voir  l’évocation visuelle d’une expérience tactile. Si les peintures de SOUTINE pour DE KOONING ont paru si nouvelles et si dignes d’intérêt, c’est entre autre parce que le peintre LITHUANIEN n’a jamais adhéré à aucun des « ismes » qui avaient cours à son époque et qu’il  a même ignoré

 

 

SLIMPING GLIMPER ( vision fugitive) DE DE KOONING

À la fin de la vie de DE KOONING ,aucune de ses toiles n’est finie. On trouve pourtant dans cette indéfinition la preuve que la peinture a été menée de force au bout d’un processus extraordinairement critique d’où l’iconicité du médium est sortie renforcée.

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Le peintre reconnaît qu’il se limite à abandonner la toile quand il se sent expulsé du tableau : « Il y a un moment, dit-il, où je perds de vue ce que je voulais faire, alors je suis dehors »  C’est un effet de surcharge qui provoque l’électrochoc et brise la connexion entre le peintre et sa toile. Fatigue ? Ennui ? Saturation ? Désenchantement ? Désespoir ? Tout cela, sans doute. Et, bien sûr, une certaine mélancolie post-coitum, car l’objet du désir n’est pas entièrement possédé… Mais l’abandon de la toile suppose alors la liberté et l’occasion de désirer à nouveau. Le tableau suivant sera le lieu de cette répétition dont la différence expressive marquera de son empreinte la possibilité d’une nouvelle connaissance, voire d’une reconnaissance.

Cette expulsion de la peinture, ce retour sur soi du peintre et ce transfert entre les toiles permettent à l’artiste de sauvegarder son identité : I paint myself out of the picture — je me peints en dehors du tableau , le note Yves Michaud, la sortie du tableau est en même temps « la découverte et la fabrication de l’identité. Il y a une double opération de production, celle du tableau et celle de l’identité du peintre » 

Toutefois, rien n’est vraiment fini au terme de cette opération. Peinture et Sujet restent « ouverts ». Le tableau est simplement abandonné et son inachèvement ne souligne qu’un fait parfois désespérant, à savoir que la peinture finira par sécher, par se stabiliser à l’écart de l’intervention de l’artiste, comme si la forme pouvait encore s’élaborer toute seule de son côté et coaguler à la manière d’une figure cicatricielle en marge des intentions de son créateur. (Précisons à ce sujet que l’huile de carthame que Willem de Kooning emploie pour diluer la peinture retarde le séchage et favorise cette malléabilité déraisonnable.) Après une séance de travail, lorsque le peintre s’arrête, la peinture bouge encore. Aussi, l’inachèvement des toiles renforce cette impression de « rien » ou, plutôt, d’un toujours rien… à venir.

En écho au désespoir absurde d’un Samuel Beckett dans Fin de Partie, la peinture de Willem de Kooning semble dire : « fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir ». Et, en effet, quelque chose finira plus tard, autre part, ailleurs. D’où la brutalité iconique d’une plasticité au borderline de l’informe, hors de gonds habituels de la représentation — si l’on accepte la théorie classique du signe...

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Le processus est complexe et médité, malgré l’incohérence apparente d’une gestuelle qui, de manière erronée, est fréquemment comparée à l’expression lyrique et irrationnelle d’une subjectivité sans contrôle . Au contraire, cette fausse incohérence révèle la pertinence d’un processus pictural où la limite est établie par l’impossibilité de faire advenir « la réalité de l’image », pour employer la formule de John Ruskin , et de glisser, comme le dit Willem de Kooning, dans sa vision fugitive : I’m a slipping glimpser — « je suis un regardeur fugitif qui glisse » . En somme, la difficulté provient de la tentative de faire surgir une figure qui réponde à l’expérience de l’immédiateté de la vision ; non pas l’immédiateté de la chose vue mais celle de l’activité du regard, autrement dit la représentation du présent.

Étant donné que pour le peintre « le contenu de ses peintures est une vision fugitive de quelque chose, une rencontre, comme un éclair », la picturalité se doit d’engendrer la possibilité d’une connexion mentale, d’une résonance, entre les modifications expressives de la deixis matérielle et l’identification hypothétique avec l’instant où le slipping glimpser glisse dans la vision. La peinture doit offrir une image en train de de devenir, fugacement, « vision ». ( JUAN PORRERO)

Cette façon de concevoir une œuvre dans une vision fugitive et le risque de sortir du tableau toujours présent chez DE KOONING comme l’a expliqué ci-dessus JUAN PORRERO, Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en est le parfait exemple

En effet quand il commence son tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE par un calque  de la jambe droite de WOMAN 1 étape 1 qu’il applique sur le milieu de la toile, sans doute ne sait ‘il pas encore ou cela va le mener. Probablement un FLASH mental à ce moment lui a rappeler le cauchemar qu’il avait subi et cela lui a donné peut l’idée de le mettre en peinture et  d’en faire la mise en scène  sous  un paysage qu’il connait bien de marais et de mer de LONG ISLAND en y joignant des monstres, des figures ( visage de « WOMAN » inquiétant , visage d’homme à la GIACOMETTI, des accessoires comme une chaussure haut talon ), c’est-à-dire des fragments de corps et d’accessoires accompagnés de couleurs  qui reflètent ce climat de terreur et de mort mais arrivé à un certain moment, il se trouve probablement dans une impasse et doit sortir du tableau qu’il laissera en l’état non fini . Cela se remarque en haut a droite où on trouve des traces de grattage, de frottage avec du papier journal pour extraire de la peinture et qui donne en l’état un aspect de flou artistique non voulu

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Cet abandon , cette sortie du tableau pourrait être du a un changement d’état psychologique du peintre qui, quand il a commencé le tableau était habité par le désespoir , la mélancolie , plein de sentiments négatif. Il avait écrit  à MIMI ( Emilie KILGORE) que sur ce  moment de 70-71  il se brulait lui-même, qu’il était épuisé et de son état terrible de dépression qu’il n’avait jamais connu auparavant, ce qui explique ce tableau  de noirceur des sentiments exprimés

 mais il venait de rencontrer sa muse Emilie KILGORE qui lui a changé radicalement sa vie, il suffit de lire les lettres enflammées d’amour  envoyée à EMILIE KILGORE pour se rendre compte de ce changement brutal . Il ne pouvait donc plus psychiquement terminer ce tableau qui ne correspondait plus à son mental et il s’en explique au dos du tableau  , dessin qui entrelace les deux noms KILGORE ET D KOONING  et où il représente le visage de KILGORE à la Marilyn MONROE et lui-même se faisant face à elle, tout cela restant caché et secret  dans un minuscule dessin  lisible en tournant ce dessin de 90° en 90° .

L’image immédiate , fugitive du peintre a donc changé avec son nouvel état d’esprit et donc pour être en accord avec cela il entreprendra un nouveau tableau qui passera du désespoir de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » à la joie, le bonheur qu’il pourra introduire dans le tableau «  FLOWERS’S MARY’S TABLE «  de la même année 1971 et faisant partie de la même série de peinture avec notamment « RED MAN WITH MOUSTACHE »

 

Pour SOUTINE , c’est différent il travaille toujours sur un motif qu’il a devant lui et met sur la toile son interprétation propre en triturant les paysages , les tordant , en les interprétant dans son paysage  des tremblements de terre , des cyclones , en changeant la gravitation des choses en leur donnant un pouvoir de lévitation mais il ira toujours jusqu’au bout pour exprimer sa rage, sa colère   Si cela ne lui correspond plus au final il déchire son œuvre. Il ne compose par une histoire un scénario dans son tableau comme dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou le peintre exprime un cauchemar qu’il a subi

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ABSENCE VOLONTAIRE  DE STYLE CHEZ DE KOONING  

ET SOUTINE

 

Aussi bien SOUTINE que DE KOONING ne se sont jamais laissé enfermé dans un style malgré l’avis de tout monde à vouloir les classifier , expressionniste abstrait Américain pour DEKOONING et peintre de l’école de Paris ou Expressionniste pour SOUTINE. D’autre part les travaux  des cubistes et surréalistes autour de lui n’ont exercé aucune influence  sur son expression qui est toujours resté figurative .

Ils se sont dérobés tout à fait consciemment  à toute tentative  de classification de leur peinture c’est pourquoi l’un comme l’autre sont toujours restés marginaux et souvent absents   des  grandes expositions importantes thématiques car ils se voulaient inclassables  et  se voulaient  d’aucun système. S’ils se voulaient d’aucun système ce n’était pas non plus pour se situer dans l’anti - art  de la négation permanente ou en rupture avec l’histoire de l’art bien au contraire  l’un comme l’autre ont admis bien volontiers avoir été influencés par les grands peintres classiques, REMBRANDT, LE GRECO, RUBENS, VERONESE,

« DE KOONING,  fut convaincu toute sa vie durant  qu’il est particulièrement dangereux  pour un artiste  de s’élaborer un style univoque qui finit par conduire à un engourdissement  de sa propre créativité et de s’enfermer telle une prison  dans un monde sans engagement qui se perd  en un pattern  décoratif et superficiel «  (JORN MERKERT)

Il a toujours voulu garder sa liberté  de faire des tableaux classés abstraits d’autres classés figuratifs parfois l’un et l’autre en même temps  ou l’un et l’autre dans le même tableau.

Il  alterne donc entre figuratif et abstrait ou les deux en même temps . A partir des années 60 et début 70, « il revient sur les sources de sa peinture en citant SOUTINE, il le fait semble-t-il au filtre de cette relecture et de cette controverse, il se réclame implicitement d’un peintre expressionniste et figuratif s’inscrivant  qui plus est dans une tradition picturale contrevenant ainsi sciemment au schéma GREENBERGIEN »  ( Claire BERNARDI)

Ce qui l’animait c’était la peinture peu importe le style . Pour lui la chose principale c’est que l’art est une façon de vivre, c’est la manière dont il vit, l’art n’est pas programmatique ( DE KOONING , interview à ROSENBERG)

 

Il pouvait  se servir  d’un style ,d’une invention plastique déjà développé par d’autres artistes afin de les transformer  et de les redéfinir à sa façon  parfois avec des conceptions totalement  différentes et même contradictoires pour les fusionner dans sa peinture Il voulait disposer librement de toutes les possibilités d’expression.

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C’est ainsi qu’il a capté dans  l’œuvre de SOUTINE ce qui pouvait l’intéresser pour sa propre peinture , cette façon de peindre la réalité  non comme une photographie mais à partir de ce que le peintre voit , ce qu’il ressent  et des expériences subjectives objectivées.

Quand dans cette métamorphose de son propre  monde intérieur du tableau qu’il crée il se rend compte à un moment donné qu’il doit sortir du tableau soit il est terminé soit il est inachevé  , dans les deux cas, il arrête de peindre le tableau. Dans le cas du tableau inachevé c’est souvent pour reprendre des idées dont il n’a pas pu aller jusqu’au bout ou qu’il se rend compte qu’il n’est pas parti sur la bonne voie et que cela abouti à une impasse alors il démarre un nouveau tableau qu’il pourra explorer en tenant compte du précédent.

C’est sans doute ce qui s’est passé dans «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE », le tableau démarre d’un fragment figuratif de sa « WOMAN 1 , étape 1 » qu’il étend de coups de pinceaux de taches qu’il superpose , qu’il  gratte , qu’il efface au papier journal . Ce qui parait de l’abstraction , volontairement ou non fabrique un monde aqueux de marais et de mer habité par des monstres agressifs.. Ce tableau semble inachevé en haut à droite en raison de la surface qui a été gratté  et effacé par du papier journal.  Le peintre sans doute se sentait sortir du tableau car il  ne correspondait plus à son état d’esprit quand il a commencé le tableau . En effet il venait de rencontrer sa nouvelle muse Emilie KILGORE qui a probablement bouleversé son ressenti pour ce tableau qu’il n’arrivait plus à terminer d’où son abandon.

Dans son interview à ROSENBERG il disait   « Le contenu du tableau, c’est un éclair, une rencontre éclair, comme une illumination, c’est très tenu le contenu… » Sans doute à la fin de la création de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, cette illumination était d’un autre ordre , indiquée au dos du tableau et il ne termina pas le tableau pour se consacrer un un autre plus rayonnant et plus optimiste , peut être est ce le tableau « FLOWERS, MARY’S TABEL » de 1971 qui aurait suivi « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou respire la douceur avec des tons de couleur chaudes et pastellisées,  les fleurs rouges de l’amour , la table centrale rose  avec le rose qui caractérise DE KOONING , ce rose de PINK ANGEL au caractère sexuel  , ce même rose qui se trouve au dos du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE et qui sert de fond au dessin qui est un hymne à l’amour de sa nouvelle muse Emilie KILGORE.

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Pour SOUTINE , c’est différent , Quand il ne ressent plus le tableau ou qu’il se rend compte qu’il ne correspond plus à ses souhaits , il le détruit.

 

 

 DOUTE, ABANDON, DESTRUCTION, DECOMPOSITION

 

Pour SOUTINE , un tableau en cours  devait absolument  être caché comme si le dévoiler  à ce stade  donnait le mauvais œil. Ne pas montrer la fabrique de l’œuvre, n’en pas parler SOUTINE pense que cela le protège d’un regard forcement inquisiteur qui confond le processus intime  et l’objet soumis au regard de l’autre

La conscience de son imperfection, de sa propre misère, crée en lui cette perpétuelle insatisfaction qui le pousse sans cesse à prendre les mêmes thèmes et si une toile ne lui convient pas , il ne l’abandonne pas , il la détruit. Sa compagne GERDA écrit dans son livre sur SOUTINE qu’elle avait assisté à des moments de détresse qui poussaient le peintre à lacérer ses œuvres. Il gardera toujours une frénésie autodestructrice et déchirera  lacèrera des œuvres antérieures. Il crée dans la fièvre de l’inspiration et si cela ne plait pas , il détruit

 De même si des critiques d’art émettent des avis très défavorables sur ses œuvres d’art vendues ou exposées, il fait tout pour les récupérer, jusqu’à les racheter pour les détruire ensuite et les remplacer par de nouvelles toiles.

Si des doutes étaient exprimées quand à l’une ou l’autre de ses  dernières œuvres , il disait : « bon brulons là » . Soutine avait l’habitude morbide de porter un jugement  sur son passé de peintre et il était incapable de chasser quelque chose de sa mémoire, il en a été obsédé et il pensait que cela cesserait quand ses œuvres  malmenées seront détruites.

 

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Elie FAURE  a exprimé ce point de vue  de ses activités de destruction dans sa monographie qui disait que SOUTINE souffrait devant ses tableaux trop difformes en face desquels son monde merveilleux s’effondre , tel tableau avec maison  il le détruit de colère ou Il le rachéte afin de le détruire . Il avait une passion  pour des mesures et des proportions exactes. L’équilibre architectural et même anatomique le tourmentent et c’est justement l’endroit ou réside l’origine de ses forces contradictoires qui le déchirent impitoyablement. Il recherche désespérément un ordre interne. C’est le vrai sens de la puissance de son art. « Mais si SOUTINE détruit énormément de toiles à l’aune de son insatisfaction existentielle , il semble néanmoins trouver un certain répit  lorsqu’il parvient à isoler  un motif parmi la multitude. Ainsi de certains arbres  de VENCE dont il fait des figures isolées, tels de véritables portraits, C’est bien la un autre trait commun  qu’il partage avec DE KOONING , celui d’aborder des genres  somme toutes traditionnels- le paysage, le portrait, la nature morte mais pour mieux en sonder les faiblesses  et les limites. A leurs manière l’un comme l’autre  sont des peintres équarisseurs dont le geste ample balafre  la toile dans un corps à corps éprouvant  pour mieux exhumer la chair de leurs sujets » ( Géraldine BRETAUT ) . De ce que dit Géraldine BRETAUT sur les tableaux de SOUTINE  on peut en dire autant pour le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou la  jambe  droite de WOMAN1 est transformée en   personnage vivant avec une chair malmenée  par un corps à corps mortel. «  A l’inquiétante présence totémique  des bœufs crucifiés de SOUTINE » répond celle non moins inquiétante de la forme biomorphique anthropomorphique dévoré par des montres des marais et de la mer maléfiques   dans la même fureur gestuelle  des peintures

 

Si pour  DE KOONING, la manière d’aborder le sujet est la même dans la violence, la fureur du geste c’est différent au niveau  relationnel . Il n’était  pas avare de visites  de personnes venant voir son atelier , ses œuvres en cours, que ce soit des amis ou des gens qu’il invite à le voir travailler comme JOAN LEVY , jeune fille , étudiante en peinture et ami de sa fille  qui est restée  de longs moments à le regarder travailler. Tout au long de carrière il a fait venir des photographes pour photographier son atelier avec son matériel de travail  ,ses œuvres en cours et terminées

Mais il avait  une conception distincte  de ses relations personnelles avec son art, lorsqu’en peinture il errait dans le « no environnement » de lui-même poussé par le doute, traiter des «  slippery  glimpses » jusqu’à  ce qu’il perde de vue ou il allait  et se retire dans le doute pour essayer de nouveau


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Par conséquent son œuvre résiste à une appréciation dans sa totalité, il y a une confusion des intentions laissant les spectateurs submergés  dans l’ambiguïté des contradictions résolues (WILLIAM F BIRDSALL)

Dans toutes ses toiles qu’il crée, il y a d’abord le doute, l’angoisse d’une autre possibilité qui conduit à un cycle de création et de destruction d’images, «  d’aperçus  glissants » remplacés par des révisions sans fins aboutissant à des « no environnement » sans concentrations, sans unités.

Des traces visibles d’innombrables révisions sur la toile indiquent la longue lutte pour compléter ou perfectionner ce qui semble néanmoins toujours inachevé comme si  elle toujours soumise à des  modifications. Pour certains comme le critique IRVAN SAUDLER , « ce résultat d’inachevé  marque un manque d’exhaustivité dans le travail de DE KOONING et un manque d’unité de l’ensemble de ses peintures réalisées tout au long de sa vie d’artiste , en revanche  cela ne m’empêche pas de dire que DE KOONING était surement le plus grand peintre virtuose de son temps. »

Pendant toute sa longue vie d’artiste, DE KOONING était continuellement  dans un état de stabilité et d’instabilité, de contradictions et de continuité, de colère et d’amour, c’est-à-dire tous les reflets d’un artiste complexe qui vivait dans l’anxiété.  Paul RICHARD du WASHINGTON POST  disait «  DE KOONING  n’a jamais su avec précision  et n’a jamais choisi de savoir ou il allait

« LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE «  ne déroge pas  au tableau inachevé ce qui se voit en haut à droite du tableau par du grattage et une application  d’un  new Paper  pour ralentir le processus de séchage  afin de reprendre la peinture à cet endroit pour modification éventuelle ultérieurement , modification qui n’est jamais venu, le retrait du papier a entrainé un effet   d’essuyage de la peinture qui n’a jamais été retouché et laissé tel quel donnant cet effet de flou artistique   

 

 A la fin de sa vie l’ambivalence est extrême  entre toile finie ou pas finie car aucune toile n’est finie.

Mais auparavant l’abandon de la toile peut être provoqué   pour   plusieurs raisons. Cela peut venir d’une surcharge  qui induit un électrochoc et brise la connexion entre le peintre et sa toile. Il trouve alors le besoin de liberté d’abandonner la toile pour en  commencer une nouvelle qui suit le fil de la précédente .C’est probablement le cas de WOMAN1 commencé en 1950 qui a dans un premier temps été abandonné pendant 2 ans, C’est l’intervention du critique SHAPIRO qui a convaincu DE KOONING de finir la toile en 1952

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L’abandon peut également être provoqué par l’ennui, la saturation le désenchantement ou  une certaine mélancolie parce que l’objet du désir n’est pas entièrement possédé

Dans le cas de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , Ce  tableau ne semble pas tout à fait terminé pour des raisons à contrario que ne correspondait plus à son état d’esprit quand il a démarré sa toile .J’ai estimé que ce tableau pourrait être daté de 1971. Il était alors  possédé par des rêves cauchemardesques ( Ce tableau fait état d’un cauchemar que j’ai expliqué) , ses addictions lourdes à l’alcool vont de nouveau l’envoyer à l’hôpital en 1973, ses relations avec sa femme Elaine  ne sont plus que de lointains souvenirs et ses conquêtes féminines se sont toutes soldées par des échecs et cela se ressent dans sa peinture

Pour BERGER , la caractérisation de la peinture de PICASSO des femmes était comme un défi à la civilisation  et un outrage, on pouvait en dire autant des femmes de DE KOONING sauf qu’ à la fin  , lui était abandonné par la femme. Contrairement à la domination féminine de PICASSO ,

la femme de DE KOONING le domine, il ne leur échappera jamais . Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on remarque une tête noire  cauchemardesque de « WOMAN » en retrait  en bas à gauche du tableau  qui semble donner les ordres de l’attaque  ensanglanté aux  monstres sur la forme biomorphique ( autoportrait présumé de DE KOONING)

 

 mais subitement une lumière apparait dans ce paysage de désenchantement, il fait connaissance de la très jeune Emilie KILGORE qui change immédiatement son environnement qui des ténèbres passe à la lumière d’une étoile éclairante descendue du firmament aussi son tableau ne semble plus correspondre à son état d’esprit dans l’immédiat et il semble avoir abandonné son tableau alors qu’il semblait presque au terme de l’avoir terminé mais il y a quand même des signes d’inachevé dans ce tableau

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L’abandon de la toile « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » non finie  se manifeste ici en haut de la toile à droite, le peintre a gratté le haut de la tête et essuyé avec du papier journal la peinture encore humide la partie droite a coté de la tête qui donne un aspect de flou   et de non terminé . Sans doute dans un premier temps avait t’il l’intention de faire une reprise  qui a finalement été abandonné  ou oublié ou vendu ou offert dans la précipitation  le tableau est resté tel quel. Dans certains cas reconnus par  KOONING , il abandonne sa toile parce qu’il se sent expulser du tableau, il y a un moment dit ‘il  ou je perds de vue ce que je voulais faire alors je suis dehors. Est-ce le cas pour « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ? L’abandon de la toile est souvent guidé aussi par l’intention de  recréer  une autre toile qui s’en inspire.

Même ici ce qui parait abstrait et dont j’ai dressé la liste ci-dessus est fondé sur une imagerie figurative

 

 L’abandon  du tableau aurait pu donc  être provoqué par sa rencontre avec Emilie KILGORE  en 1971 . Son état de mélancolie de pessimisme ayant disparu avec cette nouvelle rencontre amoureuse, il n’aurait pas terminé ce tableau  noir de terreur et de mort, le dessin au dos, message d’amour  à sa muse expliquerait cet abandon brutal mais qui malgré tout donne beaucoup de charme et de cachet au tableau inachevé dans son aspect abstrait. Dans ses tableaux alternent des sentiments de joie , de doutes, de dépressions, il se brulait lui-même. Dans des lettre à MIMI «  Emilie KILGORE » il écrivait son épuisement et ses états terribles de dépression

Pour le regardeur il est donc difficile de suivre le peintre dans ce tableau qui ne lui correspond plus au moment ou il le termine et les traces de grattages, de doute  ne  transmettent  pas une maitrise  de soi mais un sentiment  de doute et de manque de confiance en soi. Il ne sait plus comment terminer le tableau alors il l’abandonne en donnant les raisons de son abandon au dos du tableau par un hymne à l’amour et de  joie de vivre qui se concrétisera  par  le tableau qui probablement suivra «  FLOWERS Mary’stable » de 1971 » qui correspond mieux à son état d’esprit du moment illuminé dans le tableau par la couleur rose, les fleurs rouges qui donnent à l’ensemble son nouvel esprit réjouissant en contradiction avec la noirceur du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE)

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Le cas le plus représentatif est bien entendu WOMAN1  qu’il avait , après maintes transformations pendant deux ans , laissé sur le coté non finie . Il a créer d’autres tableaux pour en faire une série de 6 « WOMAN ». C’est l’intervention du critique SHAPIRO qui l’a convaincu de reprendre la toile  « WOMAN1 » pour la terminer avec le succès qu’on lui connait.

 

De KOONING fait sortir de ce carcan FIGURATION-ABSTRACTION et envisage une nouvelle façon de voir qu’on retrouve dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ». Les deux registres se mélangent. Il montre à sa manière  que toute peinture est en fin de compte une abstraction figurative

En discutant de son travail  DE KOONING avait déclaré » je ne suis pas intéressé par l’abstraction  ou la suppression des choses ou la réduction de la peinture. Je peins de cette façon parce que  je peux continuer à y mettre  de plus en plus de choses, drames, colères , douleur, amour , une silhouette , un cheval, mes idées sur l’espace »

Tout ce que dit DE KOONING dans cette discussion se retrouve dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

 

-Drame avec la forme biomorphique ( autoportrait de DE KOONING) qui se fait dévorer

-Colère de la figure humaine en forme de tète noire de GIACOMETTI qui montre son impuissance à ne pouvoir intervenir

douleur de la forme biomorphique qui se fait dévorer, le sang coule de sa tête

amour au dos du tableau , message d’amour à EMILIE KILGORE

silhouette de tête de « WOMAN « de tête d’homme ( à la Giacometti)

ses idées sur l’espace ( disposition de la forme biomorphique flottant dans les airs(, parallèle au milieu aquatique) pas de perspectives ,le premier plan et le fond ne sont pas marqués tout est enchevêtré, il n’y a pas d’espace vide.

 

Comme CEZANNE avait choisi les Pommes, SOUTINE avait élu comme un de ses thèmes de prédilection, le supplice des poulets et des lapins sans doute par un soucis de coloriste mais aussi  parce qu’il éprouvait  une grande délectation à peindre leur décomposition (  Georges LIMBOUR)

 

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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE de même DE KOONING a le soucis du coloriste comme pour SOUTINE qui donnait l’impression de faire parvenir la lumière de l’intérieur du tableau mais aussi la vision de la forme vivante biomorphique ensanglantée qui se fait dévorer  

 

IMPORTANCE DES ACCESSOIRES CHEZ SOUTINE ET 

CHEZ DE KOONING

SOUTINE témoignait d’un sens très élevé de l’accoutrement et les accessoires jouaient un rôle décisif. De tous ceux que SOUTINE utilisait avec la plus  grande virtuosité ,le chapeau est indéniablement l’un des favoris. Il avait une vraie folie pour les chapeaux se souvenait une de ses compagnes qui le raconta à Pierre COUTHION, critique d’art. Dans ses portraits les chapeaux sont partout  sous  toutes formes avec une grande malléabilité, grande variété de couleurs, une extension quasi infinie, des proportions fabuleuses ou des tailles ridicules. On peut voir aussi dans ce gout une manière de s’affranchir sur le mode irrévérencieux du symbole religieux de la petite calotte juive, quelques exemples : « LE GROOM », « ENFANT DE CHOEUR »,LA MARCHANDE DE JOURNAUX, MONTPARNASSE» «  LE PETIT PATISSIER » etc

 

Quand à DE KOONING , l’accessoire favori que l’on rencontre partout dans ses tableaux même  dans ceux ou on s’y attend le moins c’est la chaussure à haut talon que ce soit dans les portraits ou dans les paysages  . De ce point de vue on peut le rapprocher aussi de Andy WARHOL qui avait aussi une adulation particulière pour la chaussure de femme. Au contraire, dans les tableaux de SOUTINE on voit rarement les pieds des personnages, ils sont proscrits  et donc des chaussures, la plupart des femmes sont peintes en buste ou s’ils sont en pieds, ceux-ci sont masqués par  l’ampleur  et la longueur des vêtements  qui cachent les pieds

Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ne fait pas exception, on y trouve une chaussure haut talon en bas à droite du tableau  que le peintre a fait apparaitre par grattage , Il faut positionner le tableau à 90 degrés pour voir la chaussure à plat, parallèle a l’eau et à la forme biomorphique. Quelques autres chaussures haut talon  dans des tableaux de DE KOONING. C’est un signe d’identification  du  peintre comme les signes de MIRO  que sont l’étoile, l’échelle, le soleil ou l’oiseau.

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S’il dessine  ou peint souvent des chaussures hauts talon , en revanche il ne dessine ou peint jamais de pied et pour cela il se rapproche de SOUTINE également

Comme le dit Elaine DE KOONING  au peintre  Larry RIVERS , DE KOONING  a dans sa conférence a  passé son temps à expliquer en détail pourquoi il ne pouvais  pas  dessiner des pieds, utiliser la couleur, composer ou finir une peinture qu’il a commencée, les tableaux qu’il finit par faire sont toujours d’autres tableaux ( (judith ZILCZER)

Enfin l’accessoire qui permet de peindre : le pinceau. Il est souvent relaté par les biographes de SOUTINE que celui-ci vivait dans la crasse mais que ses pinceaux étaient d’une propreté immaculée, rangé comme des instruments chirurgicaux.

 De KOONING avait une attention aussi toutes particulière pour ses pinceaux et ses tubes de peinture qu’il achetait en grande quantité comme si c’était un signe de richesse ( Il en avait tellement manqués à ses débuts de peintre). Il était fier de les montrer à ses visiteurs

Chez SOUTINE dans le tableau  « PAYSAGE DE CERET »le pinceau tourbillonnant des arbres et l’horizon déchiqueté et incliné traduisent l’agitation  interne ressenti par SOUTINE et préfigurent  la qualité gestuelle  des peintures d’action des expressionnistes abstraits ( Magazine des arts).

 

C’est vrai dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » ou en bas , une forme tourbillonnante s’enroule au pied de la forme biomorphique , une autre glisse dans le creux de cette forme biomorphique. Dans le deuxième plan des marécages et de la mer , les coups de pinceaux sont inclinés soit vers la forme au centre soit sont tournés vers l’extérieur. Tout cela comme   «  PAYSAGE DE CERET» donne de l’action du mouvement au tableau et une qualité gestuelle  présente chez les expressionnistes abstraits



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LA CHAIR

C’est probablement  la transformation de la pâte  picturale en matière organique  qui fascine le plus DE KOONING  chez SOUTINE .Il admire  en SOUTINE , le peintre de la chair ( Claire BERNARDI).

 

Peindre la chair, chez les deux artistes , ne consiste pas à la dépeindre  mais à l’incarner . De KOONING fait vivre  le corps  qu’il peint . En peignant la figure, l’artiste incarne des sensations, des sentiments. Il faut comprendre ainsi son refus d’abstraire et l’affirmation selon laquelle , dans sa peinture , il ajoute sans cesse  des choses comme , le drame, la souffrance, la colère et introduit ces sentiments en même temps qu’une « figure ». En mettant sur le même plan le mode pictural  de la représentation et le mode expressif  des sentiments, la peinture donne une nouvelle dimension  à la figure : elle est le corps vécu par l’artiste, qui exprime  dans la peinture les sentiments qu’il y incarne ( Claire BERNARDI)

Ces phrases de Claire BERNARDI sur DE KOONING correspondent parfaitement au tableau qui fait vivre le corps qu’il peint dans  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPED’une part la forme biomorphique c’est DE KOONING lui-même qui se voit dans son cauchemar . Il  peint ce qu’il a ressenti dans son rêve ,c’est-à-dire des sentiments de peur, de terreur dans un premier temps en ensuite des sensations d’apaisement et d’espérance qui le  transmutera dans un nouvel être d’où abandon du tableau avant sa conclusion  et l’explication de cet abandon au dos du tableau

Dans le tableau sa chair est meurtrie et le sang dégouline de la tête  et se répand jusqu’au bas du corps .La couleur circule dans le tableau comme circule le sang dans les veines .Le rouge clair correspond au sang frais qui circule en dégoulinant sur le corps de la forme biomorphique, le rouge foncé c’est le sang qui a séché

 Pour augmenter ce sentiment de terreur et de mort, le peintre y adjoint  des monstres des marais et de la mer qui ont pour fonction de dévorer la forme ( autoportrait) Un tête de « WOMAN » dans le style de 1950 est présente en compagnie des monstres pour l’intégrer dans l’entreprise de destruction. De l’autre coté une tête dans le style des têtes de GIACOMETTI , c’est l’esprit de DE KOONING dans l’incapacité de réagir à la scène , des accessoires comme une chaussure talon haut  seule  est perdue dans ce tableau   

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SOUTINE comme DE KOONING sont considérés comme des peintres de la chair et conduit toute la pratique des deux artistes .Les deux artistes étaient obsédés par la peinture de la chair. 

 C’est par RUBENS aussi   que DE KOONING admirait de telles belles chairs de ses chef d’œuvres flamboyants, il disait : » je suis fou de RUBENS, de toutes ses femmes voluptueuses , il était l’ultra de la période baroque »  ( Stevens et SWAN)  mais la révélation se confirme à la fondation BARNES ou était exposé les SOUTINE. La radicalité des poses frontales hypnotise  DE KOONING , l’expressivité des corps  tortueux l’envoute mais par-dessus tout , c’est le caractère organique de la pâte picturale qui le bouleverse. Devant L’HOMME EN PRIERE»,   «  LA PETITE FILLE EN ROUGE » ou « LE PETIT PATISSIER »c’est la chair à l’état libre qui s’exhibe et qui le fascine car il a su saisir le mystère du vivant ( Jérome   BUISSON)

Lorsqu’il s’esclame :  «  La chair est la raison  pour laquelle  la peinture à l’huile a été inventée » ou «  Je suis fous de SOUTINE » De KOONING révèle ce qu’il a en commun avec SOUTINE. Il ne pointe pas tant une ressemblance  formelle  qu’une communauté d’intérêt  entre ce peintre et lui.. Ces deux là ont la chair en commun mais chacun a sa palette . Soutine montre la chair en blanc »( Pierre WAT), DE KOONING  la chair est rose ( un rose particulier à DE KOONING, le rose de PINK ANGEL, le même que l’on retrouve au dos du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

Pour SOUTINE, la peinture tout naturellement se confond à la chair, entre les pores de la peau ( clarisse NICOIDSKI)

DE KOONING construit une surface qui ressemble à une matière, comme une substance, il y a une sorte de transfiguration, un certain empâtement des chairs dans son travail, c’est ce  qu’il trouve dans les peintures de SOUTINE qui transforme la peinture en matière vivante . Cette transfiguration à l’œuvre ici serait celle de de la matière picturale en matière organique  Claire BERNARDI) ;Peindre la chair chez les deux peintres ne consiste pas à la dépeindre mais à l’incarner,

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Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, c’est essentiel, C’est la chair meurtri malmenée, qui est écorchée, dévorée et le sang  qui coule , qui dégouline  de la forme biomorphique rouge , c’est la vie qui s’en va , De KOONING fait vivre et mourir  le corps qu’il peint. La couleur circule dans le tableau comme circule le sang dans les veines

En revanche au dos du tableau, c’est la chair rose de l’amour et de la joie  qui résulte de sa nouvelle rencontre avec Emilie KILGORE  depuis fin 1970, une nouvelle vie qui renait après la mort au recto du tableau

C’est donc un art viscéral qui est produit dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE et une transfiguration. La mort ou non ( on ne sait pas en voyant le tableau) au recto du tableau va permettre une renaissance au dos du tableau, son nouvel amour à Emilie KILGORE  ,DE KOONING a 70 ans

Cet art viscéral que produit l’artiste ou il peint l’intériorité d’un corps et ou les sensations visuelles sont mêlées aux sensations corporelles que la peinture rend palpable . Viscéralement le peintre n’est plus en accord intérieur avec son tableau, il sort donc du tableau en l’abandonnant avec les explications au dos de la toile, son amour pour KILGORE qui lui a changé son état d’âme au moment où il a entrepris le tableau, ses sensations ont changé . Il a probablement quitté ce tableau pour entreprendre un autre tableau qui correspond mieux à ses nouvelles sensations , c’est probablement le tableau qui lui correspond le mieux à ce moment de ses sentiments intérieur « FLOWERS MARY’S TABLE » fait la même année 1971 que « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

 

LE SANG

 

SOUTINE peint des figures horrifiques  ou burlesque du monde dans lequel il vit ,les ignorants, les ouvriers ,les artisans,  les colporteurs  etc. Le plus étriqué, le plus contrefait de ses personnages y est revêtu de son plus beau costume comme un prince de la renaissance, le tout coloré, lumineux. L’épaisseur de la peinture y contribue ainsi que le dynamisme des fonds. Le corps s’étire sur toute la longueur du tableau comme  le bœuf écorché ou le lapin.  Dans ses tableaux Soutine  fait affluer le sang qui bat sous l’enveloppe. SOUTINE  peint ses modèles empourprés par une fièvre que la pose  accumule et qui mord à l’extérieur, congestionne les lèvres  et fait briller les joues, le nez, les oreilles d’un rouge impossible à faire taire (Xavier GIRARD)

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Sous la peau des personnages, le sang bouillonne d’une vitalité mal contrôlée. Dans  « L’IDIOT DU VILLAGE » sa tête défendue par deux grosses oreilles sanguines, un nez rubicond ,de larges trainées rouges sur la joue  comme  une tâche de sang qui jailli et le sang bleuâtre  des ombres fait face au peintre . le regard est dans le vide. Soutine ne se soucie pas de lui donner l’apparence de la chair, il peint l’affluence du sang qui vient rayer le visage de l’idiot depuis l’oreille jusqu’à la commissure des lèvres, d’un trait ondulant qui ne se fixe nulle part. De même quand il peint « LE GARCON BOUCHER », le sang ne se trouve pas seulement sur le tablier  et les joues rubicondes mais il repend sur la totalité du tableau le rouge de  l’abatteur

Sur  les vieilles  carcasses exposées  dans l’atelier pour les peindre, SOUTINE  jette du sang neuf qui s’explique  pour la nécessité de retrouver le rouge de l’écorchure mais il y a aussi ce geste  de volupté pernicieuse  qui s’apparente à un rituel de magie noire . Jamais la profanation a été aussi loin chez SOUTINE puisqu’il s’agit de la profanation d’un corps mort. Jamais on n’a été aussi proche d’un simulacre menaçant qui relie l’acte de peindre à la douloureuse séance initiatique vécu durant son enfance de SMILOVITCHI chez le boucher transformer en vengeur. Cette scène vécue de l’égorgement de DINDE par le boucher de SMILOVITCHI   l’a hanté toute sa vie, il en parlait souvent.

Mais c’était un acte de profanation chez SOUTINE , le juif, le sang ne doit pas être vu, l’objet comestible ne doit en aucune manière  rappeler la mort, la souffrance et le viscéral, était aussi acte de détresse

Le Rouge et le sang ont une grande importance chez les deux peintres

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le rouge est sur toute la surface de la forme biomorphique. La tête est orangée sous l’effet du ciel, la tête laisse apparaitre le sang qui coule vers le haut ( le tableau a été disposé sur différents cotés , dans ce cas  la tête a été peinte tableau à plat , inclinée vers le haut  d’où dégoulinement du rouge sang vers le haut dans la disposition normale du tableau.)

 La couleur circule dans le tableau comme circule le sang dans les veines. Le rouge clair correspond au sang frais qui circule en dégoulinant sur le corps de la forme biomorphique, le rouge foncé c’est le sang qui a séché

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NATURES MORTES

 

Pour SOUTINE, ses natures mortes pourraient être interpréter comme le miroir de son état physique et mental, sa souffrance existentielle s’étendant à sa composition. On aurait dit qu’il peignait dans un état d’affolement lyrique qui déformait tout à l’excès . (Dans ses paysages ,les maisons quittaient la terre , les arbres semblaient voler , (Maurice SACHS))

Avant que BARNES découvrent les peintures de SOUTINE,son fidèle compagnon a longtemps  été la faim qui se reflète dans ses peintures mortes dans lesquelles il peint des animaux morts, lapins, poissons et faisans avant de peindre les fameux bœufs écorchés vers 1925. La nourriture est dans ces années-là un sujet de prédilection pour lui. A regarder dans ses tableaux les animaux sont scrupuleusement accrochés à des crochets à viande et ceci est contraire aux disposition  du TALMUD ordonnant le cadre de la préparation des repas et appliqués dans son pieux SHTEHL mais pour l’heure il a laissé ce SHTEHL loin derrière lui.

La pose des cadavres est celle de la nature morte , façon AUDRY ou DESPORTES, appliquée de façon souvent tragi-comique au rituel du repas. Les animaux de SOUTINE ne sont pas  faits pour être manger mais pour figurer dans une nature morte qui en les représentant morts les sacrifient à la représentation.

Animal non comestible  et outil inutilisable ( fourchettes, cuillères) : comment  interpréter  cette sorte de réunion improbable  dont la répétition ne doit rien au hasard ?

Le biographes seront tentés  de mettre en exergue ici les maux d’estomac  dont souffrait SOUTINE, lui qu’un ulcère à l’estomac finira par emporter à l’age de 50 ans

D’autres incrimineront la disette.

D’autres voient   une transgression volontaire a sa famille religieuse à son enfance de la religion juive.

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Indirectement ou inconsciemment, les années 15 à 22 portent des sujets de prédilection pour lui dans ses tableaux de natures mortes. A regarder dans ses travaux , l’on  ne peut voir que des animaux qui sont accrochés scrupuleusement à des crochets de viande. C’est contraire aux dispositions du « TALMUD »ordonnant le cadre de la préparation des repas à appliquer dans  son pieux SHTEHL  mais pour l’heure il a laissé ce SHTEHL loin derrière lui  

 

Non , les produits  destinés à être peints, souligne t’on , n’étaient pas ceux que le peintre  mettrait à sa table  après les avoir transformer en aliments, Voir, il les donnait en pâture, il les sacrifiait pour les tableaux. Lapins , poulets , harengs  faisans, tomates  en peintures n’étaient rien d’autre  que des contre nourritures, des êtres de couleur qui n’existent pas en dehors du tableau. Il faut donc aller chercher ailleurs que dans les entrailles du peintre , la signification muette de ces mise en scène ( GIRARD).

Ici une première constatation s’impose, le cadre explicatif de la table dressée ne fonctionne pas loin d’élucider la scène représentée, il en opacifie le sens. Que veulent dire ces couverts. ?  SOUTINE se moque de l’opulence comme de la misère. Ne le préoccupe que le jeu du tableau. Les interprétations psychologiques font ici fausse route. La peinture ne décrit pas la vérité d’une situation, ne peint pas la pauvreté, la solitude ou l’angoisse du lendemain La nature morte n’expose pas la vie quotidienne  du peintre ou l’état de son estomac et sa  prétendue frustration  devant une nourriture prohibée, elle manifeste la puissance de l’art , elle donne sa chance à l’expression de l’idée créatrice.

Une seconde lecture met l’accent sur la disposition des objets  à l’intérieur de chaque tableau . Selon un effet mystérieux, les animaux morts et les légumes composeraient une écriture chiffrée. Un exemple plaide en ce sens.

Dans « NATURE MORTE AUX POIVRONS ET AUX CAROTTES   » de 1918 on peut voir deux poivrons côte à côte comme les barres d’un caractère à double jambage, deux poissons recroisées en forme de X , deux carottes dessinant un V et deux assiettes ellipsoïdes en signe de O. Le tableau est le plus explicite  d’une suite de natures mortes dans lesquels les objets semblent disposés non pour suggérer le beau désordre d’une desserte mais de façon délibérément  articulée ,une composition dont  l’alphabet  serait constitué d’objets réels – lièvre, pains, poissons, couverts , pichet , tomates etc, agencés entre eux pour former une suite de lettres. Pour l’explication, avait t’il présent à l’esprit la puissance créatrice attribuée aux lettres dans la bible ? ou lui importait t’il par jeu , de nous faire  comprendre que la représentation , loin de refléter  réellement  le monde visible  de façon à nous le rendre intelligible, à contrario en trouble la lecture  , l’opacité du signe pictural  détournant notre attention  vers ses effets de surface . Comme ODILE REDON , SOUTINE pourrait dire :   « Mes images savent des choses que j’ignore »  (Xavier GIRARD)

 

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Dans le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, on peut remarquer le même phénomène de jeu de chiffres et lettres qui se démarquent en surépaisseur et comme d’autres endroits du tableau par un effet  tactile avec  la formation de rides de peintures.

Une forme de tête de « WOMAN » à la manière des têtes de WOMAN des années 50 et plus particulièrement « WOMAN WITH BICYCLE », forme  de tête ovale en largeur  , échancrées au milieu et  qui inspire  la peur  par les yeux  perçants  et une forme de nez en triangle ce que l’on trouve exactement dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE en bas  dans le coin gauche dans un noir ténébreux dont seul les yeux et le nez ressortent grâce à l’effet de rides et qui forment  un ensemble imbriqué de la lettre C et du chiffre 7.

Y  a-t-il une signification précise de ce nombre et chiffre associés ?


WOMAN  C7 
LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE
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      Dans l’œuvre de De KOONING on retrouve ce phénomène de chiffres et lettres il existe des tableaux qui disposent de caractères lettres et  chiffres« ORESTES » de1947, ZURICH ( 1947) ZOT (1949) , BLACK FRIDAY ,des mots usuels qui se référencent à des objets ou des personnes comme les cubistes   mais  qui se  rapprochent  plus des surréalistes dans l’introduction de lettres dans le tableau , elles sont  èparpillées sur toute la surface de la toile, exception faite peut être du mot ZOT que l’on trouve  dans « ZURICH » et qui est réutilisé dans ZOT comme jeux de mots.Comme le jeu de mots ZOT, les C et 7 de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE joue avec la conjonction des deux pour former le visage de WOMAN dans LEG  WOMAN IN THE LANDSCAPE


                                                         ORESTE




                                                            ZURICH


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On peut trouver une similitude avec les lettres « d’ORESTES »

. Elles sont formées de jambages allongées, notamment les lettres D-P-T de même que sont allongés les jambage de C et 7 dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

La différence avec les lettres des tableaux ORESTES, ZURICH , ZOT, elles ont été formées  pour la plupart à partir de grattage donc par enlèvement de matière alors que le C et le 7 de« LEG WOMEN IN THE LANDSCAPE est le résultat de formation de rides suivant un rajout de matière WET ON WET qui a crée une surépaisseur et qui permet de distinguer la tête de WOMAN noire sur fond noir

  D’autre part ,  comme la plupart des natures mortes à la raie de SOUTINE  qui semblent  flotter dans les airs, tombés du ciel   , la forme biomorphique semble être en lévitation au-dessus de l’eau  en position horizontale contrairement au tableau  qui nous le montre dans une position verticale.

 

 

NATURES MORTES, ANIMAUX MORTS

SOUTINE ne peint pas une nature morte ordinaire, il met en scène un petit théâtre d’objets, il agence les termes d’une charade dont il ne souffle mot

Par exemple dans  « NATURE MORTE AUX HARENGS »le regardeur ne peut que constater l’extravagance aride de la plaisanterie  et se régaler de la subtile exposition des harengs aux yeux ronds , du bol rond, du plat de forme ovale et de la table rectangulaire en train visiblement de fléchir , et revenir vers l’étrange soleil oblong du plat de céramique feu au centre de la composition . Comme si la clé  de l’énigme résidait dans la relation essayée entre ce fond d’or brûlant et la froide cérémonie géométrique infléchie sur les bords d’une cène déserte (  Xavier GIRARD)

 

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SOUTINE n’a eu de cesse de peindre des animaux morts. Cette insistance est sans équivalent au XXème siècle. Elle ne trouve pas seulement son explication dans les bœufs écorchés de REMBRANDT ou dans une célébration  du monde objet  tel que les peintres  de nature morte du XVI et XVIIème siècle Flamand , Hollandais, Italien  les représentaient ployant  sous d’oppressants et féériques déluges  de gibier ou de produits de la pêche. Si les peintures de CHARDIN, DESPORTES l’ont fasciné, les raisons se trouvaient  autant dans leur façon  de peindre  et de mettre en scène l’animal mort que  dans le sujet  proprement dit. Il n’en reste pas moins vrai  que celui-ci est pour SOUTINE bien autre chose qu’un pittoresque  tableau de chasse, hommage de l’âge classique à la noblesse de l’exercice ( Xavier GIRARD)

L’animal mort n’est pas un objet banal surtout pour des personnes ayant ou ayant eu une culture juive comme SOUTINE, en effet SOUTINE introduit  chez lui des cadavres d’animaux pour en fixer l’image et les laisse pourrir dans l’atelier et les aspergeait de sang frais pour faire plus réaliste, ce qui est tout à fait impensable et comble d’infamie.

En effet, SOUTINE , en peignant ses bœufs écorchés transgresse délibérément l’interdit judaïque qui entoure le sang. Peindre du sang, peindre la bête rengorgée de sang, peindre ce qui n’est pas  hocher, pire, rajouter du sang frais au sang pourri de la carcasse de la bête est du point de vue de la loi juive  le comble de l’abomination, l’éclaboussure du sang est l’injure suprême. Toute sorte d’effusion de sang est interdite. Le sang qui n’appartient plus à la circulation vitale est à la fois répugnant et interdit

Tout petit, note Emile SZITTYA , SOUTINE était déjà marqué par  la peur du sang et il restera marqué par ce qu’il avait vu enfant : la vue du boucher du village qui trancha le cou d’une oie et le vida de son sang. Le cri qu’il voulait sortir à cette vue de la décapitation et qui n’est jamais venu tellement l’émotion était forte l’a traumatisé et est resté en travers de la gorge. « Le cri que je voulais libérer , je n’ai jamais réussi a-t-il dit »

Si Edouard MUNCH ( son tableau Le cri)  et ensuite Francis BACON cherchent à peindre  le cri, SOUTINE  garde dans la gorge le cri d’effroi que suscite en lui l’abattage rituel d’un poulet,  d’un bœuf, d’une volaille comme le rapporte SZITTYA, il ne montre jamais l’animal qui se fait égorgé mais celui déjà mort.

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« Dans LEG WOMAN in the LANDSAPE »la figure biomorphique est entrain de se faire dévorer. On ne voit pas les entrailles ouvertes comme  les natures mortes  de SOUTINE ou REMBRANDT car la vue de la dévoration est cachée sur le coté de la forme et par le monstre entrain de la déchiqueter mais le peintre ne nous montre pas non plus  la forme  en train de crier , de souffrir  car d’une part les yeux sont deux points noirs sans expressions et le peintre ne nous montre pas la bouche , le bec étant plaqué sur celle-ci qui est camouflé.

SI SOUTINE nous montre des animaux avec le ventre ouvert, il ne nous montre pas les animaux en train de se faire tuer , ils sont déjà mort .En revanche  dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , le peintre nous montre la forme biomorphique en train de se faire dévorer mais cache les entrailles et cache l’expression de douleur de cette forme avec le bec  plaqué sur le visage qui ne permet pas de voir son  expression

Nul besoin pour attester de la violence du monde de la représenter en pleine action, la présence des modèles suffit. Chaque accessoire suggère cette violence sans la montrer

 

 

A -VOLAILLES

 

Les tableaux de nature morte  de SOUTINE  «  VOLAILLE PENDUE AUX BRIQUES ROUGES» au milieu de la toile est sans doute avec les «  BŒUFS ECORCHES  »  les plus  saisissants et qui se rapprochent  également de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE comme si DE KOONING s’en était inspiré

Comme plusieurs de ses natures mortes aux animaux  morts et ici dans « VOLAILLE PENDUE AUX BRIQUES ROUGES», SOUTINE suspend les cadavres d’animaux par la tête et non par les pieds comme c’est souvent le cas pour les animaux de chasse chez les peintres de nature mortes .  Force de comparaison avec le gibet et pour accuser encore l’analogie, il peint  les ailes comme des bras , donne au bréchet  la forme d’un pectoral  et recouvre les pattes de la  volaille (dinde ) de hautes chaussettes noires. La couche noire du conduit et le rouge des briques qui l’encadrent au contraire  des paisibles natures mortes de la tradition des tableaux de chasse, destinées à faire valoir  la qualité mimétique  des plumes, arrache la volaille  au fond entre deux pièces de briques rouges qui la prennent en tenaille de telle sorte  que la figure  de l’animal pendu  frappe le regardeur de plein fouet. Impossible d’échapper à cette pendaison, la vue immédiate de l’animal supplicié s’impose avant de voir le reste du tableau

 

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Dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDCAPE » Le tableau qui devrait être vu à l’horizontale ( le sens du sang qui  coule vers le haut est illogique ) est proposé pour l’accrochage à la verticale comme un gibet . La forme biomorphique est ainsi  dans la même position que  « VOLAILLE PENDUE AUX BRIQUES ROUGES» comme pendue par la tête et semble ficelé par le pied par 1 animal . Autre correspondance, la position du monstre sur le coté gauche , positionné de telle façon qui fait penser que la forme biomorphique posséderait des bras, on voit un moignon de bras sous la tête de la forme biomorphique .Comme le tableau de SOUTINE dont la volaille se trouve encadré entre deux  colonnes de conduit, la forme biomorphique est encadré , comme prise en étaux, d’un coté par le marais de Long Island et à droite par la mer ( océan atlantique).

Cela fait penser dans le cas de SOUTINE du tableau évoqué ci-dessus et pourquoi pas « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » que la volaille et la forme biomorphique sont comme les « réprouvés à l’entrée d’un tunnel » ( conduit pour SOUTINE et  entre deux surfaces aqueuses pour LEG WOMAN IN THE LANSCAPE) dans l’épreuve initiatique  avant l’enfer biblique ou hébraïque pour ceux qui n’ont pas respectés les rites ou qui sont marqués par l’impureté. Ces deux formes, remontent donc imperceptiblement comme les réprouvés du gouffre des enfers

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Conduit entre 2 murs de briques                            Forme entre marais et mer


La forme flashy rouge et orange  de la forme biomorphique  à coté du fond sombre aqueux comme la volaille  du tableau de SOUTINE s’imposent  au premier chef et frappe le regardeur de plein fouet par rapport au reste du tableau.

B- BŒUFS ECORCHES

SOUTINE découvre  le bœuf écorché au LOUVRE .« LE BŒUF ECORCHE  » de REMBRANDT le fascine, sans doute d’abord par sa manière large sur la toile, ses empâtements de peintures, le chatoiement des  coups de peinture courts et vibrants qui rendent palpable  la chair et le gras  de l’animal écorché. La matière concrète et tangible est rendue par des touches vigoureuses et denses. Sa portée symbolique l’apparente à une vanité qui rappelle que l’homme est mortel ,qu’il va mourir . Ce tableau d’une facture saisissante de réalisme expose crument la carcasse sanguinolente de l’animal ,  jouant d’un effet de rouges et de bruns, la lumière s’appuyant sur de forts contrastes  attire l’attention sur le bœuf suspendu au milieu de la pièce  tandis que le reste de la pièce est laissée dans l’obscurité. Ce fond sombre sur lequel le bœuf se détache on en trouvera de nombreux avatars dans les portraits de SOUTINE de même  cette façon de faire jaillir la bête de tout son poids vers le spectateur qui était aussi un objet de fascination chez SOUTINE.

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 Durant l’été 1925 SOUTINE emprunte à REMBRANDT le thème  du bœuf écorché et exécute plusieurs versions de cette célébre carcasse de bœuf  qui seront comme   celles de REMBRANDT d’un volume tangible sur un fond sombre et semble également jaillir vers le spectateur mais il ne copie pas ni ne reconstitue  scrupuleusement le bœuf écorché de REMBRANDT loué pour son réalisme,   et son sujet de la vie ordinaire, animal fixé en haut par les pieds .Il préfére peindre à partir d’une carcasse réelle  qu’il amènera dans son atelier et qu’il arrosera de sang  pour conserver sa fraicheur . Il en offre une interprétation personnelle

Il prend à REMBRANDT seulement le bœuf , transformé comme il est dit ci-dessus pour y rajouter un surcroit  du sang et chez VAN GOGH il prend son tourbillon

Le bœuf écorché de SOUTINE nous montre ses entrailles  frontalement. Le regardeur voit les entrailles qui lui éclatent à la figure, le sang qui dégouline, le ventre ouvert. Les entrailles sont perçues en gros plan, on y voit les organes, les os, les muscles, un lieu de tourmente  ou s’entremêlent les rouges, les jaunes, les ocres, les terres , les noirs,

 

Les premiers bœufs de la série peintes en 1924-1925 sont suspendus dans les airs  comme « CARCASSE DE BŒUF » vue en contre plongée , la carcasse  a le ventre ouvert ou alterne le rouge ensanglanté et la couleur de la chair jaune orangée , la tête est rouge sang

 Le fond est  peint par plaques ou oscillent de larges diagonales vertes entrecroisées de vitres obliques qui laissent entrevoir un ciel verdoyant. Dans la partie basse de la toile est allumé un incendie de rouges qui brasille contre la carcasse et l’éclabousse  de longues fumées de braises  (Xavier GIRARD). Contrairement au fond de REMBRANDT ou dans une figure humaine passe la tête dans l’encadrement de la porte de la boucherie dans un fond sombre

En ce qui concerne ses carcasses de bœufs, SOUTINE aurait dit à son marchand ZBOROWSKY :  «  les gens disent que COURBET  a su capter toute l’atmosphère de PARIS  en un seul nu féminin, moi en revanche ,je peux montrer PARIS dans une carcasse de bœuf.

 Et pour ELIE FAURE :    «  En fait REMBRANDT est son maître  , au moins l’un des maîtres auquel il puise presque sans cesse , il est aussi tout à fait justifié de dire  que depuis REMBRANDT, SOUTINE est certainement  le peintre chez qui  la poésie de la matière est la plus profondément enracinée, sans aucune tentative d’imposer  par d’autres moyens que la matière elle-même, l’expression surnaturelle de la vie visible ce qui est leur principal objectif »



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Ce que SOUTINE peint ce sont les entrailles, de ces entrailles qui révélaient le mystère de la destinée humaine et dont le sens reste à déchiffrer

 

On peut faire le rapprochement entre « BŒUF ECORCHE  » de REMBRANDT, « CARCASSE DE BŒUF  » de SOUTINE mais aussi chez DE KOONING  ou la dynamique de la touche et la richesse des couleurs écarlates et  orange semblent préfigurer  les peintures  des « WOMAN » 


 

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    LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est aussi de cet ordre, le tableau à la verticale , la forme biomorphique est comme la « carcasse de bœuf » suspendu dans les airs , couleur rouge sang sur le corps .

La tête  est rouge orangée ou du sang  frais rouge vif  dégouline ( vers le haut de façon surréaliste). La partie écorchée ventre ouvert n’est pas visible car elle se trouve sur le côté et elle est cachée par ce  monstre indéterminé de couleur noire qui lui dévore la partie ventrale. Le fond est aussi faite de diagonales , d’obliques qui ici représentent  les surfaces aquatiques de marais et mer.

Comme les bœufs « écorchés » , la forme biomorphique représente la mort mais contrairement aux carcasses de bœufs ou  « bœufs écorchés » de SOUTINE où le regardeur voit le ventre ouvert de l’animal , dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE on ne voit pas ce ventre car  caché par le monstre, on ne sait donc pas si la forme biomorphique est morte ou encore vivante. Derrière le tableau sur un dessin c’est la renaissance d’une nouvelle vie pour l’amour de Emilie KILGORE

Comme «  LA CARCASSE DE BŒUF  de SOUTINE » La forme biomorphique présente  du sang, des éclaboussures ,des salissures

 

 

On peut aussi comparer les paysages de SOUTINE comme ses bœufs écorchés car la chair s’enfle en collines , le nerf creuse un sillon bourbeux, les caillots éclatent comme une flaque épaisse, frappée sous les sabots de bois,  glougloutis obscènes de quelques ruisseaux ou la fange  de déchets, d’écume poisseuse, infecte la bouche altérée.

Ombre et soleil glissant sur la carcasse de terre et de boue, d’herbes et de routes de rocs et de cours d’eau.

Cette carcasse  ouverte , cette viande rougeâtre et sombre accrochée à l’os, ce ventre gigantesque ,impudique et donné comme un paysage vu d’en haut, vu de loin, sont des réminiscences de paysages archaïques tramés à même la fibre. Topographie d’un ventre immonde ( Clarisse NICOIDSKI)

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LES POISSONS

 

Les formes allongées  des poissons de SOUTINE ressemblent à la forme biomorphique de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE sur une vue horizontale du tableau, c’est dans cette position  que probablement le peintre a crée ce tableau .

 

Dans son tableau du   «  SAUMON  » , SOUTINE s’est peut être inspiré de «  la  TRUITE » encore attaché à l’hameçon de Gustave COURBET dans ses peintures  « POISSONS «  en 1933 et « SAUMON » en 1933

Le saumon est  calmement étendue sur un lit de feuille au fond verdâtre, il y a du sang dans les ouies, la queue est tombante. Le poisson semble résigné à son propre sort. Tout ce qui cerne le saumon, végétaux, bois, taches vertes et brunes est si vague, si mouvant à l’arrière plan que la vie est contenu dans un affolement

Le peintre de «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE,  s’est peut être inspiré inconsciemment aussi  du « saumon »  de SOUTINE en considérant le tableau non plus vertical mais horizontal, la forme biomorphique parallèle au marais et à la mer. La forme biomorphique ressemble alors  au  « SAUMON  » de SOUTINE avec sa forme de poisson allongée,  terminant la jambe comme la queue tombante du  SAUMON . Le sang dégoulinant sort de la tête rouge . Tout autour  comme pour le SAUMON on remarque des coups de pinceaux vert et marrons  gris, noirs en mouvement qui forment les vagues et les reflets de l’eau , des formes fantomatiques de tête de « WOMAN «  et  d’homme " semblable aux tête grises  de GIACOMETTI" et de monstres qui sortent de l’eau , tout cela comme  le tableau SAUMON  » donnent aussi un sentiment d’affolement contenu dans le cadre du tableau                          

 

 


 LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE         SAUMON ( SOUTINE)

 

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Autre poisson peint de SOUTINE est « LA RAIE » SOUTINE a peint  une série de natures mortes  de la RAIE peinte en 1924, d’après « La RAIE »  de CHARDIN  de 1720 . De la raie de CHARDIN il ne conserve que la suspension de l’animal ,la frontalité du ventre trapèze de chair gluante sardonique et la présence d’ustensiles de cuivre, plats et pichets au premier plan. Pour SOUTINE, la copie  ou la variation d’après une œuvre célèbre est un ouvrage restrictif




LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE      RAIE (SOUTINE)


 

 

 

Il tient surtout  à l’aspect vivant et goguenard de la raie en imprimant à son cadavre éventrée un mouvement d’essor jubilatoire, il   associe les entrailles sanguinolentes du poisson à la bouche souriante presque humaine et fait revivre presque métaphoriquement la raie morte en suggérant par une touche épaisse et fluide, la chair visqueuse de son ventre.

 

 une sorte de bondissement au-dessus des accessoires de la nature morte non pas accroché au mur comme CHARDIN mais suspendu dans les airs transforme la dépouille sanguinolente en une apparition fabuleuse. La raie ainsi projeté échappe à l’alternative du pur et de l’impur , destiné ou non de l’animal mort destiné a être  mangé pour rejoindre  la catégorie paradoxale des êtres entre la vie et la mort ou momentanément vivant comme chez les juifs : la golem ( ici corps de raie à tête humaine). Ce poisson anthropographique remplace ici  le veau du Talmud. Il s’émancipe de la nature morte et de l’apparence objective  de poisson  pour acquérir une dimension épique, réplique monstrueuse et triviale.

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On peut faire un comparatif également avec LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE.

Comme la raie de SOUTINE, la forme biomorphique est suspendue dans les airs , essaye de prendre son essor mais est retenu au bas du corps par un monstre en forme de reptile qui le ceinture et l’empêche de fuir. Cette forme est aussi entre la vie et la mort car elle est attaquée de toutes parts pour être dévorée. Sa forme est aussi anthropomorphique, Extrait de corps humain ( Jambe) avec tête d’animal  (oiseau).

Comme la raie de SOUTINE éventrée et en suspension , le visage n’a pas l’air d’être atteint par la douleur. Ici dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE « , la bouche est cachée  par le bec plaqué sur le visage et les yeux, deux  points noirs  sont inexpressifs. Le visage parait serin  même avec le sang qui dégouline.  Une explication à cet  état déjà évoqué dans l’étude  est que la forme biomorphique ( auto portrait de DE KOONING) est déjà dans un état second de transmutation. La douleur est annihilée par un sentiment de bonheur de joie grâce à sa nouvelle muse qu’il vient de rencontrer  et son cauchemar fini par se transformer en rêve d’amour. L’amour est plus fort que la douleur et la mort ( voir dessin au dos du tableau) .

De KOONING se regarde lui-même et assiste à la scène   à travers un visage  fantomatique à droite de la forme biomorphique  a la ressemblance d’un  dessin de tête grise de GIACOMETTI. Il se voit dans son état de métamorphose

Comme la raie de SOUTINE  qui survole en riant,  la forme biomorphique  de « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » à l’air d’être insensible à la douleur et n’essaye même pas de se défendre

Comme la raie qui semble avoir échappé déjà à l’instant de la mise à mort car elle est en phase de métamorphose écartelé et crucifié  par sa forme même. La forme biomorphique le corps lié en bas et en cours d’être dévoré est également en phase de métamorphose grâce à l’amour

 

SOUTINE veut nous dire que dans sa vie malgré toutes les souffrances qu’il endure, les persécutions, les errances, une libération malgré tout semble se dessiner .

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Il reprendra les mêmes thèmes de la libération à la fin de sa vie quand il passera des tableaux  aux paysages cataclysmiques  aux tableaux bucoliques d’une mère et son fils au milieu des champs fleuris et verdoyant alors que dans sa vie tout va mal et que la maladie le rongera jusqu’à la mort

 

SOUTINE quand il peint des animaux morts que ça soit des bœufs écorchés, des raies, des saumons, des faisans, des lapins c’est sans doute parce que REMBRANDT, CHARDIN, mais aussi des peintres comme OUDRY, DESPORTES et les peintres de BODEGON espagnols l’ont fasciné pour leur façon de peindre  et de mettre en scène les animaux morts , il n’en reste pas moins  que pour SOUTINE ces sujets  sont bien autre chose que de pittoresques tableaux de chasse  dans un hommage à l’âge classique  des natures  mortes, à la noblesse de l’exercice . Pour les deux  peintres , SOUTINE ET DE KOONING ce sont des symboles  de la vie , de la mort

 

 

LES  FEMMES « WOMAN » ET CHANGEMENT DE 

PALETTES

La visite de WILLEM DE KOONING avec sa femme ELAINE a joué le rôle de catalyseur  en aidant DE KOONING à mener à terme ses « WOMAN ».

« WOMAN 1 » a été un tournant  important dans le travail de DE KOONING. C’est une période de passage entre l’abstraction et la Figuration ou plus précisément une cohabitation des deux dans les mêmes tableaux. C’est aussi une période clé de l’ascension vers la gloire mais en même temps, une pluie de critiques pour ceux qui voyaient en DE KOONING le digne remplaçant de POLLOCK après sa mort comme chef de file de l’expressionnisme abstrait. Cette gloire subite, n’a pas empêché son doute et son manque de confiance dans sa peinture

Une semaine après la visite, Elaine écrit  à William THEO BROWN  que BILL ( WILLEM DE KOONING)  a fini deux de ses grandes  « WOMAN » . Il s’agit sans doute de WOMAN II et WOMAN III et il continuera à travailler sur cet ensemble . Le pouvoir expressif de son imagination s’intensifie  pour arriver à un point culminant  avec l’hilarité féroce de « WOMAN AND BICYCLE » et de l’extraordinaire  présence de WOMAN I  qu’il a mis 2 ans à terminer  et dont le calque de la jambe droite de l’étape 1 sera à la base  du tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

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Lors de son exposition des «  WOMAN  à la Janis SYDNEY GALLERY où il présente sa série , il provoque une tempête chez les critiques.

Les tableaux étaient tellement différents de ceux de leur époque que le peintre doutait de lui-même jusqu’à parfois les abandonner notamment « WOMAN1 »  qui sans l’intervention de SHAPIRO pour l’encourager à continuer le tableau aurait peut-être été définitivement mis au rencard. On peut faire le parallèle pour le tableau les « DEMOISELLES D’AVIGNON «  de PICASSO  tellement différent de ce qui se faisait à PARIS qu’il ne voulait pas le montrer. Il a fallu l’intervention d’APOLINAIRE pour persuader le collectionneur  DOUCET de l’acheter . Même des  amis DERAIN, BRAQUE… s’étaient offusqués  de cette œuvre .BRAQUE  aurait dit du tableau  à PICASSO que regarder ce tableau « C’est comme si tu voulais nous donner à boire du pétrole pour cracher du feu »

 

Par la suite,, dans ses peintures , DE KOONING  doit une partie de son énergie et de la richesse évocatrice  de l’extraordinaire  découverte à MERION  des tableaux de SOUTINE à la fin du printemps 1952. L’impact visuel des tableaux qu’il a vu restera présent dans sa mémoire pendant des décennies.

 

Philip KENICOTT ( critique d’art)  a lié les peintures  « WOMAN » directement aux angoisses et mal être  de DE KOONING affirmant qu’elles sont en quelque sorte  des autoportraits  de vives représentations de soi  en travesti et il les montre tordues, étirées, tirées , cassées et fait ainsi état de sa misogynie. Les femmes qu’il a peinte dans les années 50 et plus tard dans les années 60 sont inutilement fortes et vulgaires avec un sourire effrayant, des seins énormes , des yeux béants et un sens carnavalesque  du pouvoir sexuel et de la volatilité.

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Dans son analyse  des peintures de « WOMAN » Janet HOBHOUSE veut dire que quelque chose est manifeste à la fois par l'élément expressionniste de l'art (il est clair qu'il est énervé par quelque chose, tous ces coups de pinceaux violents et jamais résolus, prouesses passionnées sur toile) et par le sujet répété de manière obsessionnelle (la présence constante de la « femme » dans son travail, provocateur pour toutes sortes de raisons, historique de l'art autant que personnel) (Hobhouse, 1988, 238).

Sur les peintures des « WOMAN» qui seront l'art définissant de Kooning, Précisément  elles soulignent  leur expressionnisme : « Ce sont des interprétations puissantes et hautement expressionnistes dans lesquelles la sauvagerie du coup de pinceau semble tout sauf sans conséquence liée aux images (Hobhouse, 1988, 244).Avec le temps, de Kooning  finira par être un membre à succès de  l’expressionnisme abstrait américain d’après guerre  ( WILLIAM F BIRDSALL)

Au départ de WOMAN1 , DE  DE KOONING a cherché à combiner et à unifier des sources aussi disparates que des sources anciennes avec de la publicité  moderne pour les cigarettes ,découpée dans un magazine ou figurait les lèvres séduisantes d’un mannequin et il finit par se trouver dans une impasse.

Juan PORRERO qui a fait une étude sur DE KOONING  signale que WOMAN I est le résultat d’une suite de ruptures avec des images  que le peintre considérait comme stéréotypées  et qui élevait  le repentir  à la catégorie d’images

Ayant commencé par placer la figure au milieu de la toile pour se débarrasser de toutes les contraintes de composition, le peintre tomba dans une situation presque absurde : il n’arrivait pas à saisir l’anatomie. La picturalité avait pris le dessus sur la description du corps et la forme lui échappait sans cesse. 

 

 

Il abandonna le travail qui fut repris grâce à SHAPIRO et à sa visite à la fondation BARNES qui exposait les tableaux de SOUTINE. Pour lui le geste pictural tel qu’il l’a observé sur les surfaces d’œuvres luxuriantes  comme « LE PETIT PATISSIER » LES PAYSAGES DU MIDI ou LES ANIMAUX MORTS , ANIMAUX ECORCHES  s’est avéré décisif. Toutes ces œuvres de SOUTINE possédaient   toute la sensualité qu’il recherchait  et qu’il trouvait  dans les peintures de SOUTINE.

 C’est alors aussi qu’à la suite de sa visite à MERION en 1952 , il efface toute trace d’espace intérieur  de telle sorte que la figure assise de WOMAN1 ne fasse plus qu’un  avec l’espace environnemental.. La distinction conventionnelle entre 1er plan et fond disparait . 1er plan et fond sont étroitement imbriqués l’un dans l’autre et la surface animée par la présence d’une figure féminine s’impose

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D’autre part s’appuyant sur la matérialité expressive de la peinture, DE KOONING trouve également chez SOUTINE des idées de compositions.

Ainsi dans « WOMAN V »la pose frontale de la femme dans l’eau ressemble à la position de « la femme entrant dans l’eau » de SOUTINE, elle-même inspiré de « femme se baignant dans une rivière » de REMBRANDT »

Dans les six tableaux de « WOMAN »Les effets de déformations expressives du visage et du corps , les caricatures expressionnistes  , les mouvements débridés de la touche très gestuelle  sont aussi en partie  le fruit  de la profonde admiration que portait DE KOONING à SOUTINE. Il a atteint avec cette série un point de non-retour

Pour Eric R KANDEL, « WOMAN 1 » est considéré à ce jour  comme une des images  les plus dérangeantes de la femme dans l’histoire de l’art  et pourtant dans ses études DE KOONING  a voulu souvent exprimer son enchantement avec des filles américaines qui sont belles, lumineuses, charmantes. Certaines études ressemblent à sa femme Elaine mais en peignant, les femmes deviennent féroces en  puisant dans ses sources expressionnistes et en particulier son héros SOUTINE  ( WILLIAM F BIRDSALL)

Dans le New York moderniste, de Kooning a puisé son courage dans le dévouement constant de SOUTINE, un outsider emblématique, à la grande tradition de la peinture ancienne occidentale, notamment son regard pour les maîtres hollandais REMBRANDT et  VAN GOGH .Dans ses peintures de carcasses d'animaux, une version contemporaine de la carcasse de bœuf de REMBRANDT ,SOUTINE  semblait sonder…l'intestin de l’existence moderne. Pas moins que SOUTINE , DE KOONING, dans WOMAN  espérait apporter un  éclairage à l'art sans abandonner ce qui l'a précédé (Stevens et Swan)

 

Depuis la série des «  WOMAN » des années 50, on remarque plusieurs changements de palettes. Elles sont caractérisées par des lignes dessinées au charbon de bois avec du noir enamel pour ancrer l’image et apporter de l’ordre à la couleur

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Dans les séries des « WOMAN » des  années 60, il n’y a plus d’ancrage par les lignes qui ont disparues, ce qui restent ce sont les grands coups de peinture et il adopte  des peintures pales  de pêche ,de rose et de turquoise imagées par une phrase de HOWARD JOHNSON qui compare les couleurs des tableaux « WOMAN »   des années 60 a une saveur de crème  glacée qui fond dans une œuvre . La fin des années 60 et années 70  est un retour aux peintures chaudes de ROUGE ,VERT, ORANGE,JAUNE ou alternent peintures de joie  comme «FLOWERS MARY’S TABLE »  et de mélancolie de  pessimisme comme LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

 

Pour WOMAN 1 il commence à travailler à partir de nombreux dessins et fragments de collage, il remplit la toile de multiples images d’une femme assise dans un intérieur puis il gratte la figure. Son épouse ELAINE dit plus tard  que près de 200 images ont précédé l’état final de ce qui sera WOMAN1.De ses nombreuses étapes préalables dans un processus de reconstruction radical  , séance après séance, il reprend inlassablement l’esquisse au fusain  et procède par grattage et recouvrements successifs

il ne resta que quelques photographies  prises par les deux photographes  RUDY BURCKHARDT et WALTER AUERBACH   et de nombreux calques de ces étapes intermédiaires

WOMAN 1 est un des tableaux du XXéme siècle qui a été le plus commenté et controversé par les critiques d’art et les écrivains

Pour Eric R KENDELWOMAN I c’est la mère de DE KOONING, violente  qui a opprimé son fils mais c’est aussi  l’éternelle femme dans la fertilité , la maternité au pouvoir sexuel agressif et dans la sauvagerie. Elle est à la fois Mère de la terre et femme fatale. Avec cette image marquée par des dents en forme de crocs et d’énormes yeux qui font écho à ses énormes seins. DE KOONING a donné naissance à une nouvelle synthèse du féminisme.

 

  STEVENS ET SWAN rapportent  les propos de DE KOONING  dans une conversation il dit : «  Je ne peux m’échapper de la femme, partout ou je regarde , je la trouve »

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Pour LAUTER, DE KOONING explore plusieurs types de pouvoir féminin y compris  la référence habituelle, de la séductrice et quelques fois  de la sorcière dangereuse, de la belle idole, de la folle et de la terrible mère

 

En 2011  Philip KENICOTT a lié les peintures « WOMAN » directement aux angoisses de DE KOONING affirmant » qu’ils sont en quelque sorte des autoportraits à vive représentation de soi en travesti d’un peintre soutient de son propre talent, comme sont les femmes  en autant de directions comme sont ses  femmes, tordues, étirées et cassées .Les  peintures de DE KOONING  renforcent  le sentiment qu’il était probablement  mysogine ou profondément en conflit au sujet des femmes. Les femmes qu’il a peinte  dans les années 50  et plus tard dans les teintes de rose sont vulgaires  avec des sourires sinistres , des seins énormes des yeux béants et un sens carnavalesque  du pouvoir sexuel et de la votabilité

 

WILLIAM F BIRDSALL nous dit à propos des WOMAN 1  que la création  et la réaction à WOMAN  fait écho  a des éléments du scénario de  JOHN BERGER ( critique de PICASSO) quand il parle des demoiselles d’Avignon de PICASSO dont le but était de choquer et que c’était une attaque frontale  furieuse non pas contre la sexualité  et l’immoralité mais  contre la vie  telle que PICASSO la trouvait avec le gaspillage,, la maladie, la laideur et qu’il utilisait  son sens du primitif  pour violer et choquer le civilisé. Le motif et la matérialité sont le résultat d’une agression non d’une esthétique.

La création et la réaction de WOMAN1 reprennent le scénario de BERGER. Dans WOMAN 1 il y a de la rage avec  l’image décousue de la femme contre la société de consommation américaine de l’après guerre fracturée. « WOMAN 1 » c’est aussi  comme «  Les demoiselles d’Avignon »  l’image du primitif pour critiquer l’Amérique qui l’entoure .

Un critique de la rétrospective de DE KOONING de 2011 a observé que l’aspect agressive des WOMAN est aussi du  à  ses relations avec les femmes qui l’ont abandonné et que contrairement à PICASSO et sa domination sur les femmes , Les femmes de DE KOONING  le domine et il ne leur échappera jamais

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CYNTHIA FREELAND en 2011  nous dit que WOMAN 1 semble exprimer l’ambivalence  et la complexité de l’artiste dans ses sentiments à l’égard des femmes qu’il considère  à la fois séduisantes mais aussi effrayantes et dévorantes.

 

L’historienne d’art ROSALIND KRAUSS  a conclu que WOMAN I  était le  fétiche de DE KOONING  qui avait répliqué :   «  Je ne peux pas m’en sortir….. Partout  ou je regarde  , je la trouve)

En peignant , la femme féroce dans WOMAN 1, il s’était  inspiré de ses sources expressionnistes et en particulier son héros : SOUTINE. Ce tableau l’a hanté toute sa vie jusqu’à en avoir des cauchemars ,

c’est tout le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » l’histoire  d’un cauchemar morbide qui fini par se conclure dans la joie et l’amour ( dos du tableau

 Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  contient au centre en rouge de bas en  haut  du tableau une  forme biomorphique  que le peintre a animé avec une tête, des yeux, un bec   qui est un fragment de WOMAN1 ( étape 1)  ,  la jambe droite que le peintre a détaché pour en recréer un nouvel être qui semble être un autoportrait du peintre  dans son  cauchemar qu’il a subit . Ce nouvel être biomorphique exprime également l’angoisse, le mal être et un sentiment de terreur  ( dévoré par des monstres des marais et de la mer).mais en fin de compte c’est la  délivrance la  joie et l’amour qui est exprimé au dos du tableau dans  un hymne à l’amour pour Emilie KILGORE

 

On peut y voir dans l’organisation de la toile des « WOMAN «  et celle de  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » des ressemblances .

 

Dans les toiles des « WOMAN » , les  touches extérieures  , chargées de couleur , remplissent  deux fonctions : centrifuges, elle s’enroule  autour de la figure de  « WOMAN »  en faisant des  fonds , des éléments de contournement de la figure : agressives, elles attaquent  par endroits les corps les liant au fond et provoquant une confusion visuelle. On peut voir  que le fond et la figure se confondent dans un magma pictural empêchant  une identification nette de la figure

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Dans LEG WOMAN  IN THE LANDSCAPE,des touches extérieures à la forme biomorphique remplissent les creux ,la concavité laissés par la forme biomorphique , certaines s’enroulent autour de la forme rouge centrale, d’autres font office de monstres des marais et de la mer aux formes imprécises qui laissent place à l’imagination . L’imbrication de ses touches de fond et de la forme biomorphique ont également comme résultat de lier le fond et la forme biomorphique  et de supprimer toute perspective et espace entre le fond du tableau et la forme biomorphique.

Autre signe de WOMAN dans le  tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » , le peintre a fabriqué  en plus des monstres des marais et de la mer , un monstre à partir de « WOMAN »c’est une  tête fantomatique  et démoniaque à la manière de la tête de WOMAN  de « WOMAN AND BICYCLE » avec son échancrure au milieu de crane son nez en forme de triangle  et des yeux glaçants, sa couleur  est  noire de terreur comme les autres formes noires qui sont les dévoreurs de la forme biomorphique, Ici c’est un être démoniaque  qui d’un œil se délecte à le vue de la forme qui se fait dévorer et de l’autre  regardant  agressivement le spectateur de la scène . Les autres taches du fond sont là pour donner du mouvement à l’eau des marais et de la mer, centrifuge à gauche  et reflétant les mouvements du flux et du reflux de la mer à droite. Cette forme biomorphique c’est donc une régénérescence de WOMAN1  par sa jambe droite . Le peintre a crée un nouvel être , lui a donné la vie . C’est comme Mary SHELLEY qui a crée son FRANKENSTEIN à partir de fragments de corps humain..

Cette scène de cauchemar a hanté  les nuits du peintre , il en aurait  fait ce  tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ». Dans  leur livre  « DE KOONING , An American master »  STEVENS et SWAN nous parlent des cauchemars de DE KOONING  avec des monstres qu’il finira par maitriser. LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE relate sans doute  cette maitrise  et la fin de ses cauchemars grâce à sa rencontre avec Emilie KILGORE  suggéré au dos du tableau

 

 

Dans d’autres tableaux il a crée d’autres formes organiques, vivantes, biomorphiques à partir de bras , de  têtes, de yeux, de cranes , de seins , de bouches prélevés sur « WOMAN 1  «  ou d’autres WOMAN pris avant ou après sa création de WOMAN1. Par exemple dans excavation  produit avant WOMAN 1, on trouve de nombreux extraits de fragments humains plus ou moins reconnaissables.

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A propos de « WOMAN 1  «  Robert ROSENBLUM écrivait que les énergies apparemment infinies dépensées par DE KOONING sur « WOMAN1 » ont donné naissance  à une énorme proportion  de frères et sœurs et de duplication de fragments du corps de WOMAN1 qu’on retrouve dans de nombreux tableaux, « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est certainement l’un de ceux dont parle Robert ROSENBLUM

Ce changement de palettes évoqué  à partir des WOMAN  des années 50  et plus tard à partir des années 70 suite à la rencontre avec Emilie KILGORE dont LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE pourrait être un des tableaux qui fait transition entre les tableaux  de  fin des années 60 tels que « the visit » « the man » avec  leur parfum de terreur et de mort et à partir de 1970 -1971 ou les tableaux sont devenus des hymnes à la joie, à l’humour à la gaité , à la beauté des couleurs chatoyantes  avec des tableaux comme  « RED MAN WITH MOUSTACHE » , FLOWERS MAR’YS TABLE »

 

  « WOMAN » de DE KOONING on le rencontre aussi chez SOUTINE qui  est dans le pessimisme, la panique, la destruction, la morbidité avec les bœufs écorchés , les animaux morts et c’est quand la maladie le prend tout entier , qu’il est traqué comme juif durant la querre  et qu’il sent que la fin est proche qu’il fait ses tableaux les plus paisibles, les plus doux avec ses toiles  de mères et d’enfants dans des paysages verts et fleuris qui malheureusement seront stoppés par la mort du peintre en 1943

 

 

Avec LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, de plus en plus , le peintre se tourne  vers l’intérieur à la recherche d’une pastorale. Dans ce tableau  il y a le jeu  de pinceau  sur le corps de la forme biomorphique mais aussi  le jeu de pinceau qui donne  les reflets de la lumière sur l’eau des marais et de la mer, des endroits près de chez lui ou il aimait se promener et regarder longuement les variations des paysages aqueux.

Il préférait cet accouplement des paysages , des corps fragmentés  et des aperçus  plutôt  que toute une description parfaite et ce qu’il recherchait avant tout , c’était l’instabilité. Il ne trouvait  son inspiration que dans l’instabilité des choses et LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE lui convenait parfaitement  car il n’y a rien de plus instable que l’eau qui circule, la mer ou les marais.. Chaque seconde change la vue avec les courants et les reflets du ciel changeant sur l’eau.

Même dans ses tableaux qui  respire la tranquillité , l’apaisement avec des couleurs comme des pastels à l’exemple de « FLOWERS MARY’S  TABLE » l’instabilité est présente avec ses jeux  de peinture rouge  courts et la table en déséquilibre

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FIGURES ,PORTRAITS

 

Tout d’abord il faut dire que  DE KOONING  a rarement représenté la figure masculine dans ses peintures après celles des années 30 et 40 , quelque fois la figure masculine  est restée présente par la suite dans ses dessins. Quand il le faisait, l’image avait souvent une connotation autobiographique et typiquement comme sa crucifixion de dessins ( For santa Emilia- six tears for six saints )  de 1972 reflétait  des sentiments de persécution  et de souffrance.

 

Pour SOUTINE peindre des portraits, c’est amené à l’existence de l’image des inconnus, des anonymes, des malheureux pas pour rivaliser avec la peinture d’histoire, d’ailleurs des histoires il est incapable d’en raconter, aucun tableau en fait état. On ne connait de la sienne que ce que ses contemporains ont bien voulu en dire, le plus souvent dans la caricature

Dans la pratique SOUTINE ET DE KOONING conservent la figure  organique ( humaine , animale) en cherchant à la défigurer, ils réalisent des visages tordus et des corps aux silhouettes déformées. Dans son autoportrait appelé aussi « GROTESQUE  « , SOUTINE ne s’épargne pas, il se présente avec les lèvres charnues et protubérantes, un nez démesuré et un bras allongé . Il n’hésite pas non plus  à accentuer la sinuosité des corps comme dans  «  LA FEMME EN ROUGE»

Dans  «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » le peintre se présente en auto -portrait  dans une forme biomorphique à tête d’oiseau qui est un fragment de corps de sa création WOMAN1 , fragment détaché auquel il a donné la vie

 

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Souvent les personnages de SOUTINE nous fixent intensément comme si ils  nous sollicitaient une réponse ,réponse empêchée  par la peinture , trop occupé que nous sommes  à la  fixer du regard à notre tour  sans comprendre ce que ces yeux inégaux cherchent à voir

 

Les modèles de SOUTINE ouvrent des yeux énormes ou minuscules , brûlant d’une asymétrie  éperdue. Des yeux mal appareillés taillés à le serpe et qui se disputent  la place. Dans certains cas c’est le chas d’une aiguille à coudre, un trou d’homme  à peine ouvert ou passe le trou de la folie, une découpure de rien  , la fente inhabitée d’un masque de carnaval ( Xavier GIRARD).C’est le point fixe d’un tournoiement de tout le reste des peintures, c’est la jonction entre l’intérieur et l’extérieur.

Les mains comme les épaules et les bras  ont leur vie propre mais restent solidaires du corps. Disproportionnés et vacants , de grosses mains jetées à la surface du regardeur  pour le prévenir de la rudesse du monde. Des bras loin du corps amples et dégingandé, des vêtements  auxquels il s’identifie et qui lui font une carapace en couleur ( Xavier GIRARD)

Quand il peint  des portraits  de  domestiques dans une pose servile , c’est lui-même qui se découvre, lui-même qu’il  hait et se frappe lui-même , qui se révèle à lui-même . Satisfait  du succès présent, jouissant  d’un confort financier  nouveau  et pourtant à jamais son masque de pauvre.

SOUTINE cherche à réduire  la distance entre figure portraituré et regardeur, qui nous prend à témoin

 

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique est très simplifiée, tête d’oiseau , 2 yeux , 1 bec , un corps sans membres ‘ c’est à l’origine une jambe de « WOMAN 1 «  stade 1.

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 Cette forme est proche du regardeur  et donne aussi comme les portraits de SOUTINE, un sentiment de gène chez le regardeur qui voit la forme attaquée de toute part et ne peut intervenir, impuissant devant la scène  qui se déroule sous ses yeux . Cette forme est si proche du regardeur qu’elle semble nous regarder,nous demander de l’aide ,son pied est prisonnier d’un monstre et l’empêche de bouger et de s’échapper  et sans pouvoir se défendre elle est attirée vers l’eau vers les ténèbres des marais qui abritent ces monstres et nous n’y pouvons rien. Sur la droite au niveau de la tête de la forme une tête fantomatique ressemblant à une tête des dessins de GIACOMETTI assiste également à la scène  de dévoration et  montre aussi son impuissance également  ( c’est l’esprit, la conscience de DE KOONING dans son propre rêve qui se voit  dévoré par des monstres.)

 

 Dans son «  AUTO PORTRAIT » de 1918 les yeux de SOUTINE ont peur . SOUTINE a peur de ses yeux, de ses yeux qui le dévisagent dans le miroir ou il s’observe. Et cette peur transforme la réalité du portrait en une illusion de présence démultipliée , peut être menaçante, Le visage  qui préexiste à l’autoportrait est celui d’un écorché rouge avec  deux trous noirs à la place des yeux , la bouche coupée

une toile dans la toile envahit le tableau, celle sur laquelle il  va peindre son portrait mais  le portrait de SOUTINE semble exister déjà sur la toile  avant même  qu’il  ne commence à la peindre. Le portrait est sur le dos de la toile qu’il va peindre.



AUTO PORTRAIT DE SOUTINE 1918

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Très étrangement on peut faire le rapprochement de ce double autoportrait  du tableau de SOUTINE « autoportrait de 1918 »  avec le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. En effet dans le même ordre ,la forme biomorphique peut être considéré comme l’autoportrait  du rêve cauchemardesque  de DE KOONING , sur le coté droit au niveau du visage de la forme biomorphique  on remarque dans l’ombre ,un visage  fantomatique tout en long à  la GIACOMETTI , c’est aussi l’autoportrait , l’esprit de DE KOONING dans son sommeil qui se voit en forme biomorphique, et se voit écorché par des monstres au travers de leurs yeux liés respectifs, il y a donc démultiplication de la même façon que l’autoportrait de 1918.




TETE FANTOMATIQUE "LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE"



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Pour en revenir  à SOUTINE, On dirait souvent que les yeux n’appartient pas  tout à fait au visage  avec lequel ils ont été assemblés  inégalement comme les oreilles , le nez, la bouche . Dans le cas du « Maitre d’hotel »  ses yeux louchent affreusement , son nez et sa bouche partent  en coin, Ses yeux le font grimacer. Soutine peint une humanité qui a perdu l’équilibre dont la vie s’échappe, beaucoup d’entre eux ne semblent pas comprendre ce qui se passe , l’un des personnages a une épaule plus haute, l’autre les mains ballantes un autre encore est montré de traviole mais ses portraits ne sont pas des monstres. Tous ont l’air  d’ignorer ce qui se passe de l’autre coté du miroir mais contrairement à PICASSO , SOUTINE ne disloque pas le visage , il se borne à faire apparaître les déséquilibres internes  el les lignes de fuite, un œil se transforme en trou noir, il déplace les axes du nez de la bouche, les oreilles semblent démesurées, le nez ressemble à un nez d’ivrogne rouge et augmente en taille. Si MODIGLIANI a tendance à allonger les cou , SOUTINE lui  donne le champs libre au grotesque.

Soutine ne peint pas  un visage scrupuleusement reproduit mais donne libre cours au rictus d’une bouche, au décollement d’une oreille ou d’un nez de travers jusqu’à ce que le portrait  du sujet en face de lui devient méconnaissable et se révèle à l’insu du modèle. En maltraitant ainsi manifestement la figure , en la montrant difforme et désaxée SOUTINE cherche t’il à obvier l’interdit de la représentation anthropomorphique .

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Cette représentation  anthropomorphique que l’on retrouve dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » où une forme biomorphique , sujet principal du tableau semble être un être mi poisson, mi oiseau et dont il semble être l’autoportrait du peintre lui-même. Les yeux sont des trous noirs désaxés, le long bec en pointe tombe sur le visage et cache la bouche, il n’y a pas d’oreilles ni de membres et n’a rien d’humain ni d’un animal reconnaissable. Il est entouré de monstres agressifs

Les yeux dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » comme ceux des tableaux de SOUTINE ont aussi une importance non négligeables.Ceux de la forme biomorphique , des trous noirs  désaxés  tombant vers le bas comme le bec, inexpressifs, donnent bien l’idée de désarroi de découragement et de résignation  face à l’adversité des monstres assoiffés de sang . Les yeux des monstres noirs à gauche sont des trous vides, habités par aucun sentiment sinon ceux de tuer. Les yeux de la tête de « WOMAN «  en bas à gauche aussi désaxé , l’un regarde le spectateur à faire froid dans le dos , par la terreur qu’il exprime, l’autre regarde la scène de meurtre qui est en train de se produire  sous les yeux et semble s’en délecter. Un autre paire d’yeux dans un visage en haut à droite qui ressemble  aux dessins des têtes grise de GIACOMETTI. Les yeux comme tout le visage semble ici  grands ouverts mais  résignés , assistent à la scène  sans pouvoir intervenir

 

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » nous pouvons percevoir un visage masculin fantomatique ( dans le style des figures grises de GIACOMETTI) , c’est l’esprit de DE KOONING dans son rêve  qui se voit sous forme  biomorphique a tête d’oiseau entrain de se faire dévorer par des monstres des marais et de la mer. Cela a donc comme ses autres figures  dans ses tableaux une signification autobiographique

 

SOUTINE et DE KOONING ont tous les deux cherché à relever un défi majeur du XXeme siècle, peindre la figure du XXeme siècle, peindre la figure humaine.

Pour SOUTINE  la figure porte le poids de l’histoire de l’art, tiraillé entre  la nécessité de s’inspirer du passé et la nécessité de s’en défaire, il développera un style personnel ou la figure humaine est volontairement malmenée.


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Les relations du modèle et du paysage obéissent à une double contrainte.

 Soit les figures réduites à un graffiti se perdent dans l’immensité de la vue ou se fondent dans la trame du paysage,

soit elles tendent à occuper la totalité du tableau et rejette  le décor pour mieux coïncider avec lui.

Entre eux l’accord est impossible. S’il peint en 1917,   «  TROIS PAYSANS EN PLEIN  « , c’est pour les plonger, dans l’embrasement général qui brouille leurs traits et qui ne retient des corps qu’une apparence vibratoire ( xavier GIRARD)ou  bien les personnages sont dans le paysage juste par une silhouette fantomatique juste pour montrer que le paysage est habité et qu’il ne ressemble pas à une composition abstraite , que les habitants des villages ont un droit de passage dans les sentiers , aux bords des platanes etc . Les figures sont là pour donner au chaos , une apparence de normalité SOUTINE ne peint pas l’apocalypse, ne raconte aucune histoire

Ou bien au paysage SOUTINE substitue des effets de couleurs qu’il accorde à son sujet. Par exemple, l’idiot du village est immergé  dans la pourpre d’un rideau.

SOUTINE ne sépare pas portrait et paysage  pour sacrifier à un exigence stylistique. Leurs deux logiques figuratives, s’excluent inexorablement au nom d’une incompatibilité dont l’origine est à chercher en deçà des images, dans l’autorité du genre.  Le paysage n’est pas le séjour des figures. Les corps sont étranger à leur lieu

 

 

DE KOONING n’a jamais abandonné la figure au profit de l’abstraction ou du paysage bien qu’il soit affilié à l’expressionnisme abstrait Américain

Chez les deux artistes , ce défi de la figuration est d’abord incarnée dans la tradition occidentale  du portrait.

leurs corps sont étirés (à la manière d’un GRECO, D’un GIACOMETTO ou MODIGLIANI) et déformés ( Lili DAVENAS)


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tout comme les « WOMAN «  de DE KOONING ou les tableaux «  LA FIANCEE » ou «  L’HOMME DANS UN MANTEAU VERT  » de SOUTINE

 

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE  La figure dans le paysage  qu’est la forme biomorphique anthropomorphe est à rapprocher des figures de SOUTINE comme « LA FIANCEE » par la disposition centrale du sujet et sa position dans la toile qui fait toute la longueur  du tableau. Similitude également dans l’étirement de la forme et surtout du visage( qui sont pourtant un simple calque de la jambe droite de WOMAN 1 ( etape 1) avec très  peu de retouches)  , les yeux légèrement décalés, la rougeur de la figure  couleur sang, rapprochement aussi par rapport au fond  entremêlé de couleurs froides de vert foncé marron avec des coups de pinceau courts   qui remplissent les espaces en creux tout autour de la figure et dont l’aspect courbé donne du mouvement au tableau

                                                               La FIANCEE SOUTINE


« Si un certain gout de la caricature semble réunir les deux peintres, les modèles de SOUTINE conservent  néanmoins leur identité malgré leur anonymat. Ce sont de simples connaissances par leur étrangeté partagé avec eux et il en fait des personnages comme s’il s’agissait de grands hommes de ce monde par leur apparence, leur gestuel et leur habillement . Soutine ne brosse pas le portrait d’une communauté ne dresse aucun constat, il fait des portraits comme il peint des natures mortes et des arbres dans le but de réaliser des tableaux qui suspendent pour un temps l’errance des formes…….. » ( Xavier GIRARD)

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 tandis que pour DE KOONING c’est l’anonymat et aucune identité singulière, hormis une poignée de figures comme , « MARYLIN MONROE » de 1954 ,  Les figures interrogent  leur présence au monde, dans une approche résolument plus existentialiste. Les traits révulsés des WOMAN ont parfois alimenté la rumeur autour d’une misogynie  prétendue du peintre, révélatrice  d’une terreur sexuelle masculine qui serait le propre de l’époque »(Géraldine BRETAULT) qui s’ajoute à l’image de sa mère qui a terrorisé l’enfant WILLEM DE KOONING. Il n’avait pas revu sa mère pendant plus de 30 ans et ensuite seulement à deux reprises car il avait gardé d’elle une image de peur et de terreur qu’on peut retrouver dans ses « WOMAN »

LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est un peu différent  car sans reconnaitre les figures qui sont totalement une vue de l’esprit , l’idée générale du tableau qui semble représenter un cauchemar vécu par le peintre  ( il parle de ses cauchemars   peuplés de monstres  relaté dans le livre  De STEVENS/SWAN, An american master) nous montre un être au centre du tableau  totalement inventé qui n’a aucun lien avec la réalité sauf que c’est un fragment de corps de WOMAN 1 ( étape1 ) et dont le peintre l’a extrait pour un faire un être vivant qui serait un autoportrait de DE KOONING et sur la droite un tête fantomatique  c’est  l’esprit du peintre se regardant dévoré par des montres

Pour en revenir plus précisément aux portraits de SOUTINE, il peint les figures horrifiques ou burlesques du monde dans lequel il vit «  Les ignorants, les ouvriers , les artisans, les colporteurs, bref  ceux que l’on groupe sous le nom de PROST (nom donné  au SHTETL pour leur métier, leur état, leur formation sociale, leur lien d’origine ou leur caractère), la catégorie  sociale du vulgaire , du pauvre juif sans éducation  rangé dans une classe inférieure au boutiquier instruit qui pourra espérer accéder à la petite bourgeoisie du SHTETL. Le modèle de SOUTINE se caractérise par ses manières rudes, son humilité de manouvrier habitué à travailler sous le joug . Sans doute a-t-il à l’esprit, quand il peint ses portraits d’hommes ordinaires dans les vêtements de leurs métiers , les portraits de RAPHAEL, de Jean FOUQUET qui veulent hisser à la puissance du grand art , le peuple des anonymes  ( xavier GIRARD) A la manière des maniéristes, SOUTINE  peint son modèle dans ses plus beaux habits qui caractérise son état de groom de garçon boucher ou d’homme de prière, comme un prince souvent portant aussi un chapeau qui le caractérise mais celui-ci avec le regard du burlesque. Il recherchait ses modèles surtout parmi les personnes âgées malgré que celles-ci étaient rétissantes aux séances de pose . Il se faisait passer alors pour un personnage officiel envoyé par le commissaire de police pour faire un portrait !

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De KOONING lui ne peint  pas ses figures , ses portraits à partir de modèles physiques. Il lui arrive de peindre des figures à partir de photos de magazines dont il colle  des éléments de figures comme les yeux ou la bouche  ,. Ses portraits sont féminins totalement sortis de l’imagination du peintre . On pourrait toutefois y voir des ressemblances avec certaines sculptures GORGONE mais aussi avec des portraits ressemblants aux  personnage de PICASSO  comme les « DEMOISELLES’ D’AVIGNON, portraits primitifs , minimalistes qui inspirent la répulsion, la peur la terreur mais aussi le grotesque , le laid

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, en bas à gauche on remarque un portrait ovale échancré  tout en largeur,comme les visages de « WOMAN » des années 50 dans un environnement sombre, noir auprès des monstres des marais, de l’autre coté de la forme biomorphique,  une tête fantomatique  tout en longueur à la GIACOMETTI assiste à la scène de dépeçage sans pouvoir intervenir. Dans le tableau la figure biomorphique et les portraits  se trouvent dans un paysage de marais et de mer.

 

Chez SOUTINE, les relations du modèle , de la figure, du portrait   obéissent à une double contrainte. Soit les figures réduites à un graffiti  se perdent dans l’immensité de la vue ou se fondent dans la trame du paysage, soit elles tendent à occuper  la totalité du tableau et rejette le décor pour mieux coïncider avec lui. Entre eux l’accord est impossible ( Xavier GIRARD).Soutine ne sépare pas portrait et paysage  pour sacrifier à une exigence stylistique. Le paysage n’est pas séjour des figures, les corps sont étrangers à un lieu . Les figures sont uniquement là pour donner au chaos général une apparence de normalité

C’est tout autre dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE , les figures ont une importance centrale et ont chacune un  rôle essentiel dans le paysage aqueux, il y a la forme biomorphique qui se fait dévorer  par des figures de monstres sous le regard malveillant de la Figure de « WOMAN» et l’impuissance fantomatique de la Figure à la GIACOMETTI. Dans les tableaux de paysages de DE KOONING  les corps sont fragmentés ( Têtes , jambes dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE) alors que dans les paysages de SOUTINE c’est le corps en entier qui marque sa présence mais sans importance véritable

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Dans les portraits de SOUTINE , Le portrait au premier plan  se détache du fond. Les contours sont nets entre le personnage et le fond , il n’y a en général pas d’intrusion entre les deux

Dans les tableaux de DE KOONING en particulier les « WOMAN » des années, 60 et les tableaux des années 70 , il n’y a pas de contours, de profondeur, d’espaces entre les personnages et le fond du tableau , d’autant plus que les corps sont fragmentés et semblent se balader entre le fond et le premier plan. Fond et  1er plan se confondent dans des enchevêtrements inextricables à l’exemple des tableaux comme  «  La GUARDIA IN A PAPER » de 1972, « RED MAN WITH MOUSTACHE»  de 1971,TWO FIGURES  «  de 1964

 

 

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, le sujet principal  «  la forme biomorphe n’a pas de contours distincts, c’est la peinture elle-même ou l’épaisseur de la peinture qui fait contours, il n’y a pas de lignes de démarcation. Des intrusions existent entre le fond et le premiers plan . Des coups de pinceaux noirs aux multiples ramifications pénètrent la forme biomorphique. En haut  à droite , du grattage et de l’essuyage forment  un flou   ou fond et 1er pan se confondent dans les couleurs.

………………………………………………………..

Pour finir je reprendrais intégralement un article paru dans ART daily  sur le processus de peinture de DE KOONING dont l’ensemble peut tout à fait s’accorder au tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

Le processus de DE KOONING pour construire une peinture était lié au mouvement qu’il dépeint pour travailler chaque  peinture sur les 4 cotés. Il fait pivoter la peinture dans différentes directions. Une composition verticale devenant horizontale et vice et versa

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Les peintures mutaient constamment, rarement considérées comme terminées et une journée de travail était souvent grattée pour recommencer sur les traces des pigments qui l’avaient précédées

DE KOONING  a travaillé sur plusieurs peintures simultanément, il utilisait du papier calque pour inverser, refléter, reproduire un mouvement et transférer l’image d’une œuvre à l’autre ou pour étudier un mouvement  des deux cotés, travaillant aussi bien au recto ou au verso de la page

En 1972 DE KOONING a réalisé plusieurs figures liées aux peintures qui ont immédiatement précédé son travail avec la sculpture…..

L’environnement de l’artiste est souvent attribué à la fécondité de cette période lorsqu’il avait déménagé à SPRING dans LONG ISLAND. DE KOONING avait apprécié  le paysage unique de la région  et cela à bien des égards  était entré  et avait influencé son travail, cependant  au milieu des années 70, il s’est de plus en plus préoccupé  de son environnement immédiat, de sa lumière, de sa topographie ainsi qu’en particulier de l’eau du paysage  autour d’un endroit appelé LOUISE POINT

 

A Louise POINT, DE KOONING a passé des heures à observer l’eau  et ses reflets. Il est devenu captivé par la surface scintillante de l’eau et sa capacité à refléter et à fusionner l’imagerie de la terre, du ciel, des figures  et de lui-même  dans une surface abstraite de couleurs et de formes en constante évolution. C’est cet effet mercuriel qu’il a commencé  à essayer d’imiter dans ses peintures, essayer  de traduire ces relations dans le medium tout aussi fluide mais plus matériellement substantiel et plastique de la peinture .

« UNTITLED XXV » est une expression picturale joyeuse et fortement matérielle. Couche après couche, les formes et les  couleurs peintes sont accumulées  et superposées dans la toile carrée pour maintenir un équilibre dynamique et tenu .D’une certaine manière enracinée dans la nature mais apparemment absente de toute apparence figurative

En le rapportant à «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » on peut tout a fait transposer cet article de ART DAILY pour ce tableau. Dans l’ordre de cet article,

LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE aurait été travaillé sur 3 cotés, Le coté  vertical qui correspond à l’accrochage, le côté opposé à 180 degré dans le sens du dégoulinage de la peinture rouge , dans le sens horizontal  pour être parallèle au  marécage et à la mer de chaque côté de la forme biomorphique

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A plusieurs endroits du tableau on remarque du grattage. Certains grattages ont une fonction utilitaire comme le grattage dans les parties sombres du fond pour éclaircir cette partie du tableau. D’autres grattages   au niveau du haut de la tête biomorphique montre que celui-ci  devait servir pour enlever la partie peinte et retravailler ensuite sur cette partie mais qui a été abandonnée par le peintre, on peut dire que ce tableau est resté inachevé . Sur le même plan plus à droite ,de la peinture a été enlevée et essuyée avec du papier pour repeindre dessus  sauf qu’ici le peintre n’a pas repeint  ce qui donne un effet de flou , cette partie  est resté aussi inachevée.

La figure biomorphique anthropomorphique du tableau a été précédée par une sculpture N°10 faite en plâtre à ROME en 1969 puis transformée en bronze . Cette sculpture est comparable à la figure biomorphique du tableau avec sa forme de la jambe droite de WOMAN1 (étape 1), ses 2 yeux légèrement décalées, 1 bec d’oiseau.   «  LEG WOMAN IN THE LANDCAPE «  fait partie d’une nouvelle série de fin des années 60 début des années 70 aux formes figuratives, aux couleurs chatoyantes de rouge, orange, jaune


L’environnement de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE est conforme  aux tableaux de cette époque faits à LONG ISLAND dans un milieu aqueux de mer 

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et marais. On y trouve dans cette toile, les effets de l’eau des marais et de la mer imagés par des rides à la surface  ( conséquence du vent et des marées maritimes) les effets du ciel qui se reflètent dans la surface des marais et de la mer( couleurs sombres  pour ciel nuageux, puits de lumières qui éclaircissent le tableau pour ciel ensoleillé) 




LES PERSONNAGES

Dans les paysages de SOUTINE, les personnages  sont secondaires peu reconnaissables , uniquement présents  pour monter que le paysage est habité. Les personnages dominés par le paysage  sont comme aspirés par  celui-ci, dans lequel ils plongent pour s’y perdre, Le chemin que le personnage prend dans le paysage  n’a souvent pas d’issue, pas de profondeur, il se trouve dans un monde de panique dont partout le sol se dérobe Des monstres ,des démons ça et là  sont sur son passage. Leurs présences sont souvent signalées par un chapeau rouge, une tête cramoisie, une robe rouge coquelicot, parfois ils sont  sont démesurément agrandis comme des diables ou rapetissés  distendus. Dans d’autres tableaux SOUTINE peint seulement  des ombres sans personnages qu’il a rendu plus vives par  un peu de rouge

Les personnages dans les portraits de SOUTINE  semblent étirés comme ceux de MODIGLIANI, GIACOMETTI ou LE GRECO  à l’exemple de  «  LE VIEILLARD », «  LA FIANCEE » «  L’ENFANT DE CHOEUR » et donnent un effet de dramatisation , les têtes sont ovales en hauteur comme des œufs

Autant les personnages de SOUTINE dans le paysage semblent lointain et perdus  , autant dans les portraits ils semblent si proches , si proches qu’ils semblent sortir du tableau

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On peut rapprocher ces personnages dans le paysage de SOUTINE ou les portraits  avec ceux   de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE dont la forme biomorphique est aspiré par les marais et la mer. Les monstres ne permettent pas à la forme de s’échapper, son pied étant ceinturé par un monstre qui l’entraine vers l’eau où un autre monstre sur le côté est entrain de le  dévorer . La forme biomorphique faite à partir du calque de la jambe de WOMAN 1  , étape1 a également un aspect étiré  qui traverse la toile de bas en haut avec une tête ovale en hauteur tout comme les portraits de SOUTINE évoqués ci-dessus. D’autres têtes de personnages se signalent dans le tableau LEG WOMAN  IN THE LANDSCAPE sous formes d’ombres  mais têtes significatives  que les amateurs du peintre de DE KOONING peuvent reconnaitre au premier coup d’œil en s’approchant très près du tableau . En bas à gauche dans la pénombre  une tête de « WOMAN » des années 50  reconnaissable au haut du crâne échancré  et les yeux glaçants et à droite en haut le visage étiré fantomatique d’une tête grise à la GIACOMETTI






LES FEMMES

Soutine a toujours eu des relations difficiles avec les femmes. Les récits sur SOUTINE et les femmes sont extrêmement contradictoires. On sait ce qu’il en dit en les poignants : jamais  il n’a désigné leurs corps comme un élément de sensualité

D’après Clarisse NICOIDSKI ( SOUTINE ou la profanation) , il se montrait souvent lâche et sans scrupule avec les femmes et plus généralement  envers les plus vulnérables que lui

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Les relations de DE KOONIG avec les femmes sont à l’origine des relations conflictuelles de DE KOONING avec sa mère ce qui s’est traduit dans sa vie par une aversion intense  pour les engagements ( STEVENS, SWAN). Une expérience profonde, durable était un objectif inaccessible pour DE KOONING soutiennent STEVENS et SWAN  même avec Emilie KILGORE  , sa dernière muse  dont il a montré sa fougue et son amour dans les années 70. Cette relation difficile avec les femmes sont transmise dans ses » WOMAN «  des années 50.

DE KOONING disait des femmes dans sa peinture :   « J’ai voulu peindre une fois  la Madone ,parce que tous les artistes  l’on fait à un moment donné  ,  alors j’ai  commencé  à peindre des femmes. Certaines parmi les premières sont violentes, elle m’effrayaient même, mais je ne suis pas mysorine, je n’ai pas de mépris ni d’amertume envers les femmes ».   «  Dans les années 60 , les femmes que je peins  sont très sympathiques  et pastorales comme un paysage. Les femmes sont peut-être mon coté féminin  mais avec de larges épaules, je ne suis pas très grand mais très masculin  et cette masculinité mélangée à la féminité ressort sur la toile » Nous verrons dans des observations ci-dessous  que ces propos ne sont pas totalement partagés par les critiques

WOMAN 1 deviendra le point de pivot auquel DE KOONING  est revenu à des pratiques antérieures souvent liées à l’imagerie féminine

KROWN percevait « WOMAN » comme le fétiche  de DE KOONING , l’enregistrement de l’étrange ouverture sur 1 doute impossible qui a fourni des répétitions sans fins

L’influence de SOUTINE est apparente dans le traitement de « WOMAN V ». La pose frontale de cette figure ressemble étroitement à  « FEMME A LA PATAUGEOIRE » de SOUTINE qui a son tour  se base  sur le REMBRANDT « FEMME SE BAIGNANT DANS UNE RIVIERE »

On retrouve également des ressemblances avec  « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » avec le personnage couleur rouge sang sur un fond sombre

De KOONING décrit souvent la transformation incontrôlable de la belle femme qu’il avait voulu peindre  comme création d’un monstre. En cela l’influence  de son héros envahissant « SOUTINE «  était déterminant pour créer un être féroce

Cette femme monstre incontrôlable, on la retrouve dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE «  en bas à gauche en couleur noire avec sommet de la tête échancrée et des yeux qui vous glace le sang, elle se trouve en compagnie des monstres dont semble t’il elle donne les ordres d’attaquer la forme biomorphique .Cette tête  féroce est  très ressemblante à la Tête  de «  WOMAN WITH  BICYCLE » de 1952

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Contrairement aux femmes de PICASSO qui sont dominées par le maitre, les femmes de DE KOONING  le dominent , il ne leur échappe jamais

 


David SYLVESTER place « WOMAN 1 » parmi les légendaires chefs d’œuvres  du XXeme siècle avec les œuvres de PICASSO « Les demoiselles d’Avignon » et  GUERNICA » C’est l’image emblématique de l’homme et de l’artiste et marque un tournant  important  dans sa vie et son travail. WOMAN 1  a été un élément décisif à son ascension vers la gloire, c’est aussi  un indice de son doute persistant. Il a commencé à travailler sur ce sujet en 1950 jusqu’au début 1952 ou après 1,5 ans  il a arrêté cette  peinture et l’abandonne dans son atelier . D’apès ELAINE DE KOONING , elle estime qu’avant le stade  final , il a fallu 200 images . De ces étapes il ne reste que 6 photos  prises par RUDY BUCKHARDT et WALTER AURERBACH qui ne représentent qu’une partie infime du travail réalisé.

Il continuera a travailler sur une série  de peinture de  « WOMAN » quand  SHAPIRO le plus éminent  des historiens d’art a visité son atelier et après avoir examiné la peinture « WOMAN 1 » , il l’encourage à la reprendre pour la terminer. Dans cette peinture, il avait compris DE KOONING l’homme et l’artiste ,Et comme VAN GOGH dont SHAPIRO   était un admirateur inconditionnel  cette peinture  lui révélait  que DE  KOONING luttait contre ses démons et créait des tempêtes en peintures. . SHAPIRO se méfiait des approches hautement esthétiques  préférant  les artistes dont le travail «était d’éclater les formes dans un choix très personnel .DE KOONING repris le travail de « WOMAN 1 » et l’acheva à la mi 1952

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Thomas HESS décrit le travail de DE KOONING sur WOMAN 1 , deux ans de travail sur 1 rectangle de toile après avoir peint des centaines de fois . Il peignait vite et pouvait recouvrir la surface d’une toile en quelques heures mais venaient des semaines d’analyse, de dissections, de dessins de  fragments de figures, de déplacements de dessins, de superpositions sur une autre ZONE.

Dans ses études DE KOONING a souvent exprimé son enchantement  des filles américaines, belles, lumineuses, charmantes et pourtant dans ses « WOMAN » elles sont féroces, monstrueuses, démoniaques. En peignant la femme féroce , il s’était inspiré de ses sources expressionnistes en particulier  son héros envahisseur SOUTINE

Dans le New-York moderniste De KOONING a puisé son courage dans le dévouement constant de SOUTINE, un outsider emblématique à la grande tradition de la peinture ancienne occidentale en particulier son regard  pour les maîtres Néerlandais REMBRANDT et VAN GOGH

Pas moins que SOUTINE, DE KOONING  dans WOMAN 1 espère apporter  un éclairage moderne de l’art sans abandonner ce qui précède ( STEVENS, SWAN)

Pour BERGER, WOMAN 1 utilise son sens du primitif pour violer et choquer le civilisé. Le motif ,la manière , ses dislocations sont le résultat d’une agression non d’une esthétique dans une peinture de l’indignation qui représente la rage de DE KOONING

WOMAN 1 c’est aussi la critique de la femme américaine culturellement et socialement consommatrice. C’est l’utilisation du primitif  pour critiquer l’amérique qui l’entoure

Ce tableau exprime donc toute la complexité, l’ambivalence des sentiments de DE KOONING avec les femmes à la fois sentiments de séduction mais aussi effrayantes et dévorantes et sources d’angoisse et de contradictions

Pour  STEVENS et SWAN WOMAN1 , c’est aussi DE KOONING qui a été opprimé par une mère violente, difficiles relations entre DE KOONING et sa mère et donc la façon dont il voit sa mère


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POUR LAUTER,  DE KOONING explore plusieurs types de pouvoir féminin y comprisla référence à sa mère,pouvoir de séduction et de dangereuse sorcière, d’idole et de folle

Pour Philip KENNICOT, il lie les peintures de « WOMAN » directement aux angoisses de DE KOONING  et considère que les « WOMAN « sont en quelques sorte des autoportraits de DE KOONING, de représentation de soi , tordu , étiré et brisé.

Les peintures de « WOMAN » renforcent aussi le sentiment qu’il était probablement misogyne ou du moins profondément en conflit avec les femmes

Les femmes qu’il peint dans les années 50 sont fortes, vulgaires, criardes avec des seins énormes, des yeux béants et un sens carnavalesque du pouvoir sexuel  et de la volatilité (  KENNICOOT)

 

Accompagnant WOMAN I , DE KOONING a continué à explorer le thème de la femme

 

 

Ces « WOMAN » aux multiples qualificatifs  on les retrouve dans le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » sous différents aspects qui sont en corrélations avec ce qui est dit ci-dessus

Tout d’abord et ceci est répété à différents endroits de cette étude, ce tableau a pour origine la jambe droite de WOMAN 1 de son étape 1 dont il ne reste plus aujourd’hui que des photos prises durant l’exécution de cette étape qui a été suivi par des dizaines d’autres étapes avant de finir le tableau deux ans plus tard. De ces étapes DE KOONING en a fait des calques de différents fragments pour les replacer dans d’autres tableaux si l’occasion pouvait se présenter. La jambe droite de «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » est donc probablement l’un de ces fragments


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mm



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Cette jambe il en a fait une forme biomorphique vivante et autonome en y
ajoutant 2 yeux, 1 bec , un corps sans membres .

Il a crée  cette  forme biomorphique vivante  en un autoportrait  pour faire revivre son cauchemar en images dans un environnement de monstres de marais et en exprimant la terreur , la morbidité, les peurs ,les angoisses que lui ont  fait vivre ses cauchemars . Comme tous ses cauchemars il était le spectateur qui est représenté ici  par cette forme fantomatique à la droite de la forme qui ressemble aux figures grise de GIACOMETTI

Il existe une autre évocation dans  le tableau  « LEG  WOMAN IN THE LANDSCAPE »  aux  «  WOMAN «  des années 50, il s’agit de la  tête noire en bas à gauche du tableau  , ovale en largeur , une échancrure en haut du crane  et des yeux qui vous glace le sang  comme dans le visage de « WOMAN AND BICYCLE ». Cette figure se trouve dans le marais au milieu des monstres qui dévorent la forme biomorphique

 

 EMILIE KILGORE

La présence d’EMILIE KILGORE est essentielle pour la compréhension du tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »

DE KOONING avait rencontré Emilie KILGORE pour la première fois  au milieu de l’année 1970 et ils  se virent plusieurs fois à la fin de l’été 1970 . De KOONING  était totalement subjugué par MIMI ( Emilie KILGORE)  et lui écrivait des lettres enflammées malgré que MIMI était mariée et qu’elle était plus réservée pour une relation avec DE KOONING

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 Quelques mois avant de rencontrer MIMI ( EMILIE KILGORE)alors que DE KOONING était en pleine phase de dépression et était très affecté par ses cinq années de souleries précédentes, ses amis très préoccupés par son état organisèrent sous l’égide  de son marchand FOURCADE un voyage au japon pour créer une diversion. Le japon l’intéressa et l’inspira et au retour il se mit à faire des lithographies et des gravures pendant plus d’un an . une de ses gravures «  The MARSHES  représentait un environnement de marais avec roseaux , des bulles  suggéraient l’eau du marais


            THE MARSHES


Le tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE a la particularité d'être une représentation  de ses deux états d’âme du moment qui sont opposés qui s’entrechoquent et se bousculent : pessimisme sur la toile ( image des cauchemars du peintre avec monstres des marais qui dévorent la figure centrale) et optimisme inscrit  et dessiné  sur le dos du tableau ( hymne d'amour pour sa muse) par un enlacement des lettres des deux noms et les deux portraits qui se font faces de haut en bas dans la couleur de fond  rose si particulière à WILLEM DE KOONING , ce rose que l'on retrouve dans" PINK LADY". Le dessin qui est probablement le portrait de Emilie KILGORE  a une ressemblance avec le visage  du tableau «  MARYLIN MONROE » de 1954

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Quand on pose la question à DE KOONING pourquoi il l’avait peinte alors qu’à l’ époque pas très connue , elle avait peu d’admirateur ,il répondit «  je ne sais pas , je peignais un tableau  et un jour elle m’est apparu » Une apparition qui s’est imposé à lui  pendant l’acte de création d’une nouvelle WOMAN.  Peut être par analogie il fait référence à MARYLIN  dont EMILE KILGORE lui est apparu aussi soudainement  pour embelir sa vie.

                                      

C’est à Partir  de fin 1970  que DE KOONING rencontre Emilie KILGORE  au cours d’un Diner et que se nouera une amitié durable et productive jusqu’à la fin de sa vie . A  propos de son amitié amoureuse pour Emilie il lui avait écrit : « Je vous dédie toutes mes peintures"

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 DE  KOONING lui offrit pendant toute la durée de leur relation de nombreux tableaux mais elle, ne demandait rien,  pas d’argent, pas de toiles, pas de mariage, elle n’a même pas demandé plus de temps et ne le traitait pas comme un vieux, De KOONING se sentait plus jeune avec elle, réveillant une fois de plus ses rêves de jeunesse  et la passion de ses jeunes années. Son enthousiasme balaya sa retraite chez lui ou il ne bougeait plus , seul quelques amis se déplaçaient pour venir le voir. Il sortait avec Emilie KILGORE au théâtre , aux concerts, aux musées , retournait dans des galeries, visitait les expositions etc

 le motif de leur amour était établi. Ils pouvaient se voir dans Long Island  pendant les vacances et des jours à NEW YORK et à Est HAMPTON, le reste du temps MIMI habitait à HOUSTON. Il disait que ses relations avec MIMI apportait  plus de bonheur que ce qu’il avait connu avant et il lui dédie toutes ses peintures. De KOONING  se sentait devenir plus jeune avec elle ,réveillant   une fois de plus ses rêves de jeunesse  et à la passion

Quant à Emilie KILGORE , elle était naturellement flattée par l’attention d’un homme qu’elle considérait  comme un génie et qui ne pouvait manquer  de répondre à son ardeur. Elle était aussi mobilisée par son intensité intérieure. Il combattait habituellement ses démons, dans un état de désespoir au sujet de son travail.

Dans beaucoup d’autres tableaux des années 70 de WILLEM DE KOONING on retrouve des signes , des références à  Emilie KILGORE

A l’exemple du tableau   « EAST HAMPTON GARDEN PARTY »portant une inscription «  Happy BIRTHDAY » affectueuse  au dos du tableau , lui  dédiant à l’occasion de son anniversaire .

Dans une série de 6 dessins huiles et encres au titre de «  FOR SANTA EMILIA-SIX  TEARS FOR SIX SAINTS » en 1972.

 

 

 

Il est probable que le tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » qui date de ce début de relation avec Emilie KIGORE  est resté inachevé car il n’était plus en accord mentalement  avec  le tableau , le dessin du dos du tableau démontre que c’est la joie qui à remplacé son désespoir .le tableau LEG WOMAN IN THE LANSCAPE  et  d’autres tableaux comme les dessins de crucifixion de la même époque, DE KOONING il se met dans des personnages  qui meurent  pour  ressusciter  dans un être nouveau  qui efface  son passé  pour être tout entier libre  , pénétré par MIMI et retrouver sa jeunesse. Dans une lettre il disait : « Tu est  moi-même plus que moi, tu es à l’intérieur de moi »

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De nombreuses lettres de DE KOONING à Emilie KILGORE nous renseigne sur l’état d’esprit  De DE KOONING au début de leur relation. Il disait : «  elle était l’ange  qui m’a fait surpasser » Ces lettres exprimaient le sentiment d’urgence d’un être viellissant qui se désespérait  de se renouveler lui-même comme artiste et que sa relation avec MIMI le faisait renaître dans son amour. A la fin des lettres il rajoutais quelque fois un petit dessin avec une annotation  comme « Et je t’aime »

1971 c’est aussi la période ou DE KOONING n’a plus de marchand officiel, c’est une période de transition, Son marchand qui le représentait   FOURCADE  avait quitté la société KNOEDLER qui l’employait  pour créer sa société  FOURCADE DROLL en 1972. Sans marchand, il a peut être vendu ou offert LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE sans être enregistré nulle part ni par un marchand, ni par une galerie d’où l’inédit de ce tableau

1971 c’est aussi une année difficile pour DE KOONING. C’est la période de litige  aux tribunaux avec un ancien marchand  JANIS SIDNEY, période aussi de difficultés avec sa fille LISA et ses mauvaises fréquentations et  toujours ses addictions à l’alcool qui ne s’arrangent pas. Le grand bonheur qui rend sa vie supportable, c’est sa rencontre avec Emilie KILGORE

Dans les années 70 nombre de peintures continuaient à augmenter sans titres, se distinguant uniquement par un nombre. Les peintures avaient un fort air de famille entre eux bien que la palette de DE KOONING étaient différentes de peinture en peinture. Elles contenaient toutes des idées empruntées à d’autres tableaux, L’eau est présente dans la plupart des tableaux, des figures similaires se retrouvent dans tous les sens, toutes les tailles, disparaissent et reviennent à l’exemple des chaussures hauts talons, des « WOMAN »des bras, des jambes, des yeux , des animaux difformes etc

Mais cela n’empêchait pas d’avoir toujours ses périodes de doute, ses périodes d’angoisse . Ses démons intérieurs étaient toujours présents. Son addiction à l’alcool ne s’arrêta pas . En 1973 son état de santé était tel que son entourage et lui- même décidèrent une nieme  cure de désintoxication

 

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STATUES

SOUTINE n’était pas sculpteur, il n’a pas fait de sculpture mais ses  peintures de portraits  dans leur positions statiques d’immobilités ressemblent souvent à des statues de chair que ce soit les  séries des pâtissiers, grooms, hommes de prière et lui même dans ses autoportraits s’est figuré en statue comme des bustes à l’ancienne

DE KOONING s’est fait sculpteur à partir de 1969 à ROME et ensuite dans son atelier au début des années 70. La forme principale biomorphique du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE semble une réplique d’une petite statue N°10 conçue en 1969 à ROME  dans l’atelier de SCULPTURE de son ami  HERZL lors de son voyage à ROME, une des 13 sculptures fabriquées dans cet atelier. Toutes ces sculptures sont des fragments de corps humain, La N°10 correspond à une jambe , C’est aussi probablement la jambe droite du tableau WOMAN 1 étape 1. Sur un certain angle de la sculpture on peut remarquer des yeux et un bec en V comme pour la peinture LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE.



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QUELQUES COMPARAISONS AVEC DES TABLEAUX DE SOUTINE

 

 LE VIADUC  ROUGE

La couleur rouge est chez SOUTINE un outil de traversée, d’enjambement spectaculaire comme ce viaduc de 1919. Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphique rouge orange  traverse de haut en bas le tableau  et sépare d’un coté les marais et de l’autre la mer

 

LA COLLINE DE CERET

Hess en décrivant « LA COLLINE DE CERET »fait littéralement  vivre cette peinture dont il loue précisément  le fait qu’elle semble animée d’un souffle de vie. Appelant à notre imagination , il reconnait une profusion de détails dans des formes presque abstraites qui composent  la crète de la colline ( CLAIRE BERNARDI)

Pour Xavier GIRARD, « la colline de CERET » rappelle la genèse avec  cette sorte de pâte  des origines pliée et repliée, travaillée en strates que la peinture englobe comme un tas, une allure d’ile des morts  annoncée par de hauts cyprès, tumulus, montagne sacrée, pyramide primitive , montjoie, il est à la fois un vulgaire amoncellement de couches picturales et un Sinaï brûlant


                  COLLINE DE CERET

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Les maisons semblent se trouver  sur une colline  mais elles ont des dimensions qu’elles pourraient avoir si elles étaient au premier plan . ce trait est poussé à l’extrême dans la route de CAGNES de 1923 qui atteint des dimensions oniriques à cause de cette disproportion. La profondeur des maisons est donc rendu par le peintre d’après son expérience perceptible de la grandeur apparente en tant que grandeur variable  de la même chose différemment situé par rapport à lui

 

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la forme biomorphe  semble également disproportionné  par rapport au reste du tableau et prend le 1/3  du tableau  verticalement. Les monstres qui l’attaquent ont l’air disproportionnés. Il reproduit les choses probablement telles qu’elles lui sont apparus dans son cauchemar


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ROUTE FOLLE A CAGNES ( 1924)

Elle s’élève  soudainement , lassé d’être à terre et décollle vers un horizon inatteignable.

Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, on retrouve cette lévitation contre la pesanteur la forme biomorphique  tente d’échapper à ses prédateurs qui l’entrainent vers les marais et la mer pour le dévorer

LA FEMME EN ROUGE

Cette peinture n’était pas présente à la fondation BARNES en 1952 mais au MOMA en 1950, DE KOONING l’avait probablement remarqué

On retrouve la marque  dans son tableau  WOMAN IN THE LANDSCAPE en 1971 et dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE dans l’étirement  des  personnages des deux peintures   qui fait toute la longueur de la toile , la dominante de rouge dans un fond de couleur froide de vert foncé et  de marron  dans les deux toiles ; Le corps de la femme en rouge  étirée   est courbée avec un étranglement  au niveau de la taille comme la forme biomorphique qui présente également des courbures avec un étirement  au bas de la forme . De brefs coups de peinture entourent les formes des deux peintures enfin les visages ovales en hauteur  de couleurs chair accompagnes de traits rouges de veines apparentes dans la femme en rouge et la figure ensanglantée de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE



LA FEMME EN ROUGE

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LA FIANCEE DE 1923

Le personnage central traverse le tableau de bas en haut comme LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

 Comme LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, la lumière est concentrée  sur la forme vue de très près , prend toute la longueur du tableau et une grosse partie de la surface  et semble jaillir du tableau  comme un diable de sa boîte

 également  tout autour du personnage par petites touches et dans le  fond les couleurs sont froides de marron, de vert foncé

 



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LA FEMME ETENDUE SUR L’HERBE

Ici la tourmente se déchaine, qui fait trembler souterrainement  le fond du tableau de SOUTINE. La femme qui est endormie dans l’herbe  est dans un environnement menaçant comme si les herbes allaient ramper  sur son corps abandonné au sommeil  et l’amener à disparaitre . Les pieds perdent leur forme réelle, la main est déjà confondue avec la végétation. Vulnérable elle pourrait être morte. Autour de la dormeuse un tournoiement végétal se déchaine jusqu’à entrainer le corps sous les herbes

Ce tableau est a rapprocher de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE. Positionnons le tableau horizontalement comme il a sans doute été conçu et l’analogie est remarquable . Ici l’herbe a été remplacée par une surface aqueuse tourmentée également et agressive  , Des monstres des marais et de la mer rampent sur le corps pour l’entrainer vers l’eau pour dévorerla forme biomorphique et la faire disparaitre .

La scène à aussi un rapport avec le sommeil , ici  le sommeil est remplacée par le cauchemar du peintre représente par la forme biomorphique



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LES GLAIEULS

La série des glaïeuls  est toute entière consacrée à la majesté du rouge. La couleur  des fleurs se détache  de la fleur réelle  pour apparaitre comme une modalité triomphale  de l’émanation féminine des pourpres. Pour accentuer cet effet d’apparition flamboyante SOUTINE fait surgir le bouquet sous fonds de ténèbres, les fleurs sont suspendues dans l’obscurité portés par la sorcellerie des tiges , pure puissance de diffusions colorées, épanchement irrésistible  du rouge ardent  de l’ombre de l’atelier , couleur magnétique dont la peinture s’est employé à capter l’émanation sidérante hors du vase , ne tenant que d’elle-même

 

Comme Glaieuls de SOUTINE Rouge sur fonds de ténèbres, la forme biomorphique  de «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE »comporte ce rouge incandescent  sur fond sombre ténébreux, forme en suspension dans les airs comme les glaïeuls  qui tiennent dans leur vase minuscule   ce qui peut paraître de la sorcellerie comme peut paraître sorcellerie  également le sang qui dégouline vers le haut de la tête de la forme biomorphique parfaitement contraire à la réalité.

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Dans ces glaïeuls qui devraient se dresser glorieusement et ne parviennent  qu’à de  douloureuses et grotesques torsions dont les tiges semblent aussi tortueuses que les arbres de ses paysages ressemblent à des reptiles qui tentent de s’échapper à des attaques  et les pétales qui se tordent dans un rouge qui fait penser à la couleur du sang et les fleurs à des lèvres boursoufflées . On croit voir l’image que se donnait SOUTINE  lui-même ( Clarisse NICOIDSKI)

De ce point de vue on peut mettre en parallèle LEG WOMAN IN  THE LANDSCAPE ou la forme biomorphique serait également le peintre lui-même qui essaye de s’échapper blessé et en passe d’être dévoré par des monstres  et dont le sang se propage sur la toile.

De manière récurrent chez SOUTINE   et dans ce tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE on retrouve des traces de d’agression, de monstres maléfiques et de mort





LE NAIN

Soutine dit de son nain rouge :  C’est un monstre  au visage d’homme , au corps d’homme , rapetissé, brimé dans sa nature, ses bras ballants, les mains, bien dessinées  presque crochues s’agrippant au pantalon . Le rouge carnivore a tant mangé, grignoté le corps que le buste reste courbé , ne parvient pas à se redresser. Le nain a la posture  de qui veut se ruer sur ce qui l’observe.

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Le nain c’est SOUTINE lui même qui nous hait comme il haïssait les hommes et les femmes , qui le voyaient laid, les oreilles décollées , le corps malingre.

C’est aussi un face à face entre le nain et SOUTINE,le peintre qui ose le saisir ainsi dans son humiliation. Précision  du trait du visage et des mains comme un bonheur pervers . Quel fut  l’exaltation de SOUTINE  à peindre cette forme  d’autoportrait ou il se livre à une sorte  d’émasculation sur lui-même ?

Quelle peur pouvait ‘il éprouver avec cette cruauté avec laquelle MODIGLIANI l’encourageait. Le nain c’est SOUTINE comme la Forme biomorphique de LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE c’est DE  KOONING qu’il a crée à partir d’une jambe de WOMAN1avec des handicaps  sans membres, comme le handicap  du nain et sa petite taille


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LA ROUTE FOLLLE DE CAGNES

Cette route lasse d’être à terre s’élève soudainement  et décolle vers un horizon inatteignable. Le paysage est traité avec une dominante de vert particulier qui donne une mobidité à l’ensemble du tableau.


De la même manière   Dans LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE, La forme biomorphique  en suspension dans l’air essaye de s’échapper de la surface aqueuse mais dans ce cas elle n’y arrive pas car les monstres au contraire essaye de l’entrainer vers l’eau pour la dévorer. On retrouve ce même vert morbide de la route folle de CAGNES





 Les PLATANES A CERET

 Cette ombre en bas  à droite est t’elle celle d’un habitant, d’une âme errant ou d’un coup de pinceau


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De la même manière dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCSAPE » on se demande que peut être ce visage fantomatique  qui ressemble à un un portrait gris de GIACOMETTI. Pour ma part je pense qu’il s’agit de l’esprit de DE KOONING qui se regarde être dévoré par les monstres dans son cauchemar.

La Forme noire imbriquée dans la forme biomorphique qui semble un monstre en train de  la dévorer , n’est t’elle  un démon intérieur  du peintre, l’alcool, les angoisses, les doutes  ( monstre  des marais) en train de le dévorer

 

 

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QUELQUES COMPARAISONS ENTRE TABLEAU DE KOONING ET LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

 

EXCAVATION

Dans de nombreux dessins on remarque un couplage de personnages homme femme ainsi que dans le tableau EXAVATION ;.Dans ce tableau  que l’on considère comme un tableau abstrait , des bribes  d’éléments de figuration commencent à reconstituer la forme humaine ou animale.En effet , y regardant de près on  peut imaginer une multitude de fragments de corps humain .

 

   Une forme a attiré particulièrement mon attention , il s’agit d’une forme qui ressemble étrangement à LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE mais vu de profil avec son bec penché vers le bas et sa forme allongée unijambiste

Dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE «  au dos du tableau le couplage est double, d’une part le couplage des noms ou sont interférer les noms D KOONING et KILGORE avec les dessins  d’un homme ( DE KOONING) et d’une femme ressemblant à Marylin MONROE et qui ne serait d’autre que KILGORE  sa nouvelle muse

Dans exavation on peut y voir une imagerie comparée à celle  de ses ancêtres  Neerlandais en particulier des tableaux comme le triomphe de la mort de BRUEGEL, le jardin des délices de BOSCH

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WOMAN V

Judith ZILCZER souligne les similitudes entre la position de « WOMAN V » de DE KOONING et celle de SOUTINE dans « Femme entrant dans l’eau » mais aussi  du célèbre tableau de REMBRANDT «  femme se baignant dans une rivière » . De kooning ayant très tôt étudié Ce  peintre du XVII -ème siècle. Il connaissait certainement ce lien entre  la composition de SOUTINE  et REMBRANDT.Il est à noter que SOUTINE n’a jamais travaillé à partir des tableaux de REMBRANDT q u’i admirait , préférant peindre à partie de véritables recréation de la bie comme il l’a fait également avec les bœufs écorchés  dont il a récupéré des carcasses en y jetant du sang frais pour faire plus charnel

 

Dans LEG WOMAN  qui se passe aussi dans un milieu  acqueux, il y a un effet de rides sur l’eau suite à  un mélange  qui aurait pu paraître comme un accident  mais qui est un mélange de  peintures à l’huile, d’eau et probablement  d’huile de CARTANE et essence de térébenthine dans des proportions tout à fait particulières et qui sont inappropriées dans la peinture qui est enseigné dans les écoles des beaux arts.

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WOMAN AND BICYCLE

Ce tableau de DE KOONING est très intéressant et la description que nous en fait JUAN PERRERO universitaitre  sur certains éléments du tableau peut tout à fait  se transposer au tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE

 

« deux éléments du tableau Woman and Bicycle pourraient illustrer la dichotomie traditionnelle entre la figuration et l’abstraction, entre ce qu’on appelle les « signes plastiques » et les « signes iconiques »

. Le premier élément est le dédoublement ironique de la bouche : pastiche d’une reproductibilité de l’archétype « bouche » à deux endroits du tableau — l’un plus ou moins à sa place, l’autre dans un lieu insolite. Paradoxe de la figure, ce dédoublement engendre une équivoque iconique. La bouche inférieure juxtapose (oppose) une bouche à la bouche qui nous permet d’identifier le visage en écartant l’iconicité de la ressemblance pour la guider vers un plan où sa signification se trouve transformée. ….Le dédoublement de la bouche devient le punctum d’une sexualité agressive qui semble refléter la répétition de l’acte créateur comme une perversion dès lors que l’artiste se complait dans une transgression formelle sans s’accorder la distance suffisante pour contempler l’objet-tableau en marge du processus. Le dédoublement signale ici une répétition qui décale la représentation vers la stratégie « clone » de la reproduction  « juan PERRERO »

 

Le deuxième élément, que l’on pourrait intégrer à première vue dans la catégorie des « signes plastiques », est un ensemble de taches pouvant représenter la bicyclette dont le titre fait mention. Cet « ensemble bicyclette » n’est pas dépeint comme la bouche, c’est-à-dire qu’il n’est pas à proprement parler un « signe iconique », car rien n’est ici plus éloigné d’une reconnaissance directe. Néanmoins, un graphisme circulaire situé à gauche de la figure — au niveau des « jambes » — établit la connexion mentale avec l’une des roues du vélo et permet d’imaginer le reste de la figure. Tenu par la main gauche de la femme, le guidon pourrait bien se trouver un peu plus haut, au milieu d’un gribouillis de marques. Bien sûr, tout cela n’est pas dépeint : c’est la peinture qui, en tant que peinture, fait image (possible) de bicyclette.


En prenant ce même résonnement que JUAN PERRERO ,de la dichotomie entre abstraction et figuration, signes plastiques et signes iconiques on peut le transférer au tableau « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE ». En effet,

Le premier élement est placé au centre du tableau c’est  le dédoublement fait par calque  d’une jambe qui se trouve  sur un autre tableau  WOMAN ( étape1). De la même manière que la duplication de la bouche represente le punctum  d’une sexualité agressive, le bras de WOMAN 1 est transformé en une forme biomorphique organique vivante et autonome . WOMAN I qui est un être feminin entièrement crée de l’imagination de DE KOONING  qui pour certains pourrait être un autoportrait du  peintre , il fait une duplication, une reconstitution  de son autoportrait à partir d’une jambe de WOMAN1 (étape1)

Les deuxièmes éléments, que l’on pourrait intégrer à première vue dans la catégorie des « signes plastiques », est un ensemble de taches tout autour de la forme centrale, jambe de WOMAN1( étape) ou forme biomorphique. Ces tâches ne ressemblent a rien de reconnaissable dans la réalité. Néanmoins, les unes et les autres avec leurs aspects de couleurs noires, et qui donnent le signes d’agressivité avec un genre de gueule ouverte préte à dévorer une proie et des yeux qui inspirent la terreur permettent de constituer  des monstres des marais et marins se déplaçant dans l’eau comme des poissons mais qui n’ont aucune des  formes existantes dans la réalité. Comme  dans WOMAN AND BICYCLE pour la bicyclette  cela n’est pas dépeint précisément, seule une forme circulaire fait penser à une roue de bicyclette ,  Dans LEG WOMAN IN THE LANSDSCAPE c’est la peinture en tant que peinture qui fait les images des monstres

 

 

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NORTH ATLANTIC 1977

La façon dont a été fabriqué  ce tableau  peut se rapprocher du tableau LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE et sa façon de l’appréhender

Prenons une conversation de ROSENBERG avec DE KOONING lors d’ une réunion de professeurs luniversité de KENTUCKY ROSENBERG  noud dit :

 Un jour, après une réunion avec des professeurs à l’université de Kentucky, nous étions devant un grand tableau représentant, vue de côté, une vache devant une maison. Une femme nous a demandé : dites-moi ce que vous voyez dans le tableau. Histoire de plaisanter, je me suis mis à découvrir toutes sortes d’images peintes dans la vache, de la tête à la queue. C’était devenu un tableau surréaliste. Plus on le regardait, plus on y découvrait quelque chose : ici un bosquet sur le flanc de la vache, là une rivière coulant sur son cou. Toutes ces figures apparaissaient comme si l’artiste les avait vraiment peintes.

  • Ce n’était pas le cas ? demande Willem de Kooning.
  • Non. C’était des effets accidentels qui apparaissaient lorsque vous regardiez le tableau d’une certaine façon — comme quand on observe les nuages. Un profil d’homme se détache, une cathédrale, un animal…
  • Maintenant je comprends ce que vous voulez dire. J’utilise largement cela dans mon travail

North Atlantic Light, 1977. La toile figure clairement cette ambivalence représentative de la peinture.: Les dislocations graphiques  en bribes  de peinture permet d’imaginer  des formes

Au centre, le graphisme nonchalant d’un petit bateau en 4 coups de pinceau et de son reflet. Bien sûr, ce bateau n’a pas été dépeint — du moins si l’on suit le raisonnement de Rosenberg. Mais il est là. Il pourrait être là. La peinture a produit cette possibilité. La tache est devenue forme et la forme est devenue contenu. Le contenu est une image qui glisse devant le regard … le contenu est une vision fugitive de quelque chose, une rencontre, comme un éclair

Ce que je vois dans cette tache, dans ce « rien plastique », c’est un bateau. Et, au-delà du bateau on peut imaginer  d’autres formes de  bateaux , certains retournés comme si il y avait eu une bataille navale mais on peut supposer voir aussi des monstres marins , la gueule ouverte  tout cela dans des formes  purement picturales grâce à des bribes de peinture. Serait ce les monstres qui attaquent les bateaux, dans cette mer qui paraissait pourtant si calme , une sensation lumineuse qui nous rappelle l’héritage hollandais du peintre : jaune et bleu, comme les peintures de Vermeer ou de Mondrian.

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De même  dans « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » cette forme centrale  qui ressemble à un fragment de corps , une jambe ,se retrouve transformé  en un être  organique  dans un environnement de marais ou elle se trouve piègée et dévoré par des monstres des marais et de la mer  et à partir de là on peut imaginer tout un scénario  comme  NORTH ATLANTIC avec bateaux attaqués par des monstres marins. Esct ce que le peintre lui-même avait   imaginer  ces scénarios quand il a commencé à peindre ces tableaux ?

Le spectateur  devient autant que l’artiste le créateur  du sens d’une œuvre

 

WHOSE NAME WAS WRIT 1975

Ce tableau fait référence  au poète KEAT qui avait écrit  l’épitaphe  que DE KOONING n’avait jamais oublié «  WHOSE NAME WAS WRITIN WATER «  car il capte  parfaitement le sens propre du peintre d’un monde momentané et en constante évolution comme un nom écrit dans l’eau qui disparait immédiatement

Quand il fait ce tableau, DE KOONING se voit déjà presque mort , il a 71 ans mais heureusement amoureux comme un jeune homme.

Ce tableau est imprégné de mélancolie mais aussi d’un lyrisme joyeux.Il ne comprenait pas de figures reconnaissables mais des tons chairs étincelant parmi les formes. Des coups de pinceaux luxuriants qui semblent vivre ensemble sans problèmes  libres et spontanés  sans contraintes, en mouvement dans le tableau.

Ce tableau est une réaction contre le  monde statique de l’existence.  Dans ce tableau il savoure les mouvements de  la mer  comme la mer de la conscience agitée sans cesse  par des humeurs, des désirs, des souvenirs et des sensations

On assiste dans le coté gauche du tableau à ce qui se passe  lorsque l’eau  se recule contre un quai , au flux et au reflux ( STEVENS , SWAN)


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LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE se passe aussi dans un environnement  aqueux de mer et de marais mais le lyrisme joyeux a laissé place  à des sentiments de peur et de terreur, les formes sont indéterminées mais reconnaissables pour  être des monstres qui s’attaquent à la forme biomorphique innocente dans un fond ténébreux le Rose de « WAS NAME  WAS  WRITE IN WATER «  à laissé place  a des noirs, des marrons, des verts morbides mais un changement a eu lieu avant de terminer le tableau qu’il abandonne car son état d’esprit a brusquement changé, d’un état de déprime, il passe à un état de joie, il vient de rencontrer sa muse Emilie KILGORE  , ce qui justifie après « LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE des tableaux comme « WAS NAME WAS WRITE IN WATER » de 1975 ou « FLOWERS MARY’S TABLE «  de 1971

 

CONCLUSION

 

Reprenant le titre  de l’exposition  SOUTINE/DE KOONING, «  la peinture incarnée » titre développé par  « Mme Claire BERNARDI » qui est  évoqué par Georges Didi Huberman dans un livre   dans la recherche du  geste magique pour transformer la matière picturale  en un sujet vivant et organique. DE KOONING et SOUTINE ont les gestes et les démarches  communs dans leur approche  de l’art du passé, dans les tensions entre la figure et l’informe, dans les relations entre les figures et les paysages. Dans ces optiques on peut y inclure  le tableau «  LEG WOMAN IN THE LANDSCAPE » qui s’y intègre parfaitement.

Ce tableau  inédit a toute sa place dans l’œuvre de DE KOONING , il est un maillon indispensable de  son œuvre  et s’associe parfaitement  dans la serie  des œuvres de 1971à 1972, transition entre les œuvres plutôt figuratives  des années 60  et les œuvres plutôt abstraites à partir de 1975  sans être totalement l’une ou l’autre 


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